Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

pruntent à l'époque qui les voit naltre, aux événements qui les font éclore et avec lesquels ils s'évanouissent; comme tous les autres travaux du savant professeur du Collège de France, c'est une œuvre de science, de cette bonne et vraie science que nous aimons, avec eux, et elle restera.

M. E. Laboulaye ne pouvait inaugurer plus heureusement son cours de législation comparée au Collège de France : étudier la Constitution américaine, la comparer à celle qui nous régissait alors, c'était prouver tout à la fois l'intérêt et l'utilité de l'enseignement dont il était chargé. Poursuivant les mêmes études qu'il avait commencées par la Constitution qui intéressait plus immédiatement, il expose aujourd'hui dans son cours, parmi les constitutions des anciens peuples, celle qui est la plus curieuse à connaftre et qui offre les combinaisons les plus remarquables dans l'organisation des pouvoirs, celle qui se rattache le plus intimement à nos études juridiques, la Constitution romaine, en un mot, que l'on ne connaît guère mieux en France que la Constitution américaine, quoiqu'il soit assez difficile, ce semble, de bien savoir le droit romain en l'ignorant. Ainsi, les auditeurs de M. Laboulaye ont eu sous leurs yeux les deux Constitutions les plus remarquables du nouveau monde et de l'ancien, et les comparant l'une à l'autre, ils ont pu constater les progrès accomplis dans l'esprit et dans l'organisation sociale dans l'intervalle de dix-huit siècles et sous l'influence du christianisme. Espérons que ceux qui n'ont pu l'entendre pourront bientôt lire le savant professeur du Collége de France, et faire ce rapprochement, au moyen des beaux travaux dont il enrichit la science historique.

Ce n'est pas que nous considérions la Constitution américaine comme le modèle, comme le type d'après lequel doivent être désormais faites toutes les constitutions; M. Laboulaye lui-même, quelle que soit sa prédilection pour elle, ne la regarde pas assurément comme telle, et il ne demande pas qu'on lui fasse des emprunts en toutes choses; nous ne l'apprécions pas d'ailleurs ici, nous la considérons seulement au point de vue historique. Or, sous ce rapport, elle doit se prêter mieux que toute autre à une comparaison avec la Constitution de Rome, et ça été une heureuse pensée de M. Laboulaye de les faire succéder l'une à l'autre dans ses études. L'histoire politique des Etats-Unis devra former trois volumes. C'est le premier que nous avons sous les yeux; comme de raison il renferme l'histoire de la formation de la société américaine,

[ocr errors]

c'est-à-dire l'histoire des colonies et de leurs diverses constitutions. M. Laboulaye appartient en effet, on le sait, à l'école historique, dont il est en France l'un des plus illustres représentants, el il pense que les constitutions des peuples se font avec le temps, mais, qu'à proprement parler, on ne les fait pas; que, pour les connaître et les comprendre, il ne suffit pas de les étudier à un moment donné de leur existence, mais qu'il faut aussi les étudier dans leur passé et dans les causes qui leur ont donné naissance et les ont faites telles qu'elles sont, c'est-à-dire dans la formation et le développement des peuples qu'elles doivent régir et auxquels elles sont tellement propres qu'il est fort rare qu'elles puissent être empruntées par l'un à l'autre.

« Comprenez maintenant, dit avec raison l'auteur, après avoir nellement exposé les principes de l'école historique et les avoir opposés à ceux de l'école de l'absolu ou école philosophique, qu'étudier, comparer des constitutions, c'est un travail stérile, si on n'étudie en même temps les peuples pour qui ces lois ont été faites, si l'on ne pénètre profondément dans leur caractère et leur génie. >>

C'est donc à la fois une histoire de la fondation des colonies et une histoire de la formation de leurs constitutions qu'on trouve dans ce premier volume: histoires inséparables et pleines d'intérêt, qui nous montrent dans les habitants de l'ancien monde, non point des hommes à l'état de nature, des hommes nouveaux, sans passé social, formant un pacte comme le rêvait Rousseau, mais des citoyens anglais, emportant dans un nouveau monde, sur un sol qu'ils devaient rendre à la civilisation et à la richesse, la religion et les principes politiques qu'ils avaient dans leur mère-patrie, et se réunissant et se liant entre eux par un pacte, pour les faire fructifier et vivre dans leur patrie nouvelle. Mais à côté des principes et des institutions empruntées à l'Angleterre devaient surgir aussi des circonstances au sein desquelles naissaient et se développaient les sociétés nouvelles, des principes nouveaux en matière religieuse et politique. Ainsi, à côté du principe de liberté qu'ils importaient en Amérique, les colons anglais placèrent dans leurs Constitutions le principe d'égalité, qui était entièrement à l'Angleterre, mais qui devait sortir forcément des conditions particulières dans lesquelles se trouvaient placés les colons. « Les puritains, laissant à la mère-patrie ses priviléges, dit M. Laboulaye, emportaient avec eux l'égalité politique, base première,

condition essentielle de la liberté. C'étaient des marchands, des bourgeois, de petits propriétaires. D'une part, point de misérables sans éducation, et asservis aux besoins de chaque jour; de l'autre, point de seigneurs réclamant ou des priviléges féodaux ou la supériorité que donne la naissance. » Aussi, lorsque Locke, méconnaissant l'esprit d'égalité qui animait nécessairement tous ces travailleurs cultivant le même sol, voulut imposer à la Caroline une constitution aristocratique semblable à celle de l'Angleterre, il fit une œuvre très-bien ordonnée scientifiquement, mais absolument inapplicable au peuple pour lequel elle avait été faite. Ce sont ces principes de liberté et d'égalité qui se trouvent dans toutes les constitutions des colonies, avec les institutions qui leur sont communes à toutes, que M. Laboulaye étudie dans le premier volume.

On remarquera sans doute, par rapport à ces principes, comme une élrange anomalie dans l'histoire de la Nouvelle-Angleterre, chez les purilains, l'absence de la liberté et de l'égalité religieuses, alors qu'étaient proclamées la liberté et l'égalité politiques; et l'on remarquera, au contraire, dans la province catholique du Maryland, la liberté de religion proclamée avec la liberté politique. Preuve évidente que le catholicisme n'est hostile ni à la démocratie ni à la liberté, et qu'il peut, aussi bien que le protestantisme, s'associer à cette forme de gouvernement, ce que reconnaît, au surplus, M. Laboulaye.

Nous ne pouvons analyser ici d'une manière suivie le premier volume du savant professeur; il faut le lire, et on le lit avec plaisir. Des réflexions pleines d'élévation, des rapprochements curieux et intéressants animent constamment son exposition. Les opinions politiques que l'auteur y exprime, à propos de la Constitution des Etats-Unis et dans les rapports de cette Constitution avec celle de la France, ne sont pas du domaine de cette Revue, elles ne sauraient y être ni exposées, ni discutées; mais nous signalerons à nos lecteurs les deux dernières leçons du premier volume, la dixhuitième et la dix-neuvième, relatives à l'organisation civile des colonies, où se montre l'éminent jurisconsulte-historien. Dans l'explication de l'origine des principes et des institutions qui servent de fondement à la Constitution américaine, il ne se contente pas d'indiquer les emprunts faits à l'Angleterre, il remonte à l'origine même des principes et des institutions dans la société anglaise ; c'est là une étude du plus haut intérêt, même au point de vue purement historique.

Le second volume de l'Histoire politique des Etats-Unis contiendra l'Histoire de la Révolution américaine, 1761-1787; le troisième l'Histoire de la Constitution, 1787-1789. Nous ne doutons pas que M. Laboulaye ne termine bientôt la publication de son ouvrage ; il nous permettra de lui en exprimer ici l'espoir au nom des amis de la science. C. GINOULHIAC.

TEXTES SUR LA DOT, traduits et commentés par C. A. PELLAT, professeur de droit romain, doyen de la Faculté de droit de Paris. 2e édition, revue et corrigée. Paris, Videcoq fils ainé. 1853. Prix, 7 fr.

Depuis les travaux de l'école de Bologne jusqu'à ceux de Glück et de Pothier, les différentes écoles qui ont contribué à répandre la connaissance du droit romain ont envisagé ce droit en cherchant surtout à en embrasser l'ensemble. C'est qu'en effet, avant de discuter sur des textes, de combiner des règles, il fallait pouvoir lire ces textes et connaître ces règles. Un mouvement différent s'est produit de nos jours. L'école moderne a trouvé l'édifice construit, il lui restait seulement à l'embellir; aussi son travail a-t-il été un travail de perfectionnement bien plus qu'un travail de construction. De là ces monographies où l'on rencontre, discutés, épurés, corrigés, toutes les opinions, tous les systèmes, tous les textes relatifs à une seule matière; où l'on sent la science vivre et progresser de jour en jour, conquérant quelque vérité jusqu'alors inconnue, ou se débarrassant de quelque vieille erreur invétérée. Puis, de temps à autre, quelques ouvriers viennent moissonner cette récolte et consigner, dans des ouvrages élémentaires, les nouvelles conquêtes à côté des anciennes.

Les écrits de M. Pellat sur la propriété et ses démembrements, et sur la dot, ont montré toute l'utilité que l'on pouvait retirer de pareilles études.

Le traité sur la dot, arrivé à la deuxième édition, contient l'explication de l'une des matières du droit romain qui se rattachent le plus intimement au droit français. La détermination de ce qui est dotal, les effets de l'estimation et de l'éviction subie par le mari, la responsabilité de celui-ci en ce qui concerne les objets dolaux, et d'autres points encore dans lesquels notre législation a été formée des traditions romaines, allireront l'attention de tous ceux qui étudient sérieusement le droit français.

Cependant, l'auteur s'est placé à un point de vue exclusivement romain. Il fait admirablement connaître le droit des grands ju

risconsultes de Rome, mais il n'indique pas dans quel état les principes qu'il expose, modifiés par la suite des temps, ont pénétré dans nos lois modernes. Nous ne signalons pas ceci comme une lacune; l'auteur répondrait avec raison qu'une pareille recherche était en dehors de son plan; et certes, celui qui voudrait lui en faire un reproche encourrait le même ridicule que cet obscur critique reprochant au grand satirique du dix-septième siècle de n'avoir pas composé de tragédies. Toutefois, il me semble qu'il n'aurait pas été sans quelque utilité, sinon pour les lecteurs déjà exercés, du moins pour les étudiants à l'élite desquels ce livre est aussi destiné, d'indiquer un peu plus fréquemment, au moins par de simples notes de quelques lignes, les points les plus notables dans lesquels notre droit a soit abandonné, soit confirmé le droit romain.

Le lecteur trouvera aussi dans cet ouvrage beaucoup de renseignements sur des points dans lesquels le droit romain n'a plus d'intérêt pratique actuel. Ainsi, à la page 27, sur le taux de l'intérêt fixé par la loi decemvirale ; à la page 80, sur la condictio ex pœnitentiâ ; à la page 147, sur le bénéfice de compétence, et sur une foule d'autres encore qu'il serait trop long d'énumérer. Nous félicitons M. Pellat de n'avoir pas reculé devant cette partie de son sujet.

Beaucoup de bons esprits pensent, et avec raison, suivant nous, que, dans l'enseignement de nos écoles, il doit être fait deux parts du droit romain : l'une comprenant toutes les parties qui par ellesmêmes n'ont plus qu'un intérêt historique, et que l'on doit étudier seulement comme moyen de parvenir à la connaissance de l'ensemble, c'est-à-dire aussi sommairement que le permet la nécessité d'être clair; l'autre embrassant la partie du droit romain qui revit dans les législations modernes, et dont l'étude doit être aussi approfondie que possible. Mais ces idées ne sont rigoureusement vraies qu'autant qu'on les applique au professeur qui enseigne et qui doit former des jurisconsultes plutôt que des antiquaires; elles ne s'appliquent pas avec autant de vérité à l'écrivain. Celui-ci, s'adressant à un public beaucoup plus varié, ne doit pas négliger les points dont l'étude sert à l'éclaircissement de l'histoire, et, sous ce rapport, son domaine est beaucoup plus étendu que celui du professeur. Tout ce qu'on peut lui demander, c'est de ne pas précipiter le lecteur dans ces antiquités obscures qui n'offrent que des ténèbres et un médiocre intérêt d'ailleurs. Or, sous ce rapport, l'œuvre de M. Pellat est irréprochable.

Aussi, la partie critique de notre tâche sera-t-elle fort courte.

« VorigeDoorgaan »