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ces ruines, la loi de nivôse an II, tristement célèbre à plus d'un titre, élève un système qui pousse à l'excès le morcellement des patrimoines, et soumet dans la famille l'autorité du chef à celle du législateur.

La lumière se fait avec le Code Napoléon, incomplète cependant en plus d'un point, s'il faut en croire M. de Salvandy, trop souvent voilée par les souvenirs de la révolution. Le divorce voisin du mariage, l'émancipation imposée comme limite à la puissance paternelle, les successions pliées au joug, souvent inique, d'une égalité arbitraire, l'attestent suffisamment à ses yeux. Par une corrélation nécessaire, les gains de survie légaux ne viennent plus contre-balancer au profit de la femme les dangers possibles de sa toute-puissance maritale, et le Code laisse aux conventions le soin d'assurer à l'épouse une protection qu'il devrait lui donner.

On peut juger, par cet exposé rapide des idées générales qui dominent la thèse de M. Salvandy, de l'élévation du point de vue qui en a dirigé la conception: c'est un vaste coup d'œil jeté sur une partie importante du droit français depuis ses origines dans le passé jusqu'à ses résultats dans l'avenir, coup d'œil généralement juste, toujours hardi, quelquefois téméraire, qui ne fait pas moins d'honneur à l'historien qu'au jurisconsulte, au penseur qu'à l'écrivain. Le soin des détails ne perd rien dans cet ouvrage aux larges proportions de l'ensemble, et les grandes controverses qu'a soulevées le sujet y sont toutes examinées d'une manière complète et parfois détaillée. Ainsi le caractère de la donatio propter nuptias dans le Code et les Novelles, son origine dans le droit celtique ou les coutumes germaniques, les difficultés que fait naître en certains cas l'application de l'oratio d'Antonin Caracalla aux donations entre époux pendant le mariage, l'hypobolon du Bas-Empire considéré comme source de l'augment, la nature primitive du morgengab, l'ordonnance de 1214 extensive du douaire aux fiefs, arrêtent successivement son attention. Le plus souvent il suit les maîtres de la science dont les travaux lui ont inspiré la pensée de son œuvre, mais parfois aussi il n'hésite point à se séparer d'eux, et ses dissidences sont toujours appuyées de raisons qui mettent en relief une fois de plus la sûreté de ses vues et l'étendue de son érudition.

La lecture du livre de M. de Salvandy ne laisse qu'un regret, qu'il ait été écrit en vue d'une épreuve d'école. Plus approfondi, le sujet lui eût sans doute révélé des aperçus nouveaux; moins

hâtée, l'exécution lui eût permis d'éviter quelques lacunes et de supprimer quelques hors-d'œuvre. Quoi qu'il en soit, l'ouvrage de M. de Salvandy est digne, à tous égards, de fixer l'attention, et l'auteur ne pouvait entrer sous de meilleurs auspices dans cette carrière de la science où l'appellent de nobles exemples et de glorieux souvenirs.

H. AUBEPIN,

Docteur en droit, substitut à Nevers.

EXPOSÉ DES RÈGLES DE DROIT CIVIL résultant de la loi du 23 mars 1855, sur la transcription en matière hypothécaire, par M. GUSTAVE BREssolles, professeur à la Faculté de droit, membre de l'Académie de législation de Toulouse (2e édition). Toulouse, imprimerie Bonnal et Gibrac, rue SaintRome, 46, 1856, in-8. Prix, 1 fr, 50.

Nous nous bornerons aujourd'hui à signaler à l'attention de nos lecteurs ce travail, l'un des premiers qui aient paru sur la loi nouvelle du 23 mars 1855; ce n'est ni un commentaire ni un traité sur cette loi, comme l'auteur le déclare lui-même. « Nous avons toujours pensé, dit-il avec une haute raison, qu'il peut y avoir danger scientifique et pratique à produire, trop récemment après une loi nouvelle, des commentaires ou traités de longue haleine sur elle; l'interprétation d'une loi se fait beaucoup par son application, et la droiture des magistrats chargés de surveiller l'action des officiers civils qui relèvent d'eux est d'un puissant secours pour parer aux imprévus du législateur. La doctrine doit attendre, ce semble, et son rôle nous paraît devoir se borner à un exposé simple, quoique complet, mais aussi sans débats, des règles et de l'esprit de la loi nouvelle; elle pourra donner son avis sur 'les principales conséquences non formulées par la loi, et qui ressortent naturellement de son texte et de ses motifs; mais, hors de lå, elle doit être sobre et ne pas rechercher les difficultés avec trop de sollicitude: car la chicane n'attend que des armes, et elle en trouve vite dans des opinions enfantées dans le cabinet, et que, sans lui, l'audience n'eût jamais entendu, se produire. » Ces réflexions pleines de sagesse, dont l'auteur a fait précéder son explication de la loi du 23 mars, nous ont paru devoir être reproduites, parce qu'elles caractérisent l'œuvre et peuvent en donner l'idée la plus exacte.

Ce que l'auteur s'est attaché à mettre en lumière, ce sont les conséquences de la loi nouvelle relativement à notre droit civil

et les nouvelles règles qu'elle a introduites dans ce droit. Pour cela, M. Bressolles constate avec soin l'état des choses existant avant la loi et celui qui résulte de ses dispositions. Aucune de ces dispositions elles-mêmes n'a été négligée, toutes ont été expliquées avec soin; l'auteur ne s'est pas toutefois borné à une explication servile des textes, il les a étudiés et appréciés avec une saine critique, signalant en même temps que les innovations et leur portée les lacunes de la loi nouvelle. Dans la nouvelle édition, pour que rien ne manquât à son œuvre au point de vue de la pratique pas plus qu'à celui de la théorie, l'auteur a joint à son travail primitif la solution des principales questions transitoires que fait naître la loi du 23 mars et le tarif des droits à payer. Aussi croyons-nous pouvoir la recommander d'une manière spéciale à nos lecteurs, comme digne, sous tous les rapports, de recevoir bon accueil de la part de tous ceux qui auront à étudier les dispositions de la loi nouvelle.

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Nous aurons plus tard l'occasion de revenir sur ce travail et sur son auteur, et de parler d'un autre ouvrage de M. Bressolles, lequel, destiné à ses élèves, n'est guère connu hors de l'école de Toulouse, quoiqu'il mérite assurément de l'être : nous voulons parler du Programme du Cours de droit civil, publié en 1853. Conçu d'une manière toute particulière, et qui s'écarte en plusieurs points de ce qu'on appelle généralement de ce nom, il nous paraît, malgré son objet forcément restreint, ne devoir pas être négligé dans une revue destinée à signaler toutes les publications qui, sous un rapport ou sous un autre, sous le rapport de la théorie, de la pratique ou de l'enseignement, ont pour objet la science du droit et peuvent contribuer à ses progrès. C. GINOULHIAC.

TRAITÉ DES PRISES MARITIMES, dans lequel on a refondu en partie le traité de Valin, en l'appropriant à la législation nouvelle, par MM. A. DE PISTOYE, ancien avocat à la Cour impériale de Paris, chevalier de la Légion d'honneur, et CH. DUVERDY, avocat à la Cour impériale de Paris, docteur en droit.-Auguste Durand, libraire, rue des Grès, 7, 1855, Deux volumes in-8. Prix, 15 fr.

L'ouvrage dont nous venons de donner le titre n'est pas un de ces livres improvisés en vue des circonstances et qui portent nécessairement l'empreinte des préoccupations sous l'empire desquelles ils ont été rédigés, et surtout les traces de la précipitation qu'on rencontre si souvent dans les publications d'aujourd'hui. Quoi

qu'il ait paru avec une incontestable opportunité et qu'il ait été livré au public peu après le moment où le nouveau Conseil des prises entrait en fonctions, le Traité des Prises a réellement une origine beaucoup plus ancienne. C'est en 1823, lors de la guerre d'Espagne, que M. Macarel en recueillit les premiers matériaux, puisés dans les archives du Conseil des prises de l'Empire. Détourné bientôt de ce travail, M. Macarel remit, par la suite, les documents qu'il avait rassemblés à l'un des deux auteurs du livre actuel. Dans l'hypothèse d'une guerre maritime éclatant de son vivant, il s'associait d'avance M. de Pistoye comme collaborateur pour la composition de l'ouvrage qu'il préparait, et si cette guerre survenait après sa mort, il le chargeait de l'accomplissement de cette tâche. M. Macarel est mort en 1851, laissant dans la science un vide qui sera de plus en plus senti, car il n'a laissé qu'à de rares disciples les habitudes méthodiques de son esprit et les traditions d'exactitude scrupuleuse qui donnaient une si sérieuse valeur à son travail. La guerre d'Orient prêtait une importance relativement considérable aux éléments du livre qu'il méditait. Ce livre avait une base, il s'agissait de coordonner, de compléter les matériaux primitifs, nécessairement incomplets, et de les approprier aux circonstances présentes. Telle a été l'œuvre de MM. de Pistoye et Duverdy.

L'ouvrage se divise en dix parties ou titres, dont voici l'énumération :

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-

Du droit de prise. Des lieux où peut s'exercer la prise. Temps dans lequel s'exerce le droit de qui peuvent exercer le droit de prise.

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prise. Des personnes Devoirs des croiseurs.

Des navires recous sur l'en

nemi ou abandonnés par lui. - Du jugement des prises. Vente, liquidation et partage des prises. Des prises étrangères amenées dans les ports de l'Empire lorsque la France est neutre. Enfin, trois annexes reproduisent : Les actes émanés des puissances belligérantes dans la guerre actuelle. émanés des puissances neutres dans la guerre actuelle. décisions rendues par le nouveau Conseil des prises depuis son origine (18 juillet 1854) jusqu'au mois de décembre 1854.

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Les acles

Et les

Revenons brièvement sur chacun de ces points, et d'abord qu'il nous soit permis de féliciter les auteurs de la manière dont ils envisagent le droit de prise lui-même. Ils le font dériver du droit de guerre ou du droit de confiscation, mais ils repoussent énergi

quement cette théorie qui le considère comme un moyen d'acquérir la propriété. Selon eux, c'est un moyen de guerre, conséquence nécessaire d'un mal inévitable et profondément humiliant pour la raison humaine, puisque les passions des hommes et parfois d'un seul homme l'ont toujours emporté sur l'intérêt le plus évident de tous. La discussion sur ce point n'est pas d'un intérêt purement théorique, elle ne passionne plus seulement les savants, et d'ailleurs, la vérité à cet égard est tellement moderne qu'on ne saurait trop la répéter. Oui, la propriété n'est pas le résultat de conventions hypothétiques sanctionnées par des lois plus ou moins variables. La propriété, comme a dit M. Rossi, c'est l'incorporation de l'activité humaine aux choses, admirable définition qui défie la controverse, détruit tous les sophismes et asseoit sur une base immuable ce grand principe, l'instrument par excellence de la perfectibilité de l'homme.

Telle est aussi l'opinion de MM. de Pistoye et Duverdy, qui s'expriment ainsi : « Permis à ceux qui vivaient au milieu « de la féodalité et qui la servaient de faire découler la pro<< priété du droit de conquête; mais pour nous, gens de travail et « d'économie, nous donnons à la propriété une origine à la fois << plus relevée et plus modeste. A nos yeux, elle tient à la nature << mème de l'homme, elle est le fruit du travail et de l'ordre qui « sont les devoirs primordiaux sans lesquels la famille ne peut << s'élever et se perpétuer. » C'est bien la doctrine de M. Rossi. MM. de Pistoye et Duverdy nous fournissent quelques exemples de l'opinion qui prévalait jusqu'au dix-neuvième siècle sur les origines de la propriété. Aux citations extraites de Grotius, de Puffendorf, de Campanella et de Vattel, on pourrait en ajouter d'autres el notamment l'opinion de Rollin (1).

Toutefois, quelque bien établi que soit aujourd'hui le droit de propriété, il ne va pas jusqu'à proscrire du droit des gens la faculté légale de capturer en temps de guerre les navires marchands d'une nation ennemie. Cette faculté, ou, comme on l'appelle, ce droit, combattu par Mably, allaqué violemment dans l'ancienne Assemblée législative, a néanmoins survécu. C'est que, malgré les entraînements généreux de cette époque, on fit prévaloir ce principe de bon sens qu'en guerre il ne faut pas, par son fait, combattre å

(1) Voy. Traité des Études, édition de 1820. p. 336 et suiv.

Paris, Théod. Dabo, t. III,

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