Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

devient impossible dès ce moment que vingt volumes, annoncés d'abord, suffisent à une telle œuvre; mais ne serait-il donc pas possible au moins, dans l'intérêt de l'ouvrage lui-même, de ne pas atteindre le nombre que les treize tomes déjà publiés peuvent faire pressentir? Il est vrai que l'on trouve quelquefois dans ceux-ci des questions qui appartiennent à d'autres, et qui ont augmenté les premiers volumes en abrégeant les derniers. Telle est, par exemple, pour notre tome XIII, la question des droits de la communauté conjugale sur le trésor trouvé dans le fonds propre de l'un des époux, par ce dernier ou par un tiers. Mais, outre que la méthode de classification peut en ceci subir quelques échecs, ces déplacements partiels ne suffisent pas pour expliquer l'étendue de ces traités; le magistrat, l'avocat, tout lecteur en général, aimeraient à découvrir eux-mêmes les conséquences ultérieures des lumineux principes posés par l'auteur, et M. Demolombe ne leur laisse aucun travail à faire. Beau défaut, assurément, et qui est bien rarement encouru; nous le relevons, parce qu'il faut bien toujours faire la part de l'imperfection humaine; mais ceci n'est, on le voit, qu'une affaire de forme : le laborieux et savant écrivain ne doit point pour cela douter que ses livres nous attachent autant qu'ils nous instruisent. GUSTAVE BRESSOLLES,

Professeur à la Faculté de droit de Toulouse.

Le Droit civil français, par K.-S. Zachariæ, traduit de l'allemand sur la cinquième édition, annoté et rétabli suivant l'ordre du Code Napoléon, par MM. J. MASSÉ, président du tribunal de Reims, et Ch. VERGÉ, avocat, docteur en droit. - Paris, A. Durand, libraire-éditeur, rue des Grès, 7. 5 vol. in-8. Les trois premiers volumes sont en vente. Les quatrième et cinquième paraîtront sous peu.

Nous avons déjà eu l'occasion de dire notre pensée dans cette Revue sur la traduction que MM. Massé et Vergé publient du Droit civil français de M. Zachariæ. Nous ne doutions pas, alors que le premier volume de cette publication avait seul paru, que le public ne fît un accueil favorable à cet ouvrage qui doit former un des commentaires les plus complets du Code Napoléon, et ne récompensat ainsi ces honorables jurisconsultes de ce que leur travail a pu avoir de pénible dans quelques-unes de ses parties.

Aujourd'hui que les trois premiers volumes sont imprimés, il est permis d'apprécier avec plus d'exactitude le mérite et la portée de cet ouvrage, et de fixer le rang qui lui appartient parm les commentaires du Code Napoléon qui se sont produits.

MM. Massé et Vergé, on le sait, ont plié la méthode de l'auteur allemand au plan suivi par le législateur français. La marche de Zachariæ est peut-être plus scientifique, plus rationnelle que l'ordre du Code: s'il s'agissait de refondre le droit privé, cette marche serait peut-être préférable, mais l'objet d'un traité étant avant tout de faire bien connaître la législation positive, les lecteurs sauront gré à MM. Massé et Vergé d'avoir rétabli dans leur traduction l'ordre du Code Napoléon. Le plan adopté par Zachariæ avait l'inconvénient de contrarier nos habitudes juridiques, de rendre les recherches plus difficiles et plus longues. L'idée des traducteurs est donc heureuse, et ne peut que rendre plus utile un ouvrage auquel des qualités sérieuses ont fait acquérir chez nous une juste autorité. Le changement dont nous parlons est d'autant plus heureux qu'il ne modifie en rien le fond même des idées et qu'il ne porte aucune atteinte à l'originalité et au caractère propre de l'ouvrage allemand, dont les larges théories se retrouvent tout entières et nullement altérées dans la traduction française. Le plan général des matières est abandonné et rétabli suivant les idées qui nous sont familières; mais chacun de ces nombreux traités qui composent le Code est analysé et étudié d'après la pensée de l'auteur. On peut dire qu'il y a transaction entre le plan du Code Napoléon et celui du Zachariæ. L'édition de MM. Massé et Vergé ne présente pas, en effet, un commentaire proprement dit de chaque article du Code. La méthode exégétique est alliée à l'enseignement doctrinal. Chaque titre du Code est remis à sa place, puis divisé en autant de théories que le sujet l'exige. Il y a interversion dans l'ordre des chapitres; mais cette interversion, qui n'est nullement exagérée, offre ce grand avantage de généraliser les idées, de faire embrasser un sujet dans son ensemble, d'en réunir et d'en rapprocher les divers éléments disséminés dans notre législation, et souvent aussi dans les commentaires qui l'ont suivie pas à pas. Le lecteur trouve ainsi complétement élucidé le sujet qu'il veut approfondir, et n'a pas à craindre qu'une disposition exceptionnelle de la loi lui échappe. Ainsi exposé, le droit offre à l'esprit un in

·

térêt véritable et retrouve la place qui lui appartient au milieu des sciences morales. Ajoutons qu'une table placée en tête de chaque titre fait connaître en un instant la division suivie par l'auteur, de telle sorte que les recherches ne présentent aucune difficulté.

Ainsi, s'agit-il du titre des Contrats et obligations, l'auteur distingue les obligations qui font l'objet de la première partie et les contrats qu'il examine dans la seconde, séparant ainsi deux choses complétement distinctes et qui ne devaient pas être confondues. Il fait connaître alors les différentes espèces d'obligations. Puis, étudiant leurs conséquences juridiques, il établit le droit principal du créancier, qu'il définit d'une manière fort exacte en ces termes : « Le droit de contraindre le débiteur par les voies légales à l'accomplissement de son obligation. » Il expose alors ces moyens de coercition, destinés à protéger le droit du créancier, c'est-à-dire les actions, auxquelles il ajoute les moyens de défense et les exceptions.

Puis viennent les droits accessoires et les droits subsidiaires du créancier. Sous le titre de droits accessoires, se trouve complétement exposée la théorie des dommages-intérêts, de la mise en demeure, de la prestation des fautes, du cas fortuit et de la force majeure, de la garantie et de la clause pénale.

Quant aux droits subsidiaires du créancier, ce sont les actes conservatoires, la faculté d'exercer les droits et actions du débiteur (art. 1166) et l'action Paulienne ou révocatoire (art. 1167).

Un chapitre est consacré à la conservation et à la confirmation des obligations, c'est-à-dire aux actes récognitifs et confirmatifs, matière délicate qui méritait en effet d'être mise en relief. Enfin cette première partie se termine par la théorie des preuves.

L'auteur arrive ainsi à la seconde partie consacrée à l'examen des contrats.

On nous pardonnera cet aperçu rapide du plan et de la marche de cet ouvrage; mais il nous a paru nécessaire de faire connaître de quelle manière MM. Vergé et Massé comprennent le droit et comment ils sont parvenus à plier la méthode de Zachariæ à celle du Code Napoléon, tout en respectant l'originalité de l'ouvrage allemand.

Mais c'est surtout par l'exécution en elle-même que ce traité

se recommande à l'attention des jurisconsultes. Cet ouvrage est en même temps théorique et pratique, ou plutôt il renferme deux traités, l'un consacré à l'exposition des principes, l'autre exposant les opinions diverses des auteurs et les décisions de la jurisprudence.

Le premier de ces traités, œuvre de Zachariæ, enseigne les grandes règles du droit d'une manière large et sûre et avec une concision remarquable; l'esprit trouve ainsi une base solide pour établir une discussion, pour examiner une difficulté, et il ne court pas risque de s'égarer dans des théories hasardées et contraires à la loi. Zachariæ ne fait pas de controverse; il ne s'attaque pas à telle ou telle opinion émise avant lui; il professe avec conviction les doctrines qui lui semblent conformes à la loi, et il fait reconnaître que ses idées sont exactes, ses déductions logiques, et que le lecteur peut s'attacher à lui sans crainte de rencontrer de fausses doctrines.

Telle est la part qui revient à Zachariæ dans le travail dont MM. Massé et Vergé ont entrepris la publication.

Mais, à côté de cet ouvrage, il en existe un second, entièrement dû aux deux auteurs français, et dont le mérite et l'utilité seront peut-être plus appréciés encore par les jurisconsultes : ce sont les annotations qui ont été jointes au travail de Zachariæ par MM. Vergé et Massé, annotations nombreuses, complètes, plus étendues de beaucoup que le texte qu'elles commentent, et faites dans un but exclusivement pratique. Elles forment le complé ment nécessaire du traité du Droit civil français, en le mettant en harmonie avec les décisions de la jurisprudence, et les opinions de la doctrine. On peut dire qu'il n'est pas une des nombreuses questions soulevées par la pratique qui ne soit examinée avec soin dans ces notes.

L'espace nous manque pour en donner une idée exacte. Nous ne voulons citer qu'une seule de ces notes, celle qui développe cette idée que les créanciers ne peuvent user de l'action Paulienne qu'autant que les autres biens du débiteur ne suffisent point pour payer les dettes. Laissons parler MM. Massé et Vergé :

« Les créanciers doivent, en d'autres termes, établir que l'acte « est préjudiciable à leurs droits. L'article 2023 ne s'applique point à ce cas, Toullier, 6, nos 344 et s.; Duranton, 3, no 394; Cass., 22 mars 1809; 22 juillet 1835, S. V., 36, 1, 346.

« Il faut, par conséquent, que l'acte attaqué ait produit ou << augmenté l'insolvabilité du débiteur. Il faut de plus que cette << insolvabilité soit immédiate, en ce sens que l'insolvabilité sur« venue plus tard ne permettrait pas d'attaquer des actes anté<< rieurs qui ne l'auraient pas immédiatement produite, et lors « desquels le débiteur était solvable. Il suit de là que les créan<«< ciers d'un héritier à réserve ne peuvent attaquer de leur chef, << comme fait en fraude de leurs droits, l'acte de partage fait avec « leur débiteur, lorsqu'au moment de ce partage leur débiteur « avait des biens suffisants pour assurer le payement de ses det« tes, de sorte que ce partage ne causait aucun préjudice à ses « créanciers, Cass., 8 mars 1854, S. V., 54, 1, 684. - Ce sont « d'ailleurs les tribunaux qui sont juges du point de savoir si l'in« solvabilité existe, et il n'est pas nécessaire qu'elle soit absolue. <<< Ainsi un créancier est recevable à attaquer une vente consentie << par son débiteur, comme faite en fraude de ses droits, quoique «< ce débiteur possède encore des biens suffisants pour garantir le payement de la créance, si, du concours des circonstances, il « résulte que l'effet de cette vente a été de rendre l'exercice des << droits du créancier sinon impossible, au moins très-difficile; << par exemple, si les biens qui restent au débiteur sont situés en << pays étranger, Cass., 22 juillet 1835, S. V.,36, 1, 346.- De ce « que l'insolvabilité absolue ou relative du débiteur est la con«dition de l'exercice du droit du créancier, il résulte que celui << contre lequel cette action est dirigée est recevable, pour l'ar« rêter, à demander la discussion du débiteur; et même il semble << que comme c'est au créancier qui agit à prouver l'insolvabilité « du débiteur, le tiers qui demande la discussion n'est pas obligé « d'avancer les deniers nécessaires pour y procéder, art. 2023. << -Il faut d'ailleurs remarquer que les tribunaux peuvent pro<< noncer la résolution des actes faits en fraude des créanciers, << sans être tenus d'ordonner la discussion préalable des biens du « débiteur, lorsque cette discussion n'a pas été demandée, Toul« lier, 6, no 347. »

Nous en avons dit assez pour donner une idée du mérite de l'ouvrage de MM. Massé et Vergé, et nous ne craignons pas d'affirmer que cette publication est un véritable service rendu à la science du droit.

J.-R. JOSSEAU,

Avocat à la Cour impériale de Paris.

« VorigeDoorgaan »