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Histoire des biens communaux en France, par M. A. RIVIÈRE, avocat au barreau de Tours. Paris, 1856. Durand, éditeur. In-8o. Prix, 5 fr.

Parmi les questions intéressantes qui surgissent chaque jour devant les tribunaux, il n'en est pas qui se présentent plus fréquemment à l'examen des magistrats que celles concernant les biens communaux. En peut-il être autrement quand on voit les meilleurs esprits divisés en deux camps sur l'origine de ces biens communaux? Le législateur lui-même a hésité. Un jour il n'a reconnu aux communes qu'un simple droit d'usage, originairement concédé sur ces biens par la bienveillance du seigneur qui en était le souverain et légitime propriétaire de temps immémorial. Mais la Révolution est venue; le législateur, changeant de langage et de manière de voir, a revendiqué pour les communes un droit de propriété antérieure et n'a vu dans les seigneurs que des usurpateurs, abusant de leur juridiction pour s'emparer de ce qui ne leur avait jamais appartenu. Les lois de 1792 et de 1793 ouvrirent aux communes la voie des restitutions. En souvenir des institutions juives qui, à chaque période de cinquante années, remettaient toutes les terres en commun pour les partager à nouveau, Napoléon caractérisa la législation domaniale de 1792 du nom de jubilé de la Révolution. Aujourd'hui que l'Etat représente ces anciens seigneurs, une rude guerre est déclarée aux communes relativement à la jouissance de leurs biens communaux. Cette levée de boucliers a donné l'occasion aux légistes de traiter à fond la question des origines, mais en vain; ils n'ont jamais pu s'accorder et épuiser la controverse.

Parmi les Cours appelées à se prononcer sur ce point, quelquesunes évitèrent de prendre un parti1; d'autres, plus ingénieuses, eurent l'idée de remonter à la source des documents historiques et de consulter sur cette difficulté l'Académie des inscriptions et belles-lettres 2. Non content de fournir sa réponse, le corps savant crut que cette question d'histoire du droit français était d'importance à réclamer un examen plus complet. L'Académie proposa en 1855, comme sujet de concours, l'Histoire des biens communaux en France depuis leur origine jusqu'à la fin du trei

1 Jurisprudence de la Cour impériale de Metz, t. IX, arrêt du 8 mars 1842.

Cours de Paris et d'Orléans.

TOME IV.

zième siècle. Ce programme suscita de nombreux travaux, en tête desquels fut distingué celui de M. A. Rivière, membre du barreau de Tours. C'est cette belle étude, appelée à jeter un nouveau jour sur nos origines nationales et sur des points obscurs de notre droit communal, que vient de faire paraître la librairie juridique de M. Durand. Après un suffrage aussi précieux que celui de l'Académie, nous serions mal venu de décerner des éloges à ce travail, où se révèlent à la fois l'érudit et l'homme de loi. Nous nous contenterons de l'analyser, cette esquisse suffisant pour faire ressortir l'utilité et le mérite de ce livre.

M. Rivière constate d'abord que la domination romaine eut pour effet de créer dans les Gaules une centaine de villes qui furent dotées du bienfait des institutions municipales. Ces cités eurent une curie ou ordo decurionum, à la tête de laquelle furent placés des principales (des augustales, fonctionnaires omis par M. Rivière), des duumvirs, des sexvirs, ete. L'influence de cette aristocratie locale fut pour un temps combattue par une institution populaire, réminiscence des tribuns de l'ancienne république romaine, les défenseurs des cités. Ceux-ci, devenus toutpuissants, eurent à lutter à leur tour contre le pouvoir épiscopal, qui ne tarda pas à absorber toute la magistrature municipale et à avoir sous sa surveillance les habitants et les biens de chaque cité.

M. Rivière laisse de côté les situations qui étaient faites par les lois romaines aux membres d'une municipalité pour ne s'occu per que des biens que cette collection d'individus possédait en commun. Non-seulement chaque cité avait des propriétés communes et indivises, mais le gouvernement impérial leur en attribuait, même malgré elles, dans un but essentiellement fiscal. Le droit romain ne connaissait que l'impôt foncier comme revenu d'une assiette facile. Du jour qu'Auguste eut fait procéder par ses agrimensores au relevé de toutes les terres de l'empire, le fisc ne songea plus qu'à une chose, augmenter de plus en plus l'impôt territorial. Comme il ne pouvait s'adresser à chaque possesseur en particulier, et comme chaque cité était environnée d'une zone de terres, de prés et de bois abandonnés à la jouissance commune de ses habitants, il parut plus simple de s'adresser à chaque cité pour en exiger l'impôt de tout son territoire. Et pour être sûr du payement on s'adressa aux membres de la curie, que

l'on rendit solidairement responsables, sauf à ceux-ci à répartir le tribut entre leurs concitoyens. Il en résulta que l'intérêt poussa les empereurs à adjuger aux cités toutes les terres laissées vacantes par les contribuables à bout de ressources. Les municipalités se virent en peu de temps à la tête d'une grande étendue de terres. Il fallut songer à en tirer un produit, et ces terres furent les unes données à bail simple, d'autres en vectigal, c'est-à-dire in perpetuum, en usufruit éternel, tant qu'on payait une somme déterminée. Ces conventions ne tardèrent pas à faire place au contrat emphytéotique et au contrat de superficie. Ces différentes espèces d'obligations durent faire sentir la nécessité de passer des actes des mutations, des échanges, des donations. On créa des archives au centre de chaque municipalité. Ce sont ces gesta municipalia respectés par les invasions, qui permettent aujourd'hui aux érudits de soutenir que les institutions municipales ont survécu en France à la chute de l'empire romain. On y retrouve les décurions, les défenseurs, sous les nouveaux noms de boni homines, de rachimbourgs, d'échevins. Mais cette persistance de l'ancien ordre de choses est-elle allée jusqu'à conserver aux municipes la propriété et la jouissance de leurs biens communaux? Question neuve, à laquelle M. Rivière fournit une réponse affirmative puisée dans les anciens diplômes de toutes les provinces, et qui se corrobore de ce fait que des églises, des pauvres, sont mis pour leur entretien à la charge des communes, sous les Carolingiens, en compensation de droits de teloneum, de marché et de monnaie, source féconde de revenus municipaux.

Mais les vieux municipes ne conservèrent pas longtemps leurs biens. Les évêques et les abbés obtinrent des rois de la seconde race une foule d'immunités extraordinaires en faveur des biens de leurs églises et de leurs couvents. Les terres étaient exemptes de juridiction et d'impôt. Cette situation était trop séduisante pour ne pas entraîner les peuples. Les biens communaux se trouvèrent insensiblement englobés dans les biens de l'église cathédrale. C'est la partie la plus neuve et la plus intéressante du travail de M. Rivière, celle où l'auteur manquant de guide doit tout à lui-même. Dans les campagnes l'abbé imita les évêques, et recueillit autour de son monastère les malheureux échappés aux rapines des comtes devenus propriétaires de leurs fiefs. Dans ce cataclysme féodal, adieu les bois et les prés commu

naux! seulement la nécessité fit loi. Comme il faut que les animaux vivent, que les gens se chauffent et s'abritent, on laissa aller bêtes et gens pâturer et usager comme par le passé dans les lieux habituels, mais à la condition de certaines prestations bizarres, monstrueuses, immondes, chargées de conserver le souvenir du droit du maître.

Heureusement qu'au douzième siècle sonna l'heure du réveil de la liberté. Tout ce qui restait d'anciennes institutions municipales se réunit, fit corps, et la commune fut créée. Avec cette institution reparurent les biens communaux dans leur primitive indépendance. Des villages s'associèrent pour s'ériger en commune, en dépit de la féodalité. Cet exemple formidable eut pour effet d'amener les seigneurs laïques ou religieux à faire la part du feu. Ils se présentèrent au-devant des insurrections, une charte à la main, charte dans laquelle étaient stipulées des conditions bien dures, mais qui furent considérées comme un grand bienfait pour l'époque. La plupart de ces écrits s'occupaient des biens communaux, feignant de reconnaître que les habitants avaient le droit d'en jouir ut universi, de la manière la plus étendue, laissant sous-entendu le droit de propriété du seigneur, sous-entendu que releva l'ordonnance de 1669.

Comme conséquence de cette réaction, la France se vit couverte de deux espèces de centres de population; d'un côté des communes, de l'autre des communautés d'habitants. La différence pratique était autant dans les choses que dans les mots. Aux communes était advenue l'indépendance, prix de la victoire, aux communautés avait été concédée une servitude réglementée, fruit de concessions intelligentes. Chacune de ces associations avait des biens dits communaux, mais les communes les possédaient en propre, tandis que les communautés n'avaient sur ces biens que des droits d'usage, démembrement d'une propriété restée entre les mains du seigneur. Quand désormais un procès se soulèvera sur la propriété de biens communaux, toute la difficulté sera de rechercher dans l'histoire si la commune actuelle a été jadis une commune ou bien une communauté. Tel est en raccourci le beau travail de M. Rivière. Nous ne lui adressons qu'un reproche, c'est d'être trop bref sur l'histoire des bourgs et des villages dans les périodes gallo-romaine et gallo-franque et de no s'être pas assez étendu, les pièces à l'appui, sur l'usurpation des

seigneurs à l'encontre des biens communaux des villages. C'est une lacune d'autant plus importante que c'est principalement à l'occasion des biens ruraux que s'élèvent les discussions sur les origines de propriété. M. Rivière a dessiné, de main de maître, la grandeur et la décadence des cités municipales et l'absorption de leurs biens par les prélats. Mais les villes modernes n'ont presque plus de biens communaux en dehors de leurs murailles. Il leur importe peu, judiciairement parlant, de savoir qu'elles en ont eu jadis, tandis que cela importe beaucoup pour les agrégations rurales. CHARLES ABEL,

Docteur en droit, avocat à Metz.

Dictionnaire de l'administration française, par M. MAURICE BLOCK, avec la collaboration de divers jurisconsultes et employés supérieurs de l'administration, 1 fort vol. in-8. Paris, 1856. Berger-Levrault. Prix, 25 fr. Voici le troisième dictionnaire de droit administratif qui se publie en France, depuis vingt ans. Celui de MM. Lerat de Magnitot et Huard-Delamarre a paru le premier, en 1836; le second a paru de 1846 à 1849, sous la direction de M. Alfred Blanche. Nous voici déjà au troisième. Ce n'est pas seulement en France que les ouvrages de ce genre sont bien accueillis du public. Nous citerons seulement pour l'Italie le dictionnaire de droit administratif de MM. Vigna et Alberti, et pour l'Allemagne le grand dictionnaire de droit public que donnent en ce moment plusieurs avocats et professeurs réunis sous la direction de M. Bluntschli. C'est là un signe curieux du mouvement qui se manifeste dans la science du droit. Autrefois l'étude du droit civil absorbait tous les efforts des jurisconsultes; aujourd'hui le droit civil est négligé pour le droit administratif.

Nous n'avons pas à parler ici de l'administration française: M. Block s'en montre grand admirateur, et au point de vue de l'art il a raison. Cette grande machine, dont Richelieu et Colbert ont été les premiers organisateurs, est une des plus simples et des plus fortes que l'on puisse imaginer. Mais il est permis d'être d'un autre avis lorsqu'on se place au point de vue politique, et on peut se demander si, à force d'être administré, le Français n'a pas en quelque sorte cessé d'être citoyen.

Quoi qu'il en soit, on ne saurait se dispenser d'étudier les res

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