Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

son temps et ses facultés aux occupations les plus utiles. Souvent les corvées sont une école d'agriculture pour les paysans; ils apprennent à connaître les nouvelles inventions et les améliorations qu'on peut faire dans l'économie rurale, tandis qu'ils les auraient peut-être toujours ignorées. En examinant l'état actuel de l'empire de Russie, les avantages sont bien plus grands et les inconvéniens s'affaiblissent. Les corvées n'y sont point précisément des services rendus gratuitement: si le propriétaire ne perçoit point d'obrok, elles tiennent lieu de ferme au paysan pour les terres qu'on lui a cédées; si elles ne sont point exigées d'une manière tyrannique, on doit les préférer à l'impôt en argent, par les raisons que nous avons rapportées plus haut. D'ailleurs, dans la plupart des provinces de l'empire, le débit des productions territoriales éprouve des obstacles qui surpassent les moyens des paysans: sans les corvées ils ne s'occuperaient de l'agriculture qu'autant qu'elle serait nécessaire à leur subsistance, ils la négligeraient entièrement.

Tout balancé, il paraît que dans l'état actuel des choses, sans se livrer à des espérances chimériques, rien ne serait plus avantageux à la culture que de réunir l'obrok et les corvées par une loi qui en fixerait la quotité. Une imposition modique excite l'industrie et engage le paysan à convertir ses productions en argent, tandis que, d'un autre côté, elle inspire au propriétaire un certain intérêt à l'état de ses paysans, puisque ses revenus dépendent de leur aisance; et, en même temps, ils peuvent s'occuper d'autres travaux. Des corvées fixes et modérées empêchent que l'agriculture ne soit négligée, augmentent la masse des productions, et contribuent beaucoup à perfectionner l'économie rurale. Pour favoriser encore davantage la liberté et l'industrie, on pourrait laisser le choix au propriétaire de remplacer les corvées par des contributions en nature, que la loi fixerait aussi proportionnellement. Nous ne proposerons point le mode que l'on doit suivre dans un pareil établissement. Des cultivateurs éclairés et bien intentionnés peuvent seuls donner une base qui tienne à des rapports locaux, et le pouvoir législatif seul

peut par de puissans efforts triompher des obstacles auxquels il doit s'attendre.

Quelqu'incertaine que soit l'époque où l'on s'occupera d'une réforme si importante, il ne sera pas inutile d'observer les avantages qui en résulteraient pour l'agriculture. Le cultivateur qui n'aurait plus à redouter une oppression arbitraire acquitterait d'autant plus volontiers ses contributions et ses corvées, qu'il emploierait le reste de son temps à son avantage particulier; ce qui augmenterait encore son émulation. La plupart des propriétaires seraient portés à cultiver une partie de leurs possessions pour leur propre compte; ainsi le produit ne leur serait pas pas indifférent, tandis qu'il l'est à tous ceux qui se contentent de percevoir l'obrok. Cela engagerait la noblesse à acquérir des connaissances économiques, qui se répandraient parmi les paysans par les corvées, et que les gentilshommes tâcheraient eux-mêmes de propager, parce que l'aisance de leurs paysans faciliterait la perception de l'impôt en argent.

Les moyens de s'instruire sont assez faciles depuis que la noblesse russe voyage dans

les pays étrangers, et que la société économi que de St. Pétersbourg s'occupe avec tant de zèle d'un article aussi intéressant. Les mémoires de cette société paraissent en russe depuis trente ans; ils contiennent un grand nombre d'excellens projets pour améliorer et réformer l'agriculture, la plupart adaptés à des circonstances locales. On y trouve des instructions pour perfectionner les objets actuels de la culture et les moyens d'en introduire d'autres. Ils indiquent les précautions à prendre contre la disette, la méthode qu'il faut suivre pour détruire les charansons et guérir les maladies des bestiaux: ils proposent la manière de perfectionner les instrumens de labourage, jusqu'à présent très-défectueux, etc. Vraisemblablement le succès répondra à tant de zèle; mais il est certain que les obstacles dont nous avons parlé empêchent que l'effet en soit aussi puissant et aussi rapide qu'il serait à désirer.

Nous avons rapporté les défauts principaux qui nuisent à la perfection de l'agriculture en Russie; nous avons même osé proposer la manière de lever ces obstacles ou de les affaiblir. Si c'est le sort commun

à tous les projets d'être bien pensés et rarement exécutables, au moins ne nous reprochera-t-on point d'avoir donné au nôtre une base idéale. Convaincus que la suppression absolue de la servitude entraînerait des difficultés invincibles, et qu'une si grande réforme doit être le résultat du progrès des lumières, nous avons pris pour base l'état actuel du peuple, et nous avons tâché de faire réfléchir sur cette vérité importante, que le moyen le plus infaillible de faire fleurir l'agriculture est d'assurer l'existence du cultivateur, et de le préserver de toute oppression arbitraire. Quel est le propriétaire éclairé qui peut nier cette vérité, ou la révoquer en doute? qui peut ne pas désirer d'en voir réaliser l'exécution? Le siècle où nous vivons en fait naître l'espérance: l'économie rurale a été très - encouragée sous le règne de Catherine II; elle le sera encore davantage à l'avenir. Des contrées désertes ont été peuplées par des colons et des cultivateurs, ou cédées à des particuliers qui les ont fertitilisées. On a tâché d'introduire l'agriculture parmi les peuples nomades; on a cherché toutes sortes de moyens pour y attacher les

« VorigeDoorgaan »