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ment en Castille et en Portugal. Du temps du marquis de Santillane, les Castillans choisissaient toujours la langue et le mètre galicien pour exprimer leur amour, et à la même époque, tous les chants des poètes portugais se répandaient en Castille sous le nom de poésies galiciennes. Le chef de cette école d'amans tendres et enthousiastes, et de poètes langoureux, appartient également aux deux littératures, si ce n'est aux deux nations; il est célèbre dans toutes les Espagnes sous le nom de Macias l'Amoureux, l'Enamorado.

Macias s'était distingué dans les guerres contre les Maures de Grenade, et il y avait été fait chevalier; il s'était attaché au grand marquis de Villena, qui gouvernait en même temps l'Aragon et la Castille, comme ministre, comme favori, et presque comme tyran de ses rois. Villena estimait l'esprit et les talens de Macias; mais il lui savait mauvais gré d'entremêler aux affaires les plus sérieuses de l'État, ses amours et ses rêveries mélancoliques. Il lui défendit expressément de suivre une intrigue que Macias avait commencée avec une demoiselle élevée dans la maison du marquis, et mariée à un gentilhomme de la ville de Porcuña. Macias crut son honneur de chevalier intéressé à suivre son amour en dépit de tous les dangers; il excita

ainsi la jalousie du mari, et la colère de son maître, qui le fit mettre à Argonilla, près de Jaën, dans une prison de l'ordre de Calatrava dont Villena était grand-maître. C'est là que Macias écrivit la plupart de ses chansons, où il semblait oublier toutes les souffrances de la captivité pour ne se plaindre que des douleurs de l'absence. Le gentilhomme de Porcuña surprit une de ces chansons que Macias avait trouvé moyen de faire parvenir à sa femme; ivre de jalousie, il partit à l'instant pour Argonilla, et découvrant Macias au travers des barreaux de sa prison, il l'y tua d'un coup de javeline. On a placé cette javeline sur son tombeau, dans l'église de Sainte-Catherine, avec cette simple inscription: «A qui «yace (ci-git) Macias el Enamorado », qui a consacré en quelque sorte son surnom..

A peu près toutes les poésies de Macias, si célébrées en Espagne, et si constamment imitées par les Portugais, sont perdues; Sanchez nous a conservé cependant la chanson même qui fut cause de son malheur. Une élégie sur l'amour et l'absence n'a que peu d'intérêt dans une traduction; on voit cependant dans celle-ci cet abandon de douleur, cette profonde mélancolie amoureuse, qui a fait dès-lors le caractère de tous les poètes portugais, et qui offre un si singulier contraste avec leurs ex

ploits, leur constance opiniâtre, souvent leur cruauté.

Je n'aurais point pu comprendre le texte sans l'aide du littérateur auquel j'ai déjà annoncé mes obligations.

<< Captif que je suis, tous s'épouvantent de ma << tristesse, ils me demandent quel est le malheur « qui me tourmente à ce point; mais je ne sais << que dire de plus à ce monde d'amis, si ce n'est « que je n'aurais point dû me livrer aux pensers « qui causent la folie,

« J'ai voulu m'élever pour obtenir un sort « plus grand, et je suis tombé dans une pauvreté « telle que je meurs abandonné. Accablé de cha<< grins et de désirs, que vous dirai-je, malheu«reux; je vois bien quel est mon sort plus «<l'insensé a voulu s'élever, et plus sa chute est << profonde.

<< Mais quelle pauvre folie! pourquoi m'en << affliger autant? Elle s'accroît cependant, et je << meurs en la poursuivant encore. Quoi donc! « ne la verrai-je plus, à moins que le désir ne << soit une vue? Alors je m'écrierai : Qu'il meure << dans sa prison, celui qui ne vivait qu'en prison!

« Ce fut mon malheur de porter mes préten«tions si haut que mon coeur lui-même m'an«nonce qu'elles me seront toujours refusées; <«< mais jamais on ne saura rien de plus sur ma

«

<< destinée malheureuse. Aussi se contentera-t-on « de dire de moi c'était un chien enragé, et je << tiens de son maître qu'il mord. » (1)

Les antiquaires portugais assurent que l'école de Macias fut extrêmement nombreuse, et que le quinzième siècle vit paraître un nombre infini de poètes romantiques, qui tous chantaient leurs amours avec une tendresse, avec un enthousiasme, avec une rêverie mélancolique, dont les Castillans ne pouvaient pas même se

(1) Voici cette chanson d'après Sanchez (T. 1, p. 138, S. 212 à 221).

Cativo, de minha tristura

Ja todos prenden espanto,

E preguntan, que ventura

Foy, que me atormenta tanto? dele.
Mas non sé sei, no mundo amigo,

Que mays de meu quebranto
Diga, desto que vos digo,
Que bera sei nunca devia
Al pensar que faz folia.

Cuydé subir en alteza,
Por cobrar mayor estado;
E cay en tal pobreza,
Que moyro desamparado.
Com pesar e com desejo;
Que vos direy, mal fadado?
Lo que yo hé, bem o vejo:
Quando o loco cay mas alto,
Subir prende mayor salto.

Pero que pobre sandece,
Porque me dev á pesar,

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vanter d'approcher. Mais les ouvrages de ces poètes, recueillis dans des cancioneri, sous le .règne de Jean II, ne se trouvent point dans le reste de l'Europe. Le diligent Boutterwek les a vainement cherchés dans les bibliothèques d'Allemagne ; je les ai cherchés tout aussi vainement dans celles d'Italie et de Paris; et cette période qu'on nous dit si brillante de l'histoire littéraire portugaise, échappe absolument à notre observation. (1)

Minha locura asi crece
Que moyro por entonar.
Pero, mays non a verey!
Si, non ver e desejar,
E poren assi direy :
Quen carcel sole viver,
En carcel se veja morrer.

Minha ventura, en demanda
Me puso atan dudada,
Que mi coraçon me manda
Que seja siempre negada.
Pero mays non saberan
De minha coyta lazdrada,
E poren assi diràn

Can ravioso, è cosa braba,

De su senhor se que traba.

(1) Un membre de l'académie de Lisbonne, Joaquim José Ferreira Gordo, envoyé, en 1790, à Madrid par son académie, pour y rechercher les livres portugais conservés dans les bibliothéques espagnoles, y découvrit un Cancionero portugais écrit dans le quinzième siècle, et contenant les

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