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546. Quant aux aliénations purement volontaires, il faut distinguer encore les aliénations gratuites et celles à titre onéUne donation entre-vifs ou un legs, fait par l'héritier apparent, n'obligerait pas l'héritier véritable.

reux.

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547. C'est à l'égard des ventes d'immeubles et des ventes de droits successifs que s'élève principalement la controverse; controverse ancienne et célèbre, qui a pris de larges proportions dans tous les ouvrages de droit, et a provoqué un grand nombre de décisions judiciaires. Ici encore des distinctions ont été faites, et diverses hypothèses sont à prévoir. — Il faut supposer, d'abord, une vente pure et simple, sans stipulation de non-garantie en cas d'éviction. Une telle stipulation ferait présumer que les parties avaient des doutes sur les droits du vendeur. Le contrat était aléatoire, l'acquéreur pourrait donc être dépossédé. On est d'accord sur ce point. - Dans le cas de vente pure et simple, il faut distinguer encore si l'héritier apparent et l'acquéreur

du susdit règlement; Par ces motifs, et vu l'art. 3 de la loi du 14 for. an 11; émendant, déclare la veuve Margariteau nou recevable, etc. Du 2 mai 1807.-C. d'Angers.

(1) 1re Espèce :-(Prépetit C. Louvet et Ribard.)-En l'an 15, Fumecon mourut, ne laissant que des héritiers collatéraux. Les frères et sœurs Rogier furent les seuls qui se présentèrent pour recueillir les biens dévolus à la ligne maternelle. Le 24 messidor an 13, partage de la succession entre l'une et l'autre ligne. L'un des sieurs Rogier vendit aux sieurs Ribard et Louvet une pièce de terre tombée dans son lot. - En 1808, les sieurs Duguey, de Prépetit et autres héritiers, plus proches dans la ligne maternelle, assignèrent les sieurs Rogier en délaissement des biens recueillis dans la succession. Jugement par défaut qui leur ordonna de délaisser les biens avec restitution des fruits du jour de la demande. Ce jugement a acquis l'autorité de la chose jugée. Prépetit, cessionnaire des droits de ses cohéritiers, demanda aux sieurs Louvet et Ribart la restitution de la pièce de terre vendue par Rogier. Par deux jugements, des 25 fév. et 19 mars 1813, le tribunal d'Argentan condamna les acquéreurs au délaissement. - Dans les motifs, le tribunal reconnut que l'ancienne jurisprudence, invoquée par les acquéreurs, était certaine; mais il pensa que cette jurisprudence n'était plus d'accord avec les dispositions du code civil, et qu'elle était par conséquent abrogée. Sur l'appel, le 21 fév. 1814, arrêt infirmatif de la cour de Caen.

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Attendu que, suivant l'ancienne jurisprudence attestée par les auteurs normands et puisée dans l'arrêt Malaudin du 19 juin 1739, celui qui a acquis d'un héritier apparent des biens dépendants d'une succession dont cet héritier a été ensuite exclu par un parent plus proche, était maintenu dans son acquisition, lorsqu'il l'avait faite de bonne foi, parce que le nouvel héritier devait s'imputer de ne s'être pas présenté plus tôt, et qu'à l'égard des tiers il devait prendre les choses dans l'état où il les trouvait; que tout en reconnaissant la vérité de ce principe, les premiers juges ont pourtant décidé qu'il avait été aboli par le code civil; que, pour établir cette dérogation à l'ancienne jurisprudence, on s'est prévalu des art. 724, 729, 789, 790, 2265 et 1599 c. civ.; qu'en les examinant, on n'y trouve que des principes généraux établis par le législateur pour les cas ordinaires, mais qui ne portent aucune atteinte à l'ancienne jurisprudence; que si les héritiers plus proches, représentés aujourd'hui par leur cessionnaire, se fussent présentés plus tôt, ils auraient pu invoquer ces articles avec avantage; que l'inventaire a été fait dans les trois mois; que les quarante jours pour délibérer se sont écoulés; que le sieur Rogier s'était présenté comme héritier; qu'il avait fait tous les actes qui appartiennent à cette qualité, en partageant les biens avec les héritiers de la ligne paternelle, en acquittant les droits de mutation, en jouissant des biens échus à la ligne maternelle, en faisant des coupes de bois et des ventes, sans que des héritiers plus proches soient venus réclamer la succession, sans même qu'ils aient manifesté, par des actes quelconques, l'intention de faire valoir leurs droits dans la suite; que, de ces faits, il résulte que le sieur Rogier a pris la saisine légale de la succession; qu'aux yeux de la loi il est réputé avoir été le véritable héritier; qu'on ne peut donc pas dire qu'il a vendu la chose d'autrui, et qu'il avait au contraire l'exercice de tous les droits attachés à la propriété. Pourvoi de Prépetit, pour fausse application de l'art. 549 c. civ., et contravention aux art. 724 et 1599.

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Arrêt.

LA COUR; - Attendu que l'arrêt dénoncé est fondé sur une ancienne jurisprudence conforme au droit romain et soutenue par les motifs les plus puissants d'ordre et d'intérêt publics; qu'elle se concilio avec les articles prétendus violés, 549, 724 et 1599 du code civil, qui n'ont statué qu'en règle générale; Rejette, etc.

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Du 3 août 1815.-C. C., sect. req.-MM. Henrion, pr.-Sieyes, rap. 2o Espèce: (De Rastignac C. Rolland.)- LA COUR; Après une long. délib. en ch. du cons.) Faisant droit sur le deuxième moyen, vu les art. 724, 775, 777, 1006, 1599, 2125, 2182 et 2265 c. civ.; et 731 c. pr. civ. (ancien texte); Attendu qu'une succession, aussitôt son ouverture est dévolue civ., aux pa

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étaient tous deux de bonne foi, ou s'il n'y a bonne foi que do Pacquéreur; si la vente a pour objet tel ou tel immeuble de la succession, res singulæ, ou si elle embrasse l'entière hérédité, le jus universum, le droit successif du vendeur.

Ce sont trois hypothèses bien distinctes, donnant lieu chacune à une controverse spéciale, et que nous allons examiner séparément.

548. Supposons d'abord une vente d'immeubles particu liers, les deux parties étant de bonne foi. Pour la validité de la vente, on cite Merlin, Quest. de droit, ve Héritiers, § 3; Cha bot, sur l'art. 756, n° 13; Malpel, nos 211 et suiv.; Duvergier de la Vente, t. 1, no 225; Fouet de Conflans, sur l'art. 724, Championnière, Revue de législ. et de jurispr., 1843, p. 238; Req. 3 août 1815; Cass. 16 janv. 1843; et sur renvoi Aix, 22 déc. 1843; Rej. 16 janv. 1843 (1); Toulouse, 25 fév. 1813, MM. Dast, pr., Cavalié, subst., aff. Dubernat C. Dépuy; Paris,

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rents du défunt jusqu'au douzième degré inclusivement, à leur défaut aux enfants naturels, et à défaut de ceux-ci, au conjoint survivant; qu'elle ne tombe en déshérence et qu'elle n'est pourvue d'un curateur que lorsqu'aucun des appelés ne répond à la vocation de la loi; — Attendu que, malgré la devolution faite par les art. 755 et 767, il n'y a point d'héritier nécessaire; aussi l'art. 775 déclare expressément que nul n'est tenu d'accepter une succession qui lui est échue; - Qu'il résulte virtuellement de cet article que le degré de parenté ne suffit pas pour faire reposer sur la tête du parent le plus proche la pleine et actuelle propriété des biens héréditaires ; Et que lorsque, pendant son abstention, un parent plus éloigné accepte la succession et en jouit publiquement et paisiblement, ce parent gère et administre pour lui-même et dans son intérêt personnel, et s'il vend un meuble ou un immeuble de la succession, il est réputé disposer, non de la chose appartenant à un autre, mais de sa propre chose; Que l'ancienne et la nouvelle jurisprudence ont, en conséquence, constamment admis, que les débiteurs d'une succession se libèrent valablement entre les mains de l'hé– ritier apparent et que les jugements obtenus par cet héritier apparent, ou rendus contre lui, quel que soit leur importance et leur objet, quièrent pour tous l'autorité de la chose jugée; Que si, dans le cas d'actions judiciaires, l'héritier apparent qui puise dans le droit d'agir librement en demandant ou en défendant, celui de se concilier, d'ac quiescer, de compromettre, oblige la succession, il n'y a pas de motif pour lui refuser le pouvoir d'en vendre les valeurs mobilières ou immobilières, ce qui est, d'ailleurs, souvent indispensable pour acquitter les charges et arrêter des poursuites ruineuses; · Attendu que, dans le cas où cet héritier est évincé par un parent plus proche, on ne peut appliquer aux ventes qu'il a faites les art. 1599 et 2182 c. civ., et l'art. 731 c. pr. civ., parce qu'il n'y a pas eu, dans le sens de ces articles, vente de la chose d'autrui; Qu'il n'y a pas lieu non plus d'exiger de l'acquéreur la justification d'une possession de dix ou vingt ans, conformément à l'art. 2265 c. civ., parce que son vendeur qui, comme successible, a accepté la succession, lorsqu'aucun parent plus proche ne se présentait, ne doit pas être assimilé à un usurpateur qui se serait emparé d'une propriété, sans aucun titre, droit et qualité; - Attendu qu'on ne peut pas appliquer par analogie, pour annuler la vente faite par l'héritier apparent, l'art. 2125 concernant ceux qui hypothèquent un immeuble sur lequel ils n'ont qu'un droit suspendu par une condition, ou résoluble dans certains cas, ou sujet à rescision, car cet article suppose l'existence soit d'une convention, soit d'un texte précis de loi où se trouvent, ou d'où résultent la condition, les cas de résolution, le principe de l'éviction; - Attendu que l'art. 724, relatif à la saisine de droit des héritiers légitimes, et l'art. 777 qui fait remonter leur acceptation au jour de l'ouverture de la succession, posent des règles générales, sans égard au degré plus ou moins rapproché des successibles, et que ces règles s'appliquent, quant aux tiers, au parent qui se présente le premier et empêche par son acceptation que la succession ne soit déclarée vacante; Attendu que la jurisprudence des anciens parlements validait les ventes passées entre l'héritier apparent et des acquéreurs de bonne foi; que le code civil ne contient, à l'égard de ces ventes, aucunes dispositions nouvelles; que les motifs de droit et d'équité, que les puissantes considérations d'ordre et d'intérêt public qui servaient de base à cette jurisprudence, ont conservé leur force et ont même acquis un nouveau degré d'énergie, puisque la législation moderne est plus favorable que l'ancienne à la libre et facile circulation des biens; — Attendu, au reste, qu'en cette matière il y a essentiellement lieu d'examiner les faits et d'apprécier les circonstances en présence desquelles les ventes ont été consommées, pour rechecher si elles ont été faites à des acqué, reurs de bonne foi, par de véritables héritiers apparents, sous l'influence de l'erreur commune; - Que, dans l'examen et l'appréciation du juge, on trouve des garanties contre les spoliations qui pourraient résulter de l'appréhension subite des successions et des ventes précipitées de leur actif;

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12 avril 1823, aff. Ducasse, V. no 562; Caen, 17 juill. 1823, a. Vaumousse C. Deslogettes; Montpellier, 11 janv. 1830, aff.

Attendu que, dans l'espèce de l'arrêt attaqué, on ne pourrait faire, à juste titre, une distinction entre le parent ou l'héritier du sang, et l'héritier testamentaire ou institué; Attendu, en effet, que M. de Pradines qui a légué, par testament authentique, la totalité de ses biens à Destours, n'a laissé aucuns héritiers à réserve; qu'aux termes de l'art. 1006 c. civ., Destours a été, en conséquence, saisi de plein droit de la succession, comme l'eût été l'héritier du sang, suivant l'art. 724, et que son acceptation a eu l'effet spécifié dans l'art. 777; Attendu que le testament de M. de Pradines a été attaqué plusieurs années après l'ouverture de sa succession, par les seuls héritiers du sang qui aient jugé à propos de se présenter, et qu'il a été validé par jugement de 1811 et par un arrêt confirmatif de 1812; Que c'est après l'épreuve judiciaire subie par son titre et lorsque la possession, dans laquelle il avait été maintenu, avait continué publiquement et paisiblement, que Destours a vendu, le 23 mars 1816, par contrat notarié, un immeuble de la succession, dont la presque totalité du prix a été stipulée payable par fractions et en plusieurs annuités;

Attendu, d'ailleurs, que la cour royale de Montpellier a jugé, en point de droit et en considérant Destours comme un héritier apparent troublé par un héritier du sang, que, quoiqu'il y eût bonne foi de la part de Destours, vendeur, et de Rastignac, acheteur, et de la part des différents acquéreurs auxquels ce dernier avait rétrocédé une partie des biens dont il était devenu propriétaire en 1816, toutes les ventes étaient nulles, comme ayant eu pour objet la chose d'autrui ; Attendu qu'en jugeant ainsi, l'arrêt attaqué a faussement interprété et applique les art. 1599, 2125, 2182, 2265 c. civ., et 731 c. pr. civ. (ancien texte), et a violé les art. 724, 775, 777 c. civ.; Par ces divers motifs, Casse.

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Du 13 janv. 1843.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Thil, rap.Laplagne-Barris, pr. av. gén., c. conf.-Coffinières et Piet, av.

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Les parties ont été renvoyées par l'arrêt qui précède, devant la cour d'Aix qui a statué en ces termes :-LA COUR;-« Attendu que, demandeur en dépossession de Rastignac et de ses acquéreurs, Rolland n'a point fait rononcer par la justice, et ne lui demande pas même aujourd'hui la nullité du testament en vertu duquel l'abbé Destours a investi ce dernier de la propriété réclamée sur lui et sur ses autres possesseurs; - Que cette nullité, plus tard prononcée, ne saurait acquérir un effet rétroactif jusqu'à ce jour, et moins encore dans la prévoyance de cet événement futur, avoir le résultat de cet événement même ;- Attendu que le porteur d'un titre de propriété paisible, et même le propriétaire apparent, auxquels on ne reproche ni défaut de confiance envers leur position, ni aucune connivence avec leur acquéreur, ne sauraient être atteints par les prévisions des art. 1599, 2182 c. civ., et 731 c. pr. civ., et, réputés ainsi avoir vendu à non domino, encourir l'application de la maxime qu'on ne transfère que ce qu'on a: ils sont, en réalité, nantis l'un et l'autre des biens qu'ils transmettent; l'abbé Destours détenait le domaine que de Rastignac acquit de lui, et dans nombre de cas, nolamment celui de l'art. 2265 c. civ., l'acquéreur exerce encore tous les droits de son vendeur, alors que celui-ci en est dépouillé par la justice; - Qu'à l'époque de l'achat de de Rastignac, l'abbé Destours était, quant au domaine de Castel-Noël qu'il vendait, le successeur reconnu de son ancien propriétaire, pour exercer ses mêmes droits, aux termes de l'art. 1006 c. civ., et des art. 724 et 777 du même code précités, l'instar de l'héritier du sang; que, dès lors, son acquéreur de bonne foi pouvait n'être pas tenu d'aller préalablement scruter le for intérieur de celui-ci, pour y découvrir s'il était tout à fait rassuré sur son titre ; Qu'il en serait autrement, si l'abbé Destours s'etait lui-même convaincu de son inefficacité, jusqu'au point de l'avoir manifesté par des actes significatifs, et dont la preuve serait rapportée, s'il avait vendu de mauvaise foi, enfin, et mieux encore, si cette mauvaise foi lui avait été commune avec son acquéreur; Mais, attendu que les efforts de l'appelant sur ce point sont restés impuissant3; que la plus-value de Castel-Noël, la part du prix retenu par l'acquéreur ne sauraient entacher ni le vendeur, ni l'acheteur à cet égard: l'augmentation de valeur de l'immeuble doit être attribuée au laps de temps (l'achat de Rastignac remonte à vingt-sept années), aux améliorations auxquelles le propriétaire nouveau et qui habite son domaine ne manque guère de se livrer; et si de Rastignac a gardé en main une part du prix au delà du terme fixé pour son enier payement, il pouvait être contraint à se libérer, et rien n'indique que ce soit par mesure de précaution qu'il ait gardé ces sommes; Emendant, etc.

Du 22 déc. 1845.-C. d'Aix.-MM. Verger, pr.-Desolliers, av.-gén. 3 Espèce:-(Foubert C. hérit. de Lenoncourt.) Le 25 mai 1859, arrêt de la cour de Rouen, ainsi conçu: «Attendu que la question qui s'agite est celle de savoir si la vente d'un objet déterminé, faite par 'héritier apparent, est valable au respect du tiers acquéreur de bonne foi, question grave qui divise la doctrine et la jurisprudence; Consilérant que, si l'on consulte l'ancien droit, on voit que le parlement de Rouen, d'abord, et, après lui, les parlements de Paris et de Toulouse,

Gavalda, V. no 570; Toulouse, 5 mars 1835, aff. Despouy C. Domez; Limoges, 27 déc. 1833, aff. Dufour C. Labrousse; validaient ces sortes de ventes; - Qu'il est difficile de penser qu'il puisse en être autrement sous l'empire du code civil, qui a proclamé en principe la libre circulation des biens et le maintien des actes faits de bonne foi par les tiers; - Attendu que les partisans du système contraire se fondent surtout sur la maxime qu'en France le mort saisit le vif; que l'action en pétition d'hérédité dure trente ans ; que la vente de la chose d'autrui est nulle; que le vendeur ne transmet à l'acquéreur que la pro→ priété et les droits qu'il avait lui-même sur la chose vendue; enfin, sur cet axiome de droit, nemo plus juris in alium transferre potest, quam ipse habet; Attendu qu'à la maxime le mort saisit le vif, on peut opposer avec avantage cette autre, également écrite dans notre code: n'est héritier qui ne veut. Nemo invitus hæres; - Attendu que les art. 1599, 2182, 2125 c. civ. et 731 c. pr., contiennent des principes généraux pour les cas ordinaires; mais que vouloir les opposer à celui qui, de bonne foi, aurait acquis de l'héritier apparent, ce serait évidemment aller contre la pensée du législateur; ce serait le mettre en contradiction flagrante avec lui-même, rendre impossible toute transaction avec l'héritier apparent, et mettre hors du commerce, pendant trente ans au moins, les immeubles provenant d'une hérédité, et bouleverser ainsi toute l'économie de la loi, qui veut la libre circulation des biens;

Attendu que l'ordre public exige que la propriété ne reste pas incertaine; c'est le motif qui a porté le législateur à édicter les art. 132, 136, 958, 1240, 1580 et 1955 c. civ., qui sont autant d'exceptions aux principes généraux dont il vient d'être parlé; ce qui prouve de plus en plus que la maxime nemo plus juris est susceptible de modifications; - Attendu que la position du tiers acquéreur de bonne foi de l'héritier apparent est préférable à celle du véritable héritier qui se présente tardivement, après que la succession a été ostensiblement appréhendée, publiquement et notoirement administrée sans contestation aucune ; En effet, quand toutes ces circonstances se rencontrent, le tiers acquéreur de bonne foi n'a aucune imprudence à se reprocher, et la loi qui se fût montrée plus exigeante à son égard eût été injuste. Le nouvel héritier, au contraire, doit s'imputer la faute de ne s'être pas présenté plus tot, et la loi qui le punit de sa morosite fait preuve de sagesse, jura vigilantibus subveniunt;

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» Attendu que la solution donnée à cette question serait encore la même, dans le cas où la bonne foi ne se rencontrerait que du côté du tiers acquéreur; Attendu que les principes généraux du droit sur la vente ne sauraient être invoqués ici avec succès; Que le principal motif pour lequel le tiers acquéreur de bonne foi de l'héritier apparent ne peut pas être évincé se tire de l'impossibilité où il est de connaître si l'héritier apparent a ou n'a pas des cohéritiers, surtout lorsque la succession est en ligne collatérale; Qu'il est placé dans la même impossibilité pour ce qui est du contrôle de la bonne foi de son vendeur, et que, dès lors, sa position ne peut pas changer; - Attendu qu'il n'y a aucun argument sérieux à tirer contre ce système, de ce qu'il se pourrait que le tiers acquéreur eût connaissance de la mauvaise foi de son vendeur, car, dans ce cas, la bonne foi du tiers acquéreurs s'évanouissant, elle le laisserait sans défense en face de l'action résolutoire, ce qui est en parfaite harmonie avec la thèse de droit que l'on soutient; Attendu qu'en vain l'on dirait qu'il n'y a d'héritier apparent que celui qui est de bonne foi; - Que cette proposition, qui est vraie de l'héritier apparent à l'héritier réel, ne saurait l'être au respect du tiers acquéreur de bonne foi; pour lui, l'héritier apparent est celui qui est publiquement, notoirement en possession de l'hérédité, qui l'administre au conspect de tous, et qui fait tous les actes d'un véritable propriétaire, sans contradiction aucune; Attendu que rien dans la cause ne permet de suspecter la bonne foi de Foubert; qu'aucune imprudence ne peut lui être reprochée, et que les intimés héritiers au même degré que le comte d'Heudicourt doivent s'imputer à faute leur silence qu'ils n'ont rompu qu'au mois de mars 1836, près de vingt ans après que Foubert était en possession p isible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, cum animo sibi habendi, des bois de Maunys; Réforme. »

Pourvoi des héritiers Lenoncourt pour fausse application des art. 755, 724, 775 et 777.- Arrêt (apr. dél. en ch. du cons.).

LA COUR; Attendu, en fait, qu'il est authentiquement établi et qu'il résulte, d'ailleurs, de l'arrêt attaqué qu'Edme Sublot, comte d'Heudicourt de Lenoncourt, était parent au degré successible de madame d'Heudicourt de Lenoncourt, veuve du comte de Belzunce; qu'il a soutenu, en qualité de seul et unique héritier de cette dame, morte en 1803, un procès contre l'abbé Marc, son légataire universel, pour obtenir, en vertu de la loi du 5 déc. 1814, la remise d'ur bois dit les Maunys, dont l'Etat était saisi par suite d'un partage de présuccession, fait avec madame de Belzunce, le 22 pluv. an 6; · Qu'après jugement et arrêt sur des incidents, l'abbé Marc s'est désisté de ses prétentions, et que la possession provisoire qui avait été accordée au comte de Lenoncourt, comme héritier du sang, est devenue définitive; - Qu'on ne connaissait aucun béritier vivant de madame de Belzunce, autre que le comte de Lenoncourt, et qu'aussi un acte de notoriété avait constaté qu'il était son seul

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Bourges, 16 juin 1837, M. Heulhard, pr., aff. N... C. N... ; Toulouse, 21 déc. 1839, aff. Barbe, V. no 575. On a encore cité dans le même sens un arrêt (Cass. 20 mai 1806, aff. Lefèvre); mais cette décision (V. no 564) ne résout notre question que dans un cas spécial, en dehors des principes généraux, et par application seulement de la loi du 14 flor. an 11, art. 3.

héritier; Que, lors de la vente du bois de Maunys, faite aux époux Foubert, le comte de Lenoncourt était, comme héritier, en possession publique et paisible de ce bois, et que les époux Foubert l'ont acheté de bonne foi;

Attendu, en droit, que le parent au degré successible qui accepte une succession et en jouit publiquement sans aucun trouble, est, pour ceux avec lesquels il contracte, le véritable représentant du défunt; - Que son titre et sa qualité pour gérer et administrer la succession, disposer de ses valeurs mobilières et immobilières, résultent de sa parenté et des art. 711, 755, 724 et 777 c. civ.; - Que les dispositions combinées de ces articles donnent, en effet, au parent qui répond à la vocation de la loi et empêche par son acceptation que la succession ne tombe en désbérence, la saisine à titre de propriété de tous les biens héréditaires, à compter de l'ouverture de la succession; - Qu'ainsi les art. 1599, 2182 c. civ. et 731 c. pr. (ancien texte), relatifs à la vente de la chose d'autrui, ne peuvent recevoir d'application aux ventes faites par l'héri– tier apparent à un acquéreur de bonne foi; - Qu'il en est de même de l'art. 2125, concernant ceux qui hypothèquent un immeuble sur lequel ils n'ont qu'un droit suspendu par une condition, ou résoluble dans certains cas, ou sujet à rescision, parce que cet article suppose l'existence d'une convention ou d'un texte de loi d'où résultent la condition, les cas de résolution, ou le principe de la rescision;

Attendu que, suivant l'art. 775, nul n'est tenu d'accepter une succession qui lui est échue; Que l'abstention d'un héritier ne doit nuire qu'à lui-même, et ne peut, lorsqu'il juge à propos de le faire cesser, agir par rétroactivité pour détruire des droits acquis;

Attendu, dès lors, que la cour royale de Rouen, en maintenant la vente consentie par le comte de Lenoncourt aux époux Foubert, comme ayant été faite par un héritier apparent à des acquéreurs de bonne foi, n'a pas violé les articles de la loi invoqués par les demandeurs, et a fait une juste application des art. 755, 724, 775 et 777 c. civ.;- Par ces motifs, rejette.

Du 16 janv. 1843.-C. C., ch. civ.-MM. Portalis, 1er pr.-Thil, rap.Laplagne-Barris, 1er av. gen., c. conf.-Beguin et de Tourville, av. (1) 110 Espèce:-(Vacheron C. Berthonneau et autres.)-En octobre 1814, décès de Paul Vacheron; Adélaïde Balzac, sa légataire universelle, vend tous les immeubles dépendant de la succession, sans égard aux droits de réserve de sa fille mineure, qu'elle avait reconnue en 1808 avec Paul Vacheron pour leur enfant naturel. Au mois de mars 1851, Adélaïde Vacheron, qui n'avait atteint sa majorité que depuis le 6 juill. 1827, se mit à la recherche de ses droits dans l'hérédité paternelle, et actionna les tiers acquéreurs en désistement des trois quarts, pour lesquels elle s'y prétendait fondée. - Arrêt.

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LA COUR; Attendu qu'en principe général, l'héritier véritable a trente ans pour revendiquer une succession contre l'héritier apparent qui l'a recueillie à son préjudice; que, par conséquent, pendant tout ce temps, le droit de ce dernier, sur les biens qui la composent, est résoluble et conditionnel; Attendu que nul ne peut transmettre à autrui plus de droits qu'il n'en a lui-même; que, dès lors, il est évident que l'héritier apparent ne peut, avant les trente ans révolus, transmettre irrévocablement à des tiers la propriété des immeubles de la succession qu'il ne détenait que d'une manière précaire, si un texte précis de la loi ne détermine un plus court délai ; · Attendu que si le code civil (art. 2265) accorde aux tiers acquéreurs de bonne foi le droit de prescrire par dix ou vingt ans les immeubles par eux acquis à non domino, cette disposition, que réclamait l'ordre public, ne peut être étendue au delà des limites dans lesquelles le législateur l'a circonscrite;-Attendu que la loi n'a pas établi deux classes de tiers acquéreurs de bonne foi, l'une de ceux qui ne seront propriétaires définitifs qu'après dix ou vingt ans de possession utile, l'autre de ceux qui seront propriétaires irrévocables du jour même de leur acquisition; qu'elle les a tous placés, au contraire, dans une seule catégorie, en leur assurant une faveur égale, des droits absolument identiques; que, par conséquent, le tiers qui acquiert de l'héritier apparent, et celui qui acquiert du possesseur actuel, proprie taire apparent, porteur d'un titre revêtu des formes légales, sont, aux yeux de la loi, sur la même ligne;

Attendu que, du silence de la loi sur le privilége exorbitant invoqué en faveur du tiers qui tient son droit de l'héritier apparent, il n'est nullement rationnel de conclure qu'elle a voulu consacrer l'exception qu'un petit nombre d'arrêts de l'ancienne jurisprudence avaient tenté de faire prévaloir sur le principe général; que, de ce silence même gardé par le législateur au moment où il déterminait les droits des tiers acquéreurs de bonne foi, on doit naturellement conclure qu'il a voulu effacer toute distinction entre ces tiers acquéreurs : Ubi les non distinguit, nec distin

549. Contre la validité de la vente on invoque: Grenier, Hypoth., t. 1, p. 161, no 51; Toullier, t. 4, no 287; Duranton, t. 1, nos 565 et suiv.; Troplong, des Hypoth., no 468, el Vente, n° 960; Marcadé, sur l'art. 137, no 4; Poitiers, 18 avril 1832; Orléans, 27 mai 1856 (1); Montpellier, 3 mai 1838, aff. Rolland, arrêt cassé par celui du 16 janv. 1843, cuprà, no 348,

guere debemus; Attendu qu'il importe peu, d'après ces diverses considérations, que celui qui agit en revendication d'un immeuble contre des tiers acquéreurs, invoque, à l'appui de sa demande, le titre d'acquéreur, de donataire, d'héritier légitime, ou tout autre titre universel ou particulier, pourvu qu'il justifie de son droit à la chose revendiquée (jus in re), pourvu qu'il prouve qu'il est propriétaire partiel ou intégral de l'objet revendiqué; car, en principe non contestable, ce n'est pas à la qualité d'héritier, mais à celle de propriétaire, qu'est attaché le droit de revendication; que, d'après cela, la principale question du procès soumis à la cour est celle de savoir si l'appelante, en sa qualité de fille naturelle légalement reconnue de Paul Vacheron a, sur chacun des biens compo→ sant la succession de son père, un droit de propriété divis ou indivis (suivent des considérants qui ont pour but d'établir que l'enfant naturel reconnu n'a pas sur la succession un simple droit de créance);-Emendant, déclare nuls, jusqu'à concurrence des trois huitièmes réservės par la loi à la partie de Me Grellaud, les actes de vente consentis par Adėlaïde Balzac, etc.

Du 18 avr. 1832.-C. de Poitiers, 2e ch.-M. Liège d'Irai, pr.

2 Espèce (Hérit. Oudin.)-Les biens de la succession de la dame Oudin sont partagés entre les héritiers collatéraux de la défunte dans la ligne paternelle, à défaut d'héritiers connus dans la ligne maternelle.Les héritiers en possession vendent, quelque temps après, les immeubles de la succession.

Quatre ans après le décès de la dame Oudin, des héritiers au dixième degré dans la ligne maternelle se présentent et font reconnaître leurs droits. Ils demandent ensuite aux héritiers de la ligne paternelle leur part de la succession en nature ou en valeur.

5 déc. 1831, jugement qui fixe à 22,663 fr. les droits des demandeurs pour leur part dans le prix des immeubles aliénés par les héritiers de la ligne paternelle. Ce jugement a acquis l'autorité de la chose jugée. Les héritiers de la ligne maternelle n'ayant point obtenu l'entier payement de la somme de 22,663 fr. revendiquent, contre les tiers acquéreurs, la propriété des immeubles vendus.

Jugement du tribunal de Gien qui déclare les ventes nulles, comme vente de la chose d'autrui, et qui rejette l'exception de confirmation et ratification de ces ventes que les tiers acquéreurs faisaient résulter de la demande du prix, accueillie par le jugement du 5 décembre 1851.— Appel. Arrêt.

LA COUR; Attendu qu'aux termes de l'art. 724 c. civ. l'héritier légitime est saisi de plein droit, et dès le jour du décès de son auteur, de tous les droits et actions dont se compose l'héritage de celui-ci ; que l'héritier ne perd cette qualité et les droits qui en dérivent que par sa renonciation ou la prescription ; — Qu'ainsi, pendant trente ans, tout possesseur de l'hérédité ayant pour lui sa qualité d'héritier apparent, même de bonne foi, et qui vend en totalité ou en partie les biens de la succession dévolue à l'héritier réel, aliène la chose d'autrui; Attendu que, d'après les art. 1599, 2182, la vente de la chose d'autrui est nulle; que ce principe général, qui assure la conservation du droit de propriété, ne reçoit d'exception qu'autant que la loi, par des dispositions textuelles et pour des cas spéciaux, en a autrement ordonné; - Que la bonne foi, de la part du vendeur et de l'acheteur, est sans doute prise en considé ration par la loi pour diminuer la responsabilité de l'un et de l'autre, mais qu'elle ne peut avoir pour effet de conférer à la personne du vendeur le droit de disposer de la chose d'autrui, et qu'à l'égard de l'acheteur muni d'un juste titre, la bonne foi ne peut, d'après l'art. 2265, consolider son droit qu'autant que, par une possession légale de dix ou vingt ans, il a prescrit contre le droit du véritable propriétaire; que la disposition générale de cet art. 2265 s'applique aussi bien à la vente faite par l'héritier apparent qu'à celle consentie par tout autre possesseur de bonne foi; que le législateur place tous les propriétaires apparents dans la même catégorie, leur accorde des droits identiques et les soumet à la même règle; qu'on ne peut, dès lors, faire entre eux une distinction qui n'existe pas dans la loi; - Attendu que, pour éviter l'application de ces principes, on voudrait en vain se prévaloir soit de considérations puisées dans l'intérêt général, soit des dispositions du droit romain et de quelques décisions spéciales de nos lois nouvelles; Qu'en effet, et quant aux considérations générales, si la position d'un tiers de bonne foi est digne d'intérêt, s'il importe de ne pas laisser trop longtemps peser sur ses propriétés une incertitude nuisible aux progrès de l'agriculture et aux facilités des transactions, il faut, avant tout, conserver le droit antérieur du vrai propriétaire injustement c'é– pouillé ; Qu'en ce qui a trait aux lois romaines invoquées, la loi 13, Dig., §4, tit. De hæreditatis petitione, prononce formellement la nullité de la vente que l'héritier apparent aurait faite de toute Phérédité, et que

2 espèce; C. cass. de Belgique, 7 janv. 1847, aff. Colmant, D. P. 47. 2. 30. - On a cité dans ce sens d'autres arrêts, mais qui s'appliquent aux deux autres hypothèses que nous avons distinguées et que nous examinerons tout à l'heure.

550. Les divers points de vue de la controverse sont le droit romain, l'ancienne jurisprudence, le code Napoléon et l'intérêt public.

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Si les interprètes sont d'accord pour admettre notre explication de cette loi, qui statue sur la vente de choses particulières, res singulus, il n'en est pas de même quant à la loi 13, § 4, du même titre, qui prévoit la vente par l'héritier apparent de l'entière bérédité. Les opinions ici sont très-divergentes. On demande dar.s cette loi si l'acquéreur est passible de l'action universelle petitio hæreditatis, ou si le véritable héritier est réduit à exercer contre l'héritier putatif autant d'actions séparées en revendication qu'il y a d'objets compris dans la succession. Quid si quis hæreditatem emerit, an utilis in eum hæreditatis petitio deberet dari, no singulis judiciis vexaretur? La loi accorde l'action utile en pétition d'hérédité. M. Toullier voit une antinomie entre cette lei of la précédente, et conclut que ces dispositions étant contradictoires ne peuvent être d'aucun poids dans la discussion. M. Merlin, de son côté, prétend les concilier en disant que la pensée d'Ulpien (auteur des deux lois) a été de restreindre l'exception ex personá venditoris à la vente des choses singulières, parce qu'il n'y avait pas des motifs aussi favorables de maintenir la

Le droit romain était invoqué par la cour de cassation dans le premier de ses arrêts (Req. 3 août 1815, aff. Prepetit, no 548). De là sans doute le soin avec lequel cet aspect de notre question a été étudié par les nouveaux interprètes, notamment MM. Toullier, Merlin, Malpel, Duranton et Troplong, loc. cit., qui luttent d'érudition dans des dissertations fort étendues. Sans suivre ces auteurs dans tous leurs développements, voici à quoi se résume ce qu'il est essentiel d'en connaitre pour apprécier la portée des lois romaines. L'héritier apparent de bonne foi n'était tenu, par la pétition d'hérédité, que jusqu'à concurrence de ce dont il s'était enrichi: Eas autem qui justas causas habuissent quare bona ad se pertinere existimarent, usque eo duntaxat (teneri) quo locuple-vente de l'entière hérédité, et il croit même que cette distinction tiores ex ea re facti essent (L. 20, § 6, D., De petit. hæred.). Ces dernières expressions avaient ici un sens spécial. Dans les cas ordinaires, pour qu'on fût censé s'être enrichi, il suffisait d'avoir reçu la chose ou le prix (L. 17, D., Quod metus causa). Dans la pétition d'hérédité, il fallait encore ne les avoir, de bonne foi, ni consommés ni dissipés (L. 25, D., De petit. hæred).-L'héritier apparent avait-il vendu des biens particuliers de la succession, l'acquéreur étant comme lui de bonne foi, on se demandait quel serait le sort de cette vente. Si l'acheteur est évincé, il aura une action en garantie, c'est-à-dire en restitution et en dommages-intérêts. Le vendeur se trouvera donc dans une condition pire que s'il était actionné directement par la pétition d'hérédité, puisqu'alors il n'aurait eu à restituer que ce dont il s'était enrichi. Pour lui éviter ce recours onéreux, Ulpien décide que le véritable héritier n'a pas alors l'action en revendication: Et puto posse res vindicari, nisi emptores regressum habeant ad bona fidei possessorem (L. 25, § 17, D., De petit. hæred.). Ainsi, dans tous les cas où l'acheteur aurait eu action en garantie, il n'y a pas lieu à la revendication, et le motif de cette exception n'est pas seulement la bonne foi de l'acheteur, mais encore et principalement la règle que le vendeur de bonne foi ne peut être tenu au delà de ce dont il s'est enrichi, ni par suite être obligé à indemniser l'acheteur. La vente, en un mot, n'est maintenue que pour mettre le vendeur à couvert de tout recours en garantie. C'est ainsi que la loi, dans les expressions citées, est entendue par tous les interprètes, anciens et modernes, moins le président Favre, qui, dans le cas supposé, admet la revendication; mais il est remarquable que cet auteur, au lieu de se borner à interpréter le texte d'Ulpien, imagine qu'on l'a altéré, et substitue, de sa propre autorité, le mot etsi au mot nisi emptores, etc., ce qui change diamétralement le sens de la loi.

la loi 25, § 17, au même titre, qui, dans le cas de ventes partielles, paraît admettre la validité des ventes, est tellement obscure, même pour les interprètes les plus accrédités, qu'elle ne saurait servir de guide dans l'interprétation de nos lois nouvelles qui ont admis sur ce point d'autres principes; Attendu qu'en présence des dispositions des art. 1599, 2125, 2182, on voudrait en vain argumenter de quelques dispositions particulières du code civil pour créer, en faveur de l'héritier apparent de bonne foi, une exception que la loi n'a pas admise par un texte formel; - Qu'en dérogeant aux principes généraux, dans les cas prévus par les art. 132, 955, 1240 et 193, le législateur a créé des exceptions commandées par la force des choses, mais que les dispositions exceptionnelles doivent être renfermées dans les espèces qu'elles règlent, et que les étendre par analogie à des cas non prévus, ce serait détruire le principe général posé dans l'art. 1599; Que c'est aussi par exception que l'art. 1380, au titre des Quasi-contrats, établit que celui qui, de bonne foi et par suite de l'erreur du véritable propriétaire, reçoit de lui un immeuble qu'il revend, n'est tenu que de la restitution du prix; qu'ici, c'est le véritable propriétaire qui à livré la chose dont il avait droit de disposer; que l'erreur de celui-ci est son fait; qu'il ne peut donc l'imputer à d'autres et faire retomber sur eux les conséquences de son erreur; mais que, dans le cas de vente par un héritier apparent, le véritable propriétaire est dépouillé à son insu et sans que, par son fait, il ait induit en erreur les tiers acquéreurs ; qu'ainsi, et en raison de ces différences, l'art. 1380 ne saurait être invoqué dans la cause actuelle;

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doit encore être suivie sous le code Napoléon (V. ci-après, no 552). MM. Malpel, Duranton et Troplong proposent un autre mode de conciliation: les deux lois n'ont rien de contradictoire, en ce que dans la loi 13, § 4, il ne s'agit que de la forme de l'action; on ne s'occupe d'aucune exception en faveur de l'acheteur; une seule question y est résolue quelle espèce d'action accordera-t-on au véritable héritier contre l'acquéreur de l'entière hérédité? On accorde l'action utile par imitation de l'action directe, qui n'avait lieu originairement que contre le détenteur sans titre pro hærede vel possessore, à la différence de la revendication admise contre l'acheteur. Les mêmes auteurs combattent avec force la distinction de M. Merlin, en disant notamment que l'action utile contre l'acquéreur de l'entière hérédité ne faisant que remplacer, aux termes mêmes de la loi 13, § 4, les demandes en revendication de chacune des choses de l'hérédité, il convenait que l'acheteur de l'entière hérédité profitât de l'exception accordée à l'acquéreur de choses singulières ; qu'il y avait les mêmes raisons d'équité pour que dans l'un et l'autre cas le vendeur de bonne foi ne fût pas tenu au delà de ce dont il avait profité. Tel nous paraît aussi le vrai sens des deux lois romaines.

551. Passons maintenant à l'ancienne jurisprudence invoquée aussi dans tous les arrêts qui ont déclaré valable la vente par l'héritier apparent de biens particuliers de la succession. Tous les interprètes s'accordent à reconnaître une première dérogation aux principes du droit romain, énoncée en ces termes par M. Merlin lui-même: «Notre ancienne jurisprudence ne tenait aucun compte des lois romaines qui dispensaient l'héritier apparent de bonne foi de restituer au véritable héritier le prix des ventes qu'il avait faites, lorsque après l'avoir touché il l'avait perdu par sa faute ou consommé en folles dépenses; cédant à l'équité naturelle, notre ancien droit attachait au seul fait que le

- Attendu qu'il suit de ce qui précède que les ventes consenties par les héritiers apparents étaient nulles, comme faites à non domino, pour la portion afférente aux héritiers maternels;

En ce qui touche les ratifications de ces mêmes ventes: - Attendu que les héritiers maternels avaient deux actions : l'une personnelle et directe contre les vendeurs de leur part héréditaire, l'autre réelle pour la résolution des ventes contre les tiers détenteurs ; Qu'en recourant d'abord à l'action personnelle, ils ont usé de leur droit, et que, pour induire de cette option une renonciation à recourir plus tard à l'action réelle, il faudrait que l'action, au lieu d'être subsidiaire à la premièro, fût au contraire exclusive de celle-ci ; qu'il est évident qu'en demandant d'abord la restitution du prix des ventes, les héritiers réels se trouvaient dans la position du vendeur qui réclame d'abord son prix, et qui ensuite et faute de payement a toujours le droit de diriger contre l'acquéreur ou même contre les tiers l'action résolutoire; qu'une renonciation tacite ne se présume pas et doit résulter d'un acte qui implique nécessairement cetto renonciation, ce qui ne se rencontre pas dans l'espèce; qu'il faut reconnaître que le jugement du 5 décembre ne contient que des condamnations personnelles contre un negotiorum gestor, obligé par un quasicontrat à rendre le prix qu'il a reçu, et que, dès lors, tant que ce prix n'est pas payé, le propriétaire conserve son droit de revenir contre la vente de sa part héréditaire qu'il n'a pas ratifiée ; — Par ces motifs, confirme, etc.

Du 27 mai 1836.-C. d'Orléans.-MM. Gaudry, Légier, Geffriør, av.

prix avait été touché la présomption que le vendeur était encore nanti, ou en avait fait un emploi utile. » Pothier aussi (de la Propriété, no 489) explique fort bien que le système des lois romaines, équitable en théorie, était d'une application presque impossible, outre qu'il avait l'inconvénient de faire entrer dans le secret des affaires des particuliers.

A cette différence près, l'ancienne jurisprudence adoptait-elle Je système de lois romaines quant à la validité des ventes particulières faites par l'héritier apparent? M. Toullier avait dit que le parlement de Rouen était le seul qui déclarât la vente valable; que dans les autres parlements, on enseignait une doctrine contraire, doctrine appuyée de Lebrun, qui dit, liv. 3, chap. 4, no 57: «L'héritier plus éloigné ne pourrait aliéner pendant sa Jouissance au préjudice du plus proche héritier: cela est certain.» -M. Merlin porte à M. Toullier le défi d'indiquer un seul arrêt contraire à la jurisprudence du parlement de Rouen, dont il cite deux arrêts, des 19 juin 1739 (aff. Malandrin) et 5 août 1748.- De plus, il rapporte (Rép., v° Succession, sect. 1, § 5, no 2) deux arrêts semblables du parlement de Paris, l'un de 1744, l'autre du 19 fév. 1782, le premier rendu contre un mémoire de Cochin (t. 5 de ses OEuvres, p. 651). M. Malpel, no 211, qui résout la question dans le même sens que M. Merlin, ajoute à ces citations quatre arrêts du parlement de Toulouse, dont il retrace les espèces, et qui sont entièrement conformes. Ces arrêts ont été rendus les 18 mars 1773, 2 sept. 1779, 7 sept. 1780 et 9 avril 1788. Quant à l'autorité de Lebrun, les paroles qu'on a rappe lées ne tranchent point notre question. Sans doute l'héritier putifne peut pas, en général, aliéner pendant sa jouissance; mais s'il est de bonne foi, et l'acquéreur aussi, quid juris ? C'est ce que ne résoul pas Lebrun. En tout cas, on opposerait à son suffrage celui bien explicite de Paul de Castre, Balde, Furgole (Testaments, t. 4, chap. 10, sect. 2, n° 100; le Nouveau Denisart, vo Héritier, § 2, no 16). Toutefois, M. Troplong, de la Vente, no 960, fait remarquer que si, dans les pays de droit civil, on adoptait la décision de la loi 23, § 17, au Digeste, De petit. hæredit., ailleurs on se fondait uniquement sur la bonne foi de l'acquéreur pour maintenir la vente. Ainsi, dit-il, dans l'arrêt du parlement de Rouen, du 19 juin 1739, il est certain que le vendeur n'était pas de bonne foi, et il est douteux qu'il le fût dans l'arrêt du parlement de Paris, du 17 juin 1744. D'où M. Troplong tire la consequence qu'il n'y avait pas en France celte unanimité nécessaire pour que l'on pût dire que le système du droit romain y avait un véritable acquiescement. Cette observation fût-elle vraie, il n'est pas moins établi que l'ancienne jurisprudence maintenait les aliénations particulières faites par l'héritier apparent. M. Troplong ne peut opposer que le passage cité plus haut, de Lebrun, qui n'a rien de significatif.

552. Venons au code Napoléon. La cour de cassation dans son premier arrêt du 3 août 1815, aff. Prépetit, s'était bornée à dire que la validité des aliénations reposait : « sur une ancienne jurisprudence conforme au droit romain, et soutenue par les motifs les plus puissants d'ordre et d'intérêt publics. >> La cour n'invoquait aucune disposition du code Napoléon, et elle repoussait l'argument tiré de certains articles (549, 721, 1599), en ajoutant qu'ils ne statuaient qu'en règle générale et pouvaient ainsi se concilier avec l'ancien droit. Plus tard, en 1843, on a cru devoir s'orienter à d'autres points de vue; M. l'avocat général Laplagne-Barris, dans les conclusions qui ont précédé l'arrêt du 16 janv. 1843, aff. de Rastignac, disait que l'ancien droit n'offrait aucun texte précis; que le système romain ne pouvait, à raison de ses applications circonstantielles, être transporté sans danger dans notre droit, et que quant à l'ancienne jurisprudence, le pouvoir des parlements étant semilégislatif, leurs conclusions ont pu être fondées sur des motifs d'utilité publique ou sur des circonstances de fait qu'ils ont silencieusement appréciées; d'où le savant magistrat inférait qu'il fallait chercher dans le code Napoléon seulement la règle de décider; or il a invoqué divers articles, et la cour en a fait l'application, tout en se référant encore à l'ancienne jurisprudence, mais non plus au droit romain.

Pour nous, nous sommes bien loin de penser que le droit romain et l'ancienne jurisprudence ne soient d'aucun poids dans la discussion; on peut apprécier, par les observations qui pré

cèdent leur degré d'autorité; et si l'on joint l'argument de l'intérêt public, tels sont encore à notre sens les principaux motifs qui suffisent pour fonder la validité des aliénations de l'héritier apparent. Nous croyons qu'on a fait de vains efforts pour chercher dans le code Napoléon un texte décisif, de même qu'on ne saurait voir l'abrogation de l'ancien droit dans des dispositions qui ne contiennent que des règles générales, non moins admises autrefois.

Les textes nouvellement invoqués par la cour de cassation sont les art. 755, 767, 775, qu'elle interprète en ce sens, qu'il ne suffit pas d'être au plus proche degré de parenté pour avoir la pleine et actuelle propriété des biens héréditaires; qu'il faut encore accepter la succession ou l'appréhender, et qu'il n'y a point d'héritier nécessaire. Ainsi on pose virtuellement en principe que jusqu'à son adition, l'héritier véritable n'est pas réputé propriétaire. Mais un tel principe pris dans un sens absolu, n'aurait-il point des conséquences devant lesquelles la cour de cassation reculerait elle-même! Comment les concilier avec les art. 724 et 777 c. nap.? L'art. 724 saisit de plein droit l'héritier légitime; de plein droit, ce qui signifie sans doute, indėpendamment de tout fait d'acceptation, et conformément à l'éner gique adage : « Le mort saisit le vif. » L'art. 777 fait remonter au jour de l'ouverture de la succession l'effet de l'adition. M. Championnière, loc. cit., qui admet comme nous la validité des ventes faites par l'héritier apparent, critique aussi les nouveaux motifs de la cour de cassation: « Jusqu'à présent, on avait cru, dit-il..., qu'il n'existait pas d'héritier nécessaire, qu'il existe une saisine nécessaire, qui n'est effacée que par la renonciation expresse de celui qui n'a pas accepté, laquelle renonciation n'agit rétroactivement qu'à l'aide d'une fiction (l'héritier qui renonce est censé...., art. 785); qu'elle ne s'attache pas à la fois à tous les parents du défunt, du premier degré jus qu'au douzième, étant contraire à la nature des choses, qu'un même droit appartint simultanément à plusieurs; que jamais on n'a considéré tous ces parents comme cohéritiers, jouissant indivisément de la saisine de la succession; qu'elle n'atteint que l'héritier le plus proche, puisque les successions ne sont, aux termes de l'art. 731, déférées que dans un ordre déterminé par la loi; que les collatéraux ne sont pas des héritiers quand il existe des enfants ou descendants; que celui-là seul enfin est l'héritier saisi de plein droit par l'art. 724, auquel la succession est déférée par l'art. 731. »

Le code Napoléon contient plusieurs dispositions qu'on a aussi invoquées par analogie, mais qui sont moins concluantes encore que les articles cités par la cour de cassation. Ainsi, la bonne foi du possesseur a pour effet, dans divers cas, de valider les actes de disposition à l'égard des tiers. Mais ces exceptions à la règle, que nul ne peut transférer plus de droit qu'il n'en a lui-même, ont chacune une raison toute spéciale. Par exemple, l'art. 152 c. nap. maintient les aliénations faites par l'envoyé en possession des biens de l'absent, mais lorsqu'il s'est écoulé trente-cinq ans depuis l'absence et qu'on a pris la précaution de la faire déclarer. L'art. 790 respecte les actes valablement faits avec le curateur d'une succession réputée vacante; mais le curateur était le mandataire légal de l'héritier qui a tardé à se faire connaître. L'héritier apparent au contraire est l'adversaire de l'héter réel; il prescrit chaque jour 'contre lui les biens qu'il détient. L'art. 1240 déclare valable le payement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance, bien qu'il en soit par la suite évincé. Mais le débiteur qui paye ici comme contraint ou pour éviter des poursuites, ne peut pas être assimilé à un acquéreur qui a toute liberté d'action. L'art. 1380 maintient la vente de la chose qui a été reçue in dûment et de bonne foi; mais l'erreur dans ce cas est le fait de propriétaire lui-même qui doit s'en imputer les conséquences, L'art. 1935 valide la vente de la chose déposée quand is vendeur, héritier des dépositaires, ignorait le dépôt; mais il s'agit ici d'une chose mobilière pour laquelle, de droit commun, la possession vaut titre (c. nap. 2279).- Les art. 2005, 2008, 2009, ordonnent à l'égard des tiers de bonne foi l'exécution des engagements du mandataire, quoique postérieurs à la révocation du mandat; mais le mandant est en faute de n'avoir pas fait connaltre cette révocation.

Une autre texte passé sous silence dans les arrêts et par la

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