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cèder, qu'elle constitue pour les générations futures l'état et l'organisation des familles. Ce sont les expressions de M. BigotPréameneu (séance cons. d'Et. 14 pluv. an 11; M. Locré, Lég. civ., etc., t. 11, p. 110). La révocation des donations pour survenance d'enfants, la stipulation du droit de retour, une foule d'autres dispositions conditionnelles sont autorisées par le code, quoiqu'il en résulte quelque temps d'incertitude sur la propriété. -Eh! quelle différence y aurait-il donc entre les legs conditionnels et les substitutions, si la charge de conserver jusqu'à sa mort n'était imposée au grevé? Les legs à terme, les legs sous condition, qui diffèrent la remise des biens légués dans un temps plus ou moins éloigné, tomberaient donc sous la prohibition de l'art. 896? Il y aurait donc antinomie dans le code, puisqu'il les permet expressément (art. 1039, 1040, 1041), sans distinguer le cas où l'héritier qui les doit est légitime ou institué? Le seul moyen de concilier le législateur avec lui-même est donc de ne comprendre, sous l'empire de l'art. 896, que la charge de conver et de rendre à la mort.

D'autres dispositions du code complètent cette démonstration. L'art. 896 prohibe, en général, les substitutions; l'article suivant n'ajoute-t-il pas : « sont exceptées... les dispositions permises aux pères et mères et aux frères et sœurs, au chap. 6 du présent titre?» La même exception avait été étendue aux majorats. Or, dit fort bien M. Proudhon, de l'Usuf., t. 2, no 443, «ce qui est prohibé généralement à tous les autres membres de la société doit être de même nature que ce qui n'est permis que par privilége en faveur des grandes familles, ou par exception en faveur des père et mère, frères et sœurs, par la considération des liens de parenté. Comme ces exceptions ne sont pas fondées sur (1) Espèce: - (Conté C. les hérit. de la dame Conté.) Le 18 avr. 1818, Marie Münch, femme Conté, a institué son mari pour son béritier; puis elle a ajouté : « Dans le cas où mon mari convolerait en secondes noces, il sera tenu de rendre la moitié de ce dont il a été ci-dessus institué, et qui sera distribué aux pauvres. » Après le décès de la testatrice, Antoine Bohn et sa femme, héritière légitime de la femme Conté, ont demandé la nullité du testament, comme renfermant une substitution prohibée.

Le 15 février 1819, le tribunal civil de Strasbourg accueille cette demande, attendu « que par l'art. 6 du testament, l'héritier institué est chargé, dans le cas où il se remarierait, de remettre la succession aux pauvres : ce qui représente une véritable substitution, aux termes de l'art. 896 c. civ.; qu'il est vrai qu'elle est conditionnelle et éventuelle seulement, mais que la loi ne distingue pas, et que, d'un autre côté, si l'art. 6 du testament devait être maintenu, l'héritier de la moitié de la succession serait incertain jusqu'à la mort du défendeur, ce que le législateur avait voulu éviter; qu'enfin, pour ne laisser aucune incertitude sur ce qu'on doit entendre par substitution, le code en a donné la définition par l'art. 896 précité; et que par les art. 898 et 899 subséquents, dont aucun n'est applicable à la disposition critiquée, il à expliqué ce qui n'était pas une substitution. >> Appel de l'héritier institué, par les motifs de l'arrêt suivant. Il s'est attache à résumer la théorie exposée par M. Rolland de Villargues, chap. 10, nos 148 et suiv., et que nous avons développée ci-dessus. - Arrêt.

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LA COUR; Attendu que si le code prohibe les substitutions, il permet les dispositions conditionnelles; Attendu que la substitution n'existe que lorsqu'il résulte des dispositions qui l'établissent, un ordre successif, suivant lequel l'appelé doit recueillir l'objet de la substitution après le décès du grevé; Attendu surtout qu'il ne peut y avoir substitution, lorsque la condition de laquelle on prétend le faire résulter ne pouvant arriver que par le fait et du vivant du grevé, elle prend le caractère d'une condition résolutoire, dont l'événement effacerait le trait de temps, et aurait pour effet de résoudre la libéralité, tout de même que si elle n'avait pas été faite; Attendu que la condition dont s'agit, quoique conçue en termes affirmatifs, est négative en ce qu'elle impose à l'institué de ne pas se remarier, à peine d'être privé de l'institution pour moitié; qu'elle est donc résolutoire de sa nature, et conséquemment exclusive de toute idée de substitution, qui suppose au contraire l'exécution successive de deux libéralités au profit de deux individus, lesquels recueillent et conservent, mais l'un après l'autre, le bénéfice; au lieu que, dans le cas de la résolution, le second appelé prend la place du premier, pour lequel la libéralité est censée n'avoir jamais existé; Infirme, etc.

Du 8 août 1819.-C. de Colmar. (2) Espèce : (Kopp C. Combeau.) Le 20 nov. 1821, Eléonore Stromeyer fait un testament contenant, entre autres clauses, les suivantes: «Art. 2. Je donne et lègue à Philippe Pick, mon cousin, 500 fr. une fois payés. Art. 3. Je donne et lègue aux enfants nés et à naître de Pierre Combeau et d'Anne-Marie Fuchs, son épouse, pendant leur

une diversité d'espèces dans les choses, mais uniquement sur les egards qu'on a cru devoir aux personnes, il est nécessaire d'en conclure que ce qu'on a permis en faisant fléchir la règle commune est ce qui a été défendu aux autres. » — Les érections de majorats s'étendant à tous les degrés de la descendance, et les libéralités permises aux père et mère, frère et sœur, ne pouvant être faites au profit des petits-enfants ou neveux nés ou à naître, qu'au premier degré seulement (c. nap. 1048 et 1049), étaient évidemment telles que, pour en profiter, le substitué devait survivre au grevé « puisque, remarque l'auteur déjà cité, il n'y a de degré que là où est une génération qui succède. » — M. Toullier, qui motive ainsi la même interprétation, termine (t. 5, no 24) en disant ; « Ces exceptions peuvent servir mieux qu'un long commentaire à faire connaître la nature et le caractère des substitutions que le code entend prohiber. » - Telle est aussi l'interprétation de MM. Merlin, Quest. de dr., vo Subst. fidéicom., § 6; Rolland de Villargues, chap. 4 et 5; Delvincourt, t. 2, notes sur la page 103; Duranton, t. 8, nos 77 à 84; Troplong, no 102; Coin-Delisle, sur l'art. 896, nos 7 et suiv., 21. Les observations de M. Grenier, t. 1, p. 114 et suiv., présupposent une semblable opinion, bien qu'elles ne l'expriment pas directement. Décidé en ce sens qu'il n'y a pas substitution prohibée : 1° dans la disposition par laquelle, après avoir institué son mari héritier, une femme veut que, dans le cas de secondes noces, il soit tenu de rendre la moitié de leur succession aux pauvres (Colmar, 8 août 1819) (1); 2o Dans la disposition qui charge un légataire de rendre les biens légués à ses enfants au fur et à mesure de leur majorité (Colmar, 25 août 1825) (2).

117. Mais la condition de la mort du grevé doit-elle encore, mariage, par portions égales, et avec accroissement, en cas de décès de l'un ou de l'autre, savoir, pour le cas où ledit sieur Combeau dût survivre à sadite épouse, la nue propriété: 1o de la totalité de mes immeubles, 2o d'un capital de 15,000 fr. à prendre sur le plus clair des biens que je délaisserai au jour de mon décès, 3o de tous mes meubles de ménage, effets mobiliers, excepté l'argent comptant et les créances qui resteront dans ma succession, après avoir composé le capital de 15,000 fr. ci-dessus. Et, pour le cas où la femme Combeau dût survivre à son époux, je donne et lègue aux mêmes enfants la nue propriété, de la moitié seulement, desdits meubles et immeubles et capital de 15,000 fr. De plus, je leur donne et lègue encore, au décès du survivant de leurs père et mère, la jouissance gratuite et sans caution du surplus des biens que je délaisserai, mais jusqu'à la majorité seulement; bien entendu que ladite jouissance décroîtra au fur et à mesure que l'un ou l'autre desdits enfants atteindra sa majorité. Art. 4. Je donne et lègue auxdits époux Combeau, pour moitié chacun, en reconnaissance de tous les soins qu'ils m'ont rendus et me rendront..., la jouissance viagère, gratuite et sans caution, de tous les biens meubles et immeubles que je délaisserai à mon décès; donne et lègue, de plus, au survivant d'eux, la propriété pleine et entière de mon jardin, bâtiments et dépendances, sis hors la porte des Juifs de cette ville, à la promenade du Contades. Je veux, en outre, que ni l'un ni l'autre de leurs enfants ne puisse lui réclamer sa part et portion à la nue propriété ci-dessus léguée, jusqu'au fur et à mesure de sa majorité. Je donne et lègue encore audit survivant, si c'est la femme Combeau qui survit, la nue propriété de la moitié du surplus de mes immeubles, du capital de 15,000 fr. et des autres biens dont est question à l'art. 3. Art. 5. En cas de décès de tous les enfants Combeau avant leurs père et mère, j'entends que les dispositions ci-dessus, faites en leur faveur, soient censées non écrites. Art. 6. J'institue, pour mes héritiers uniques et universels, mes neveux et nièces, par portions égales, avec accroissement, à charge par eux d'acquitter tous les legs ci-dessus et toutes les dettes, sans exception, de ma succession; je leur recommande de respecter mes dernières volontés. >>

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Après le décès de la testatrice, sés héritiers naturels, la dame Kopp et le sieur Emmerich, demandent la nullité du testament, comme contenant une substitution fideicommissaire. Le 7 déc. 1824, jugement da tribunal civil de Strasbourg, en ces termes :-«Attendu, en principe, qu'aux termes de l'art. 896 c. civ., pour qu'il y ait substitution fideicommissaire, il faut que l'on rencontre dans les dispositions testamentaires trois caractères distincts qui donnent à l'héritier institué le droit de recueillir, et qui, en même temps, lui imposent l'obligation de conserver et de rendre à un autre institué au second degré, de manière que l'objet qui fait partie du legs ne puisse jamais être confondu dans les biens de la succession du premier institué; que, pour faire sainement l'application de ce principe au testament dont il s'agit, il faut bien se rendre compte de son économie, et examiner si, dans toutes ses parties, toutes ses dispositions sont susceptibles d'exécution; que si l'on aperçoit dans ce testament un vice de rédaction, il n'est cependant pas tel qu'il puisse rentrer dans la catégorie de fart. 900 e. civ.; Que ces dispositions sont telles que,

comme autrefois, se présumer de droit, ou faut-il qu'elle soit littéralement exprimée, ou qu'elle résulte nécessairement de l'ensemble de la disposition, de la nature de l'acte ?-Sur quoi était fondée la présomption? Thévenot nous l'apprend, no 921: « La condition cùm moreretur doit être présumée, d'après notre manière ordinaire de substituer. Sans cela le vœu du substituant serait certainement trompé parmi nous, dès qu'il n'a rien dit qui marquât l'obligation de rendre aussitôt. » Ricard dit aussi, ch. 10, n° 6: « Cette condition se doit présumer plus facilement;... il faut moins de circonstances pour faire croire que l'intention du testateur a été telle, d'autant qu'elle est conforme à l'usage commun et presque général du temps présent.»-Mais l'usage de substituer n'existe plus depuis que les substitutions sont prohibées. La présomption aujourd'hui manquerait donc de la base que lui donnaient les anciens auteurs. Elle violerait, en outre, ce principe élémentaire, et qui a tant de fois reçu son application depuis la législation nouvelle, que le testateur doit être censé n'avoir rien écrit, rien voulu de contraire à la loi et à l'efficacité de sa disposition. M. Rolland de Villargues, nos 58 à 65, fait très-bien remarquer en outre que, de règle générale, les conditions ne se présument point; que la mort du grevé forme ici condition; que sans cette circonstance, la simple charge de rendre ne constituerait qu'un mode de la disposition, et que, dans le doute, une disposition doit être réputée modale plutôt que conditionnelle, en ce que la première est moins sujette à caducité que la seconde. Ces principes, puisés dans les lois 1,19 et 111, C., De condit. et dem., 12, ff., De reb. dub., sont enseignés par Dumoulin sur le § 20 de la cout de Paris, glose 7, no 8; Ricard, des Disposit. condit., ch. 1, no 19; Furgole, des Test., ch. 7, sect. 3, no 41. -M. Toullier, no 23, conclut, avec raison, que la charge indéterminée de rendre «ne constituerait plus qu'un fidéicommis pur et simple, qui s'ouvrirait aussitôt que l'acte dans lequel il serait écrit commencerait d'avoir son effet, et qui, par conséquent, transmettrait de suite au substitué le droit d'exiger la délivrance des biens qui doivent lui être rendus conformément à la loi 41, § 14, ff., De legat.-30. » Le grevé, ajoute cet auteur, n'est ici appelé que pour prêter son ministère (Ricard, part. 2, ch. 10, no 5); il n'est rien de plus qu'un exécuteur testamentaire; et s'il refusait, l'appelé n'en recueillerait pas moins le legs qui ne peut tomber sous la prohibition de l'art. 896, parce qu'il n'y a pas charge de conserver. »

La doctrine de M. Toullier est enseignée par M. Duranton, avec une distinction conçue peut-être en termes absolus, mais qui certes a un côté plausible : « Nous tombons, dit-il, d'accord avec M. Toullier, que la disposition dont il s'agit ne renfermera qu'un fidéicommis pur et simple, quand elle aura lieu dans un

pour qu'elles deviennent parfaitement intelligibles, il est nécessaire de considérer l'art. 6 comme devant prendre la place de l'art. 2; l'art. 2, celle de l'art. 3; le quatrième rester dans son rang, et le troisième comme devant remplacer le cinquième et le cinquième devenir le sixième; que, cette économie ainsi établie dans ce testament, il devient facile de juger la question qui se présente à décider; - Que la testatrice, en instituant ses neveux et nièces ses héritiers uniques et universels, les considère plutôt comme ses exécuteurs testamentaires que comme devant recueillir quelque partie de sa succession; - Que, dans aucune disposition du testament, qui institue légataires les enfants Combeau, ou leurs père et mère, on ne rencontre aucun des caractères de la substitution prohibée par l'art. 896 du code; qu'aucun de ces légataires ne vient recueillir pour conserver et rendre, mais il recueille directement par la volonté de la testatrice; que, dès lors, on ne rencontre, dans ce testament, ni le tractus temporis ni l'ordo successionis; Par ces motifs, ordonne que le testament public d'Eléonore Strohmeyer sera exécuté suivant sa forme et teneur; condamne les demandeurs aux dépens envers toutes les parties. » Appel par la veuve Kopp et le sieur Emmerich. Arrêt. LA COUR; Considérant qu'aux héritiers institués appartient le remenance de la succession de la demoiselle Strohmeyer; qu'ils sont, d'ailleurs, conditionnellement investis d'une portion de la nue propriété, en cas de prédécès des conjoints Combeau; Qu'aucune clause du testament n'établissant un ordre d'hérédité qui obligerait les héritiers institués à conserver les biens de la testatrice pour les rendre, à leur décès, A des héritiers appelés en second ordre, ils ne peuvent être réputés grevés de substitution; Adoptant, au surplus, les motifs des premiers

juges, etc.

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Du 25 août 1825.-C. de Colmar.-M. Millet de Chevers, 1er pr.

des cas où la substitution ne serait pas permise; mais nous pensons le contraire, si la substitution était autorisée par la loi (comme celles permises soit par les art. 1048 et 1049 c. nap., soit par la loi du 17 mai 1826); alors la charge de rendre, mise indéterminément, devrait s'entendre, comme dans notre ancienne turisprudence, de la charge de rendre à la mort du grevé,... car jelle a été probablement la volonté du disposant. » Il serait plus prudent, selon nous, dans le cas de substitution permise, de subordonner aux circonstances l'acception des mots indéfinis à la charge de rendre, et de n'en pas faire l'indice nécessaire, et comme une sorte de présomption légale de la volonté de substituer.

118. De quels termes sera censée résulter la condition de ne rendre qu'à la mort? Il n'y a point à cet égard de termes sacramentels: c'est un point laissé à l'appréciation des tribunaux. Suivant MM. Rolland de Villargues, no 66, Toullier, t. 5, nos 21 et 22, Duranton, t. 8, nos 88 et 89, si le testateur s'est exprimé comme le code, qu'il ait imposé la charge de conserver et de rendre, il est naturel d'entendre qu'il a fait une substitution prohibée. Cela eût été naturel, en effet, dans l'ancien droit, où, les substitutions étant permises, il s'agissait simplement de rechercher quelle avait été l'intention vraisemblable du testateur. Mais en serait-il de même sous l'empire de la législation qui prohibe les substitutions? Il est permis d'en douter, en présence de l'art. 1157 c. nap., que nous avons déjà invoqué, en présence aussi de cette maxime dont la vérité ne saurait être contestée : odia sunt restringenda. Sans s'expliquer précisément sur cette hypothèse, M. Troplong fait suffisamment, ce semble, entrevoir son opinion lorsqu'il enseigne (n° 115) que la condition de la mort du grevé pour que l'appelé recueille la libéralité doit résulter nécessairement des termes du testament. Il reconnaît, à la vérité, qu'il n'est pas nécessaire que les mots de la disposition mentionnent expressément la mort du grevé : « Il suffirait, ajoute-t-il, que la condition résultât implicitement, mais nécessairement, des expressions employées. »

119. Suivant un arrêt, est insuffisante la clause « je lègue à tel, pour par lui jouir et disposer en bon père de famille. » En effet, la faculté qu'il a de disposer exclut l'obligation de conserver, caractère essentiel de la substitution, comme il a été dit cidessus (Montpellier, 27 janv. 1818), et sur le pourvoi il a été décidé que c'est là une question de volonté dont la solution échappe à la censure de la cour de cassation (Req. 12 mai 1819) (1). M. Rolland de Villargues (nos 67 et 171) critique l'arrêt de la cour de Montpellier. Selon cet auteur, le droit de jouir et de disposer n'étant limité par un temps quelconque, le grevé doit l'exercer pendant toute sa vie; ainsi le veulent les principes. En sorte

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(1) Espèce: · (Hérit. Auberge.)- Le sieur Auberge a fait, le 2 fév. 1815, un testament olographe portant: «J'institue pour mon héritier universel le sieur François Auberge, mon neveu, pour par lui jouir et disposer de mon hérédité en bon père de famille, et à la charge de la renpre à ses enfants légitimes. >> Décès du testateur. Ses héritiers demandent la nullité du testament, comme renfermant une substitution prohibée. Le 11 mars 1817, le tribunal de Perpignan accueille cette demande, considérant que la charge de rendre emporte nécessairement celle de conserver.

Appel par l'héritié institué. 27 janv. 1818, arrêt infirmatif de la cour de Montpellier :- «Attendu qu'aux termes de l'art. 896 c. civ., il n'y a de prohibé que toute disposition par laquelle l'héritier institué serait tenu de conserver et de rendre; que bien loin que l'on trouve dans la disposition par laquelle François Auberge a été institué héritier, l'obligation de conserver l'hérédité, on y trouve une disposition contraire puisque ledit Auberge y est institué pour par lui jouir et disposer de l'hérédité en bon père de famille, ce qui est inconciliable avec l'obligation de conserver; - Que de la contexture des termes et de l'ensemble de ladite clouse, il résulte que le légataire est investi d un droit positif, et n'est point grevé des charges mentionnées dans l'art. 896 c. civ., et prohibées par cet article. »>

Pourvoi des héritiers Auberge pour violation de l'art. 896 c. civ.

Arrêt.

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que la clause revient au même que si le grevé avait été expressément chargé de conserver et de rendre. Mais cette observation, en admettant même que l'interprétation donnée par M. Rolland de Villargues à la clause de conserver et de rendre dût être admise, n'atteint pas, ce nous semble, l'argument principal proposé par cette cour, et qui est le véritable point de la difficulté : c'est que «le droit de disposer est inconciliable avec l'obligation de conserver, » et que les termes qui commandent la restitution doivent être obligatoires, selon une règle posée par l'auteur luimême, et qu'il a eu souvent occasion d'appliquer dans son excellent traité.-V. dans le sens des observations qui précèdent M. Vazeille (sur l'art. 896, no 32), qui combat aussi l'opinion de M. Rolland de Villargues.

120. La clause portant: «J'institue mon neveu pour mon légataire universel, à charge de rendre à l'aîné de ses enfants måles tous les biens qu'il recueillera en vertu dudit legs; dans

(1) Espèce:-(De Galard et Deladouze C. de Bouilhac.)-Le 8 mars 1831, M. J.-B. de Bouilhac est décédé, laissant un testament olographe, à la date du 20 janvier précédent, dont les clauses importantes à rappeler sont celles-ci : « J'institue pour mon légataire universel le fils de mon frère Louis de Bouilhac, à charge par lui de rendre à l'aîné de ses enfants mâles tous les biens qu'il recueillera, en vertu dudit legs universel; dans le cas où mondit légataire viendrait à décéder sans enfants mâles, je lui substitue mon beau-frère, le marquis de Ladouze, pour recueillir l'entier effet du susdit legs universel, à la charge par lui de faire une pension viagère de 6,000 fr. à mon frère Louis de Bouilhac, payable six mois d'avance et à son domicile.-Je nomme, en conformité de l'art. 1055 c. civ., Louis de Bouilhac mon frère, pour tuteur. >> -Quelques instants avant sa mort, M. J.-B. de Bouilhac fit un testament public, dans lequel il déclara, en ces termes, qu'il voulait que le testament olographe du 20 janvier fût exécuté dans ses forme et teneur. -« J'ai institué mon neveu, fils de mon frère Louis de Bouilhac, mon légataire universel; je persiste dans cette volonté, avec cette explication, que j'entends qu'aucune des sommes qu'il recueillera de ma libéralité ne puissent être détournées à son préjudice; je désire qu'on lui donne une éducation propre à faire un homme d'honneur ; je lui recommande de se conduire avec cette douceur de caractère qui a toujours fait aimer le nom de Bouilhac de la part de tous ceux qui l'ont connu. Si je n'ai pas nommé mon frère Louis de Bouilhac mon légataire universel, c'est en considération des clauses de son contrat de mariage qui ne me convenaient nullement. >>

Dans ces dispositions, M. de Bouilhac parut céder au ressentiment que lui avaient fait éprouver et le mariage de M. Louis de Bouilhac, son frère, et la donation par laquelle ce dernier avait, au préjudice de sa propre famille, assuré tous ses biens à son épouse, dans le cas où il décéderait sans enfants.

Mais en substituant son beau-frère à son neveu, avait-il eu simplement en vue le cas où ce dernier le prédécéderait, lui testateur, ou bien avait-il voulu prévoir celui où son neveu venant à mourir sans enfants mâles, ses biens pourraient passer à une famille qu'il n'aimait pas; et, dans la vue de prévenir cette transmission, aurait-il désigné M. de Ladouze pour les recueillir? - C'est cette dernière version qui était soutenue par les dames de Galard et de Ladouze, sœurs du défunt, et ses héritières légitimes. On voit, disait-on pour elles, que, même à ses derniers moments, le testateur n'avait pu s'empêcher de témoigner encore son ressentiment de la clause du contrat de mariage de son frère. Aussi, pour paralyser, au moins autant qu'il était en lui, l'effet de cette clause, avait-il déclaré dans son testament du 20 janvier que, si le nom de Bouilhac venait à s'éteindre par le décès de son neveu sans enfants mâles, il entendait que ses biens revinsзent, non pas aux héritiers naturels de son neveu parmi lesquels se seraient trouvés les membres de la famille Mathé, mais M. de Ladouze, son beau-frère.-Cette combinaison conciliait, dans la pensée de M. J.-B. de Bouilhac, son désir naturel, comme gentilhomme, de conserver un nom justement honoré, avec sa prédilection pour M. de Ladouze; mais elle présentait, vis-à-vis de ce dernier, les caractères d'une substitution fidéicommissaire qui n'était autorisée ni par le code civil ni par la loi du 17 mai 1826, et qui, dès lors, aux termes de l'art. 896 c. civ., devait entraîner la nullité de toute la disposition. - Aussi les dames de Galard et de Ladouze ontelles formé, devant le tribunal de Tulle, une demande en nullité de cette clause, dans le but de faire partager la succession, suivant les règles établies par la loi.

Ce tribunal, par jugement du 18 fév. 1831, valida la clause testamentaire. Il serait superflu de rapporter les motifs de ce jugement, car on les trouvera dans l'arrêt de la cour royale qui les a reproduits, en se bornant à en changer les termes. Cet arrêt confirmatif, rendu par la cour royale de Limoges, le 20 juin 1833, est ainsi conçu : -«Attendu que le testament de J.-B. de Bouilhac ne contient aucune substitution prohibée; qu'en effet, la disposition par laquelle il institue pour son

le cas où mondit légataire viendrait à décéder sans enfants måles, je lui substitue mon beau-frère, le sieur, etc.,» une telle clause, dont la première disposition contient une substitution permise par la loi de 1826 (loi aujourd'hui abrogée, V. suprà, no 24), a pu aussi, dans la seconde, être interprétée en ce sens que le testateur n'a substitué son beau-frère que pour le cas où l'institué décéderait sans enfants mâles avant lui testateur, et non pour le cas où il décéderait sans enfants mâles après que le testateur serait mort; et, par suite, elle a pu être déclarée renfermer, non une substitution prohibée, mais une substitution vulgaire autorisée par l'art. 898 c. nap. (Req. 23 juill. 1834) (1).

Cette dernière décision présente un exemple remarquable d'interprétation en matière de substitution. Il a fallu certainement forcer beaucoup le sens direct de la clause litigieuse, pour se refuser d'y reconnaître les caractères d'une substitution fidéicommissaire. Cette décision prouve une tendance bien prononcée

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de la part des tribunaux à maintenir toute disposition qui, même par un certain effort de raisonnement, peut échapper à l'annulation que la loi a prononcée (V. contrà Rodière, Revue de lég., t. 1, p. 312).

121. Si un testateur, en instituant son unique héritier ab intestat, a dit : « Il jouira de ma succession pendant sa vie, le reconnaissant seul héritier; et après son décès, je reconnais pour mes parents et mes héritiers tels et leurs représentants,» il y a là une substitution prohibée. L'héritier légitime est un véritable grevé, et non un simple usufruitier (Angers, 7 mars 1822) (1). 122. Un époux a été institué, par contrat de mariage, à la charge d'associer ses frères ou sœurs, ou tout autre, pour une certaine quotité de l'institution. Y a-t-il là substitution? Nous aous anons que l'affirmative ait été soutenue. Bergier sur Ricard, des Subst., chap. 6, no 488, prétend bien, à la vérité, que la clause d'associer était réputée telle; mais il dit ailleurs : «Si 2015 connaissons encore des substitutions pures et simples,

(1) Espèce :- (Hunaut et cons. C. hérit. Gaugain.) Le 11 juin 1816, Marie Gaugain, dans un testament olographe, s'exprime ainsi : Louise Gaugain, ma sœur, jouira de ma succession pendant sa vie, la reconnaissant seule héritière; et, d'après son décès, je reconnais pour mes parents et mes héritiers Hunaut, Vallet, Danquetil et leurs représentants.»-Puis, la testatrice prie Hunaut et consorts de faire passer, dans l'an de son décès, de concert avec sa sœur, 4,000 fr. aux sieurs Lesayeux, ses parents, dans le cas où ceux-ci n'auraient pas droit à sa succession ni à celle de sa sœur.—20 janv. 1818, décès de la testatrice. Louise, son unique héritière légitime, prend possession de la succession; mais elle décède elle-même le 13 mai 1820. C'est alors qu'on découvre le testament. Hunaut et consorts assignent les héritiers de Louise Gaugain devant le tribunal de Baugé, en délivrance des legs faits à leur profit. Les héritiers Lesayeux interviennent et réclament le legs de 4,000 fr.-Les héritiers de Louise Gaugain soutiennent que le testament renferme une substitution prohibée, dont la nullité doit entraîner celle de tous legs. His prétendaient d'ailleurs que le legs fait aux sieurs Lesayeux est nul pour avoir été fait en simples termes de prière.-12 juin 1821, le tribunal de Baugé déclare la disposition faite au profit des sieurs Hunaut nulle, comme renfermant une substitution prohibée. Quant au legs fait aux sieurs Lesayeux, il est déclaré valable, par le motif que, bien qu'il présente des irrégularités dans sa rédaction, il manifeste d'une manière précise les volontés de la testatrice: ce qui suffit aux termes de l'art. 967 du même code. - Appel de Hunaut et consorts. Les héritiers de Louise Gaugain se sont portés incidemment appelants quant au legs fait en faveur des sieurs Lesayeux. Arrêt.

LA COUR; Considérant que Marthe Gaugain n'a point borné sa li– béralité envers Louise Gaugain, sa sœur, à un simple legs d'usufruit, puisqu'elle lui délaisse sa succession en la reconnaissant sa seule héritière; que ces expressions équivalent à celles par lesquelles elle l'aurait nommée son héritière unique et universelle; que cette expression, seule héritière, se refuse à ce qu'on puisse dire qu'elle reconnaissait concurremment avec elle d'autres héritiers; que cette signification toute naturelle des mots seule héritière, n'est point contredite par ceux employés dans la même phrase, elle jouira pendant sa vie, car c'est jouir d'une succession que de la recueillir à titre d'héritier; - Que ce qui démontre que Louise Gaugain n'était pas simplement légataire de l'usafruit, et que d'autres héritiers n'étaient pas nommés concurremment avec elle et immédiatement après le décès de la testatrice, c'est qu'elle ajoute: Après le décès de ma sœur, je reconnais pour mes parents et héritiers, etc.; d'où il suit qu'elle n'a transféré de droit à ses héritiers qu'après la mort de cette sœur, et il implique contradiction que ces héritiers ne le fussent que par le décès de Louise, s'ils l'avaient été dès le décès de Marthe ;

Que Marthe n'a point établi dans son testament de distinction entre l'usufruit et la nue propriété de sa succession; que cette succession entière a passé à Louise seule; qu'elle a rempli le premier degré d'institution; que d'autres ne pouvaient être institués héritiers que dans un degré second et subsequent; que ne reconnaissant ses parents pour héritiers qu'après le décès de sa sœur, elle a prévu que sa sœur pouvait survivre à quelques-uns d'entre eux, et que, pour suivre l'intention qu'elle manifestait, elle a appelé leurs représentants, ce qui décide le désir d'étaMir plus d'un degré de succession ;- Qu'il y a, dans le testament de Marthe Gaugain, deux institutions : l'une au premier degré en faveur de Louise, l'autre au deuxième en faveur de ses parents; que la sœur nommee seule héritière n'aurait pu disposer de l'hérédité pendant sa vie; qu'elle était par conséquent chargée de conserver et de rendre à ceux reconnus héritiers après son décès, ce que la testatrice voulait leur transmettre; qu'à ces caractères on doit reconnaître les substitutions prohibées par l'art. 896 c. civ.;

Considérant, sur l'appel incident, que le legs fait aux sieurs Lesayeux Le participe pas à la nullité prononcée par la loi sur l'institution d'hé

qui s'ouvrent aussitôt que le grevé a recueilli, les institutions contractuelles à charge d'associer sont presque les seules qui en fournissent des exemples. » Aux yeux de cet auteur même, la clause en question ne présenterait donc pas les caractères de la substitution aujourd'hui prohibée. Et en effet, point de charge de rendre à la mort du donataire; point d'éventualité dans le droit de l'individu à associer; point de condition suspensive, dont dérive l'ordre successif, requis pour qu'il y ait substitution. Telle est la doctrine de MM. Merlin, Rép., vo Instit. contr., § 5; Grenier, des Donat., t. 2, no 423; Rolland de Villargues, no 183; Duranton, t. 9, nos 694, 697; Troplong, Donat. et test., t. 4, no 2361; Saintespès-Lescot, t. 1, no 102. - Décidé en ce sens que la donation universelle, faite par un père à l'un de ses enfants avec charge d'association au profit des frères du donataire, ne renferme pas une substitution prohibée (Riom, 16 juill. 1818) (2). Mais si tous les auteurs s'accordent en ce point que la clause dont il s'agit ne constitue point une substitution pro

ritier; que, dans notre nouvelle législation, la volonté du testateur doit être exécutée si elle est clairement exprimée et manifestée dans un acte en due forme ;-Que, quand l'héritier institué est déchu de ce titre, la charge qui lui était imposée passe à l'héritier appelé par la loi ; — Que quel que soit le motif qui a déterminé le testateur, quand il reposerait sur un fait faux, si le testateur n'a pas établi une condition résolutoire, le legs qu'il a ordonné doit être exécuté et acquitté sur l'émolument d☛ succession....;—Sans s'arrêter à l'appel principal, et faisant droit sur l'appel incident, confirme, etc.

la

Du 7 mars 1822.-C. d'Angers.-M. de Chalup, 1er pr.

(2) Espèce : (Barrier C. Gardy.) — Par acte notarié, du 4 déc• 1813, Michel Gardy a fait une donation entre-vifs au profit d'Antoine Gardy, son fils, acceptant, de l'universalité de ses biens mobiliers et immobiliers, avec charge d'association en faveur des frères et sœurs du donataire. Postérieurement, vente par Gardy père à Barrier d'un immeuble qui faisait partie de la donation. Les enfants Gardy ont formé contre Barrier une demande en nullité de cette vente, faite, ont-ils dit, en fraude des droits dont l'acte du 4 décembre les avait irrévocablement saisis. Barrier, de son côté, a demandé la nullité de la donation. Les moyens qu'il faisait valoir sont rappelés dans le jugement du tribunal de Clermont, qui, le 1er avril 1817, a déclaré la vente nulle et la donation valable. -«En ce qui touche la demande en désistement de la terre dont il s'agit-Attendu que Michel Gardy s'était dépouillé de tous ses biens et en avait disposé par acte entre-vifs en faveur de ses enfants; - Attendu qu'il n'était plus propriétaire de cette terre au moment où il l'a vendue; que par conséquent la vente était nulle; -En ce qui touche la demande en nullité de la donation, et qu'on veut faire résulter: 1o de ce que la charge d'associer contient une véritable substitution; 2o de ca que la donation n'ayant été acceptée que par Antoine Gardy seul, elle était nulle pour les cinq autres, et laissait libres, dans les mains du père, les cinq sixièmes de ses biens: - Attendu, sur le premier moyen, que la charge d'associer n'autorise en aucune manière le donataire qui en est grevé à conserver pour rendre ensuite, ainsi que le porte l'art. 896 c. civ.;- Attendu, sur le second, qu'Antoine Gardy, étant le seul donataire, a pu et dû seul accepter la donation, parce qu'il a été seul investi de l'universalité des biens compris dans la donation, sauf à lui à en faire part à ses frères et sœurs dans le cas où le père n'aurait pas révoqué la charge d'associer, ce qu'il n'aurait pu faire qu'en sa faveur; qu'ainsi la donation était irrévocable et avait dépouillé le donateur. » — · Appel de Barrier. Arrêt.

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LA COUR; Considérant qu'en droit, et particulièrement d'après les dispositions du code civil, art. 902, toutes personnes peuvent disposer et recevoir par donation entre-vifs, excepté celles que la loi en déclare incapables; Considérant que les pères participent à cette faculté générale de disposer, comme les enfants participent à la faculté de recevoir; que la donation faite par un père à l'un de ses enfants, quelquo étendue que soit cette libéralité, qu'elle soit pure et simple ou sous des charges et conditions non contraires aux lois et aux bonnes mœurs, et si elle est d'ailleurs revêtue des formes légales, lie irrévocablement le donateur envers le donataire; qu'il n'est plus permis au donateur de révoquer ou modifier la disposition respectivement à son donataire; qu'elle se soutient jusqu'à l'ouverture de la succession du donateur; qu'alors seulement s'ouvre le droit de faire réduire, s'il y a des enfants intéressés à la réduction, sans qu'en aucun cas un tiers puisse, de son chef personnel ou du chef du donateur, critiquer la donation pour cause d'excès ou autrement, s'ingérer dans une demande en réduction, soit avant, soit après le décès du donateur; - Considérant que la donation dont il s'agit est universelle; qu'elle a saisi le donataire de l'universalité des biens présents du disposant; qu'elle est revêtue des formes légales, et a été dûment et suffisamment acceptée par le donataire; qu'il n'y a rien à induire au cas présent des dispositions de l'art. 896 e. civ. ; que

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123. Dans les dispositions conditionnelles permises, la chose léguée peut, ou retourner à l'héritier après que le légataire en a eu la propriété, ou reposer sur la tête de cet héritier avant d'aller se fixer sur celle du légataire, selon que la condition est résolutoire ou suspensive. Ce double résultat présente, en rendant la propriété éventuelle, beaucoup des inconvénients de la substitution prohibée; mais ce qui distingue de la substitution les dispositions simplement conditionnelles, c'est une seule transmission, qui s'opère directement et immédiatement du testateur, soit à l'héritier, soit au légataire, qui en définitive, reste propriétaire de la chose léguée.

Pour expliquer cette unité de transmission, les auteurs invoquent le principe qui, dans les testaments comme dans les actes entre-vifs, donne aux conditions, soit résolutoires, soit suspensives, un effet rétroactif. Ainsi, l'héritier ou le légataire est réputé avoir été propriétaire depuis le jour du décès, lorsque, par l'accomplissement de la condition, la chose retourne à l'héritier, ou vient se fixer sur la tête du légataire. La transmission par interim s'évanouit; elle est censée non avenue. Mais ce qu'il faut bien remarquer, c'est que, sous peine de rendre illusoire la prohibition des substitutions, ce principe ne doit pas être appliqué au cas où la condition de la transmission au second institué présuppose nécessairement le décès du premier qui aura recueilli. En effet, quoi de plus facile que de substituer contre le vœu de l'art. 896, s'il suffit que le tiers soit, sous une condition, appelé après la mort de l'institué? Cette condition sera le plus souvent un événement qui ne doit pas manquer d'arriver; par exemple, un testateur dira: « Je lègue mes biens à Paul; Pierre les recueillera si Paul ne parvient pas à l'âge de cent ans. >> Sous cette forme serait certainement déguisée une des substitutions qu'ont entendu prohiber les rédacteurs du code; il ne s'agit donc que de bien distinguer les espèces, d'après les principes posés dans les deux paragraphes précédents. Néanmoins, un legs conditionnel ne peut dégénérer en une substitution prohibée parce là que le temps qui y est apposé est plus ou moins long (Paris, 23 juin 1825, aff. Souchet, no 165-2o); à moins cependant, ajouterons-nous conformément à ce qui vient d'être dit, que cette longue durée n'ait été calculée que pour déguiser une véritable substitution sous la forme d'un legs conditionnel.

Il peut s'offrir différentes hypothèses qui, en résumé, se rattacheront à l'une des quatre clauses suivantes, que nous parcourrons successivement. La question présentera ou une seule disposition sous condition résolutoire; ou une seule disposition sous condition suspensive; ou le concours de deux dispositions, l'une sous condition résolutoire, l'autre sous condition suspensive; ou le concours de deux dispositions soumises l'une et l'autre à une condition suspensive.

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124. Voyons d'abord le cas d'une disposition sous condition résolutoire. « Si mon légataire décède sans postérité, la chose retournera à mes héritiers ab intestat. » Il est naturel qu'une

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(1) 31 oct. 1810.- Décret relatif à un legs fait à un hospice, et qui était en partie grevé de substitution.

N.......;-Sur le rapport de notre ministre de l'intérieur; - Vu le codicille en date du 5 pluv. an 13, par lequel la dame Péronne Malot, ▼euve du sieur Jacques Piot, lègue à l'hospice de Bois-Commun, dépar tement du Loiret, quatre arpents de pré (deux hectares quatre ares); Vu un second codicille, en date du 7 mars 1809, par lequel ladite dame modifie sa première disposition, et ordonne que, sur les quatre arpents de pré qu'elle avait légués à l'hospice, un arpent sera distrait en faveur de Julienne Françoise, fille naturelle, à condition que, dans le cas où celle-ci viendrait à décéder sans enfants, la portion d'immeuble dont elle Aurait joui retournerait à l'hospice de Bois-Commun;-Considérant que Ce deuxième codicille contient une véritable substitution qui, aux termes de l'art. 896 c. civ., rend nulle toute la disposition; que, dès lors, les droits de l'hospice restent entiers, tels qu'ils étaient établis par le pre

semblable disposition soit d'un fréquent usage. A diverses épo ques on s'est demandé, sous l'ancien droit, si elle contenait une substitution fideicommissaire, et les opinions de nos auteurs modernes sont encore en désaccord. Pour exclure l'idée de substitution, on a dit, ou l'on peut dire en résumé: La substitution fidéicommissaire suppose le concours de deux donations ou libéralités; l'art. 896 c. nap. ne prohibe que toute disposition par laquelle le donataire, etc., est chargé de rendre. Il faut donc que le substitué ne tienne son droit que de la volonté du disposant. L'héritier ici est appelé par la loi à recueillir les biens en cas de décès du légataire. Il n'est pas un second donataire, un second institué, nonobstant l'adage dat qui non adimit. L'exercice du retour n'est attaché qu'à la qualité d'héritier ab intestat, puisque le testateur n'a point choisi nommément et personnellement entre ceux que la loi appelle. En second lieu, la disposition dont s'agit peut encore être considérée comme un don de l'usufruit au légataire, s'il ne laisse pas une descendance à sa mort, et le don de la propriété s'il en laisse. Cette libéralité alors rentrera dans la classe de toutes celles que la loi permet de subordonner à une condition purement éventuelle, telle qu'est le cas d'une survie ou de l'existence d'enfants au décès.

Mais on répond: En principe, la loi qui proscrivait les substitutions proscrivait, par cela seul, toute manière de disposer qui, sous une tournure frauduleuse, aboutirait à tous les effets qui ont motivé la prohibition. Or la libéralité en question et les substitutions prohibées ne produisent-elles pas des résultats absolument identiques? « Le mot seul est changé, dit M. Toullier, t. 5; la substance de la chose reste. On trouve ici cet ordre successif qui caractérise essentiellement les substitutions. Le légataire est appelé en premier ordre, et les héritiers du testateur en second. Le légataire est obligé de conserver pour rendre à sa mort, si l'événement de la condition arrive. La propriété passe d'abord au grevé, puis aux appelés. » Tels sont les motifs qu'allèguent aussi pour la même opinion MM. Grenier, t. 1, p. 125; Duranton, f. 8, no 67; Rolland de Villargues, no 84; Troplong, no 161. Elle a été consacrée par un décret impérial du 31 oct. 1810 (1), autorité du plus grand poids, remarque M. Grenier, loc. cit., telle qu'on peut dire qu'elle ne laisse plus de difficultés. » M. Rolland cite aussi comme autorité ancienne l'ord. de 1553, notre première loi sur les substitutions, qui prescrivait, pour les legs sujets à retour, les mêmes formalités de publication et d'enregistrement que pour les substitutions; formalités qui, selon Thévenot, no 758, n'ont point cessé d'être nécessaires, même depuis l'ord. de 1747. Chabrol rappelle (p. 128 sur la coutume d'Auvergne) une sentence de la sénéchaussée d'Auvergne, qui, le 21 juin 1661, a reconnu l'existence d'une substitution dans un legs de la même espèce. Il rapporte, à la vérité, une autre sentence qui a jugé le contraire, et à laquelle il donne la préférence.

125. D'abord il a été jugé qu'il n'y a pas substitution prohibée, mais simple condition permise: dans la disposition par laquelle un testateur lègue à un tiers une portion de sa succession au cas de décès de ses filles sans enfants, et sous la réserve d'usufruit au profit de ces dernières (Req. 14 mai 1816) (2).

126. Mais on a décidé qu'il y a substitution prohibée: 1° dans le legs d'une somme d'argent qui ne doit être remise au légataire

mier codicille; -Voulant néanmoins concilier le respect dû à la loi avec celui dû aux intentions de la bienfaitrice de l'hospice; - Notre conseil d'Etat entendu;-Nous avons décrété et décrétons ce qui suit: Art. 1. La commission administrative de l'hospice de Bois-Commun, département du Loiret, est autorisée : 1o A accepter le legs de quatre arpents de pré (deux hectares quatre ares) fait à cet établissement par la dame Péronne Malot, veuve du sieur Jacques Piot, suivant son codicill du 5 pluv. an 13; -2° A abandonner à Julienne-Françoise, fille majeure, la jouissance, sa vie durant, de l'arpent de pré que la même dame Piot avait destiné à celle-ci par un deuxième codicille du 7 mars 1809. 2. Le codicille du 5 pluv. an 13 sera transcrit au bureau des hypothèques avec notre présent décret, moyennant le droit fixe d'un franc, sauf les honoraires du conservateur.

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