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PUISSANCE PATERNELLE. Ces termes désignent l'autorité que les lois donnent au père sur la personne et les biens de ses enfans.

On sent, du premier coup d'œil, qu'une matière aussi importante et aussi vaste ne peut être traitée qu'avec une certaine éten. due; c'est pourquoi nous la diviserons en sept sections.

La première détaillera l'origine de la Puissance paternelle, ses progrès, son usage actuel dans les différentes parties de la France. La deuxième contiendra le tableau des personnes auxquelles cette Puissance peut appartenir, et de celles qui peuvent y être sujettes.

La troisième traitera des effets personnels qu'elle produit, soit pour ou contre le fils, soit pour ou contre le père.

La quatrième aura pour objet les effets réels qui en résultent, c'est-à-dire, l'influence qu'elle a sur les biens de ceux qui y sont soumis [[et de ceux à qui elle appartient. ]]

On examinera, dans la cinquième, la question de savoir si un tiers peut, par une condition apposée à un legs ou à une donation qu'il fait à un fils de famille, diminuer ou restreindre les droits de la Puissance paternelle, et quel est l'effet d'une pareille condi

tion.

Les causes qui font cesser la Puissance paternelle, seront la matière de la sixième.

Enfin, dans la septième, on passera en revue les différentes questions mixtes que peut faire naître la variété qui règne sur la Puissance paternelle, dans les lois et les usages des divers pays.

Telle est la tâche pénible que nous présente cet article. Nous ne la remplirons cependant pas ici dans toute son étendue; elle l'est déjà en partie par quelques articles auxquels nous nous contenterons de renvoyer, à mesure que nous parviendrons aux matières qui en sont les objets.

SECTION I. De l'origine de la Puissance paternelle, de ses progrès, et des pays où elle est reçue.

I. On peut dire de la Puissance paternelle, considérée dans son origine, ce que l'orateur romain disait de la défense de soi-même: est hæc non scripta, sed nata lex, quam non didicimus, accepimus, legimus, verùm ex naturá ipsa arripuimus, hausimus; ad quam non docti, sed facti, non instituti, sed imbuti sumus. Ce n'est pas une loi qui nous vient des hommes, nous ne l'avons

pas apprise, nous ne l'avons lue nulle part; c'est la nature qui l'a mise au-dedans de nous : c'est un rapport qu'elle a établi elle-même entre le père et le fils; c'est un sentiment né avec eux, et qui soumet invinciblement l'un à l'autre.

Dans le premier âge du monde, l'autorité paternelle était la seule connue.

Mais cette autorité n'était alors qu'une faible image de ce qu'elle devint depuis chez quelques peuples: ce n'était pas pour lui-même que le père l'exerçait; un tribut d'amour et de respect était le seul fruit qu'il en tirait; c'était pour le fils, pour l'intérêt du fils seul, qu'il lui commandait; il n'y avait ni despo tisme ni avantage réel dans cet empire, et la supériorité du père n'était que le droit même d'un fils respectueux et tendre, d'avoir un guide dans son enfance, un conseil dans sa jeunesse, un consolateur dans ses maux, un appui, un protecteur, un ami toute sa vie.

II. Sans passer ici en revue les divers changemens qu'ont apportés à cet ordre naturel les constitutions et les usages de tous les anciens peuples, arrêtons nos regards sur le trône le plus imposant que la Puissance paternelle ait jamais eu dans l'univers; considérons-la assise au milieu de Rome, et voyons quelles lois elle y prononçait.

L'empereur Justinien dit dans ses Institutes, S. 2, de patrid Potestate, que la Puissance des pères sur leurs enfans est un droit particulier aux Romains: jus potestatis quod in liberos habemus, proprium est civium Romanorum; car il n'y a point de nation, continue-t-il, où cette Puissance ait les mêmes effets que chez eux : nulli enim sunt homines qui talem in liberos habeant potestatem, qualem nos habemus.

Ces effets portaient, dans les commencemens l'empreinte de la férocité des fondateurs de Rome. On partait à cet égard d'un principe fécond en conséquences atroces: on regardait les enfans comme appartenant à leur père, et faisant partie de son patrimoine; et c'est sur ce fondement que la loi 1, §. 2, D. de rei vindicatione, permettait au père d'exercer contre ceux qui lui avaient enleve ses enfans, l'action appelée en droit revendication, voie qu'on ne pouvait prendre que pour recouvrer la possession des choses dont on était propriétaire.

De là, le droit de vie et de mort que Romulus avait donné aux pères sur leurs enfans. On en trouve des traces dans la loi 11, D. de liberis et posthumis, dans la loi 5, D. de lege Pomponiá de parricidiis, dans la loi

dernière, C. de patriá Potestate. Mais ces textes prouvent que, dans le temps même où ils ont été écrits, cette jurisprudence barbare était déjà abrogée. Nous ne connaissons cependant pas l'époque précise de l'abrogation qui en a été faite : le corps du droit nous présente bien là-dessus des lois qui la supposent, mais aucune qui la prononce formellement. Peut-être s'est-elle opérée d'ellemême insensiblement. Des mœurs plus douces ont dû nécessairement inspirer aux Romains des sentimens plus conformes à la nature : et le défaut d'exécution de la loi de Romulus aura suffi pour la faire oublier entièrement (1).

La loi Julia maintint néanmoins, dans un cas particulier, le droit de vie et de mort auquel les enfans avaient été précédemment soumis : elle permit au père de l'exercer sur sa fille, lorsqu'il la surprendrait commettant un adultère, pourvu qu'il le fit sur-le-champ et qu'il tuát en même temps le complice de son crime. C'est ce que nous apprennent les lois 20, 21, 23 et 32, D. ad legem Juliam de adulteriis.

La loi 5, D. de lege Pomponiá de parricidiis, semble faire entendre qu'un fils pouvait être traité de même, lorsqu'il était surpris dans des embrassemens criminels avec sa belle-mère, épouse de son père : « On rap» porte (dit-elle) que l'empereur Adrien a » condamné à la déportation un père qui » avait tué son fils à la chasse, en haine de » ce qu'il vivait dans un commerce adulte»rin avec sa belle-mère; cette condamna» tion a été motivée sur ce que le meurtrier » avait plutót agi en assassin, qu'il n'avait » exercé un droit de paternité : quòd latro» nis magis quàm patris jure eum interfecit ». Ces mots, patris jure, paraissent insinuer qu'il était un cas où le fils qui souillait la couche nuptiale de son père, pouvait être tué par droit de Puissance paternelle ; et ce cas ne pouvait être que celui où le père le

trouvait sur le fait

La perte de la liberté était-elle, aux yeux des premiers Romains, comme elle devrait toujours l'être aux yeux de tout homme qui sent le prix d'un droit aussi essentiellement attaché à son existence, un plus grand mal que la perte de la vie? Ce qui semblerait porter à le croire, c'est que les mêmes lois qui leur permettaient anciennement de tuer leurs enfans, leur défendaient de les vendre et de les réduire à l'état d'esclaves. C'est ce qu'atteste un rescrit de l'empereur Constan

(1) V. le président Favre, Jurisprudencia Papiniacea scientia, tit. 8, vrincip. 3.

TOME XXVI,

tin, placé sous le titre de patrid Potestate, au Code : libertati à majoribus tantùm impensum est, ut patribus quibus jus vitæ in liberos necisque potestas olim erat permissa, libertatem eripere non liceret.

Mais cette loi n'est-elle pas contredite par deux textes du Code Papyrien, dont l'un porte « qu'un père a droit de vie et de mort » sur ses enfans, et qu'il peut les vendre quand il veut »; l'autre, que « si un père a permis » à son fils de contracter un mariage solennel, » alors le père ne pourra plus vendre son fils » marié suivant les lois »?

»

Ces deux textes sont rapportés par Terrasson, dans son Histoire de la jurisprudence romaine, pages 54 et 66. On attribue le premier à Romulus, et le second à Numa. Peut-être les concilierait-on avec la loi de Constantin, en rapportant ce que dit celle-ci au moyen âge de la republique romaine. Quoi qu'il en soit, la défense qu'elle contient, admettait une exception: un autre rescrit du même empereur, dont on a formé la loi 2, C. de patribus qui filios suos distraxerunt, permet au père dénué de toute ressource, et plongé dans une indigence extrême, de vendre ses enfans au moment où ils sortent du sein de leur mère; mais il ajoute que c'est le seul cas où la vente puisse être de quelque effet ; et que, si, dans la suite, le père offre à l'acquéreur, soit la valeur de l'enfant qu'il lui a vendu, soit un autre esclave de la même qualité, l'acquéreur ne pourra pas se dispenser de rendre l'enfant.

Le droit de propriété qu'avait le père sur la personne de ses enfans, devait naturellement faire tomber dans le patrimoine de l'un toutes les acquisitions que faisaient les autres ; et cela fut long-temps observé avec la plus grande rigueur. Mais peu à peu on parvint à adoucir cette jurisprudence; et le dernier état du droit romain, à cet égard, fut que le père ne profiterait des acquisitions de son fils, qu'autant que ce dernier les aurait faites par le moyen d'un pécule dont il eût l'administration; que le fils retiendrait à soi en pleine propriété tout ce qu'il gagnerait, soit dans les armées, soit au barreau; et, qu'à l'égard des successions qui pourraient lui échoir, ou des libéralités entre-vifs et testamentaires qui lui seraient faites, le fonds lui en appartiendrait, mais que le père en aurait l'usufruit.

III. C'était ainsi que les lois romaines avaient modifié la Puissance paternelle, lorsque les Gaules furent détachées de l'Empire, et tombèrent au pouvoir de nouveaux mai

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tres. On sent bien qu'il n'eût pas été facile de faire perdre aux vaincus l'idée d'une lé, gislation qu'ils avaient toujours respectée et cherie. Aussi les rois de la première race prirent-ils le parti d'autoriser les Gaulois à suivre le droit romain, comme ils avaient fait avant la conquête ; et de là est nécessai rement résultée, parmi ces peuples, la conservation de la Puissance paternelle selon les principes établis par les derniers empereurs qui avaient régné sur eux.

Il parait même qu'insensiblement on cessa de distinguer, à cet égard, les conquérans d'avec les vaincus, et que tous admirent les effets de la Puissance paternelle.

Nous voyons dans le Glossaire du droit français, tome 1, page 373, que, même sous la seconde race de nos rois, il était permis aux pères de vendre leurs enfans, pour subvenir à leurs nécessités.

Les notes de Baluze sur Salvien (Advers. avarit., lib. 2, S. 4), nous prouvent qu'on maintenait encore au treizième siècle, l'ancien usage par lequel les pères étaient autorisés à consacrer irrévocablement leurs enfans, même dès le ventre de leurs meres, à la profession ecclésiastique ou monacale.

Les anciennes chartes établissent clairement la même chose : nous n'en citerons que trois, mais elles sont là-dessus de la plus grande évidence.

La première est relative au testament que fit, en 1404, la reine Jeanne de Champagne, femme du roi Philippe-le-Bel. Cette princesse ayant désiré que ses dernières dispositions fussent approuvées par son fils ainé, qui avait alors plus de quatorze ans, il eut besoin pour cela de l'autorité de son père, qui la lui donna en ces termes: Auctoritatem plenamque et liberam potestatem duximus concedendam ad supplicationem et humilem requisitionem ipsius primogeniti nostri (1).

La deuxième est du roi Philippe de Valois, qui, voulant donner à son fils le duché de Normandie, le comté d'Anjou et celui du Maine, commença par l'émanciper, afin qu'il fût habile à les recevoir. Elle est datée du 17 février 1331 (2).

La troisième est l'acte de donation que le roi Jean fit à son fils Philippe, le 6 septembre 1363, du duché et du comté de Bourgogne : Philippe y est expressément émancipé : Ad quod homagium admisimus eumdem (Philip

(1) Lannoy, Histoire gymnastique de Navarre, page 12, édition de 1677.

(2) Du Tillet, Recueil des rois de France, page 297, édition de 1603.

pum) quam per hoc emancipamus, et extrà potestatem nostram posuimus et ponimus per præsentes (1).

Les décisions 236 et 248 de Jean des Mares, qui vivait, dit-on, sous Charles VI, contiennent de nouvelles preuves que la Puissance' paternelle était anciennement admise dans toute la France.

Suivant la première, les enfans mariés de père et de mère, sont, non seulement hors de leur main, c'est-à-dire émancipés, mais encore exclus de leur succession ab intestat; ce qui est évidemment pris de l'ancien droit romain (2).

La seconde porte que, quand un parent fait une donation à aucun étant en Puissance, le père du donataire n'y a ni propriété ni usufruit. Cela suppose bien clairement que la Puissance paternelle était alors reconnue à Paris, et qu'elle y donnait régulièrement au père l'usufruit des biens de ses enfans, mais qu'on en avait excepté les dons faits à ceux-ci règle pour tous les autres cas. par leurs parens; exception qui confirmait la

Somme rurale de Bouteiller, pages 442, 454, On peut encore voir, sur cette matière, la 597, et l'auteur du Grand Coutumier, liv. 2, chap. 40.

IV. A l'égard de nos usages actuels, on convient universellement qu'ils sont encore les mêmes dans les pays de droit écrit, et que la Puissance paternelle y produit presque encore les mêmes effets que dans le dernier état de la jurisprudence romaine.

Mais on prétend que tout est changé, à cet égard, dans les pays coutumiers. Loysel, dans ses règles coutumières, liv. 1, tit. 1, art. 37, met en principe, que droit de Puissance paternelle n'a lieu : il ne parle de la sorte que d'après Dumoulin sur la coutume de Paris, §. 25, no 13; et de tous les auteurs qui sont venus depuis, il en est peu qui n'aient adopté ce principe: c'est même ce que porte expressément l'art. 221 de la coutume de Senlis.

Il y a cependant des coutumes qui font expressément mention de la Puissance paternelle : ce sont celles de Berry, tit. 1, art. 166, 167 et 168; de Poitou, tit. 9; de la Marche, art. 298; de Nivernais, chap. 22, art. 2; de Blois art. 1 et 2; de Montargis, chap. 7,

(1) Gollut, histoire de la Franche-Comté, liv. 8, chap. 27; Plancher, preuves de l'histoire du duché de Bourgogne, tome 2, page 279.

(2) V. le Digeste, titre de conjungendis cùm emancipato liberis.

art. 2 et 3; d'Oricans, art. 180 et 185; de Chartres, art. 103; de Châteauneuf, art. 133; de Sedan, art. 5; de Vitry, art. 143; de Reims, art. 6, 7 et 8; de Chalons, art. 7 et 8; de Bretagne, art. 526, 527, 528, 529, 535, 536; de Normandie, art. 421; de Troyes, art. 139; de Bordeaux, art. 1 et 2; de Saintonge, art. 2; d'Angoumois, art. 120; de la Rochelle, art. 24; de Bouillon, chap. 11, art. 7; de Clermont en Argonne, chap. 3, art. 8; de Saint-Mihiel, tit. 1, art. 16; de Gorze, tit. 1, art. 13 et 27; de Lorraine, tit. 1, art. 16; d'Epinal, tit. 3, art. 16; de Bassigny, art. 42; de Metz, chap. 1, art. 4; de l'Evêché de Metz, chap. 1, art. 16 et 17; de Cambrai, tit. 6, art. 1 et 2; de la Gorgue, art. 111; de Lille, tit. 4, art. 2; de la châtellenie de Lille, tit. 13, art. 1; de Tournai, chap. 10, art. 2; de Douai, chap. 7, art. 2; de la gouvernance de Douai, chap. 11, art. 1; d'Orchies, chap. 6, art. 3; de BerguesSaint-Winock, rubr. 17, art. 27; de Courtrai, rubr. 12, art. 9; de Gand, rubr. 21, art. 1; d'Audenarde, rubr. 15, art 1; d'Alost, rubr. 17, art. 19 et 20; de Teremonde, rubr. 13, art. 1; d'Assenède, rubr. 14, art. 1; de Bouchante, rubr. 18, art. 1; de Rousselaer, rubr. 9, art. 1 et 2; d'Ecloo, rubr. 14, art. 1; de Desseldonck, art. 40; du Franc de Bruges, art. 153 et 154; de Hainaut, chap. 32, art. 3 et 5, et chap. 110, art. 1; de Mons, chap. 8, 9, 10 et 36; de Valenciennes, art. 267; de Liége, chap. 1, art. 7, etc.

Faut-il mettre sur la mê me ligne les coutumes d'Auvergne et de Bourgogne?

Prohet, tit. 1, art. 7, et tit. 14, art. 42, soutient la négative par rapport à la première. Il établit comme une maxime constante, que la Puissance paternelle n'a pas lieu en Auvergne; mais en cela il contredit évidemment T'esprit et la lettre de la loi municipale qu'il commente. En effet, l'art. 42 du tit. 14 de cette coutume distingue les enfans non émancipés de ceux qui le sont.

L'art. 2 du même titre décide que la fille qui a eté mariée, ne retourne point en la Puissance de son père après sa viduité.

L'art. 49 assure au père le plus grand fruit de cette Puissance : il déclare que le père est fructuaire des biens maternels et adventifs de son enfant; et dure ledit usufruit, nonobs tant que l'enfant trépasse le père vivant.

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licu. C'est ce qu'on peut voir dans les Commentaires de Chasseneuz, tit. 6, art. 3, princip., no 21, de Bouvot, de Villers, de Dépringles, et dans les Institutes coutumières de Durand, liv. 1, tit. 4.

« Ce ne fut (dit le président Bouhier) qu'en » 1697, que feu M. l'avocat général Durand, » en donnant au public ces mêmes Institutes, » dont son aieul était l'auteur, s'avisa de dire » assez légèrement que le droit romain ne »saurait nous servir de règle en cette occasion; » car il est certain, ajouta-t-il, que nous ne » suivions pas sa disposition en ce point. » Et, quoique l'auteur du Commentaire sur >> notre coutume, qui parut l'année suivante » (Taisand), ne fut pas tout-à-fait de son » avis, il ne laissa pas de dire, par respect » peut-être pour son autorité, que nous » n'avons guère qu'un reste, et, pour ainsi » dire, une ombre de la Puissance pater» nelle ».

Pour détruire ces idées fausses et dangereuses, le président Bouhier établit deux propositions: la première, que les peuples de Bourgogne ont conservé la Puissance paternelle, à peu près telle qu'ils l'ont reçue des Romains; la seconde, qu'ils jouissent de presque tous les effets qui lui étaient attribues par le dernier état du droit civil; et qu'à cet égard, ils suivent, à peu de chose près, toutes les règles qu'il a prescrites.

La première de ces deux propositions est prouvée par l'art. 52 de la coutume de Bourgogne, lequel porte que « le fils ou la fille » etant hors d'age de pupillarité, tenant feu » et lieu à leurs chefs, ou séparément de son » père, est réputé émancipé de sondit père ». Tous les docteurs enseignent que privatio præsupponit habitum; ainsi, « l'émancipation » suppose (dit le président Bouhier) que l'en»fant était auparavant en la Puissance de son » père; et cette formalité n'a jamais été prati» quée dans les pays où cette Puissance n'est » pas reconnue ». D'ailleurs le duché de Bour. gogne est régi par une coutume qui renvoie expressément aux lois romaines, pour tout ce sur quoi elle n'a pas jugé à propos d'innover; cette province est même rangée au nombre des pays de droit écrit ; et cela seul parait suffire pour ne laisser aucune difficulte sur le point dont il s'agit.

La seconde proposition demande plus de détails, le président Bouhier la développe et la demontre de la manière la plus satisfaisante.

1o. Il fait voir qu'en Bourgogne, comme dans le droit romain, tout ce que le fils acquiert, hors les pécules castrense, quasicastrense et adventif, appartient au père; et

il le prouve par un arrêt du parlement de Dijon, du 23 janvier 1617, « qui jugea que » les biens d'un fils âgé de quarante ans, » demeurant avec son père, et ayant acquis > ces biens sans avoir ni office ni bénéfice, > appartenaient à son père, suivant les lois ». 2o. Il est certain que le père a en Bourgogne l'usufruit des biens adventifs de ses enfans. Nous rapporterons au mot Usufruit paternel, un arrêt du parlement de Dijon qui en forme seul une preuve démonstrative; et c'est pour « cela (dit le président Bouhier) qu'Eudes » de Bourgogne, fils aîné de notre duc Hu»gues IV, jouissait du comté de Nevers, à » cause de la Puissance paternelle sur les » enfans qu'il avait eus de la feue princesse » sa femme, comme il paraît par une charte » de l'an 1262 (Coquille, tome 1, page 416) ». 3o. On trouvera dans la suite de cet article, un arrêt qui juge qu'en Bourgogne il ne peut exister aucune obligation civile entre le père et le fils non émancipé.

4°. Il est pareillement d'usage, dans cette province, de regarder comme nulles les donations entre vifs qui sont faites au second par le premier. C'est ce qu'assure Chasseneuz, tit. 7, §. 6, aux mots Mais le père; et c'est ce que justifie nettement l'art. 223 des anciennes coutumes, conçu en ces termes : Si aucun donne à sa femme, la donation ne vaut rien; ni aussi à celui qui est en sa Puissance. On trouve même dans le Recueil de pièces curieuses de Pérard, page 521, un exemple illustre de cet usage; c'est celui du duc Hugues IV, lorsqu'en 1272 il voulut donner entre-vifs le duché de Bourgogne à Robert son fils : car il l'émancipa d'abord par un acte formel, et ce ne fut que peu de jours après qu'il passa l'acte de donation.

5o. Un des effets les plus remarquables de la Puissance paternelle, est le pouvoir qu'a le père de substituer pupillairement à son fils; et ce pouvoir s'exerce tous les jours

en Bourgogne.

Enfin, le président Bouhier ajoute que le sé natus-consulte Macédonien, l'imprescriptibilité des biens du fils pendant que le père en a l'usufruit, l'incapacité de l'un de donner à cause de mort sans l'aveu de l'autre, sont encore autant d'effets de la Puissance paternelle, que les usages de Bourgogne ont cons

tamment reconnus.

On voit par-là, continue-t-il, que cette Puissance n'a guère moins d'étendue, dans cette Province que dans les derniers temps du droit romain; « tant s'en faut qu'elle y » soit abolic, comme quelques novateurs ont

» voulu le persuader au puběc. Cet étrange » paradoxe est si nettement condamné par » le concert unanime de tous les commen»tateurs anciens et nouveaux de notre cou» tume, qu'il est surprenant qu'on ait eu de >> nos jours la témérité de le proposer ».

Ce magistrat va plus loin encore: il soutient que Dumoulin, Loysel et leurs copistes se sont trompés en avançant que la Puissance paternelle n'avait plus lieu dans la coutume de Paris, ni dans les autres qui n'en parlent pas plus qu'elle; mais en même temps il avoue, • qu'elle y a été restreinte, en beaucoup de » choses. Je l'ai déjà fait voir (dit-il) par la » décision 248 de Jean des Mares.... Ce sont » apparemment ces restrictions qui ont fait » dire à quelques auteurs, que la Puissance » paternelle n'avait pas lieu aux pays coutumiers; proposition qui signifiait seulement, » dans l'origine, qu'elle n'y avait pas lieu » dans la même étendue que dans les pays » de droit écrit, et non qu'elle y fût entière»ment abolie, comme on l'a voulu dire dans » le suite. Car, après tout, puisque cette » Puissance y a été reconnue autrefois, » comme on n'en saurait douter, par quelle » loi, par quel réglement a-t-elle été pros> crite? C'est ce qu'on ne nous dit point et

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qu'on ne nous montrera jamais. Si donc » elle a été reçue dans les pays coutumiers, » elle doit être encore reconnue dans toutes » les coutumes qui n'ont point à cet égard » de disposition prohibitive. C'est une vérité » qui a été fortement soutenue par un habile » avocat au parlement de Paris ( Bretonnier » sur Henrys, tome 2, liv. 4, quest. 13), et » qui me paraît démontrée ».

Elle est encore étayée du suffrage de Rassicod, Notæ et restitutiones ad Molinæi commentaria de feudis, page 192.

[[ V. Aujourd'hui, la Puissance paternelle a lieu dans toute la France; mais elle n'y a pas tous les effets que le droit romain et quel

ques coutumes en faisaient dériver avant le Code civil. C'est ce qui sera expliqué dans les sections suivantes. ]]

SECTION II. Des personnes à qui la Puissance paternelle peut appartenir, el de celles qui peuvent y être sujettes.

I. Pour jouir de la Puissance paternelle, il fallait, chez les Romains, avoir le droit de cité, et par conséquent il faut, dans nos mœurs, être régnicole et participer à tous les effets de la vie civile.

Ainsi, un père banni à perpétuité du royaume, [[aujourd'hui déporté du terri

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