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chand; qu'il n'avait répondu que de sa fidélité et probite; et qu'au contraire, Carluec l'ayant employé à d'autres occupations qu'à celle de marchand, savoir, à veiller toute la nuit, il ne pouvait pas être responsable de l'accident arrivé pendant cette occupation; d'ailleurs, que c'etait Carluec qui avait luimème commis l'imprudence d'avoir laissé à ce garçon une bougie allumée, au lieu de l'avoir fait coucher; et qu'enfin ce garçon n'était âge que de quinze ans ».

Par l'arrêt cité, la sentence qui avait mis le père hors de cour, fut confirmée.

Le second est du 21 juin 1664; il a été rendu à la tournelle, et il a jugé que « le fils de Tra» verseri d'Aix, ayant été tué à coup de » fronde dans l'assemblée qui se fait tous » les étés pour ce sujet aux environs de la » ville, entre les jeunes gens d'un quartier » et ceux de l'autre, et son père ayant ob» tenu, par défaut, des condamnations pé>> cuniaires contre Granier, fils de famille, » ágé de trente ans, on ne pouvait rendre » le père de ce Granier responsable du prix » desdites condamnations ».

C'est sur le même principe qu'est fondé un arrêt du parlement de Grenoble, que Brillon rapporte en ces termes, d'après Chorier:

« Quoique le père ne puisse régulièrement se dispenser d'entretenir ses enfans, il n'est point obligé de payer, pour les tirer de prison, les amendes et les dommages et intérêts auxquels ils ont été condamnés pour cause procédant de crime.

» Arrêt du parlement de Grenoble, du 12 juin 1687, pour le sieur de Montagu, contre son fils, qui s'était constitue prisonnier pour l'entérinement des lettres de grâce par lui obtenues ».

Nous pouvons ajouter ici un arrêt du parlement de Flandre, du 9 janvier 1706, rapporté dans le recueil de consultations de Waymel du Pare, page. 44. Il s'agissait de savoir si un père était tenu, non-seulement de nourrir l'enfant provenu des débauches de son fils, mais encore de payer les frais de couches de la fille que celui-ci avait corrompue. Les échevins de Lille avaient, par sentence du 23 decembre 1704, prononcé l'affirmative sur l'un et l'autre points. Mais sur l'appel, arrêt est intervenu, par lequel « la cour a mis et met l'appellation et sen»tence dont a été appel au néant; émendant, » a déclaré et déclare l'intimée non-receva» ble en sa prétention des frais de couches, ordonne audit C.... de lui payer par provision » et à caution soixante florins, pour la nour

»riture et entretien de l'enfant pendant

» un an..... ».

On pénétre aisément les motifs de la différence que cet arrêt met entre les frais de couches de la mère, et les alimens de l'enfant. Le père est tenu naturellement, à défaut de son fils, de fournir à la nourriture et à l'entretien de ses petits-enfans, soit légitimes, soit batards (1), parcequ'il suffit qu'ils descendent de lui d'une manière quelconque, pour avoir droit à sa tendresse et à ses soins. Mais payer les frais de couches de la personne débauchée par son fils, ce ne serait pas acquitter un devoir de la nature, ce serait supporter dans toute l'étendue de ce terme, les dommages-intérêts d'un délit auquel il n'a eu aucune part.

Aussi lisons-nous dans le recueil de Christin, tome 3, décis. 17, que le grand conseil de Malines a, sur le même fondement, dicharge un père de l'action en dommages-interêts formée contre lui par une fille que son fils avait rendue enceinte.

La jurisprudence du parlement de Paris a également consacré ce principe. Il y en a un arrêt au Journal des audiences, tome 5, liv. 5, chap. 33, qui a jugé « que le père ne » devait point d'alimens à la fille que son fils » avait debauchée ». Nous en trouvons deux autres du même parlement, dans les notes de Brodeau, sur Louet, lettre D, §. 20, no 1.

Le parlement de Toulouse en a aussi rendu plusieurs, qu'on trouve dans les Institutions au droit français de Serres, liv. 4, tit. 1, S. 18, ainsi que dans le Journal du palais de Toulouse, tome 1, chap. 185, et tome 4, chap. 114 et 294.

Il y en a également un du parlement de Provence, dans les œuvres de Duperier, tome 2, page 420, au mot Alimens.

Le parlement de Bordeaux s'est pareillement conformé à cette jurisprudence.

On voit dans le recueil de La Peyrère, lettre B, no 27, qu'il a rendu, le 16 novembre 1661, un arrêt qui décharge le sieur Malescat de fournir alimens à une femme qui accusait son fils de l'avoir rendue enceinte de ses œuvres.

La même cour a encore rendu plusieurs arrêts semblables depuis cette époque. Il y en a un, entre autres, qui a été prononcé à l'audience de la tournelle, le 13 février 1779, présidant M. d'Augeard, sur les conclusions de M. l'avocat général Saige, dans l'affaire entre le nommé Lespinasse et la nommée Fomarty.

(1) [[ V. l'article Alimens, §. 1, art. 2, no 13. ]}

Cette fille avait accusé Lespinasse fils du crime de rapt. Elle avait fait son information devant le juge de Dissac, et avait obtenu contre ce particulier un décret d'ajournement personnel. Les choses en cet état, elle présente à ce même juge une requête par laquelle elle demande une provision. Appointement du 6 août 1777, qui lui en adjuge une de 84 livres, et la déclare exécutoire contre Lespinasse père. Appel de la part de celui-ci au sénéchal de Périgueux. Le sénéchal accorde des défenses contre l'exécution de l'appointement. Appel à la cour, de la part de la fille Fomarty. Arrêt qui met l'appelation au néant. C'était M. de Sèze qui plaidait pour Lespinasse père.

C'est donc un point très-constant de jurisprudence, que l'on ne peut pas, en matière de séduction, rendre le père responsable, même pécuniairement, des condamnations encourues par son fils.

:

Il y a, à la vérité, un arrêt du sénat de Chambéry, qui a jugé le contraire mais Favre, qui le rapporte dans son Code, liv. 4, tit. 9, en blâme lui-même la décision; et d'ailleurs il n'en parle que par ouï-dire et sans le dater.

III. Au reste, la maxime générale que nous venons d'exposer, admet plusieurs exceptions.

La première est lorsque le père prend luimême la défense de son fils accusé, ou, ce qui est la même chose, l'autorise à ester en jugement pour se défendre. Il y en a un exemple dans le Journal du palais.

Michel Balton, envoyé en commission par son père, rencontre sur sa route Jean Thorel, jeune homme d'environ quinze ans ; celui-ci amasse un peloton de neige pour le jeter à un autre enfant; mais, au lieu de frapper ce dernier, il frappe Michel Balton, et lui crève un œil.

Le père du blessé se plaint; il suit l'affaire

à l'extraordinaire.

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» en cause principale que d'appel, le fait » et cause de son fils; ce moyen serait seul » suffisant pour établir la condamnation pro» noncée contre lui par le premier juge, » suivant la disposition de la loi 34, D. noxa» libus actionibus, qui dit que, toutes et » quantes fois qu'un fils de famille, pour un » délit qu'il a commis, n'est point défendu » par son père, le juge doit prononcer la con» damnation contre le fils ainsi, par la >> raison des contraires, qui est toujours » très-forte en droit, lorsque le père défend » son fils, c'est contre le père qu'on doit » prononcer. Néanmoins comme Thorel père » se plaint de l'excès de la condamnation, » en ce qu'outre la somme de 600 livres à » laquelle le juge a liquidé les frais, salaires » et médicamens des chirurgiens, il le con» damne encore aux dépens qui lui cause>> raient ensuite un nouveau procès, nous »estimons que le juge les a dû compren» dre dans la condamnation de 600 livres, >> ainsi qu'il se pratique ordinairement en » pareil cas ».

En conséquence, par arrêt du 11 septembre 1672, la cour a infirmé la sentence, et condamné l'appelant à payer à l'intimé une somme de 600 livres pour tous dommagesintérêts, y compris les médicamens des chirurgiens, et même les dépens de première instance et d'appel.

Le Journal des audiences nous a conservé un arrêt du parlement de Paris, du 5 mars 1661, qui paraît fondé sur le même principe. Deux écoliers avaient eu entre eux une légère rixe; l'un, âgé de seize ans, avait blessé l'autre, et celui-ci en était mort dans les quarante jours. Son père en rendit plainte, et fit décréter l'auteur de la blessure. Le père de ce dernier appela de ce décret, et prit la défense de son fils. L'arrêt infirma la procédure, et condamna le père et le fils solidairedommages-intérêts et aux dépens. ment à 200 livres d'aumônes, à 800 livres de

qu'un mari est civilement responsable des On peut appuyer ces décisions du principe condamnations prononcées en matière criminelle contre sa femme, lorsqu'il l'a autorisée, soit en intervenant dans le procès, soit autrement; principe qui est établi par Lebrun, dans son Traité de la communauté, liv. 2, chap. 1, sect. 1, no 32, et que Leprêtre, cent. 2, chap. 94, confirme par un arrêt de l'année 1610 (1).

(1) [[ Ce prétendu principe est-il bien vrai?. V. l'article Autorisation maritale, §. 7 bis. ]]

Aussi voyons-nous Serpillon, dans son Code criminel, page 388, argumenter de là pour établir qu'un père est garant des condamnations portées contre son fils, lorsqu'il l'a défendu ou autorisé. Le passage dans lequel il s'explique de la sorte, est d'autant plus précieux, qu'il contient deux nouveaux arrêts sur ce point. En voici les termes:

« Quant au père qui autorise son fils, il est, comme le mari à l'égard de sa femme, garant des adjudications prononcées contre son fils, ainsi qu'il a été décidé par plusieurs arrêts, et entre autres, par un arrêt du parlement de Dijon.

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Cautarelle fils avait maltraité celui du sieur Moingeon, avocat à Arnay-le-Duc; le pere Cautarelle avait autorisé son fils dans une plainte: on conclud contre ce père à ce qu'il fût déclaré responsable des adjudications qui seraient prononcées; les conclusions furent adjugées à Moingeon sans aucune restriction, par arrêt de 1752.

» Par un autre arrêt de la même cour, du 2 août 1754, la même chose fut décidée. Jean Guenot, fermier de Dracy-Saint-Loup, ayant été accusé, par le sieur Jean Bretin, fils majeur, procedant de l'autorité de son père,

d'avoir altéré la minute d'un testament dans

l'étude d'un notaire, je condamnai Bretin pere, qui avait signé la plainte de son fils, à fournir aux frais de la procédure que j'instruisais incidemment contre les témoins décrétés de prise de corps, pour avoir entièrement rétracté leurs dépositions et récolemens, lors de la confrontation à Guénot. Le père Bretin appela de l'exécutoire que j'avais décerné contre lui; son fils appela aussi d'un jugement par lequel j'avais admis le sieur Guénot à la preuve de ses faits justificatifs. L'arrêt confirma le jugement et l'exécutoire, condamna le sieur Bretin fils à 4000 livres de dommages et intérêts, et aux dépens; de toutes lesquelles adjudications le sieur Bretin pere fût déclaré garant ».

IV. La deuxième exception à la règle géné rale qui dispense un père de faire face aux condamnations prononcées contre son fils, pour cause de délits ou de quasi-delits, est relative au cas où le fils a causé quelque dommage à un tiers, en remplissant les fonctions ou travaux auxquels son père l'avait prépose comme alors le père doit s'imputer d'avoir employé à son service une personne qu'il savait ou devait savoir ne pas posséder les qualités nécessaires pour s'en acquitter exactement, rien ne peut le soustraire à l'action de celui que son fils a offense; et la chose TOME XXVI.

est d'autant plus évidente à cet égard, qu'il en serait de même en pareil cas par rapport à un simple domestique. On peut voir là-dessus la loi dernière, D. de custodia et exhibitione reorum; la loi 27, S. 9, D. ad legem Aquiliam; la loi 12, D. de publicanis; le

commencement et les §. 1 et dernier de la loi unique, D. furti adversùs nautas, et la loi dernière, D. nautæ, caupones, stabularii. V. aussi l'article Incendie, §. 2.

V. La troisième exception est lorsque le père connive aux délits de ses enfans, ne les empêche point, autant qu'il le peut, ou s'en rend en quelque sorte complice.

C'est ce qui a été jugé, selon Brillon, au mot Père, par un arrêt du parlement de Paris, du 31 août 1713, rendu à la grand'chambre, au rapport de M. Mengui. Un meunier devait de l'argent au sieur de Morger, capitaine à défaut de paiement de sa part, le fils de cet officier lui enleva furtivement une jument, et la fit mener chez son père, où elle resta jusqu'à son départ pour l'armée. Le meunier redemanda sa jument au père, qui, pour toute défense, soutint qu'il n'était pas tenu des faits de son fils. On lui répondit par ce texte du droit canonique : nec caret facinori desinit obviare (Can. 3, distinct. 83). scrupulo societatis occultæ, qui manifesto Par sentence des grands jours de Vendôme, le sieur de Morger fut condamné à restituer il en interjeta appel : mais l'arrêt cité la la jument, sinon à indemniser le meunier : confirma avec amende et dépens.

Legrand, sur la coutume de Troyes, art. 168, gl. 5, no 26, dit que, par un autre arrêt du mois d'avril 1644, « M. le président » Le Coignoux tenant l'audience, un père, » en la présence duquel son fils, impubère, » sortant de l'église, ayant querelle, avait » baille un coup de pied à un autre dont il >> mourut quelques jours après, fut condamné » à 120 livres, pour tous dépens, dommages » et intérêts, le fils renvoyé absous ».

Serpillon, dans son Code criminel, page 764, étend plus loin encore l'exception dont il s'agit ici : « Un père, un maître et tous autres » supérieurs, qui, par leur autorité, auraient » pu contenir leurs inférieurs, qui, en leur » présence, ont commis un crime sans qu'ils » s'y soient opposés autant qu'ils auraient »pu, sont inexcusables, et par conséquent » il leur faut des lettres de pardon

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VI. La quatrième exception est que, trèssouvent, les ordonnances de police déclarent formellement que les pères et mères serout

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responsables des infractions commises par leurs enfans aux réglemens qu'elles prescri

vent.

Le président Bouhier, chap. 33, no 17, nous en fournit un exemple, et propose à ce sujet une question mişte qui peut se présenter fréquemment. Voici comment il s'explique : «Par un réglement de police, fait en notre parlement (de Dijon), le 18 juillet 1638, il fut ordonné à toutes personnes de contenir leurs enfans et leurs serviteurs, en sorte qu'ils ne commissent aucun dégât dans les jardins et vergers, sous peine d'être responsables civilement en leurs propres et privés noms, des dommages et intérêts qui résulteraient de ces dégâts. Il y a encore d'autres réglemens pareils sur d'autres faits de police.

» Que, si de tels délits étaient commis hors du ressort du parlement, l'on n'estime pas que ces réglemens pussent y être applicables, à moins que ce ne fût dans les lieux où il y en eût de semblables; car la cour, en faisant les siens, n'a songé qu'à ce qui regardait la police qui est de son ressort. D'ailleurs, comme toute loi qui rend une personne responsable du délit d'une autre, est contraire au droit commun, la règle est d'en restreindre la disposition autant qu'il est possible, comme l'observent les jurisconsultes ».

VII. Il y a une cinquième exception, ou plutôt une dérogation presque générale aux lois romaines citées plus haut, dans l'art. 611 de la coutume de Bretagne; il porte : « Si » l'enfant fait tort à autrui, tant qu'il sera » au pouvoir de son père, le père doit payer » l'amende civile, parcequ'il doit chatier ses >> enfans ».

Nous disons que cette dérogation est presque générale; car elle ne l'est pas tout-à-fait. Elle ne s'applique visiblement qu'au père qui a son fils sous son pouvoir, et qui peut le chatier; conséquemment il faut en excepter le cas où le fils, parvenu à cet âge où l'on verra ci-après qu'il peut se choisir un domicile, use du droit qu'il a de ne pas demeurer avec son père; et c'est précisément ce qui a été jugé par un arrêt du 4 février 1660, rapporté dans le recueil de Soefve, tome 2, chap. 32. Il s'agissait d'une demande en réparation civile d'un assassinat commis par un fils de famille: le père, contre qui elle était dirigée, soutenait que la disposition de la coutume n'avait aucun rapport à l'espèce dont il était question, parceque son fils était sorti de la maison paternelle dès l'age de quinze ans, et qu'il en avait plus de trente-deux lors du crime qu'on

lui imputait. Par l'arrêt, le père a été décharge.

La coutume de Liége a aussi introduit dans son ressort une dérogation aux principes établis sur ce point par le droit commun. « Le père (dit-elle, chap. 1, art. 8) peut être » araisné civilement par la partie offensée » pour délit commis par son enfant non » émancipé, même pour cas d'homicidage, » et est tenu d'en payer l'amende profitable, » ses défenses sauves : voire que le père ne » peut être recherché pour amende ou inté »rêt au-delà de la tierce-part qui pourrait

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compéter à l'enfant, si le lit eût eté brisé >> au temps du délit », c'est-à-dire si le père eût été veuf, et que ses biens eussent été dévolus à son fils. (V. l'article Dévolution coutumière, §. 2).

De Méan, ad jus civile Leodiensium, observ. 62, prouve très-bien que cette dis position ne doit s'entendre que de la réparation civile; et qu'elle ne donne aucune action à la partie publique contre le père. Il ajoute qu'elle doit être restreinte aux crimes ou délits commis dans le pays de Liége.

Quelques auteurs prétendent que tous les pays coutumiers doivent suivre, sur cette matière, la règle prescrite par l'article cité de la coutume de Bretagne ; et l'on rapporte plusieurs arrêts qui ont ou qui paraissaient avoir adopté ce système. Les raisons sur lesquelles on le fonde, ne doivent pas être ignorées.

« Le but de toutes les lois ( dit-on ) est de défendre la vie, l'honneur et la fortune de chaque citoyen; de garantir le faible des atteintes du plus fort; de lui assurer un dédommagement proportionné à la gravité de l'injure, à l'énormité du préjudice qu'il a souffert.

» Souvent l'indigence de celui qui s'est rendu coupable d'un délit, ne laisse aucune ressource à celui qui en a été victime: le coupable échappera-t-il à la vengeance des lois? Non. Si le délit qu'il a commis, n'est pas de nature à lui meriter une peine afflictive, il l'expiera par la perte du plus précieux de tous les biens, celle de sa liberté. Détenu dans les fers jusqu'au moment où le déliț aura été réparé, il apprendra à respecter les propriétés qu'il a osé violer.

» Mais ce n'était pas assez d'avoir accordé ce droit terrible à celui qu'on ne pouvait venger, sinon d'une manière plus éclatante, du moins plus utile pour lui; les législateurs ont porté leurs vues plus loin. Si l'auteur du délit est soumis à l'autorité de quelqu'un, on

a voulu que celui qui le tient dans sa dépendance, fût tenu des dommages-intérêts auxquels le délit a donné lieu. Ainsi, chez les Romains, l'action noxale était ouverte contre le maitre dont l'esclave avait causé quelque dommage à un tiers.

» A plus forte raison un père est-il tenu des délits commis par ses enfans. Le fils est sous la Puissance de son père, jusqu'au moment où les lois lui permettent de disposer de sa personne et de ses biens. Cette autorite était sans bornes dans les premiers áges du monde; elle l'était encore dans les beaux jours de Rome. Quoique, dans nos usages, elle ne soit pas aussi étendue, que même elle le soit moins que dans plusieurs de nos provinces, le père n'est pas moins le tuteur naturel de son fils, l'administrateur de ses biens, il ne le tient pas moins 'sous sa Puissance jusqu'à l'instant reglé par les coutumes jusque-là, nul par lui-même, il n'a, pour ainsi dire, qu'une existence précaire.

« Si donc il commet un délit durant cet âge de faiblesse et d'inexpérience, qui en répondra, si ce n'est celui à qui la loi l'a confié, qu'elle a chargé de le diriger dans tous les instans, dans toutes les actions de sa vie? Il en a contracté l'obligation en lui donnant le jour; il en a contracté une plus grande encore, une plus sacrée, celle d'ajouter au bienfait de la vie, le bienfait non moins précieux de l'éducation. S'il l'a fait, et s'il est vrai que les premières impressions soient ineffaçables, le fils, formé à la vertu, ne se dégradera point par des bassesses, par des crimes qui compromettent l'honneur, qui portent la désolation dans les familles.

» Mais si ce père n'a point rempli les de voirs qui lui étaient imposes; s'il n'a point veillé sur le dépôt que la loi lui avait confié; s'il a abandonné son fils à tous les piéges de l'erreur, à toutes les séductions du vice, il est le seul coupable; il est le premier auteur des délits que commet son fils, et, à ce titre scul, il est tenu de les réparer ».

Toutes ces raisons n'ont, comme on le voit, d'autre base que des idées arbitraires; et l'on pourrait, en les appliquant aux délits des femmes mariées, en tirer la conséquence, que les maris doivent en être garans; conséquence qui, étant en contradiction avec l'esprit général du droit coutumier, découvre, par cela seul, tout le vide du système que nous venons d'exposer.

On cite cependant plusieurs arrêts qui paraissent avoir été rendus d'après ce système.

Legrand, sur la coutume de Troyes, art.

168, gl. 5, no 26, en remarque une de l'année 1568, « au sujet de quelques petits enfans » de la ville d'Etampes, qui, ayant vu brûler » un cochon, prirent l'un d'entre eux, le » lièrent et jetèrent sur le bûcher, auquel »ils mirent le feu, dont il fut aussitôt brûlé: » pour raison de quoi ayant été informé, les » enfans furent renvoyés absous de ladite >> accusation, et les pères condamnés, par le » même arrêt, aux dommages-intérêts qui » furent arbitrés par la cour ».

Nous voyons, dans le recueil de Bardet, tome 1, liv. 2, chap. 46, qu'un arrêt du 9 juin 1625 a confirmé une sentence qui condamnait à 150 livres pour frais de médicamens, le père d'un enfant de onze ans et trois mois, qui avait crevé l'œil à un autre enfant de sept

ans.

On lit dans le Supplément du Journal des Audiences, que, « par arrêt du mardi 7 de» cembre 1647, à l'audience de la grand'cham» bre, la cour, cassant la procédure crimi» nelle faite tant contre un pére que contre » ses enfans, pour raison de quelques violen» ces commises sur la personne d'un autre >> enfant du même âge, enjoignit néanmoins au père de retenir ses enfans en leur devoir, » et les instruire, en sorte qu'ils ne commis» sent aucune faute, à peine d'en répondre » en son propre et privé nom ».

On prétend qu'un arrêt, rendu de nos jours, a été plus loin. Le sieur Herbin, jeune homme de dix-sept ans, et le sieur Dauvet, à peu près de son âge, avaient passé ensemble l'aprèsdiner. Un clou, jete par le sieur Herbin au chien du sieur Dauvet, atteint ce dernier et lui crève l'œil. Son père se pourvoit en dommages-intérêts contre le sieur Herbin et contre le père de celui-ci comme civilement responsable de ses faits. Une sentence du bailliage de Reims, du 26 août 1777, met les parties hors de cour et compense les dépens. Mais sur l'appel, le parlement de Paris condamne le père et le fils solidairement à cent louis de dommages-intérêts et aux depens.

Basnage a recueilli un arrêt du parlement de Normandie, qui a adopté le même principe, sans cependant en porter les effets à un point aussi rigoureux. Voici de quelle maniere il s'explique :

« Deux enfans de la ville de Dieppe, âgés de buit et de neuf ans, jouaient ensemble; et l'un ayant poussé l'autre, il lui rompit le bras. Le père du blessé poursuivit le père de celui qui avait poussé son enfant, lequel nia que son fils eût poussé l'autre; on permit au de

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