Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

» mort du sieur de La Gripière, la demoiselle » Dumont, sa veuve, et demoiselle Madeleine» Thérèse de La Gripière, sa fille, contestè»rent à la demoiselle Masson son douaire, » et aux enfans nés d'elle et dudit sieur de » La Gripière, leur état et leur part dans les » biens de leur père. Par l'arrêt, la cour dé» clara qu'il avait été mal, nullement et abu»sivement dispensé, exécuté et procédé à la >> célébration du mariage de ladite demoiselle

» Masson, icelui déclaré non valablement >> contracté et ayant cependant aucunement » égard à sa requête, lui a, par forme d'in» térêt, adjugé le quart du bien que posse. » dait ledit sieur de La Gripière lors de son » décès, pour en jouir par usufruit sa vie du >> rant, et être partagé après sa mort entre » ses enfans et la fille sortie du mariage dudit » sieur de La Gripière. Et, faisant droit sur » la requête d'intervention du sieur de l'Isle, >> curateur des enfans dudit sieur de La Gri. » pière et de ladite demoiselle Masson, l'a » reçu partie intervenante; en quoi faisant, » a déclaré lesdits enfans légitimes; a ordonné » qu'ils partageraient la succession dudit sieur de La Gripière avec la fille sortie de son > mariage ».

[[V. ci-après, no. 5. ]]

IV. Plusieurs de ces arrêts décident une question qui était autrefois assez controversée, et qui consistait à savoir si l'enfant né d'un mariage putatif, était légitime à l'égard des deux contractans, lorsqu'il n'y en avait eu qu'un dans la bonne foi.

La plupart des anciens glossateurs, divi. sant l'état des enfans, les regardaient comme légitimes par rapport à l'un, et illegitimes par rapport à l'autre. Mais il était absurde qu'un même homme fût en partie légitime, et en partie bâtard : l'état est indivisible; et il est plus juste d'étendre jusqu'au coupable la faveur due à l'innocent, que d'étendre jusqu'à l'innocent la peine méritée par le coupable. Aussi le chapitre ex tenore décidet-il, dans l'espèce d'un bigame, que la bonne foi de la seconde femme fait réputer légitimes les enfans qu'elle a eus de son prétendu mariage, même à l'effet de recueillir la succession de leur père, qui avait contracté de mauvaise foi : Ex tenore litterarum vestrarum nobis innotuit, quòd cùm G.... vidua hereditatem quondam R....mariti sui sibi et pupillo filio suo restitui postularet, pars adversa petitionem ejus excluderet, pro eo quòd R.... maritum ipsius viduæ de adul terio genitum asserebat..... Intelligentes quòd pater prædicti R.... matrem ipsius in facie ecclesiæ ignorantem quòd ipse aliam sibi

matrimonialiter copulasset, duxerit in uxorem; et dùm ipsa conjux ipsius legitima putaretur, dictum R.... suscepit ex eadem, in favorem prolis potiùs declinamus, memora tum R.... legitimum reputantes. On vient de voir que les arrêts ont adopté cette décision sans difficulté.

[[V. le no. suivant. ]}

lement les enfans à succéder à leur père et à V. La Légitime putative n'habilite pas seuleur mère : elle les rend encore capables de recueillir à titre héréditaire les biens de leurs

aïeuls, et même de leurs parens collatéraux, parcequ'elle forme une image parfaite de la Legitimite véritable, et que la fiction doit avoir autant d'effet dans les cas où elle a lieu, que la réalité : fictio tantùm operatur in casu ficto, quantùm veritas in casu vero.

On trouve en effet dans les notes sur Leprestre, un arrêt du 16 janvier 1610, qui juge « que les enfans nés de mariage non va"lable, étaient, pour la bonne foi, capables » non seulement de la succession directe, » mais aussi de la collatérale ». Il s'agissait, dans cette espèce, de la succession d'un oncle maternel.

[ocr errors]

La même chose a été décidée in terminis par l'arrêt du 24 janvier 1777, rapporté cidessus, no. 3.

[[Toutes ces maximes sont érigées en loi par les deux articles suivans du Code civil.

«201. Le mariage qui a été déclaré nul, produit néanmoins des effets civils, tant à l'égard des époux qu'à l'égard des enfans, lorsqu'il a été contracté de bonne foi.

» 202. Si la bonne foi n'existe que de la part de l'un des deux époux, le mariage ne produit des effets civils qu'en faveur de cet époux, et des enfans issus du mariage ».

Écoutons M. Portalis, conseiller d'état, dans l'Exposé des Motifs qu'il a présenté, au nom du gouvernement, à la séance du corps législatif du 16 ventóse an 11:

« Quoique régulièrement le mariage valable puisse seul faire de véritables époux et produire des enfans légitimes, cependant, par un effet de la faveur des enfans et par considération de la bonne foi des époux, l'équité a fait admettre que, s'il y avait quelqu'empêchement caché qui rendit ensuite le mariage nul, les époux qui avaient ignore cet empêchement, et les enfans nés de leur union, n'en conserveraient pas moins leurs prérogatives.

»De là cette maxime commune, que le mariage putatif, pour nous servir de l'expression des jurisconsultes, c'est-à-dire, celui que les conjoints ont cru légitime, a le même

effet, pour assurer l'état des époux et des enfans, qu'un mariage véritablement légitime; maxime originairement introduite par le droit canonique, depuis long-temps adoptée dans nos mœurs.

Quand un seul des conjoints est dans la bonne foi, ce conjoint seul peut réclamer les effets civils du mariage. Quelques anciens jurisconsultes avaient pensé que, dans ce cas, les enfans devaient être légitimes par rapport à l'un des conjoints, et illegitimes par rapport à l'autre; mais on a rejeté leur opinion, sur le fondement que l'état des hommes est indivisible, et que, dans le concours, il fallait se décider entièrement pour la Légitimité ». ]]

VI. Cette règle admet cependant une exception par rapport aux enfans d'un religieux profes. Comme ils ne pourraient tenir que de leur père la faculté de succéder à leurs aïeuls ou collatéraux paternels, et que leur père avait entièrement perdu ce droit à l'époque de son mariage putatif, il est impossible qu'ils l'exercent eux-mêmes, à moins qu'on ne donne à la fiction plus d'effet qu'à la vérité; ce qui serait d'une absurdité insoutenable.

C'est sans doute par ce motif qu'un arrêt du 10 février 1632, rapporté par Bardet, a déclaré les enfans d'un jacobin non-recevables dans leur demande en partage de la succession de leur aïeul paternel, quoique leur mère se fût mariée de bonne foi et sans le moindre soupçon de l'état de leur père.

Voici l'espèce d'un arrêt plus récent, et qui est fondé sur le même principe.

Jacques Fortin, né en Basse-Normandie, eut de Madeleine Pillet quatre filles, et un garçon nommé François. Celui ci entra, vers 1705, dans la maison des cordeliers de Valogne, voisine du licu qu'habitait sa famille; * et, après les épreuves ordinaires, y fit profession.

Le 6 mai 1709, il obtint du pape un bref qui, d'après les faits de violence articules dans sa supplique le relevait de ses vœux. Mais avant de procéder à l'entérinement, l'official de Coutances ordonna que l'impétrant se retirerait au couvent des jacobins de la même ville pendant l'instruction.

Au lieu d'obéir à cette ordonnance, le frère Fortin prit la fuite, traversa la France, passa les Alpes, et se présenta au souverain pontife dans un état fait, à tous égards, pour émouvoir sa pitié.

Le pape lui expédia un second bref qui le relevait de ses voeux de plano. Mais rentré dans sa patrie, il se vit exposé aux poursuites de son couvent et de sa famille, qui, de concert, cherchaient à le faire emprisonner.

Cependant, le 19 novembre 1716, il fit avec ses beaux-frères, une transaction par laquelle ils s'obligèrent de lui payer 40 livres de rente viagere.

Quelque temps après, il s'embarqua et s'établit à la Martinique. Là, il conçut pour la fille du sieur Lamarre, des sentimens qu'elle partagea; il demanda à sa famille un certificat qui lui fut envoyé, et dans lequel on ne parlait nullement de son état de cordelier. Il présenta ce certificat au père de la fille, et fut accepté pour gendre. Le mariage fut célébré le 22 juin 1722.

Dès l'année 1723, le sieur Fortin était père; et depuis cette époque jusqu'au 17 novembre 1736, jour de son décès, il eut encore plusieurs enfans: le plus âgé avait à peine treize ans, lorsqu'ils le perdirent.

Cependant tous les biens du père et de la mère du sieur Fortin avaient passé dans les mains de ses sœurs et de leurs époux. Ses filles vinrent en France, et firent assigner ceux-ci. en délaissement de ce qu'elles appelaient la part de leur père avec restitution de fruits, intérêts, etc.,

La contestation fut portée, en 1771, devant le juge de Valogne, qui, par sentence, debouta les parens de l'opposition qu'ils avaient formée à l'état des demoiselles Fortin, déclara celles-ci légitimes, et ordonna qu'en cette qualité, tous moyens de droit tenant, et défenses au contraire, les parens seraient tenus de leur communiquer les actes dont ils avaient produit l'état à l'audience, pour être instruit entre les parties sur le partage demandé.

Les parens appelèrent de cette sentence. Les demoiselles Fortin se renfermèrent d'a

bord dans quatre fins de non-recevoir :

10. La reconnaissance de leur état par ceux qui venaient ensuite l'attaquer;

2o. L'acte de 1716, passé entre le cordelier et ses beaux-frères;

3o. Le certificat que sa famille lui avait envoyé avant son mariage à la Martinique ; 4o. Enfin, la possession de leur état, commencée par le père et continuée dans ses enfans pendant l'espace de trente-six ans.

D'abord (disait le défenseur), une des demoiselles Fortin, à son arrivée en France, avait reçu toutes les marques de tendresse que peut attendre une parente chérie et dont on s'honore. Reproches affectueux sur ce qu'elle avait préféré la maison d'un étranger; invitations réitérées de venir loger dans le sein de sa famille, qui furent enfin acceptées; séjour de deux mois partage entre les diffé rens domiciles de ses parens, qui se dispu

taient le plaisir de loger cette cousine, et lui prodiguerent tour-à-tour l'amitié la plus vive et la plus sincère. « Ce ne fut point une vaine >> curiosité qui les rassembla autour de cette » parente arrivée du Nouveau-Monde. Les » expressions de la sensibilité se mêlèrent » dans leurs entretiens; leur bouche, organe » de leur cœur, lui répéta vingt fois le nom » si doux qu'ils lui envient aujourd'hui : si » l'intérêt a répandu depuis quelques nuages » passagers sur les sentimens de la nature, » la nature reprend son empire, et de nou» velles marques de tendresse et de sensi»bilité rapprocheront des cœurs que l'intérêt » n'a divisés que pour un moment. Après » avoir reconnu si publiquement l'état des >> demoiselles Fortin dans leur sœur aînée, » les appelans n'ont plus le droit de s'élever » contre elles pour les en priver; ils les ont >> reconnues pour leurs parentes; ils n'ont » pu, en leur donnant ce titre, se réserver » la faculté cruelle de le leur enlever. Dès » qu'on a une fois reconnu l'état des person. »nes, on n'est plus admis à le contester ». En second lieu par l'arrangement fait entre le sieur Fortin et ses beaux frères, le 19 novembre 1716, ceux-ci se sont obligés de lui faire quarante livres de rente; et dans le même acte, ceux même qui l'avaient poursuivi, qui avaient déterminé contre lui l'official de Coutances et surpris une ordonnance pour lui ravir la liberté, ont reconnu que la seule violence lui avait arraché ses vœux : comment peuvent-ils soutenir, soixante ans après, qu'il a été lié par ces vœux forcés, qu'il a toujours vécu esclave, après l'avoir confessé libre?

Troisièmement une fin de non-recevoir, non moins puissante résulte du certificat envoyé à la Martinique. Il était signé de la mère du sieur Fortin, de ses beaux-frères, et de plusieurs parens. Ce certificat n'annonçait pas même que le sieur Fortin eût jamais connu le cloître des cordeliers de Valogne; tout y parlait de lui comme d'un homme libre. Il y a donc lieu de présumer qu'il l'était en effet. Il avait laissé, avant de s'expatrier, une procuration à un de ses parens, pour poursuivre l'entérinement de son bref ce fut en 1716 qu'il abandonna la France, et c'est en 1722 qu'il demande à sa famille ce certificat. Si le bref qui le relevait de ses vœux, n'eût pas été entériné, comment croire que ceux qui avaient intérêt à révéler les nœuds dont il était lié, auraient gardé un profond silence sur cet article, et n'en eussent pas fait mention dans son certificat? Tout devait faire présumer que le bref avait

été entériné. Si cette sente ncene se retrouve pas, il faut s'en prendre à la négligence des greffiers de ce temps-là : et une lettre d'un grand-vicaire de Coutances, qui a fait des recherches inutiles, attribue leur inutilité à la négligence de ces officiers, comme à une

cause connue.

On ne trouve pas non plus de jugement qui ait débouté le sieur Fortin de sa demande; et cependant, s'il eût existé, les religieux n'eussent pas manqué de le conserver dans leurs registres et dans leur couvent. Nouvelle raison de présumer que le sieur Fortin avait réussi, et que, si le titre de sa liberté avait disparu, il fallait en accuser la négligence avouée des officiers conservateurs de ce dépôt.

Quatrièmement, après tant de présomptions favorables et des reconnaissances si positives de la liberté du sieur Fortin, que demander de plus que la possession réelle de cette liberté? Or, il a joui de son état pendant quatorze ans, et ses enfans en jouissent depuis trente-six années.

Les appelans repondirent à ces fins de nonrecevoir d'une manière victorieuse.

L'accueil fait à l'une des demoiselles Fortin, était dû aux mouvemens d'une curiosité bienfaisante. Un bâtard, caressé par les parens de son père, ne devient pas pour cela légitime. La demoiselle Fortin pouvait s'attendre à trouver de la sensibilité et de la bienveillance dans le cœur des parens de son père, sans pouvoir s'en faire un titre pour acquérir des droits sur leurs biens. Tous ces procédés domestiques ne forment point une reconnaissance légale de son état; il faudrait des actes où la famille eût contracté avec elle sous le titre qu'elle lui conteste en justice; et l'on n'en produisait aucun.

Celui de 1716 ne pouvait passer pour une reconnaissance authentique, de la part des parens, que le sieur Fortin ne fût pas religieux. Il portait que les parens qui l'ont signé, mus de bonne volonté pour le sieur Fortin, leur frère, ayant fait ses vœux dans l'état de cordelier, et n'ayant pu y réussir, lui promettent annuellement la somme de 40 livres, sa vie durant; ce que le sieur Fortin a accepté, et leur en a rendu gráces. Que signifient ces mots, n'ayant pu y réussir? Rien autre chose que le dégoût qu'avait pris le sieur Fortin pour l'état de cordelier. Ces mots ne pouvaient tomber sur ses vœux; il était constant qu'il les avait prononcés.

Il était clair encore que cet acte n'était qu'un effet de la bonne volonté des parens, puisque Fortin leur en rend grâces. S'il eût

été libre, s'il avait pu partager, il n'aurait pas reçu la loi, il l'aurait faite.

Prétendre qu'il s'était fait relever de ses vœux, et qu'il y avait eu une sentence qui avait entériné le rescrit du pape, parcequ'on ne trouvait pas de sentence qui l'eut débouté de sa demande, c'était un sophisme des plus

aisés à réfuter son état certain et connu était l'état de religieux; c'était donc à lui ou à ses représentans à prouver l'existence d'un jugement qui depuis eut anéanti sa profession

et ses vœux.

Il y a tout lieu de présumer que Fortin avait abandonné sa réclamation; et que le fondé de procuration qu'il avait laissé en France à son départ pour la Martinique, n'avait jamais conduit cette procédure jusqu'à un jugement définitif.

Évadé de la retraite que l'official lui avait indiquée, décrété de prise de corps, il était impossible qu'il réussit à se faire relever de ses vœux sans reprendre ses habits et revenir dans sa retraite. Il n'était pas relevé de ses vœux, lorsqu'il partit pour l'Amérique; il n'avait donc pu l'être depuis. Tel était l'état des choses, lorsqu'en 1722, il demande à sa famille un certificat d'origine, de mœurs et de catholicité. Quelques parens l'accordent. Le certificat ne disait pas que Fortin fût cordelier, apostat et décrété de prise de corps; mais il ne disait pas non plus qu'il fût libre, et qu'il n'eût pas fait profession.

La famille, disait-on, n'ignorait pas l'usage qu'il voulait faire de ce certificat. Mais où est la preuve qu'elle sût qu'il voulait s'en servir pour se marier? Si ce certificat était donné pour le mariage, il devait contenir le consentement de la mère, et il ne s'y trouve point; du moins devrait-on produire quel ques lettres écrites à sa famille sur cet établissement: on n'en montrait aucune.

Dès lors, que devenait la possession d'élat dont on prétendait que Fortin avait joui paisiblement pendant quatorze ans? Fortin était cordelier lorsqu'il s'est marie; il devait bien savoir qu'il n'avait jamais été relevé de ses vœux. Il connaissait donc parfaitement le vice de sa possession et la nullité du mariage qu'il avait contracté, malgré les défenses qui lui avaient été expressément faites par l'ordonnance de l'official.

Après ce premier combat sur les fins de non-recevoir, dont l'avantage ne restait pas. aux demoiselles Fortin, on discuta le fond, et l'on en vint à la question de droit.

Le défenseur des enfans convint du principe établi par l'art. 273 de la coutume de

Normandie, qui déclare le religieux profès incapable de succéder, ct transmet son héritage au parent le plus proche. Mais il soutenait que la profession du sieur Fortin était nulle, comme forcée; et il soutenait que cette nullité, résultant, non d'un simple vice de forme, mais du défaut de liberté et de consentement, était radicale et destructive des vœux que sa bouche avait articulés.

« D'ailleurs, les rescrits du saint - siége (continuait-il), l'en ont relevé. S'ils n'ont point été entérinés, du moins avaient-ils un effet suspensif. Tant que la protestation du sieur Fortin a subsisté, tant que ces rescrits n'ont pas été écartés par un jugement, For tin n'a pu être regardé comme un vrai religieux; et mourant avant qu'on eût prononcé sur sa réclamation, il est mort libre et integri status. Il est dans le cas d'un accusé, d'un coupable qui meurt jouissant de tous ses droits civils, quand son décès arrive avant que la peine de son delit soit prononcée par un jugement définitif.

» Un autre principe veut que les enfans sortis d'un second mariage contracté de bonne foi par l'un des deux époux, soient légitimes; et l'on n'admet point cet état bizarre, où un fils serait réduit, d'un côté, à partager la honte des enfans de la prostitution; et placé, de l'autre, au rang honorable des enfans du père de famille. Les jurisconsultes et la jurisprudence sont d'accord sur la vérité de ce père et de la mère, par rapport à l'état de principe, et sur les effets de la bonne foi du leur postérité. Nul doute sur la bonne foi de la femme Fortin, lorsqu'elle l'épousa ses enfans sont donc légitimes, et doivent hériter des droits de leur père ».

Le défenseur des appelans (M. Ducastel), combattit ces moyens avec autant de force que de précision.

«Dans l'ordre civil (ce sont ses termes), ce sont les actes qui constituent l'état des citoyens. Un acte en forme l'emporte sur la déposition des témoins. Il ne reste d'autre ressource que de prouver qu'il est l'ouvrage de la violence et de la séduction: mais tant que les lettres de restitution ne sont pas entérinées, l'acte subsiste. En matière de vœux et de mariage, la rigueur de la loi est encore plus stricte.

» Un profès ne peut résoudre ses vœux sans. un rescrit du pape : ce rescrit n'a aucune force en France sans être entériné; il ne peut l'être sans un motif évident; cette evidence n'est point acquise sans des preuves judiciaires. La déclaration du profès, le consentement de sa famille, Faveu du couvent

ne suffisent point; il faut un jugement régu lier qui approuve les causes d'après lesquelles on doit dissoudre ce que la religion déclare indissoluble.

» Fortin a réclamé, a obtenu des rescrits; mais ces rescrits ne le relevaient de ses vœux qu'à la charge de prouver les faits qu'il arti culait, et d'obtenir un jugement. Ces rescrits n'ont point d'effet suspensif, et ne l'ont point mis dans la position d'un accuse qui, condamné par une sentence, mais venant à mourir pendant l'appel, meurt dans la possession de son état; il n'y a point de parité. Tout citoyen est présumé innocent; la loi veut qu'il ne soit convaincu de son crime qu'après une sentence et un arrêt; s'il meurt avant l'arrêt, la conviction légale n'est point acquise, la présomption de l'innocence est pour lui. Tout profes, au contraire, est censé avoir fait ses vœux librement : s'il prétend le contraire, il faut qu'il le prouve; s'il meurt sans le prouver, sans faire adopter ses preuves, il décède profės.

» Autrement, tout religieux qui se dégoûte de son état, qui suppose des faits, qui en impose au pape, qui réclame contre ses vœux et abandonne sa réclamation, pourrait donc se marier, donner à l'état des enfans légitimes, leur transmettre le droit de lui succéder qu'il a lui-même perdu, et mourir libre? Ne serait-ce pas autoriser l'apostasie, blesser toutes les lois, et troubler toutes les familles? Quant à la bonne foi de la mère et aux effets qu'elle peut donner à un mariage, il faut distinguer entre les laïques, les prêtres et les profès.

» Entre laïques, la bonne foi des conjoints a souvent fait tolérer les mariages des bigames, des adulterins; et cependant il y a deux observations importantes à faire.

» 1o. C'est que, suivant les arrêts qui sont dans cette espèce, c'étaient des collatéraux qui venaient contester aux enfans leur titre et la succession paternelle et maternelle : ce n'étaient point les enfans qui venaient disputer aux collatéraux des successions déjà acquises.

» 2o. Ces arrêts n'ont pas toujours accordé aux femmes l'intégrité de leurs droits, ni aux enfans les successions du père et de la mére.

» Entre un prêtre et un laïque, on n'a jamais étendu le droit de succéder à la ligne collatérale. L'édit de 1675 porte que lesdits mariages ne peuvent produire d'effets civils relativement aux collatéraux.

» Entre les religieux! Tout religieux est

mort civilement; son mariage est donc sans effet civil; et, si la bonne foi de la mère peut légitimer les enfans, ces enfans du moins ne peuvent succéder à leurs collatéraux paternels, parceque le profes n'ayant plus de famille, n'en peut donner une à ses enfans, ni leur transmettre un droit de succéder qu'il n'a plus lui-même ».

De cette distinction d'espèces et de gradation de principes, M. Ducastel concluait que Fortin n'ayant jamais pu succéder, et étant mort religieux, ses enfans ne pouvaient rien prétendre dans la succession de leur aïeul, ni exiger, au nom de leur père et par représentation, ce qu'il n'aurait pas pu exiger lui

même.

Ces principes ont triomphé. Par arrêt rendu en 1772, le conseil supérieur de Bayeux déclara les filles de Fortin non-recevables à demander la succession de leur aïeul et de leur oncle paternel, et confirma cependant la première partie de la sentence qui les avait déclarées légitimes.

Les motifs qui déterminèrent l'arrêt, furent que la bonne foi de la mère peut bien suffire pour légitimer les enfans, mais qu'elle ne suffit pas pour transmettre aux enfans d'un religieux un droit qu'il n'aurait pas cu lui-même, et qu'il ne pouvait jamais avoir, étant mort civilement, et n'ayant jamais été relevé de ses vœux. On laissa aux demoiselles Fortin leur Légitimité et le droit de succéder tant à leur père qu'à leur mère; mais le père ne pouvant prétendre à aucune succession directe ni collaterale, ses enfans, qui ne venaient que par représentation, n'y pouvaient pas plus prétendre que lui.

[[La question décidée par cet arrêt ne peut plus se présenter depuis l'abolition des vœux monastiques. (V. l'article Célibat). Mais les principes qui en ont déterminé la décision, ne sont pas pour cela étrangers à la législation actuelle: ils sont encore applicables aux enfans nés de mariages qui seraient contractés de bonne foi avec des personnes mortes civilement. V. mon Recueil de Questions de droit, au mot Légitimité, §. 5. ]]

VII. Pour que la bonne foi rende légitimes les enfans issus d'un mariage putatif, il faut que ce mariage ait été contracté avec toutes les formes et les solennités prescrites par les lois. C'est la décision expresse du chapitre cùm inhibitio (1), et elle est fondée sur deux

(1) Ce chapitre est tiré du concile de Latran, tenu sous Innocent III. En voici les termes: Si quis verò hujusmodi clandestina vel interdicta

« VorigeDoorgaan »