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Il ne peut donc y avoir aucun doute sur la preuve de la Légitimité qui résulte d'un acte baptistaire revêtu de toutes les formalités prescrites par la loi, lorsqu'on n'y a d'ailleurs inséré aucune énonciation caracteristique de la bâtardise.

VI. Mais ici se présente notre seconde ques: tion cette preuve, que deviendra-t-elle, si elle n'est pas soutenue par la possession d'état ? Voici un arrêt qui va nous l'apprendre. Vers la fin du dernier siècle, Nicolas Hurot, fils d'un charron du village de la Frette, près Certrou-ville, vint à Paris, et s'y maria avec la fille d'un marchand lainier. Le 23 fevrier 1698, un fils, nommé Jean-BaptisteNicolas, naquit de son mariage.

Cet enfant croissant en âge, ne répondit point aux désirs de ses parens. Ils avaient à leur service une domestique nommée Anne Savorde. Leur fils entretint avec elle des liaisons secrètes; trois enfans en recurent le jour, et tous trois furent baptisés comme fils légitimes, quoiqu'il soit très-constant que jamais Anne Savorde n'ait épousé le sieur

Hurot.

Pendant que ces liaisons duraient, le sieur Hurot en entretenait d'autres avec Hélène Leflot. Le 20 avril 1746, celle-ci accoucha d'un garçon. Le lendemain, il fut baptisé à la paroisse de Saint-Jean-en-Grève, qui n'était ni celle du père ni celle de la mère; et le rédacteur de l'acte de baptême, après avoir dit que cet enfant, nommé Jean-Baptiste, était fils de Jean-Baptiste-Nicolas Murot (au lieu d'Hurot) et d'Hélène Leflot, ajouta qu'ils étaient tous deux inconnus. Le 27 août 1750, Hélène Leflot accoucha de deux autres fils, qui furent baptisés le même jour à Saint-Benoît, paroisse du père et de la mère. L'un fut nommé François, et qualifié fils de Jean-Nicolas Murot, employé chez le roi (Le

sieur Hurot avait effectivement un office de sommier de vaisselle dans l'échansonnerie du roi), et d'Hélène Leflot, son épouse. On nomma l'autre Henri-Augustin: le père était présent et signa sur le registre. Deux autres enfans naquirent du même commerce en 1752 et 1753, et ils furent baptisés, l'un avec la même qualification de légitime, et l'autre avec la simple énonciation de fils du sieur Hurot et d'Hélène Leflot.

Hélène Leflot est décédée le 25 septembre 1754. Son acte mortuaire fut signé par le sieur Hurot, qui y prit le titre de mari.

Le 6 avril 1756, Marie-Jeanne Daubenton, sa servante, accoucha d'un enfant qu'il fit baptiser comme légitime.

Le 16 décembre 1769, le sieur Hurot mourut à Orléans.

Le 21 du même mois, la servante, qui s'était trouvée chez lui au jour de son décès, fit une déclaration de grossesse sur son compte.

Le même jour, il fut fait quelques démarches au nom des enfans d'Hélène Leflot, pour revendiquer la succession du sieur Hurot.

De là est née la question d'état. Les collatéraux, prétendant que cette succession leur enfans du sieur Hurot. appartenait, ont contesté la Légitimité des

Ces enfans convenaient qu'il ne leur avait pas été possible de trouver aucun acte de célébration de mariage entre leur père et leur mère. Mais ils soutenaient que leurs actes baptistaires les dispensaient de rapporter la preuve que ceux-ci eussent été mariés.

Le défenseur des collatéraux fit d'abord remarquer que les enfans de la Savorde et de la Daubenton avaient autant de droit de faire valoir ce système, que ceux d'Hélène Leflot, puisqu'ils étaient, comme ces derniers, qualifiés légitimes par leurs actes de baptême; que cependant on convenait que ni la Savorde ni la Daubenton n'avaient été mariées avec le sieur Hurot; et que, dès-là, on devait croire, jusqu'à la preuve du contraire, qu'il en était de même d'Hélène Leflot.

Il observa ensuite que les enfans de celleci n'avaient en leur faveur aucune ombre de possession d'état; qu'en 1765, un d'eux avait été mis en apprentissage, par un ami de son père, chez un maître perruquier, et que le brevet ne lui donnait pas le nom d'Hurot; mais seulement celui de Pierre-Véronique, sans aucun nom de famille; que, par un autre acte de 1766, il paraissait que Jean-Baptiste, l'aîné des enfans d'Hélène Leflot, avait vécu jusqu'à l'âge de vingt ans sous le nom de Jean-Baptiste de Beaumont, sans qu'on sût et sans qu'il sút lui-même qui il était; que, dans le même acte, signé de lui-même, il était attesté par différentes personnes de sa connaissance, appelées pour constater son état, à l'effet de le faire recevoir maître écri vain, que jamais on n'avait connu son père, et qu'Hélène Leflot, sa mère, n'avait pas été mariée, etc.

Après ces détails sur les faits, le défenseur des collatéraux passait au développement de ses moyens.

«L'état de chaque individu dans la société (disait-il), est fondé sur deux bases: sur le titre de sa naissance, et sur sa possession.

» Le titre de sa naissance est l'acte de baptême mais ce titre serait insuffisant par lui-même, s'il n'était pas accompagné d'une

possession conforme à ce qu'il contient. En effet, l'acte du baptême apprend bien aux contemporains d'un homme, ou à la postérité, que, le jour de sa date, il a été baptisé un enfant; il leur apprend même les noms de cet enfant, et les noms du père et de la mère qui ont été déclarés être les siens; mais la découverte de ce fait ne prouve pas que celui qui réclame les noms et les qualités dont il est parlé dans cet acte, soit véritablement l'individu qui fut alors présenté au baptême; il faut encore que le nom qu'il a porté jusque là, le traitement qu'il a eprouvé dans sa famille et dans la société, l'opinion publique de ceux avec lesquels il a vecu, établissent entre lui et ce monument de sa naissance, une relation qui en rende l'application invariable. C'est ce que les jurisconsultes de tous les temps ont désigné par ces mots qui caractérisent la véritable possession d'état, nomen, tractatus, fama. S'il n'a pas conservé ce nom, si aucun de ceux qui ont élevé son enfance et présidé à son éducation, qui l'ont suivi, fréquenté, avec lesquels il a vécu jus'qu'au moment de sa réclamation, ne l'ont pas regardé, traité comme étant l'individu auquel cet acte pouvait s'appliquer, c'est un titre qui devient stérile dans sa main, et qui ne lui appartient pas plus qu'au premier inconnu qui voudrait s'en emparer comme lui.

» On distingue deux sortes d'état, l'état naturel et l'état légitime.

» L'état naturel est celui dans lequel l'individu est considéré comme né de tel père et de telle mère, abstraction faite de tout mariage précédent. On peut jouir de cet état sans appartenir à aucune famille. Tels sont les bátards.

» L'état legitime, au contraire, est celui dans lequel chaque citoyen est considéré comme ne d'un mariage constant et régulier, et membre, par sa naissance, de telle ou telle famille. Si le titre de l'état en général est l'acte de baptême, le titre de l'état légitime en particulier est l'acte de célébration du mariage du père et de la mère. Mais il y a une difference remarquable entre ces deux titres.

» L'acte de baptême, sans possession subséquente, est, comme nous l'avons remarqué, un vain nom que personne ne peut s'approprier, et qui ne procurera jamais à celui qui le représente, la reconnaissance de son état. L'acte de célébration de mariage, au contraire, se suffit à lui-même; il assure seul la Légitimité de l'individu qui la réclame, parceque la célébration s'applique d'elle-même aux deux époux, déjà connus dans la société, qui ont contracté le mariage; et c'est de cette TOME XVII.

application, sur laquelle il est impossible de se tromper, que dérive, par une conséquence nécessaire et infaillible, la Légitimité des enfans qui en sont issus. L'acte de célébration de mariage a la force de légitimer les enfans de la femme mariée, quand même le titre de leur état, c'est-à-dire, leur acte de baptême, déposerait contre cette Legitimité, comme si, par exemple, on leur avait donné par cet acte un autre père que le mari, ou si on les avait baptisés comme enfans naturels, fruits d'une unionillegitime. Il suffit qu'ils soient nés d'une femme mariée, pour que le mari de cette femme soit leur père aux yeux de la loi. Pater is est quem justæ nuptiæ demonstrant.

» Il n'eût pas été juste que le père et la mère, aveuglés par la haine et par d'autres passions qui ne troublent que trop les mariages les mieux assortis en apparence, eussent été les maîtres de supprimer l'état de leurs enfans, ou que cet état eût dépendu de l'indifference des étrangers, aux soins desquels ils sont quelquefois abandonnés en naissant. La loi veille alors pour l'enfant, que son âge met dans l'impuissance de réclamer contre l'inhumanité ou la négligence de ses parens : l'acte de célébration de mariage de sa mère est un titre de Légitimité qui l'accompagne partout, et dissipe, par son influence salutaire, tous les nuages dont on voudrait obscurcir son état.

» Ces vérités conduisent nécessairement à une autre vérité qui n'est pas moins incontestable, et qui en est aussi la conséquence naturelle c'est que, si le père et la mère, ou ceux qui sont charges, à quelque titre que ce soit, de porter l'enfant à l'église, ne peuvent supprimer ni altérer la Légitimité d'un enfant né à la suite d'un mariage constant et régulier, ils ne sont pas plus maîtres de suppléer cette Légitimité. Une politique éclairée et salutaire n'a pas permis qu'on chargeât de formalités rebutantes et dangereuses pour la religion et pour les mœurs, les règlemens relatifs à la tenue des registres de baptême confiés aux ministres de l'église. Des matrones, sans caractère à cet effet, des parrains et marraines souvent inconnus, quelquefois impubères, semblent donner, par leur seule déclaration, qui n'est jamais ni verifiee ni contredite, à l'enfant qui vient de naître, l'état qu'il leur plait, et à telle famille qu'ils veulent choisir, un nouveau membre. Quelquefois même, et l'expérience n'apprend que trop combien on abuse de cette formalité religieuse, le père de l'enfant vient reconnaître sa paternité à la face des autels. Mais ces

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déclarations et cette reconnaissance ne peuvent jamais établir une Legitimite sans ma riage précédent. L'acte de célébration de mariage est le creuset où elles viennent toutes s'épurer sans lui, point de mariage, et sans mariage, point de Légitimité.

» Ces principes qu'on ne méconnaîtra pas sans doute, reçoivent cependant une exception. Lorsque, par quelque evenement connu, comme dans le cas de laceration, d'incendie ou absence quelconque des registres, la représentation de l'acte de célébration de mariage est devenue impossible, la forte présomption de son existence, d'une part, et, de l'autre, la possession publique de l'état, y suppléent. Cette possession est même plus puissante que tous les actes de baptême : elle tient lieu des énonciations portées dans les actes que l'ignorance et la fraude alterent, supposent et suppriment souvent. Elle est essentiellement inalterable, parcequ'elle ne dépend point de l'erreur d'un rédacteur ou du stratagème d'un imposteur audacieux, mais de la reconnaissance nécessaire et involontaire d'un certain nombre d'individus, souvent pris et rencontrés au hasard, qui, sans s'être donné le mot, ont été les témoins des relations, des habitudes, des liaisons de parenté ou d'affinité du sujet qui la réclame.

» Un enfant est élevé dans le sein d'une

famille; son père et sa mère, en possession de l'état d'époux, l'ont toujours traité comme leur fils, ou, s'il a eu le malheur de les perdre trop tôt, les deux familles ont conserve la mémoire de l'union légitime qui donna l'existence à cet enfant. Il est ainsi parvenu à l'adolescence, à l'âge viril, toujours reconnu par sa famille comme fils de tel et de telle, dont le mariage ne fut jamais révoqué en doute. L'état de cet homme est assuré pour jamais. Si l'époque ou le lieu de sa naissance venait à s'effacer tellement de la mémoire de ses contemporains, qu'il n'en pût pas retrou ver la trace; si personne au monde ne pouvait lui indiquer l'église où l'alliance de son père et de sa mère fut sanctifiée par le sacrement, son état n'en demeurerait pas moins inébranlable; la possession seule, pourvu qu'on la suppose complete et non équivoque, formerait autour de lui un boulevard qui

mettrait son état à couvert de toute atteinte.

» Mais cette possession est souvent incom plète ou équivoque; quelquefois même elle est contraire au titre; et c'est alors qu'il est difficile de déterminer l'état de l'individu qui

se présente. Il est pourtant encore quelques regles que la raison dicte.

» Il faut d'abord bien définir quels sont les caractères de possession que le sujet réunit, et quels sont ceux qui lui manquent; jusqu'où cette possession s'étend et où elle s'arrête. Sans titre, on ne peut jamais aller au-delà du terme de la possession. Par exemple, celui qui n'a qu'une possession d'état naturel, ne peut pas réclamer l'etat légitime, sans représenter l'acte de célébration du mariage de son père ou de sa mère; il lui faudrait, pour y prétendre, une possession d'état légitime.

» Ces deux possessions sont faciles à distinguer. Tout ce qui appartient à l'état naturel, appartient aussi à l'etat légitime; mais il est des caractères particuliers à l'état legitime, qui n'accompagnent jamais l'état naturel. Ainsi, le nom, le soin de l'enfance, la qualité prise et reçue de père et de fils, tout cela est commun à l'état naturel et à l'état légitime: mais la co-habitation ouvertement connue du père et de la mère, le nom du père porté par la mère, les qualités de mari et de femme prises et reçues publiquement, la reconnaissance des enfans, et le traitement de parenté dans les deux familles, n'appartiennent qu'à l'état légitime: en sorte que, pour donner sur ce point une règle sûre, on pourrait dire que la simple relation entre le père, la mère et les enfans, constitue la possession d'etat purement naturel: mais que, pour s'assurer de la Légitimité, il faut nécessairement remonter à la possession de l'état conjugal du père et de la mère dans la société, et à la relation des uns et des autres avec les deux familles.

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D'après ces principes, il n'est pas douteux que les enfans du sieur Hurot ne soient sans titre pour aspirer aux honneurs de la Légitimité.

» 1o. Ils ne rapportent aucune preuve de mariage entre leur père et leur mére.

» 2o. Leurs extraits baptistaires, rapproches de ceux de leurs frères consanguins, qui sont bien constamment batards, annoncent, au contraire, qu'il n'a existé, entre le sieur Hurot et Hélène Leflot, qu'une union formée par la debauche.

» 30. Leur prétendue possession est détruite par les titres qu'ils rapportent; d'ailleurs, cette possession n'a point les carac tères que les lois exigent pour conférer la Légitimité ».

Tout se réunissait, comme l'on voit, en faveur des collatéraux. Aussi, par sentence du châtelet, du 25 janvier 1776, leur récla mation a été admise; et cette sentence a été

confirmée par arrêt du parlement de Paris, du 8 janvier 1777

Les circonstances de la débauche constante du sieur Hurot, les preuves écrites des liaisons multipliées qu'il avait eues avec diffé rentes personnes du sexe, sa criminelle habitude de faire baptiser comme légitimes les fruits de ces liaisons, tout cela [[ réuni au défaut de possession d'état de la part des enfans (1), ]] écartait de la cause jusqu'a l'ombre de la plus légère difficulté.

VII. Nous osons même croire que, si ces enfans avaient eu l'avantage, qui leur man. quait, d'une certaine possession d'état, i ils n'en auraient pas été plus heureux.

En effet, la possession d'état qui résulte de la co-habitation publique du père et de la mère, et de la qualité du mari et femme qu'ils ont toujours prises, perd toute sa force à l'égard des personnes habituées au libertinage.

« Pourquoi (disait M. d'Aguesseau, dans la cause de Jacquet e de Senlis), pourquoi donne-t-on tant d'autorité au bruit public et à la commune renommée? C'est qu'on ne suppose pas aisément qu'une femme ait assez de hardiesse pour vivre publiquement comme une femme mariée, pour prendre le nom de son mari, sans être sa femme légitime, et sans avoir reçu ce nom à la face des autels. On ne doute point que, dans une ville bien policée, l'église, le magistrat, le peuple même, ne se fussent élevés contre de tels désordres; on croit qu'ils ne pourraient être connus et demeurer impunis: il suffit qu'ils soient publics, pour se persuader qu'ils ne sont plus, et que le mariage a rendu une telle société légitime.

» Mais lorsqu'il s'agit d'une femme débauchée, confirmée dans le crime, qui, y goutant une paix profonde, a su se faire un front incapable de rougir; toutes ces raisons cessent, toutes ces conjectures se dissipent. On se persuade aisément qu'une femme de ce caractère abusera facilement du nom de ce mariage, pour pouvoir vivre sans crainte dans une licence effrénée; qu'un jeune homme, aveuglé par sa passion, entraîné par le plai. sir présent, touché du même désir de liberté, consentira à ce commerce honteux, et prê

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(1) [[Nous disons, réuni au défaut de possession d'état de la part des enfans; car si les enfans avaient eu une véritable et complète possession d'état, la question eût totalement changé de face. V. ci-après, no. 8, neuvième question. ]]

tera son nom pour servir de voile à la débaucbe. C'est ce que les législateurs romains avaient prévu, lorsqu'ils ont établi la co-habitation publique pour une des fortes preuves du mariage. Car, en même temps qu'ils admettaient cette présomption, ils exceptaient nommément les femmes accusées de désordre. C'est ce qui est décidé précisément par la loi 24, de ritu nuptiarum, au Digeste: In libera mulieris consuetudine non concubinatus, sed nuptiæ intelligendæ sunt, si non corpore quæstum fecerit ».

[[ VIII. Les maximes que l'on vient d'exposer, sont en partie confirmées et en partie modifiées par les articles suivans du Code civil;

« 194. Nul ne peut réclamer le titre d'époux et les effets civils du mariage, s'il ne représente un acte de celébration inscrit sur le registre de l'état civil, sauf les cas prévus par l'art. 46, au titre des actes de l'état civil;

» 195. La possession d'état ne pourra dispenser les prétendus époux qui l'invoqueront respectivement, de représenter l'acte de célébration du mariage devant l'officier de l'état civil;

» 196. Lorsqu'il y a possession d'état, et que l'acte de célébration de mariage devant l'officier de l'état civil est représenté, les époux sont respectivement non recevables à demander la nullité de cet acte;

» 197. Si néanmoins, dans le cas des art. 194 et 195, il existe des enfans issus de deux individus qui ont vécu publiquement comme mari et femme, et qu'ils soient tous deux décédés, la Légitimité des enfans ne peut être contestée, sous le seul prétexte du défaut de représentation de l'acte de célébration, toutes les fois que cette Légitimité est prouvée par une possession d'état qui n'est point contredite par l'acte de nais

sance ».

Ce dernier article donne lieu à plusieurs questions qu'il faut examiner successivement.

PREMIÈRE QUESTION. L'art. 197, en tant que, pour l'application de la règle qu'il établit, il exige que les père et mère soient tous deux décédés, fait-il loi pour les enfans prétendus nés de mariages qui, s'ils avaient été réellement contractés, n'auraient pu l'être qu'avant le Code civil?

Cette question revient, en d'autres ter

mes,

à celle de savoir si la disposition de l'art. 197 est conforme à l'ancienne jurisprudence.

On ne peut guère douter qu'elle ne le soit, lorsqu'on se reporte à la manière dont les jurisconsultes s'expliquaient sur cette ma tière avant le Code civil.

Dans quelques-uns des passages ci-dessus transcrits de son mémoire, pour les enfans de Barthélemy Bourgelat, dont la Legitimité était contestée après la mort de leur père, Cochin supposait évidemment qu'il fallait que les père et mère fussent tous deux décédés, pour que la possession d'état de leurs enfans pút les dispenser de prouver leur mariage par la représentation d'un acte de célébration.

Les auteurs du nouveau Denisart, aux mots Etat (question d') §. 2, no. 3, parlaient dans le même sens : « lorsqu'on vient à con» tester la Légitimité d'un enfant après la » mort de ses père et mère, on le dispense

souvent de rapporter aucune preuve d'une » célébration dont il peut ignorer le lieu. Il » suffit que la possession de Légitimité con» forme à l'acte baptistaire, soit constante » pour faire maintenir le possesseur dans » l'état contesté d'enfant légitime. Telle est » l'espèce du sieur Bourgelat..... ».

On voit par le mot souvent, que ces auteurs n'admettaient pas indéfiniment la règle qui est maintenant écrite dans l'art. 197 du Code civil; et en effet cet article lui-même ne l'admet que dans le concours de plusieurs circonstances qu'il détermine, mais qui la restreignent au cas unique du prédécès des père

et mère.

L'ancienne jurisprudence nous offre cependant un arrêt qui l'a appliquée à des enfans dont la mère seule était décédée : c'est celui du parlement de Paris, du 16 janvier 1772, qui est rapporté ci-dessus, no. 3.

Mais, comme le remarquait M. le procureur général Mourre, dans des conclusions don nées à l'audience de la cour d'appel de Paris, du 7 février 1809, il se rencontrait dans l'affaire 'sur laquelle a été rendu cet arrêt, « deux > circonstances extrêmement graves un mi»nistre d'état et la veuve d'un président à » mortier, qui avaient nommé un des en» fans du sieur Pothier, marquis de Sévis, » et puis une demande en séparation de > corps qui suppose nécessairement un ma» riage (1) ».

(1) OEuvres judiciaires de M. Mourre, page 243.

Cet arrêt ne peut donc pas nous empêcher, et c'est précisément ce qu'établissait M. Mourre dans les conclusions que nous venons de citer, de considérer l'art. 197 du Code civil comme purement déclaratif du droit ancien, et par conséquent comme devant faire loi, même dans les affaires antérieures à sa publication (1).

Ce qui d'ailleurs achève de prouver que cet article n'est, sous aucun rapport, introductif d'un droit nouveau, c'est la manière dont M. Portalis, conseiller d'État, s'expliquait, à la séance du corps législatif, du 16 ventose an 11, dans l'exposé des motifs de cette partie du Code civil:

« On admettait les mariages présumés avant l'ordonnance de Blois : cet abus a disparu; il faut un titre écrit, attesté par des témoins et par l'officier public que la loi désigne. La preuve testimoniale et les autres manières de preuves ne sont reçues que dans les cas prévus par la loi sur les actes de l'état civil, et aux conditions prescrites par cette loi. Aucune possession ne saurait dispenser de représenter le titre; car la possession seule ne désigne pas plus un commerce criminel qu'un mariage légitime. Si la possession sans titre ne garantit aucun droit, le titre avec la pos session devient inattaquable.

» Des époux dont le titre aurait été falsifié, ou qui auraient rencontré un officier public assez négligent pour ne pas s'acquitter des devoirs de sa place, auraient action pour faire punir le crime et réparer le préjudice. Si l'officier public était décédé, ils auraient l'action en dommages contre ses héritiers.... » Au reste, n'exagerons rien, et distinguons les temps. Autre chose est de juger des preuves d'un mariage pendant la vie des époux, autre chose est d'en juger après leur mort et relativement à l'intérêt des enfans. Pendant la vie des époux, la représentation du titre est nécessaire. Des époux ne peuvent raisonnablement ignorer le lieu où ils ont contracté l'acte le plus important de leur vie, et les circonstances qui ont accompagné cet acte; mais après leur mort, tout change. Des enfans, souvent délaissés dès leur premier åge par les auteurs de leurs jours, où transportés dans des contrées éloignées, ne connaissent et ne peuvent connaitre ce qui s'est passé avant leur naissance. S'ils n'ont point reçu de documens, si les papiers domestiques manquent, quelle sera leur ressource? La ju

(1) V. l'article Effet rétroactif, sect. 3, §. 15.

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