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risprudence ne les condamne point au désespoir. Ils sont admis à prouver que les auteurs de leurs jours vivaient comme époux, et qu'ils avaient la possession de leur état ». DEUXIÈME QUESTION. La condition du prédécès des père et mère est-elle remplie par la mort de l'un d'eux et l'absence de l'autre?

Pour résoudre cette question, il faut bien saisir le sens et l'esprit de l'art. 197.

C'est après avoir décidé, par les art. 194 et 195, qu'à l'égard des époux, le mariage ne peut être prouvé que par l'acte de célébration, ou par la preuve testimoniale en cas de perte ou d'inexistence des registres publics, c'est après avoir surtout déclaré la possession d'etat insuffisante, à l'égard des époux, pour suppléer à l'une et à l'autre, que le legislateur examine, dans l'art. 197, la question de savoir s'il en doit être des enfans comme de leurs père et mère.

Et remarquons bien la manière dont il débute dans cet article : Si néanmoins dans le cas des art. 194 et 195.

Ce mot néanmoins n'est pas équivoque; il signale clairement une exception qui va modifier, en faveur des enfans, la règle générale à laquelle les époux sont assujetis:

Et cette exception, le législateur ne l'établit pas en termes indéfinis, ni comme formant elle-même, pour les enfans, une règle générale applicable à tous les cas; il la fait dépendre de plusieurs conditions spécifiées avec soin; et l'une de ces exceptions est que les père et mère soient tous deux décédés.

Il faut donc, pour pouvoir invoquer cette exception, que les enfans prouvent avant tout que la mort leur a enlevé leurs père et mère.

Donc, si le père ou la mère vit encore au moment où il s'élève des contestations sur la Légitimité des enfans, l'exception cesse, et les enfans rentrent dans la règle générale. Donc ils ne peuvent prouver le mariage, seule source de leur Légitimité, que de la même manière que leur père ou mère survivant, peut le prouver lui-même, c'est-à-dire, comme le décide textuellement l'art. 194, que par l'acte de célébration, ou par la preuve testimoniale dans les cas déterminés par l'art. 46.

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« Quel étrange spectacle (disait M. le pro >> cureur général Mourre, dans les conclu»sions citées sur la question précédente ) ne » mettrait-on pas sous les yeux de la société, » si celui qui prétend avoir contracte ma

»riage, était obligé de rapporter l'acte de » célébration, et si l'enfant en était dispensé! » D'un côté, l'on verrait un concubin ou une » concubine, et de l'autre, un enfant légi» time. Monstrueux assemblage des idées les » plus inconciliables! Téméraire paradoxe » qui trouble l'ordre social, qui crée un édi»fice sans base, une Légitimité sans famille, » et qui nous fait voir des membres épars, là » où il devrait y avoir un tout indivisible »!

Il nous sera bien facile, d'après cela, de décider si l'exception qui porte, non sur le cas où les père et mère sont absens, mais uniquement sur celui où ils sont décédés et tous deux décédés, peut être applicable au cas où l'un d'eux seulement étant décédé, l'autre est absent.

Et comment serait-il possible qu'elle le fût? On ne pourrait l'appliquer à ce cas, qu'en l'étendant hors de ses termes; or, toute exception est de droit étroit.

En vain dirait-on qu'il y a, pour l'appli quer au cas d'absence, la même raison que pour l'appliquer au cas de décès, puisque le prétendu époux absent ne peut pas plus, que le prétendu époux décédé, faire connaître à ses enfans le lieu et les circonstances du mariage qui l'a uni à son prétendu époux déjà mort.

D'une part, les juges peuvent bien, lorsqu'il y a lacune dans une loi qui établit une règle générale, l'étendre, par analogie, du cas prévu par le législateur, au cas échappé à sa prévoyance; mais ce pouvoir, ils ne l'ont plus quand il s'agit d'une exception par laquelle le législateur a lui-même limité la règle générale qu'il a établic; pourquoi? Parcequ'alors, la loi n'offre pas de lacune; parcequ'alors la loi soumet à la règle générale tout ce qu'elle n'en exclud pas par son exception; parcequ'il est de principe que exceptio firmat regulam in casibus non exceptis.

D'un autre côté, y a-t-il même raison de décider dans le cas d'absence du survivant des père et mère d'enfans dont on conteste la Légitimité, que dans celui de son décès? Non; car non seulement l'absence n'emporte pas une présomption de mort; non-seulement, aux yeux de la loi, l'absent n'est ni mort ni vivant; mais tant que son décès n'est pas constaté, la loi fait de la possibilité de son retour, la base de presque toutes les dispositions dont se compose le titre des absens du Code civil. Or, qu'arriverait-il si, après que les enfans du survivant des père et mère auraient profité de son absence pour se faire juger Légitimes à la faveur de la possession d'état, il venait à reparaître, et que, sans pouvoir ne

présenter un acte de mariage, il format contre des tiers une demande quelconque en sa prétendue qualité de veuf? Force serait bien à la justice de déclarer qu'il n'a point été marié. Ainsi, il serait jugé à son égard, qu'il n'y a eu entre lui et son prétendu époux prédécédé qu'un concubinage; et il le serait à l'égard de ses enfans, qu'il y a eu un véritable mariage entre l'un et l'autre. Or, c'est précisément pour éviter ce contraste scandaleux, que l'art. 197 subordonne à la condition du décès des deux prétendus époux, l'exception qu'il fait, en faveur des enfans, à la règle établie par les art. 194 et 195; et comme ce contraste, ce scandale, sont à craindre tant que le prétendu époux survivant n'est pas décédé, mais seule ment absent, il est évident que, tant que dure cet état de choses, l'exception n'est pas applicable.

C'est ainsi au surplus que la question a été jugée par l'arrêt qu'a rendu la cour royale de Toulouse dans l'espèce dont nous avons rendu compte aux mots État civil, §. 2, art. 46, no. 2.

Il s'agissait de savoir si Henri-Jean-Baptiste Baqué, né le 12 nivose an 4, inscrit le même jour sur les registres de l'état civil de Toulouse, comme fils de Henri Baqué et de Pé lagie Duvergers, mariés, et mort le 20 août 1813, avait été saisi, comme eufant legitime, de la succession de son père décédé peu de temps auparavant.

Les héritiers du sieur Legrand, son légataire universel, soutenaient l'affirmative; et tout en alléguant que ses père et mère avaient été mariés en 1794 à Kingston, dans une chapelle catholique dont les registres étaient perdus, ils prétendaient qu'ils n'avaient pas besoin, d'après l'art. 197, de rapporter la preuve du mariage, parceque Henri Baqué et Pélagie Devergers avaient toujours vécu publiquement comme époux depuis leur retour en France, et que l'acte de naissance de leur fils le signalait comme Légitime.

Les héritiers du sieur Baqué pere repondaient que cela eût été bon, si le décès de Pélagie Devergers eût été constant comme le sien; mais que rien ne prouvait que Pelagic Devergers ne fût plus en vie; qu'elle était, à la vérité, absente depuis plus de vingt ans; mais qu'en cette matière, son absence ne pouvait pas équipoller à sa mort; et que, dès lors, l'art. 197 devenait inapplicable.

Le 26 février 1820, jugement du tribunal de première instance d'Alby qui déclare Henri-Jean-Baptiste Baqué fils légitime de Henri Baqué et de Pélagie Devergers,

« Attendu que ledit Baqué se trouve dans le cas de l'art. 197 du Code civil; qu'il remplit

toutes les conditions qu'exige cet article pour la Légitimité; qu'une seule de ces conditions peut souffrir des difficultés en ce que l'on ne rapporte point l'acte de décès de sa mère, mais qu'une absence de plus de vingt ans, sans nouvelles et outre mer, equivaut, à cet egard, à un décès, puisque cette absence opere, comme le décès, l'impossibilité d'obtenir les renseignemens que la mère pourrait donner; que mal à propos les sieurs Dubois ont prétendu que les conditions du décès des père et mère ne pouvaient pas être suppléées, puisque M. Maleville, sur ledit article, admet pour équipollent l'état de démence ou d'imbé cillité; que c'est une erreur de croire que l'enfant soit obligé de rapporter l'acte de célébration du mariage de ses père et mère; que l'art. 194 du Code civil n'impose cette obligation qu'aux époux eux-mêmes; pour l'enfant, il suffit que la possession d'état de ses père et mère soit annoncée dans son acte de naissance; cet acte est son titre; c'est cet acte qui constate son nom, son origine et sa famille, suivant les observations de M. Portalis, dans son discours au corps législatif sur le mariage; que l'acte de naissance du jeune Baqué est régulier et légal, quoique non signé par son père, car aucune loi n'exige cette signature;

» Que les dispositions de l'art. 197 sont encore confirmées par l'art. 322, d'après lequel nul ne peut contester l'état de celui qui a une possession d'état conforme à son acte de

naissance ».

Appel de la part des héritiers du sieur Baque père.

«La possession d'état, ni la vie publique des père et mère, comme mari et femme (disent-ils), ne suffisent pas pour constater la Légitimité d'un enfant : il faut de plus qu'il soit établi que le père et la mère out été maries; il faut absolument représenter l'acte de célébration de mariage, lorsque tous les deux ne sont pas décédés; c'est la disposition formelle des art. 194 et 195 du Code civil. L'art. 322 du même Code n'a point modifié la rigueur des deux premiers, il n'a pour objet que de déterminer les conditions qui assurent la filiation des enfans légitimes; mais là où il n'existe point de mariage, il ne saurait exister de Légitimité.

» C'est encore mal à propos que les premiers juges ont pensé que l'exception portée par l'art. 197 du Code civil, pouvait s'appliquer et s'étendre à des cas analogues, et que le déclaré absent pouvait être comparé à celui qui est décédé. Il ne faut pas confondre les effets que la loi attache à la déclara,

tion d'absence. Les mesures qui la suivent, ne sont prescrites que dans l'intérêt de l'absent ou de ses héritiers; pendant plusieurs années, elles ne sont que provisoires, et elles ne peuvent jamais lui causer un tort irréparable: or, on ne peut décider provi soirement qu'un mariage a existé ou n'a pas existé, on ne peut pas déclarer provisoire. ment qu'un enfant est légitime ou qu'il ne l'est pas. De telles décisions sont éminem ment irrévocables, et ne peuvent jamais être subordonnées à des conditions essentiellement éventuelles. Il n'est donc vrai pas quant à la question qui nous occupe, un déclaré absent puisse être comparé à celui qui n'est déjà plus.

que,

» Une observation importante va montrer encore mieux que les enfans Legrand ne peuvent se dispenser de représenter le contrat de mariage de Henri Baqué et de Pélagie Devergers. Si, dans le cas où le père et la mère sont tous deux décédés, le législateur dégage l'enfant dont l'état est contesté, de l'obligation de produire leur acte de mariage, c'est parcequ'il suppose que cet enfant ignore le lieu où le mariage a été célébré; mais ici cette ignorance ne peut être alléguée. Les enfans Legrand nous ont appris eux-mêmes, dans les actes qu'ils ont signifies, que le mariage d'Henri Baqué et de Pélagie Devergers avait été célébré à Kingston. Ils doivent donc, ou rapporter l'acte de célébra tion, ou la preuve que les registres sur lesquels cet acte fut inscrit, n'existent plus ». Par arrêt du 24 juin 1820, la cour royale

de Toulouse considère

<«< Que l'ensemble des circonstances suffirait pour établir d'hors et déjà, la Légitimité du jeune Baqué, si ses père et mère étaient décédés, parcequ'il lui suffirait, en ce cas, pour obtenir l'etat d'enfant légitime, de rapporter son acte de naissance et les preuves d'une possession d'état conforme à cet acte, double condition qu'il a déjà remplie;

» Mais que malgré les nombreuses circonstances qui peuvent faire présumer le décès de la dame Pélagie Devergers, ce décès n'est pas légalement prouvé, et que la longue absence de ladite dame ne peut pas équipoller à la preuve dudit décès »;

En conséquence, elle ordonne, avant faire droit, que les héritiers Legrand rapporteront la preuve, 1°. que les registres de la chapelle catholique de Kingston de 1794 sont perdus ou détruits; 2°. que le mariage de Henri Baqué et de Pélagie Devergers a été célébré dans cette Chapelle.

TROISIÈME QUESTION. La condition du décès des deux époux est-elle remplie

par la mort de l'un d'eux et l'état de démence de l'autre ?

On vient de voir par le jugement du tribunal d'Alby du 26 février 1820 , que M. Maleville, sur l'art. 197, embrasse l'affirmative. Il ne motive son opinion en aucune manière; mais M. Toullier qui l'adopte, liv. 1er., tit. 7, no. 877, en donne pour raison que la démence met l'époux qui s'en trouve frappé, hors d'état de donner aucun renseignement sur le lieu de son mariage.

On pressent bien, d'après ce que nous avons dit sur la question précédente, que nous ne pouvons pas souscrire à cette opinion. En effet, l'époux frappé de démence se trouve, relativement à l'exception par laquelle l'art. 197 restreint, en faveur des enfans, la règle générale établie par les art. 194 et 195, sur la même ligne que l'époux absent; il est, comme l'époux absent, dans l'impuissance de faire connaître le lieu où son prétendu mariage à été célébré; mais cette impuissance peut cesser par le recouvrement de sa raison, comme celle de l'époux absent peut cesser par son retour. Quel prétexte y aurait-il, dès lors, pour assimiler la démence à la mort, tandis que tainement la condition de la mort ne peut pas être réputée remplie par l'absence? N'y a-t-il pas le même inconvénient à éviter dans un cas que dans l'autre ? Et ne serait-il pas à craindre, dans l'un comme dans l'autre, que, si l'on déclarait un enfant légitime par la seule considération que le survivant de ses père et mère est hors d'état de donner des renseignemens sur le lieu de la célébration de son mariage prétendu, l'on ne fût ensuite obligé de juger qu'il n'y a eu entre celui-ci et le prédécédé qu'un concubinage?

bien cer

QUATRIÈME QUESTION. 1o. La condition du décès des deux époux, peut-elle être suppléée, hors le cas de perte ou d'inexistence des registres, par la preuve testimoniale que feraient les enfans, de la célébration d'un martage entre le prédécédé et le survivant de leurs père et

mère?

2o. Cette preuve serait-elle admissible, serait-elle même nécessaire, d'après l'art. 322 du Code, si les enfans dont le père ou la mère vivrait encore, avaient en leur faveur une possession personnelle d'état de Légitimité conforme à leur acte de naissance?

3°. Que faudrait-il décider à cet égard si la possession personnelle d'état de Légitimité des enfans avait été reconnue par les parens intéressés à le leur contester, à une époque où le droit de le leur contester était ouvert?

I. Avant de nous prononcer sur les deux premières branches de cette question, il est à propos de rapporter une espèce où elles ont été agitées relativement à un prétendu mariage dont on reportait la célébration à une époque antérieure au Code civil.

Le 23 janvier 1793, acte notarié par lequel sont réglées les conditions du mariage que Jean-Antoine Rivayran et Jeanne-Marie Caniven se proposent de contracter incessamment l'un avec l'autre. Leurs pères et méres respectifs y interviennent et leur font diverses donations.

Le 7 avril suivant, publication du mariage devant la maison commune du domicile de chacun des futurs époux.

Le 16 du même mois, célébration du mariage devant le curé de la paroisse de Castres, lieu du domicile de Jeanne-Marie Caniven; mais nulle mention sur les seuls registres reconnus par la loi, que cette célébration ait été réitérée devant l'officier de l'état civil.

Cependant le sieur Rivayran et la demoiselle Caniven vivent publiquement comme mari et femme, dans la maison du sieur Rivayran, père, qui par leur contrat de mariage, avait promis de les y loger.

Le 14 janvier 1794, le sieur Rivayran meurt, laissant Jeanne- Marie Caniven enceinte.

Le 17 mars de la même année, celle-ci accouche d'une fille qui, sur la déclaration du sieur Rivayran père, son aïeul, est inscrite sur le registre de l'état civil de la commune de Pujol, sous le nom d'Élizabeth Rivayran, fille de Jeanne-Marie Caniven, épouse de Jean Antoine Rivayran.

Le 17 nivôse an 6, contrat de mariage entre Marguerite Rivayran, sœur de JeanAntoine Rivayran, décédé, et Augustin Rivayran, qui reconnait avoir reçu une somme de 800 livres de Marie-Jeanne Caniven, sa future belle-sœur, veuve de Jean-Antoine Rivayran.

En l'au 7, requête de Marie-Jeanne Caniven au tribunal civil du département du Tarn, expositive que, le 16 avril 1793, elle a épousé Jean-Antoine Rivayran devant l'of ficier de l'état civil de la commune de Castres, mais que cet officier a omis d'inscrire son mariage sur les registres publics; et con

clusions à ce qu'il lui soit permis de faire procéder à une enquête pour réparer cette omission.

Jugement qui permet l'enquête. En conséquence, le 16 germinal an 8, cinq témoins déposent unanimement du fait de la celebration du mariage à l'époque et de la manière désignées par la requête de Jeanne-Marie Caniven; et par suite, le 25 floréal de la même année, nouveau jugement qui reconnait que le mariage a été légalement celebré le 16avril 1793.

Le 22 prairial suivant, transcription de ce jugement sur les registres de l'état civil de la commune de Castres.

A cela succèdent, le 12 germinal et le 7 floréal an 12, des actes dans lesquels la famille Rivayran tout entière donne à JeanneMarie Caniven la qualité de veuve de JeanAntoine Rivayran, et à Élisabeth Rivayran celle de fille légitime issue de leur mariage.

Enfin, le 28 novembre 1810, Élisabeth Rivayran, toujours qualifiée de même, épouse le sieur Monsarrat, et dans le contrat de mariage, comme dans l'acte de célébration, elle est assistée tant du sieur Rivayran, père, qui y parait comme son aïeul, que d'Augustin Rivayran qui y paraît comme son bel-oncie.

Mais quelques années après, le sieur Rivayran, père, vient à mourir; et alors la dame Monsarrat prétendant venir à sa succession comme représentant Jean-Antoine Rivayran, son père, ses oncles et tantes la repoussent comme née d'une union illegitime, attendu que le prétendu mariage de JeanAntoine Rivayran avec sa mère encore vivante, n'est pas constaté par un acte de célébration devant l'officier de l'état civil, et que le jugement de rectification du 25 floreal an 8, dans lequel ils n'ont pas été parties, ne peut pas en tenir lieu à leur égard.

La dame Monsarrat leur oppose son acte de naissance, l'accord de cet acte avec sa possession d'état, et l'art. 322 du Code civil.

Ils répliquent qu'aux termes de l'art. 322, il résulte bien de la conformité de son acte de naissance avec sa possession d'état une preuve complète de sa filiation; mais qu'aux termes de l'art. 197, elle ne peut, sa mère étant encore vivante, prouver sa Legitimité que par la représentation d'un acte de mariage devant l'officier de l'état civil.

Le 8 mars 1816, jugement qui déclare la dame Monsarrat légitime, et l'admet par suite à la succession du sieur Rivayran, père, son aïeul.

Sur l'appel interjeté de ce jugement par ses adversaires, la dame Monsarrat offre sub

sidiairement la preuve par témoins des faits qui, sur la requête de sa mère, avaient été déclarés constans par le jugement de rectification du 25 floréal an 8.

Les appelans soutiennent, en invoquant l'art. 14 du tit. 20 de l'ordonnance de 1667, renouvelé par l'art. 46 du Code civil, que cette preuve est inadmissible, parceque les registres de l'état civil de la commune de Castres existent et sont en bon état.

Le 20 mai 1817, arrêt de la cour royale de Toulouse qui admet la preuve offerte, << attendu que ni l'ancienne ni la nouvelle lé» gislation n'interdisent cette preuve hors » des cas spécifiés, soit par l'art. 14 du tit. 20 » de l'ordonnance de 1667, soit l'art. 46 par » du Code civil, lorsque des circonstances » graves et imposantes, telles que la posses»sion d'état ou un commencement de preuve » par écrit présentent aux juges une pré» somption légale du mariage contracté, sous » le prétexte de défaut de représentation de » l'acte civil destiné à le constater; que de » telles circonstances sont en grand nom»bre dans la cause; mais que la preuve » déjà faite en l'an 8, ne l'ayant pas été con» tradictoirement avec les héritiers Rivay»ran, c'est le cas d'en ordonner une nou» velle ».

Recours en cassation contre cet arrêt de la part des héritiers Rivayran, qui le dénoncent comme violant l'art. 16 du tit. 20 de

l'ordonnance de 1667 et l'art. 46 du Code

civil.

Et après une discussion contradictoire, arrêt de la section civile, du 22 décembre 1819, qui rejette ce recours,

«Attendu que ni l'art. 14 de l'ordonnance de 1667, sous l'empire de laquelle a eu lieu le mariage dont il s'agit, ni l'art. 46 du Code civil qui a reproduit la disposition de cette ordonnance, en spécifiant deux cas dans lesquels la preuve testimoniale des actes de l'état civil peut être ordonnée, savoir, celui où il n'a pas existé de registres de ces actes, et celui où ces registres auraient été perdus, ne sont ni limitatifs ni exclusifs d'autres cas où cette même preuve pourrait être admise; qu'en effet, il existe, dans les monumens de l'ancienne comme de la nouvelle jurisprudence, plusieurs exemples d'arrêts par lesquels les juges, d'après des présomptions graves et imposantes, telles que la possession d'état d'enfant légitime, ou un commencement de preuve par écrit, ont ordonné la preuve par témoins d'un mariage dont l'acte ne pouvait être représenté, bien qu'il n'y eût ni défaut de tenue ni perte des registres TOME XVII.

de l'état civil, et que cette jurisprudence a été approuvée et adoptée par les magistrats les plus distingués dans le ministère public;

» Attendu que, dans l'espèce de la cause, la cour royale de Toulouse a pu être frappée de la reunion et de la gravité des présomptions qui s'élevaient en faveur de l'existence du mariage allégué par les défendeurs, voir un commencement de preuve par écrit de ce mariage dans le contrat authentique qui en avait été passé le 23 janvier 1793, dans la publication des bans, en date du 7 avril suivant, dans l'acte de décès de Jean-Antoine Rivayran, du 14 janvier 1794, dans l'acte de naissance de la dame Monsarrat, défenderesse, du 22 mars de la même année, et dans les reconnaissances géminées des divers membres de la famille Rivayran, contenues dans les actes de famille des 16 messidor an 8, 12 germinal et 7 floréal an 12; que cette cour a pu et dû prendre aussi en considération la possession d'état invoquée par la défenderesse, tant de sa qualité de fille légitime de Jean-Antoine Rivayran et de Marie Caniven, que de la qualité de cette dernière d'épouse légitime dudit Rivayran, possession d'état reconnue ancienne, publique, jamais interrompue, et légalement établie d'ailleurs par les mêmes actes sus-énoncés et par plusieurs autres actes de la cause;

» Attendu d'ailleurs que cette possession d'état de la défenderesse était, dans l'espèce, parfaitement conforme à son acte de naissance, ce qui la plaçait, quant à son état personnel, dans la disposition formelle de l'art. 322 du Code civil, qui défend de contester l'état de celui qui a une possession conforme à son acte de naissance; que, dans ce concours de faits et d'actes si propres à édifier sa religion, la cour royale de Toulouse a pu, sans violer les articles invoqués tant de l'ordonnance de 1667 et de la loi du 20 septembre 1792, que du Code civil, ordonner la preuve par témoins du mariage contesté (1) ».

Que cet arrêt ait dû rejeter, comme il l'a fait, le recours en cassation des héritiers Rivayran, cela n'est pas douteux. Un jugement en dernier ressort ne peut être cassé que pour contravention expresse aux lois. Or, d'une part, quelle était la loi qui, dans cette affaire, devait servir de règle à la cour royale de Toulouse sur la question de savoir s'il y

(1) Journal des audiences de la cour de cassation, année 1820, page 3.

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