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avait lieu d'admettre la dame Monsarrat à la preuve par témoins d'une célébration légale de mariage entre ses père et mère? Ce n'était pas le Code civil, puisqu'il s'agissait d'un mariage qui, s'il avait été réellement contracté, n'avait pu l'être qu'à une époque où le Code civil n'existait pas encore. D'un autre côté, pouvait-on dire que la cour royale de Toulouse eût expressément contrevenu à l'art. 14 du tit. 20 de l'ordonnance de 1667? Non, puisque, comme je l'ai etabli dans mon Recueil de Questions de droit, au mot Décès, §. 1, cet article disait bien que les mariages pouvaient être justifiés par témoins dans le cas d'inexistence ou de perte des registres, mais ne disait point qu'ils ne pouvaient l'être que dans ce cas.

Mais si la cour de cassation s'est renfermée dans les justes limites de ses attributions en rejetant la réclamation des heritiers Rivay ran contre l'arrêt de la cour royale de Toulouse, en a-t-elle, à tous egards, bien motivé le rejet, et n'a-t-elle pas elle-même, en s'occupant sans nécessité et on ne sait à quel propos (elle qui ordinairement est si attentive à ne pas préjuger à l'avance les questions qu'elle n'est pas actuellement appelée à résoudre), des dispositions des art. 46 et 322 du Code civil, n'a-t-elle pas elle-même, disons-nous, méconnu le véritable esprit de ces dispositions?

la

Sans doute, l'art. 46 du Code civil, pris isolement, n'est pas plus limitatif que ne l'était l'art. 14 du tit. 20 de l'ordonnance de 1667. Sans doute, il n'exclud pas plus luimême que ne le faisait cette ordonnance, preuve par témoins d'un mariage dont il y a des commencemens de preuve par écrit soutenus de la possession d'etat, lors même que l'on en place la célébration à une époque et dans un lieu où il existait des registres de l'état civil qui ne sont ni perdus ni altérés.

Mais rapprochez l'art. 46 des art. 194, 195 et 197 et prononcez.

L'art. 194, comme l'enseigne M. Toullier (Droit civil français, livre 1er., titre 2, no. 353) est bien certainement limitatif, il exclud bien certainement tout autre cas que ceux de perte ou d'inexistence des registres, lorsqu'il dit que nul ne peut réclamer le titre d'époux et les effets civils du mariage, s'il ne représente un acte de célébration inscrit sur les registres de l'état civil, sauf les cas prévus par l'art. 46.

Et vainement, dirait-on avec M. le procu. reur général Mourre, dans ses conclusions du 7 février 1809, citées plus haut, deuxième question, que cet article, dans le projet de

la section de législation, était ainsi conçu : «La possession d'etat ne peut suppléer la » représentation du titre, ni faire admettre » la preuve testimoniale du mariage »; que ces derniers termes en ont été retranches sur l'observation faite par le second consul, « que la disposition serait dangereuse, sur» tout après une longue révolution pendant » le cours de laquelle beaucoup de Français » s'étaient maries en pays étranger, et beau» coup avaient néglige de remplir les formes » prescrites pour les actes de l'état civil »; et que, par ce retranchement, on a laissé à la prudence des tribunaux à déterminer dans quels cas on pourrait admettre les parties à prouver par témoins que le mariage avait été célébré.

D'abord, ce n'est pas sur l'art. 195, mais sur l'art. 197, qu'a porté l'observation du second consul; et elle n'avait pour objet que

de faire retrancher de cet article la condition du décès tant du père que de la mère(1), proposition qui a été rejetée.

Ensuite, voici comment était conçu l'art. 195 dans le projet de la section : « La posses»sion d'état ne peut, à l'égard des prétendus » époux, suppléer la représentation de ce » titre, ni faire admettre la preuve testimo

niale, si ce n'est dans les cas prévus par la loi du 2 floréal an 3 de la non existence » ou de perte des registres de l'état civil, » encore que les prétendus époux exhibassent » un contrat de mariage, et nonobstant » toute reconnaissance et déclaration con» traire emanée des deux époux ou de l'un

» d'eux ».

Par cet article, la section proposait-elle de prohiber indistinctement la preuve testimoniale du mariage, nonobstant la possession d'état des prétendus époux? Non, évidem ment non. Elle proposait seulement de ne la permettre que dans le cas de la perte et dans celui de l'inexistence des registres de l'état civil.

Et pourquoi le conseil d'état a-t-il retranché de l'art. 195 la disposition qui limitait à ces deux cas l'admissibilité de la preuve testimoniale? L'a-t-il retranchée pour laisser aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire d'admettre cette preuve dans d'autres cas? Non certes; il ne l'a retranchée que parcequ'elle devenait inutile dans l'art. 195, d'après le parti qu'il avait pris de la refondre dans l'art.

(1) Procès-verbal du 6 brumaire an 11, tome 1, page 110.

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Répétons donc avec la plus intime convic tion que l'art. 195 exclud bien certainement la preuve par témoins hors les cas prévus par l'art. 46, lorsqu'il dit que la possession d'état ne pourra dispenser les prétendus époux qui l'invoqueront, de représenter l'acte de célébration de mariage.

Enfin, l'art. 197 déclare bien certainement les dispositions des art. 194 et 195 communes aux enfans issus d'un prétendu mariage dont il n'existe d'autre preuve que la possession d'état, lorsqu'il dit, par exception à ces dispositions elles-mémes (1), que, lorsque les pretendus époux seront tous deux décédés, leur possession d'état pourra suffire pour assurer la Légitimité des enfans, si elle n'est pas contredite par l'acte de naissance de ceux-ci..

Eh! comment dès lors affirmer que l'art. 46 (assurément bien inséparable des art. 194, 195 et 197) ne s'oppose point à ce que, du vivant de l'un des deux prétendus époux, leur enfant soit admis à prouver par témoins qu'ils ont été mariés à telle époque et dans tel lieu, nonobstant le silence absolu des registres de ce lieu et de cette époque sur leur prétendu mariage?

Qu'il existe, comme le dit la cour de cassation, dans les monumens de l'ancienne ju risprudence, plusieurs exemples d'arréts par lesquels les juges, d'après des présomptions graves et imposantes, telles que la possession d'état d'enfant légitime, ou un commencement de preuve par écrit, ont ordonné la preuve par témoins d'un mariage dont l'acte ne pouvait être représenté, bien qu'il n'y eût ni défaut de tenue ni perte des registres de l'état civil: cela est possible; et il n'y a là rien de directement contraire à l'art. 14 du tit. 2 de l'ordonnance de 1667.

Mais qu'il existe de pareils arrêts dans les monumens de la nouvelle jurisprudence, c'est-à-dire, de la jurisprudence qui doit être calquée sur le Code civil, et surtout des arrêts qui, hors les cas de défaut de tenue ou

(1) V. ci-dessus, 2o. question.

de perte des registres, aient admis à une preuve de ce genre l'enfant de deux prétendus époux dont un seul était décédé, c'est ce que nous croyons pouvoir nier formellement. La dame Monsarrat en citait, dans sa défense, deux de la cour de cassation, l'un du 12 mars 1807, l'autre du 5 février 180g; mais quel rapport ont-ils avec les questions dont il s'agit? Aucun; ils n'ont tous deux pour objet que la preuve des décès (1); et autant il est certain que, relativement à la preuve des décès, l'art. 46 n'est pas limitatif, autaut il est incontestable que, relativement à la preuve des mariages, les art. 194, 195 et 197 excluent de l'art. 46 tout autre cas que celui de perte ou d'inexistence des registres de l'état civil (2).

Quant à l'art. 322, il n'est pas moins étonnant que la cour de cassation l'ait cité dans son arrêt, comme propre à justifier celui de la cour royale de Toulouse.

D'abord, quand il eût été vrai de dire que la possession d'état de la défenderesse, par cela seul qu'elle était conforme à son acte de naissance, la plaçait, quant à son état per sonnel, dans la disposition formellle du Code civil qui défend de contester l'état de celui qui a une possession conforme à son acte de naissance, aurait-on du en tirer la conséquence que, dans ce concours de faits et d'actes si propres à édifier sa religion, la cour royale de Toulouse avait pu, sans vio ler les articles invoqués tant de l'ordonnance de 1667 et de la loi du 20 septembre 1792, que du Code civil, ordonner la preuve par témoins du mariage contesté? N'aurait-il pas été plus exact d'en conclure que la cour royale de Toulouse, loin de préjudicier aux demandeurs en cassation, les avait au contraire favorisés au préjudice de la défenderesse, puisqu'elle avait chargé celle-ci d'une preuve par témoins dont l'art. 322 ainsi entendu l'aurait dispensee?

Ensuite, n'est-ce pas évidemment déplacer F'art. 322, uniquement relatif à la preuve de la filiation, que de l'appliquer à la preuve de la Legitimité? Écoutons M. Delahaye, avocat des héritiers Furst, à l'audience de la cour d'appel de Paris :

« La filiation légitime se compose de deux reclame cette filiation, démontrera qu'il est élémens essentiels : elle suppose que celui qui

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issu des deux individus qu'il désigne, et que ces deux individus étaient unis par mariage. » La possession d'état d'enfant prouve la filiation; mais pour prouver la filiation légi time, il faut la possession d'état d'enfant issu de deux individus unis par mariage.

» A cet égard, le législateur a eu le soin de définir: La possession d'état (relativement aux enfans), porte l'art. 321, s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il prétend appartenir.

» Ainsi, la possession d'etat, considérée isolément, ne prouve autre chose que le rap port de filiation entre l'enfant et ses auteurs, et le rapport de parenté entre l'enfant et la famille à laquelle il prétend appartenir.

» Mais il ne suffit pas que l'enfant établisse sa filiation, il faut encore qu'il établisse que cette filiation est légitime. Or, le mariage seul peut établir cette Légitimité; il faut donc que l'enfant prouve qu'il est issu des individus auxquels il prétend appartenir, et que ces individus étaient unis par le mariage.

» Le chap. 2 du tit. 7 du liv. 1er, du Code civil n'a d'autre objet que de fixer les règles qui doivent conduire à la preuve de la filiation, parceque ce titre suppose évidemment que la preuve du mariage des père et mère n'est pas contestée.

» Le titre de la Paternité et de la Filiation trace donc les obligations et les droits de l'enfant qui veut prouver qu'il est issu des deux individus maries dont il se dit le fils.

» Mais si, pouvant prouver sa filiation, il veut établir encore que ceux dont il se dit le fils, étaient unis par mariage, c'est-à-dire, s'il veut prouver que cette filiation est légi time, il doit recourir aux art. 195, 196 et 197.

» Ainsi, l'enfant veut-il prouver qu'il est fils légitime? Il doit établir d'abord qu'il est né dans le mariage.

» Et cette preuve, il ne peut la faire que par la représentation de l'acte de célébration de mariage, si ses père, mère, ou l'un d'eux seulement, sont encore existans (art. 194, 195 et 196 du Code civil).

» Si le père et la mère sont tous deux décédés, alors la loi vient à son secours ; il peut ignorer le lieu où le mariage a été célébré; il peut être placé dans l'impossibilité de se procurer cet acte; il lui suffit alors de prouver que son père et sa mère ont vécu publi quement comme mari et femme.

» Cette preuve de mariage ainsi faite, la loi enseigne par quels moyens il pourra prou.

ver qu'il est issu des deux époux dont il se dit le fils.

» Il le prouvera 1o. par son acte de naissance; 2o. par la possession d'état à défaut d'acte; enfin, par tous les moyens indiqués par la loi.

» Mais tant que le mariage de ceux dont il se dit le fils, n'est pas reconnu ou prouvé, comment arriverait-il à prouver sa Légitimité, puisqu'il n'y a d'enfant legitime que celui né dans le mariage, ou légitimé par mariage subsequent? Vainement il prouverait sa fi liation, s'il ne prouvait que cette filiation est légitime. L'obligation de prouver le mariage de ses auteurs, est donc la condition sans laquelle il ne pourra prouver en aucun cas sa filiation d'enfant légitime ».

Et sur ces raisons, ou plutôt sur cette démonstration, arrêt du 20 mai 1808, qui, en adoptant les motifs d'un jugement du tribu nal de première instance du département de la Seine, du 16 juillet 1807, déclare que « les » art. 319 et suivans du chap. 2 du tit. 7 du » Code ne peuvent être invoqués dans l'es»pèce, puisqu'ils ont pour objet de disposer » comment se prouve la filiation des enfans » legitimes, c'est-à-dire, des enfans dont la » Légitimité se trouve déjà prouvée de la » maniere prescrite par les art. 194, 195 » et 197 ci-dessus, et par conséquent ne peut » être contestée; qu'enfin, il s'agit dans les » art. 319 et suivans, de savoir si un tel est » fils de tel et telle, et que, dans les art. » 194 et suivans on examine si un tel est fils légitime d'un tel et d'une telle dont le ma»riage est contesté (1) ».

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C'est aussi d'après cette manière d'entendre respectivement les art. 197 et 322, que nous avons vu plus haut (2o. question) un arrêt de la cour royale de Toulouse, du 24 juin 1820, juger que ni l'un ni l'autre de ces articles ne peuvent dispenser l'enfant dont la possession d'état est d'accord avec son acte de naissance, de la nécessité de prouver, contre les héritiers de son père qui contestent sa Légitimité, qu'il a été célébré un mariage entre celui-ci et sa mère encore vivante.

Telle est aussi la doctrine de M. Toullier: « si l'enfant (dit-il, Droit civil français, » liv. 1er., tit. 7, n°. 880) réunit à l'acte » de sa naissance, la possession d'état d'en» fant legitime, il n'est pas dispensé de rap» porter l'acte de célébration du mariage de

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 3, partie 2, page 204.

» ses père et mère s'ils sont encore vivans, » ou si l'un d'eux est encore vivant.

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» Pour rendre vrai, dans tous les cas sans exception (dit-il encore, no. 882 ), la maxi» me générale qui forme la seconde dispo»sition de l'art. 322, il faut donc supposer, » avec le Code, un mariage légitime ou de » bonne foi. Alors il est rigoureusement vrai que nul ne peut contester l'état de » celui qui réunit la preuve d'un mariage légitime ou de bonne foi entre ses père » et mère, à l'acte de naissance et à une pos» session conforme ».

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II. Mais qu'aurait-on dû juger dans l'espèce à laquelle se rapporte la dissertation qui précède, si les oncles et tantes de la dame Monsarrat ayant commencé, après la mort du sieur Rivayran, leur père, par l'admettre au partage de la succession, et par là reconnu formellement sa Légitimité à une époque où le droit de la contester était ouvert pour eux, eussent ensuite voulu l'écarter (comme illégitime, et sur le fondement qu'elle ne représentait pas d'acte de célébration de ma riage entre son père et sa mère ), d'une autre succession qui se serait ouverte depuis dans leur famille ?

Sur cette troisième branche de notre troisième question, V. l'article Mariage, sect. 5, S. 2, no. 10.

CINQUIÈME QUESTION. Que faut-il pour que soit censée remplie la condition que les père et mère décédés aient vécu publiquement comme mari et femme?

La possession d'état des père et mère dé cédés est, sous le Code civil, à l'égard des enfans, par rapport à leur Légitimité, ce qu'elle était à l'égard de tous et sous tous les rapports, dans le droit romain.

Dans le droit romain, le mariage se formant par le seul consentement des parties, n'était assujéti à aucune solennité; mais delà venait souvent la difficulté d'en faire la preuve; et cette preuve, entièrement soumise à l'arbitrage du juge, dépendait uniquement des circonstances: An autem maritalis honor et affectio præcesserit, personis comparatis, vitæ conjunctione consideratá, perpendendum esse, disait Papinien, dans la loi 31, D. de donationibus.

la circonstance qu'il a ou qu'il n'a pas été passé de contrat de mariage entre les père et mère décédés? D'aucun, ou presque d'aucun. L'existence de ce contrat ne prouve pas le mariage, et l'absence de ce contrat ne prouve pas que le mariage n'ait pas été célébré: neque sine nuptiis instrumenta facta ad probationem matrimonii sunt idonea, diversum veritate continente; neque non interpositis instrumentis jure contractum matrimonium irritum est; cùm omissá quoque scripturá, cætera nuptiarum indicia non sunt irrita, sont les termes de la loi 9, C. de nuptiis.

C'est aussi la pensée de Papinien dans le texte précédemment cité, lorsqu'après avoir établi que la preuve du mariage dépend des circonstances, il ajoute : neque enim tabulas facere matrimonium. « Et sans recourir à »tant d'autorités (dit M. d'Aguesseau, dans » son 6o. plaidoyer), il est visible que les » conventions matrimoniales sont tout-à-fait » distinctes et séparées du consentement des parties, qui, sanctifié par la bénédiction » nuptiale, constitue l'essence du sacrement. » L'usage apprend que les contrats se font » avant la célébration; que souvent ils n'ont » point d'exécution: et l'on peut dire qu'un » contrat de mariage est la plus légère de » toutes les présomptions pour prouver qu'un » mariage a été célébré, puisqu'il précède » et ne suit pas le mariage ».

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Mais une circonstance de laquelle dépend essentiellement la possession d'etat d'époux, c'est la co-habitation publique dans la maison du mari; car, dit la loi 5, D. de nuptiis, c'est la maison du mari qui forme le domicile du mariage, domicilium matrimonii. Aussi voyons-nous que la loi 3, C. de nuptiis, subordonne principalement à cette circonstance et à sa publicité, la preuve que tel homme et telle femme étaient mariés, lorsqu'ils ont donné le jour à un enfant si vicinis vel aliis scientibus uxorem liberorum procreandorum causȧ DOMUI HABUISTI, et ex eo matrimonio filia suscepta est; quamvis, neque nuptiales tabulæ neque ad natam filiam pertinentes facta sunt, non ideò minùs veritas matrimonii aut susceptæ filiæ habet suam po

testatem.

Toutefois la co-habitation publique ne formerait pas une présomption légale du mariage en faveur des enfans, si les père et mère décédés entre lesquels elle a eu lieu, ne s'étaient pas présentés au public sous le titre d'époux, si le père n'avait pas traité la mère comme son épouse, si la mère n'avait pas porté le nom du père, comme sa femme légitime; et De quel poids doit être en cette matière c'est ce que l'art. 197 exprime clairement par

C'est donc aussi par les circonstances que l'on doit aujourd'hui juger, dans le cas dont s'occupe l'art. 197, s'il y a eu mariage entre les père et mère décédés d'enfans à qui l'on dispute la qualité de légitimes.

les mots, vécu publiquement comme mari et femme.

Il y a plus. Vainement les père et mère se seraient-ils présentes dans le monde comme époux : si, dans les actes qu'ils auraient res pectivement passes, ils n'en avaient pas pris le titre, on ne pourrait pas dire qu'ils eussent vécu publiquement comme mari et femme; et le désaveu que leur conscience aurait laissé échapper dans ces actes, détruirait l'illusion qu'ils auraient voulu faire au public.

Par la même raison, vainement les enfans rapporteraient-ils des lettres, des actes, des pieces quelconques par lesquelles l'un de leurs pere et mère décédés aurait qualifié l'autre de mari ou d'épouse, si l'on y opposait des lettres, des actes, des pièces quelconques par lesquelles le prétendu époux à qui cette qualité aurait été donnée, loin de l'accepter, et d'y répondre, en donnant à l'autre la qualite corrélative, l'eut désavouée ou repoussée.

Ce n'est pas tout pour constituer, de la part des père et mère décédés, une possession de l'état d'époux capable de faire présumer légalement leur mariage en faveur des enfans, quelques faits isoles, quelques instans rapides ne suffisent pas. Elle supplée à un titre, et le bon sens nous dit qu'elle ne peut pas obtenir cette équipollence, si elle ne se compose pas de l'ensemble et de l'uniformite de plusieurs faits qui s'appuient mutuelle ment, si elle n'a pas une certaine durée.

Ainsi, de même qu'aux termes de l'art. 321 du Code civil, la possession d'état d'enfant légitime, lorsque le mariage est prouvé, ne s'etablit que par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parente entre un individu et la famille à laquelle il prétend appartenir, et que les premières preuves de ces faits doivent être que l'individu a toujours porté le nom du père dont il se prétend le fils, que le père l'a traité comme son enfant, et pourvu, en cette qualité, à son éducation, à son entretien et à son établissement, qu'il a été reconnu CONSTAMMENT pour tel dans la société, qu'il a été reconnu pour tel dans la famille.

De même aussi, lorsque le mariage n'est pas prouvé et qu'il n'y a de constant que la filiation, la possession de l'état d'époux de la part des pere et mère decedes, ne peut s'établir que par une réunion suffisante de faits qui indiquent que leur co-habitation a été l'effet d'un mariage légalement contracté; et par conséquent il faut que la mère ait toujours porte le nom d'épouse du père, que le père l'ait traitée à tous égards comme son épouse, qu'ils aient été constamment recon

nus pour époux dans la société, et qu'ils aient été reconnus pour tels dans leurs familles respectives.

Enfin, pour que la possession publique de l'état d'époux par les père et mère décédés, puisse placer l'enfant qui y réunit les autres conditions dont il sera parlé ci-après, dans l'exception établie par l'art. 197, et le dispenser de la preuve directe que ses père et mere ont été unis par le mariage, il ne suffit quement pour époux dans l'ordre de la relipas de prouver que ceux-ci ont passé publi gion, c'est-à-dire, pour s'être mariés seulement devant un ministre du culte; il faut encore prouver qu'ils ont passé publiquement pour époux dans l'ordre civil, c'est-à-dire, pour s'être mariés devant un officier public competent.

C'est ce qu'a décidé, toutefois en faisant de ce principe une application dont la justesse peut être révoquée en doute, un arrêt de la cour de Rennes dont voici l'espèce.

En juin 1811, Jean Picard, tuteur de la nommée Marguerite, expose au tribunal de premiere instance de Nantes, qu'elle est née en 1796 du mariage contracté en 1795 entre Jacques Laine et Jeanne Moriceau, devant l'officier de l'état civil de la commune de Bignon, lieu de leur domicile; qu'elle ne peut représenter ni l'acte de ce mariage, ni l'acte de sa naissance, parceque, pendant les guerres civiles de la Vendée, il n'a point été tenu de registres de l'état civil dans la commune de Bignon; mais que ses père et mere, tous deux décédés, ont constamment vécu publiquement comme mari et femme, et qu'elle est en possession de l'etat de leur fille légitime. En conséquence, il demande que, par un jugement de rectification, il soit ordonné que le mariage, de Jacques Lainé et

de Jeanne Moriceau et la naissance de Marguerite, leur fille, soient inscrits sur les registres de l'état civil.

Jugement qui ordonne que Marguerite prouvera 1°. que Jacques Laine et Jeanne Moriceau ont été mariés en 1795 devant l'officier de l'état civil de la commune de Bignon; 2o. que de ce mariage est née en 1796 une fille qui a reçu le prénom de Marguerite; 3o. que cette fille a joui constam. ment de l'état d'enfant légitime de Jacques Laine et de Jeanne Moriceau.

En exécution de ce jugement, Marguerite fait entendre plusieurs témoins dont les dépositions établissent positivement qu'elle est née en novembre 1796 de la co-habitation de Jacques Lainé avec Jeanne Moriceau, qu'ils

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