Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

élémens de la preuve que le mari serait autorisé à faire de sa non-paternité. V. ci après, sect. 4, S. 2. ]]

VII. Si les déclarations d'un père ou d'une mère ne peuvent jamais prejudicier à l'état d'un enfant, à plus forte raison en doit-il être de même de celles qui sont faites par des tiers. Ainsi, quand les personnes qui l'ont présenté au baptême, lui auraient attribue dans l'acte un autre père que le mari de sa mère, la règle pater is est quem nup. tiæ demonstrant, ne l'en ferait pas moins regarder comme légitime.

C'est ce qui a été particulièrement jugé par l'arrêt cité du 29 février 1702; car la fille dont Elisabeth Rouillon était accouchée pendant l'absence de Charles de La Plisson. nière, son mari, avait été baptisée sous le nom de Nicolas Delacour, avocat à Aix; et cependant elle a été déclarée fille et légitime héritière de Charles de La Plissonnière. En vain objectait-on que, si l'extrait baptistaire prouvait qu'elle était fille d'Elisabeth Rouillon, i prouvait pareillement qu'elle était fille de Nicolas Delacour, et qu'on ne pou vait pas diviser l'acte. Cette objection ne parait pas avoir été bien discutée dans la cause dont il s'agit: mais rien n'était aussi aisé que d'y répondre. Quand il y a un mariage (pouvait-on dire), la déclaration de maternité fait toute la substance d'un acte de bap tême, parceque le mariage démontre le père, et que la paternité se prouve alors par la maternité même. Ainsi, la demoiselle de La Plissonnière pouvait borner toute sa défense à cette simple observation: mon extrait baptistaire nommant Elisabeth Rouillon pour ma mère, nomme, par cela seul, Charles de La Plissonnière, son époux, pour mon père; si l'on y trouve ensuite un nom supposé, cette énonciation fausse est détruite d'avance et rejetée par l'acte même qui a déjà nommé virtuellement le père; en un mot le nom de Nicolas Delacour est dans cet acte, une superfluité qui ne peut pas plus nuire à mon etat, que si on y lisait une telle, fille d'E

lisabeth Rouillon et de Charles de La Plissonnière, son époux, et de Nicolas Dela

cour.

Mais il n'est guère de décision plus remarquable en cette matière, que celle qui est intervenue sur l'état d'un enfant né pendant Je mariage du sieur de Pont et de la demoiselle Alliot.

Ces deux époux étaient un exemple frappant de cette antipathie que la nature place quel quefois entre deux personnes qui se haïssent,

[blocks in formation]

Voici comment ils racontaient tous deux l'histoire de leur mariage:

Le sieur Alliot, conseiller aulique et commisssaire général de la maison du roi Stanislas, était chargé d'un grand nombre d'enfans. Il en avait huit, six garçons et deux filles. L'aînée des filles avait vingt-trois ans, et n'était point encore établie. Il s'occupait du soin de la pourvoir, lorsqu'un de ses amis, qui était aussi l'ami de M. de Pont, conseiller à la cour souveraine de Nanci, pensa qu'il serait convenable aux deux familles de marier le jeune de Pont avec la demoiselle Alliot.

Cette alliance plut au sieur Alliot; mais elle ne fut pas du goût du père du jeune homme : il la refusa absolument.

On crut, après sa mort, qui suivit de près ce refus, pouvoir renouveler la proposition à son fils, qui ne l'accueillit pas mieux que ne l'avait fait son père; mais elle flatta sa mère, son oncle et son beau-frère, qui employèrent avec tant d'adresse les menaces et les prières, qu'ils obtinrent de lui que, du moins, il se laisserait conduire à Lunéville, pour y voir la demoiselle Alliot. On se flattait que les graces dont la nature l'avait pourvue, feraient, sur le cœur de ce jeune homme, une révolution qui mettrait le desir à la place de la répugnance.

Mais la peine qu'il avait eue de se déterminer à cette entrevue, n'approchait point de la douleur que la demoiselle Alliot ressentit, lorsque son père lui déclara ses intentions et ses vues sur le sieur de Pont.

Quand elle sut que c'était lui que son père lui destinait pour époux, elle sentit naitre au-dedans d'elle-même une de ces aversions violentes, et d'autant plus difficiles à vaincre, que, destituées de tout fondement raisonné, c'est la nature même qui les cause. Après bien des combats entre la piété filiale et sa répugnance à obéir, celle-ci l'emporta, et la demoiselle Alliot prit sur elle de déclarer son aversion invincible.

Le père combattit cette répugnance par des raisons de convenance qui auraient pu avoir du poids sur un esprit libre, mais qui ne purent rien contre le sentiment. Le sieur Alliot dit enfin à sa fille qu'il fallait qu'elle optat entre ce mariage et un couvent. « Je préfère » le couvent », dit-elle. Non, mademoiselle.

« Vous n'irez point au couvent, vous y » seriez trop heureuse. Je vous garderai » chez moi; vous y manquerez de tout: » vous y serez la créature la plus misé »rable, et votre chambre vous servira de » prison jusqu'à ce que vous m'ayiez obéi ». Tous ces faits étaient consignes dans les interrogatoires juridiques subis par les par

ties.

La dame Alliot aimait tendrement sa fille; mais, sur ce mariage, elle pensait comme son mari. Elle eut vainement recours aux plus séduisantes promesses, aux caresses et aux prières les plus touchantes, rien ne put ébranler sa fille. « Je suis plus affligée que » vous (disait-elle à ses parens, en versant » un torrent de larmes) de toutes les » peines que vous cause ma résistance ».

Ils la menacèrent de la déshériter, la chassèrent de leur présence, et la reléguèrent dans sa chambre. Pour s'assurer qu'elle n'en sortirait pas, une domestique affidée fut établie auprès d'elle; et, pour ne laisser à ce gardien aucun prétexte de quitter son poste, on lui apportait à manger dans la chambre de sa prisonnière.

Cette sévérité ne produisant aucun effet, on se flatta que l'autorité du roi de Pologne serait plus efficace. Il manda la demoiselle Alliot; sa mère l'accompagna. Le prince écouta les raisons de la mère. La fille répondit que son aversion était si profonde et si forte, qu'il n'y avait point de supplice au monde qu'elle n'aimát mieux souffrir que cette alliance.

Après l'avoir écoutée tranquillement, le roi de Pologne lui fit une réprimande sur le chagrin mortel qu'elle causait à ses parens, et finit en lui disant : « Vous n'avez point » d'autre parti à prendre, que d'obéir à vos

» parens ».

Elle fut aussitôt consignée de nouveau dans sa prison. Il y avait dix jours qu'elle y était, ne se nourrissant que de ses larmes, quand le sieur de Pont arriva à Lunéville, accompagné de son oncle et de son beau-père. Dans les dispositions et dans l'état où était la demoiselle Alliot, comment le lui présenter? Elle ne veut pas quitter sa chambre pour aller audevant de lui, et proteste qu'on la traînera plutôt que de lui faire faire un pas. Le père ne pouvant rien gagner sur elle, va chercher le sieur de Pont, et l'introduit dans la chambre de sa fille. On ne peindra point ici cette entrevue, à laquelle présidèrent, de part et d'autre, la tristesse, le dédain et la haine. Il suffit de dire que le sieur de Pont, en approchant de la demoiselle Alliot, sentit naître TOME XVII.

pour elle une aversion égale à celle qu'elle lui portait.

Il sortit de Lunéville avec le dessein de n'y plus rentrer, et dès lors il médita son évasion de la province. On s'en douta, et on le fit garder à vue. On lui remontra, avec la plus dure énergie, que, par sa fuite, il s'attirerait la colère du prince; qu'on ne rompait pas impunément un engagement agréé de deux familles respectables, et autorisé du roi; qu'il perdrait l'office de son père, et ne pourrait posséder aucune autre charge. Sa mère, s'il persistait, devait le bannir de sa maison, et l'exhérédation devait suivre de près ce bannissement.

L'accablant appareil d'une famille menaçante jeta le trouble dans l'àme de ce jeune homme, qui sortait à peine de sa dix-neuvième année. On le ramena à Lunéville.

La demoiselle Alliot voyant le moment du sacrifice arrivé, essaya trois fois de se délivrer de la vie, et trois fois ses tentatives furent vaines. La surveillante, qui l'observait, les découvrit; elle en avertit un religieux qui en instruisit les parens. Dès l'instant, les gardes furent doublées, et la prison devint plus étroite. Ces faits sont encore consignés dans les interrogatoires.

Enfin, le jour du sacrifice arrive, le temple s'ouvre. M. l'archevêque de Besançon attend les victimes à l'autel; le roi, qui préside à la cérémonie, est place : il n'est plus possible de reculer, ni même d'apporter le moindre retardement. La demoiselle Alliot entre sans rien voir de tout l'appareil pompeux qui l'attend; elle ne sent plus sa douleur. Si elle plie les genoux et s'abaisse sur les marches du sanctuaire, c'est une figure inanimée, dont des volontés étrangères font mouvoir à leur gré les ressorts; et, s'il est vrai que ses lèvres aient prononcé le mot fatal qui annonce qu'on veut se lier, elle a toujours protesté qu'elle n'en avait nulle idée; qu'elle était hors d'état de s'entendre; que son cœur eút démenti sa bouche; que ce n'eût été qu'un vain son machinalement exprimé.

Voilà ce qu'elle a toujours attesté; voilà ce qu'a attesté, comme elle, le sieur de Pont, sous la foi du serment.

Au sortir de l'église, ils se rendent au château. Un somptueux banquet y était préparé par l'ordre du prince; et, tandis que le plus noir chagrin les rongeait l'un et l'autre, toute la cour célébrait leur malheur par le bruit d'un concert et d'un bal, et par tout l'éclat d'une fête. Sourds au tumulte, abîmés en eux-mêmes, ce séjour magnifique et brillant fut pour eux un affreux désert.

55

De retour chez le sieur Alliot, et entrés dans la chambre où ils devaient passer la nuit, leurs peines redoublèrent à la vue du lit nuptial. Les cris les plus perçans exprimèrent la douleur de la nouvelle épouse. Elle employa toute la résistance dont elle était capable pour repousser les mains qui la dépouillèrent, et la portèrent évauonie dans son lit.

Revenus à eux-mêmes, et se trouvant l'un à côté de l'autre, les époux s'éloignent et se retirent tous deux sur les deux bords de cette couche odieuse. Ils l'abandonnent au bout d'une heure, et s'enferment chacun dans une chambre à part. Il n'est pas jour encore, et déjà le jeune de Pont est hors de la maison, et n'est pas rentré à l'heure du repas. La manière dont le diner se passe, fait augurer comment la nuit s'est passée. Les deux familles s'inquiètent des suites que leur présage ce sinistre début, et l'alarme aug. mente, quand on apprend que la demoiselle Alliot passe les nuits toute habillée dans un fauteuil.

On s'assemble, on prie, on menace, on n'ou blie rien pour engager les deux époux à consommer le mariage. Mais quelle autorité sur la terre pouvait rendre le jeune de Pont époux et père malgré lui? La nature arrêtée dans ses opérations, par la répugnance dont il était affecté, aurait résisté à sa volonté, quand il aurait eu celle d'obéir.

Les deux époux passèrent quelques mois ensemble à Nanci. Toutes les menaces qu'on leur fit, et toutes les précautions que l'on put prendre, rien ne fut capable de les amener à ratifier, par la consommation, une alliance qu'ils détestaient. Cette vérité a été sue dans le temps et des familles qui s'en irritaient, et du public qui condamnait les deux familles : c'était l'histoire de Lunéville et Nanci. Les deux jeunes gens n'en faisaient point mystère. Le sieur de Pont ne traitait point de sa femme la demoiselle Alliot : Mademoiselle, vous n'êtes point ici chez vous, lui disait-il d'un air furieux et humilié. Loin de prétendre qu'elle fût chez elle, elle pressait qu'on la retirat d'où elle était.

Tant d'épreuves épuisèrent enfin la patiente soumission de la demoiselle Alliot. Elle quitta, comme elle disait, cet enfer, et courut pour s'enfermer aux dames Prêcheresses de Nanci. La supérieure réfusa de la recevoir sans la permission de ses parens. A cette démarche, son père ouvrit enfin les yeux; il la reçut chez lui, et elle resta separée pour toujours d'un homme dont jamais elle n'avait voulu pour époux, et qui

jamais n'avait voulu d'elle pour femme. Jamais elle n'est rentrée chez le sieur de Pont; jamais elle n'a habité la même ville que lai; jamais elle ne l'a rencontré, ne lui a parlé, ne l'a vu, n'a eu la moindre relation avec lui. Plus de huit années s'écoulèrent sans qu'il en fût nullement question pour elle.

La première nouvelle qu'elle en cut, ce fut par une assignation qu'il lui envoya, le 3 janvier 1760, pour voir déclarer nul leur mariage à l'officialité de Toul.

Loin de contester, elle forma, le 26 février 1760, une demande incidente aux mêmes fins. Ce fut à Toul qu'au bout de neuf années, les deux parties furent interrogées sur leurs faits de violence. Leurs réponses uniformes, quoique faites séparément, établirent les traits de la plus absolue contrainte.

C'est dans ces interrogatoires que le sieur de Pont répondit sous la foi du serment, qu'il jurait, par tout ce qu'il y a de plus sacré dans la religion, qu'il n'avait pas consommé son mariage. La demoiselle Alliot faisait le même serment, avec une égale énergie, et l'official continuait l'instruction du proces, lorsqu'un sieur Larralde intervint dans la cause, et, par un incident, suspendit et troubla le cours de la procédure. Voici les faits qui amenèrent cette intervention.

La demoiselle Alliot avait eu occasion de voir très fréquemment le chevalier de Beauveau. Ses grâces personnelles, sa naissance, ses vives et continuelles déclarations la séduisirent; elle devint enceinte.

Voyant approcher le terme de sa grossesse, elle prit enfin sur elle d'avouer son état à son père. Revenu du premier sentiment de colère et de douleur que lui causa cette aflligeante nouvelle, il consulta la prudence et l'honneur, et conseilla à sa fille d'aller, pour éviter l'éclat, faire ses couches à Paris. Le chevalier de Beauveau la suivit. Le 11 janvier 1760, elle mit au monde un enfant måle. Il fut baptisé dans l'église de la Madeleine-la-Ville-l'Évêque, sous le nom de BasileAmable, fils naturel de Ferdinand-Jérôme de Beauveau, et de la demoiselle MarieLouise Alliot. Le chevalier de Beauveau signa l'acte de baptême sur le registre.

Ainsi, trois personnages figuraient dans cette affaire le mari, qui soutenait n'être ni le père, ni l'époux de la mère de l'enfant; l'amant, qui se déclarait père, et qui jurait de devenir le mari de la mère; et la mère enfin, qui, n'étant liée que par un nœud formé par la violence, se prétendait libre, et

se promettait, quand la justice aurait anéanti le fantôme de son mariage, de devenir la femme du père de son enfant.

L'official semblait donc n'avoir qu'à s'assurer, par une enquête régulière, des faits de violence articulés, et examiner ensuite si ces faits avaient réellement enchaîné la liberté.

Il allait ordonner l'enquête, quand la nouvelle en parvint à des oreilles intéressées à l'empêcher.

Au nom que le mariage de sa mère allait placer sur sa tête, Basile-Amable aurait reuni, par la voie d'une substitution établie dans la maison de Beauveau, de mále en måle, des droits sûrs à une fortune considérable, en devenant fils légitime par le mariage subséquent de son père. Or, les personnes à qui cet événement aurait enlevé l'espérance de recueillir ces grands biens, avaient intérêt de fixer sur la tête du sieur de Pont la paternité de Basile-Amable.

Les vrais moteurs de ce projet ne voulurent point paraitre. Un certain Larralde fut nommé, par des inconnus, tuteur de l'enfant; et ayant fait homologuer leur avis au châtelet de Paris, il présenta requête au prétoire de Toul. « Arrêtez (dit-il à l'official), » les deux parties vous trompent, elles ont >> consommé leur mariage. Qu'est-il besoin » d'enquêtes sur la violence qui a pu le for» mer, puisque la naissance d'un fils l'a ratific? Il est vrai qu'ils l'ont voilé, ce » fruit commun de leur union; la femme » a supprimé sa qualité de femme, l'époux »sa qualité d'époux. Un jeune seigneur, qui » s'est prêté à ce complot, a eu la complai»sance de signer, par office d'ami, l'acte de » baptême d'un enfant qui n'est point à lui. » Mais un magistrat français m'a créé tuteur de cet enfant; c'est à ce titre, c'est en » cette qualité que je soutiens valablement » le mariage de son père et de sa mère. ».

A ces mots de complot formé, d'état d'un citoyen compromis, de tuteur créé en France, l'official fut intimidé; il craignit, s'il conti nuait l'instruction du procès, d'entreprendre sur l'autorité séculière. Il suspendit cette instruction; et, par sentence du 14 avril 1760, il renvoya les parties par-devant les juges qui en devaient counaitre, pour faire régler, tant la qualité de Larralde, que l'état de l'enfant mineur.

Sur l'appel comme d'abus de cette sentence, la cour souveraine de Nanci, par arrêt du 10 juin 1760, « déclara nul l'établissement de » tuteur fait en France; fit défenses à Lar» ralde de prendre cette qualité de tuteur on

» Lorraine, non plus qu'en l'officialité de » Toul, pour ce qui concernait la Lorraine ; » et à tous juges de la lui laisser prendre, » sous telles peines que de droit declara pa » reillement nulle et attentatoire à l'autorité » de la cour la procédure instruite par le sieur >> lieutenant civil.......................; déclara pareillement >>nulle la sentence de l'officialité de Toul, en » ce qu'elle avait sursis à prononcer sur les » demandes formées par les parties en nul» lité de leur mariage, jusqu'après qu'il aurait » été statué sur l'état de Basile-Amable; les >> renvoya par-devant l'officialité, pour y être »statué sur lesdites demandes : sursis à » faire droit sur la demande de Me Henry » (avocat du tuteur lorrain), jusqu'après le » jugement à intervenir sur la demande en » nullité du mariage ».

Pendant qu'en exécution de cet arrêt, le sieur de Pont et la demoiselle Alliot continuaient l'instruction devant l'official de Toul, qui leur faisait subir de nouveaux interrogatoires sur le fait précis de la naissance de l'enfant, la demoiselle Alliot apprit que le chatelet l'avait décrétée de prise de corps, comme coupable d'avoir supprimé l'état de son fils.

Elle interjeta appel de ce décret au parlement : le chevalier de Beauveau y intervint pour soutenir qu'il était le père de BasileAmable, et qu'ainsi on n'avait fait à celui-ci aucun tort en rédigeant son acte de baptême, de la manière qu'il était conçu.

La cause portée à l'audience de la tournelle, la demoiselle Alliot employait des moyens qui sont étrangers à notre objet actuel. On les trouvera ci-après, sect. 4, S. 4.

Quant au chevalier de Beauveau, il a élevé des doutes sur la maxime qui attribue au mari l'enfant de la femme sur la règle pater is est quem nuptiæ demonstrant. Il l'a attaquée dans la vue de faire juger que le sieur de Pont n'était point le père de BasileAmable; et, comme il ne prouvait pas que le mariage du sieur et de la dame de Pont fût nul, comme il ne parlait, au contraire, que dans l'hypothèse de la validité de ce mariage, tout ce qui est résulté de ses raisonnemens, c'est que Basile-Amable se trouvait dans un cas d'exception, et devait être traité comme bátard adultérin.

«Heureusement (répondait le défenseur de Larralde, nommé tuteur à l'enfant), heureusement, dans quelque vue que ce système funeste ait été proposé, il n'est point à craindre qu'il triomphe. Les esprits sont trop en garde contre toute doctrine qui tend à dimi nuer l'autorité d'une règle qui est le fonde. ment le plus ferme du repos des familles.

» Sans doute, la justice ne peut jamais, en cette matière, espérer de voir la vérité avec une évidence qui mette, pour ainsi dire, le sceau de l'infaillibilité à ses décisions.

>> La conception d'un enfant est couverte de tenebres; mille nuages peuvent obscurcir son origine; les passions peuvent y porter leurs fatales influences. Ce qui devrait briller de la clarté la plus pure, l'état des hommes, est ce qu'il y a de plus enveloppé d'ombres et de mystères. Le laissera-t-on, pour cela, incertain? Non. Il faut, au milieu de ces obscurités, se fixer à des règles immuables qui, en maintenant l'honneur des mariages, et en présumant ce qu'il y a de plus conforme à la pureté des mœurs, font tout à la fois le bonheur des particuliers et la tranquillite generale. Ce sont ces grands motifs qui por. tèrent les législateurs romains à établir la maxime que nos pères ont reçue avec empressement, qu'ont adopté toutes les nations policées, cette maxime admirable : pater is est quem justæ nuptiæ demonstrant. On a voulu même, pour la rendre inébranlable, que la conviction de l'adultère de la mère ne donnât aucune atteinte à la Légitimité de l'enfant.

» Il n'y a absolument que l'impossibilité physique qui puisse enlever à un enfant, le père que lui montre la loi. Une longue captivité du mari, son séjour dans des climats lointains, son impuissance, quand il en rapporte des preuves lumineuses et exactes, le déchargent d'une paternité impossible dans l'ordre de la nature. Hors de là, la loi reprend tout son empire.

» Mais, dit-on, il est deux autres exceptions à la régle : l'impossibilité morale, et l'indivisibilité du titre de l'enfant. Cette der niére a lieu, lorsque la même preuve qui établit la maternité, exclud la paternité. Tel est, dit-on, un acte baptistaire, où un enfant est annoncé comme né d'un autre père que le mari de la mère.

leur

» Ainsi, on applique cette exception prétendue à Basile-Amable. Quel abus de raisonnemens? Ses adversaires lui opposent précisément ce qu'il leur reproche. C'est par fait que son acte baptistaire lui donne un père étranger; et il a réclamé, à l'instant, par la voix de son tuteur, contre cette injustice. Peuvent-ils donc se faire un titre de leur crime?

» On argumente encore contre cet enfant d'une impossibilité morale; mais conçoit-on bien la valeur de ce terme, et peut-on en donner une définition un peu claire?

» L'impossibilité morale doit être un obs tacle invincible, et qui ne sera pourtant que moral. Ce doit être un obstacle invincible, puisqu'il forme une impossibilité, et il ne sera cependant invincible que moralement. Y a-t-il rien de moins intelligible? Veut-on que cette sorte d'impossibilité soit celle qui sera jugée telle dans l'esprit des hommes sur le fondement de quelques circonstances? En ce cas, voilà des présomptions humaines qui l'emporteront sur la présomption de la loi, et il n'en faudra pas davantage pour anéantir la loi même, puisqu'elle a été établie precisement pour subjuguer tous les sentimens particuliers, pour enchainer tous les soupcons, pour faire taire toutes conjectures contraires : elle savait trop que les vraisemblances, quelles qu'elles soient, sont toutes, de leur nature, trompeuses et équivoques; elle s'en est défiée. Qu'on admette une vague impossibilité morale, tout rentrera dans l'arbitraire; on aura égard aujourd'hui à une raison de convenance, demain à une autre. La loi avait voulu que tout fut captivé sous le joug de sa prudente et politique décision; et c'est elle qui cédera à des apparences, à des probabilités, à des sophismes? Rien de plus dangereux au monde qu'un tel système : rien de plus capable d'effrayer; rien de plus propre à replonger la société dans le trouble, dans le désordre que la sagesse des législateurs a voulu en bannir.

» De l'avis des adversaires, on n'a point d'impossibilité physique ni absolue à faire

valoir contre Basile-Amable. C'en est assez. Mais on prétend qu'il s'en élève une contre lui dans le sens moral. La chose serait indifferente, quand elle serait vraie.

» Elle n'est d'ailleurs point véritable. Sur quelles circonstances, en effet, établit-on celte vaine impossibilité morale? On n'en relève que deux.

» 1o. M. de Pont était séparé de fait de la dame son épouse; l'habitation n'était plus commune entre eux depuis long-temps. Qu'en peut-on conclure? En avaient-ils moins la liberté de se voir ?. Ils ne demeuraient qu'à six lieues l'un de l'autre. M. et madame de Pont n'habitaient point ensemble; donc il est impossible moralement qu'ils se soient vus. Est-ce là un argument?

» 2o. M. de Pont a formé son action en nullité du mariage douze jours avant la nais sance de Basile- Amable. Cela est vrai; et aussi est-ce une des raisons qui concourent à faire connaître que l'obscurcissement de l'état de cet enfant a été l'effet d'un complot. Les adversaires l'interprètent autrement, et

« VorigeDoorgaan »