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premier fut une procuration en blanc à l'effet d'obtenir des lettres de Légitimation pour sa fille : le second une donation de 10,000 livres une fois payée, avec 1000 livres de pension viagère; et le troisième une procuration générale pour régir tous ses biens.

Ces arrangemens pris, les lettres de Légitimation furent accordées au mois de décembre suivant. L'exposé porte « que le sieur » de Manse ayant été fiancé le 29 septembre » 1732 avec la demoiselle Plauchut, il de» vint entreprenant auprès d'elle; que la » demoiselle Plauchut eut la faiblesse de » céder à ses empressemens, et devint grosse » d'une fille, née le 1er. mai 1733, et bapti»sée comme fille naturelle de la demoiselle » Plauchut, et d'un père inconnu que les » oppositions que le sieur de Manse a es» suyées de la part de sa famille, l'ont em» pêché d'effectuer son mariage avec la de» moiselle Plauchut qui, fatiguée d'attendre » inutilement, s'est mariée quelques années » après; que le sieur de Manse n'a point » abandonné sa fille, et que son intention a » toujours été de légitimer, en épousant la » demoiselle Plauchut; mais que cette de» moiselle étant mariée, sa fille ne peut plus » être légitimée que par lettres ». En consé quence, le roi la déclare « légitime, et habile » à jouir de tous les honneurs, franchises et » libertés dont jouissent ses autres sujets; à » pouvoir posséder tous les biens meubles et » immeubles qui lui appartiennent par don » ou acquêts, ou qu'elle pourra acquérir ci» après, et à acquérir toutes successions..., » pourvu toutefois, quant aux successions de » ses père et mère, que ce soit du consente»ment de ceux qui leur doivent succéder, etc. ». La demoiselle de Manse fait part à son père de cette grâce, aussitôt qu'elle l'a obtenue; il l'en félicite dans une lettre du 12 novembre 1762.

Après différentes démarches dont l'objet était de mettre sa propre liberté à couvert des entreprises et des sollicitations du che valier de Manse, elle présente au parlement de Toulouse les lettres de Légitimation, pour être enregistrées. En même temps, comme fondée de la procuration de son père, elle fait saisir entre les mains des débiteurs et des fermiers; et demande aux régisseurs le compte des biens dont l'administration leur est confiée.

Le chevalier de Manse, de son côté, forme opposition à l'enregistrement des lettres, conclud à la nullité des actes de 1762, et demande qu'il soit fait défense à sa nièce de porter son nom et ses armes, et de s'im

miscer dans la régie et administration des biens de Jacques de Manse, et que défenses soient faites aux régisseurs de reconnaître la demoiselle de Manse et de lui rendre compte.

Pendant que l'affaire s'instruit sur ce pied au parlement de Toulouse, le chevalier de Manse se pourvoit au conseil d'état, et, sous prétexe que les lettres de Legitimation ont été surprises, attendu que Jacques de Manse, qui est insensé et détenu comme tel depuis vingt-cinq ans, n'a pu y consentir, il demande qu'elles soient rapportées, et conclud à la nullité des actes passés le 10 août 1762.

Cependant l'état de son frère était encore entier; et il fallait prouver qu'il était insensé. A cet effet, il obtint une ordonnance du sénéchal de Montpellier, qui lui permit d'as sembler ses parens et amis, à l'effet de délibérer sur l'état de Jacques de Manse, et sur le besoin de son interdiction.

Par sentence définitive, Jacques de Manse est en effet interdit.

Muni de cette sentence, le chevalier retourne au conseil. La demoiselle de Manse

produit, de son côté, les lettres de son père et son interrogatoire; et, par arrêt du conseil d'état, du 14 juillet 1766, le chevalier de Manse est débouté de sa demande en rapport des lettres de Légitimation; sur le surplus des contestations, les parties sont renvoyées devant le juge qui en doit connaître.

L'infortuné Jacques de Manse ne goûta pas le plaisir de ce premier succes; il avait succombé sous le poids du chagrin, le 7 juin 1765.

Avant sa mort, sa fille avait épousé le sieur Francez, négociant à Toulouse.

D'après le renvoi ordonné par l'arrêt du conseil, les parties retournèrent au parlement de Toulouse. Le chevalier de Manse renonça à la succession de son frère, pour s'en tenir à la substitution qu'il prétendit ouverte à son profit, et ses sœurs prirent la qualité d'héritières sous bénéfice d'inven

taire.

L'affaire instruite, les juges furent partagés sur la manière d'enregistrer les lettres de Légitimation. Les uns voulaient qu'on les enregistrat simplement ad honores; qu'on annulât l'acte par lequel le père avait consenti à l'obtention de ces lettres, et les deux autres actes du 18 août 1762; et que la dame Francez se trouvát par-là, privée de tous les bienfaits de son père.

D'autres proposaient qu'avant de statuer sur le fond, on admît le chevalier de Manse

et ses sœurs à prouver la folie habituelle de leur frère.

Ce partage ne portait done, comme l'on voit, que sur la validité du consentement de Jacques de Manse; et cette validité dépendait de l'état où étaient sa raison et son esprit. Or, la validité, ou la nullité de son consentement mettait une grande différence dans l'effet de l'enregistrement. S'il était valable, l'enregistrement pur et simple donnait à la dame Francez le droit de succéder à son père; dans le cas contraire, la dame Francez n'acquérait que le simple titre de fille légitimée; le vice de sa naissance seulement était réparé; elle demeurait exclue de la succession paternelle.

Le partage fut vidé en faveur de la seconde opinion. En conséquence les preuves de la sagesse de Jacques de Manse furent adminis trées et développées; et, par arrêt rendu d'une voix unanime sur les conclusions du ministère public, le 7 août 1767, il fut ordonné que les lettres de Légitimation seraient enregistrées purement et simplement. La sentence du 6 novembre 1764, qui avait prononcé l'interdiction de Jacques de Manse, et toute la procédure qui l'avait précédée, furent cassées : la démoiselle de Manse fut déclarée son héritière ab intestat: sur le surplus des demandes respectives des parties, elles furent renvoyées à la sénéchaussée de Montpellier; le chevalier et ses sœurs furent condamnés aux dépens.

Le chevalier étant mort peu de temps après cet arrêt, ses sœurs ont repris l'instance, et se sont pourvues en cassation au conseil.

Quatre moyens principaux fondaient leur demande: 1o l'incapacité du bâtard légitimé par lettres, de succéder ab intestat; 2o. le défaut de consentement des héritiers présomp tifs de Jacques de Manse à l'enregistrement des lettres de Légitimation; 3o. la mort de Jacques de Manse, arrivée avant cet enregis, trement; 4o. le défaut de vérification de ces lettres à la chambre des comptes.

Ces quatre moyens étaient aussi frivoles les uns que les autres.

Le premier était détruit par les lois romaines qui forment le droit commun du ressort du parlement de Toulouse.

Le second trouvait sa réponse dans la juris. prudence établie ou plutôt confirmée par l'arrêt du parlement de Toulouse, du 6 septembre 1736, et par celui du parlement de Besançon, du 14 mars 1754.

Le troisième avait été réfuté victorieuse. ment au parlement de Toulouse: « La dame >> Francez (avait-on dit) a obtenu ses let

» tres de Légitimation pendant la vie, et du consentement de son père. Elles ont été » présentées au parlement de Toulouse, du » vivant de ce même père; et si l'enregistre»ment ne s'en est fait qu'après son décès, » c'est par le fait de ses parens qui ont retardé » l'exécution de cette formalité indispensa»ble, par leur opposition et par la demande » qu'ils ont formée au conseil, en rapport de » lettres; demande rejetée par l'arrêt du 14 » juillet 1766. L'enregistrement doit donc, » quant aux effets, avoir pour époque le jour » de la présentation des lettres au parle»ment: les contestations injustes qui lui ont » été suscitées par ses parens, et qui ont été » proscrites par les tribunaux, n'ont pu pré» judicier à la dame Francez qui s'est mise » en règle dans le temps utile, et lorsque le » consentement de son père suffisait »>.

Quant au quatrième moyen, il tombait de lui-même, d'après ce qu'on a dit ci-devant, S. 2, no. 7.

Aussi, par arrêt rendu en 1771, le conseil a rejeté la requête en cassation des sœurs du chevalier de Manse; et l'arrêt du parlement de Toulouse qui avait déclaré leur nièce naturelle, héritière ab intestat de son père, a été pleinement confirmé.

Faut-il donc conclure de ces différens arrêts, que la clause, pourvu toutefois, quant à la succession de ses père et mère, que ce soit du consentement de ceux qui leur doivent succéder, doit être absolument regardée comme de style, et qu'il n'en doit résulter aucun effet réel ?

Non; mais voici comment on peut concilier cette clause avec la jurisprudence dont nous venons de rendre compte.

Si, par ces mots, ceux qui doivent succeder, on entendait tous les héritiers présomptifs ab intestat, la successibilité que le roi accorde au bâtard en le légitimant, serait presque toujours illusoire; et par là, on détruirait une des premières règles du droit, suivant laquelle une grâce émanée du prince, ne doit jamais être sans effet. Il faut donc restreindre les termes cités à leur signification stricte et rigoureuse, et par conséquent n'entendre par ceux qui doivent succéder, que les héritiers dont on ne peut, en aucune façon, frustrer les espérances, et qui succédent malgré toutes les dispositions qu'on pourrait faire pour les exclure.

Ainsi, 10. lorsque le père qui veut faire legitimer ses enfans naturels, a d'autres enfans nés légitimes, le consentement de ceux-ci est nécessaire pour donner à ceux-là le droit de

concourir avec eux dans la succession paternelle, parcequ'un fils légitime est tellement appelé par la loi, qu'il n'est pas au pouvoir de son père de l'exclure. C'est ce qu'a jugé un arrêt du grand conseil de Malines, rapporté par Christin : Quod autem, dit cet auteur, non videatur posse fieri Legitimatio per principis rescriptum in præjudicium legiti morum, etsi in præjudicium agnatorum fieri possit, censuit in judicando supremus senatus Mechliniensis, 23 decembris anno 1606, inter comitem Ernestum de Mansfeldt, filium naturalem legitimatum defuncti principis ex und, et Renatum de Chalon et consortes ex aliá, dùm idem Ernestus vellet se fundare heredem simplicem prædefuncti illustrissimi domini comitis de Mansfeldt sui patris, et sic excludere dictum Chalon, fundantem se heredem sub beneficio inventarii, per ea quæ tradidi. Succubuit enim dictus Ernestus, et per sententiam diétæ curiæ solùm appellatur filius naturalis; et ita fuit Legitimatio habita pro nulla respectu legitimorum quoad successionem patris.

Quelques-uns même ont pensé que le consentement des enfans legitimes à la Légitimation du bâtard, n'était d'aucun effet pour la successibilité. Mais, dit Lebrun, « quoiqu'en » ce cas, la Légitimation soit moins favora»ble, néanmoins si elle se trouvait faite du » consentement des enfans légitimes, qui, » lors de cette Legitimation, eussent été en » âge de donner un consentement valable, je >> ne vois pas pourquoi la clause de succéder, » ainsi approuvée, ne pourrait pas s'exécu»ter, supposé qu'on ne trouve en cela aucun » intérêt public qui empêche que l'on ait » égard au consentement des héritiers pre» somptifs, en quelque ligne et en quelque » degré qu'ils puissent être, quoiqu'à vrai » dire cette condition manque si souvent par » les prédécès qui arrivent, qu'on peut dire » qu'ordinairement elle rend la clause de suc » céder absolument inutile ».

Il faut convenir aussi que le consentement des enfans légitimes peut souvent être extorqué; et quoique régulièrement on ne restitue point un collateral contre le consentement qu'il a donné à la Légitimation, comme l'a jugé un arrêt rapporté sans date au Journal des audiences, à l'occasion d'un autre du 21 avril 1637, néanmoins on est plus indulgent à l'égard des enfans légitimes; « et Pithou » (dit Lemaître, sur l'art. 318 de la coutume » de Paris) en ses notes manuscrites sur » l'art. 117 de la coutume de Troyes, rapporte » un arrêt du 7 juillet 1616, qui a restitué un

» fils contre le consentement qu'il avait donné » à la Légitimation d'un frère naturel ».

On a vu plus haut, que la survenance d'un ou de plusieurs enfans légitimes ne révoque point la Légitimation d'nn enfant naturel. Graverolle et Serres concluent de là que le batard légitimé avant la naissance de ses frères légitimes, a droit de concourir avec eux dans l'hérédité du père commun; et c'est en effet ce qu'a jugé l'arrêt du parlement de Bordeaux du 14 août 1565, que nous avons cité d'après Bacquet.

Mais Furgole (question 18 sur l'ordonnance de 1731) parait s'éloigner de cette opinion: « si (dit-il) la faculté de succéder, qui est at>> tribuée au bâtard par les lettres de Légiti»mation, souffre quelque atteinte par la nais»sance des enfans légitimes, cela n'a pas » pour fondement la disposition de la loi si » unquàm, mais bien l'inégalité de faveur » qu'il y a entre les enfans legitimes et ceux » qui sont légitimés par rescrit ». Lebrun dit également que « le consentement des enfans

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légitimes, quoique nés depuis la Légitima» tion par lettres des enfans naturels, est >> requis et doit confirmer la Légitimation; » sans quoi, elle demeure nulle ».

Cette opinion est sans contredit plus équitable et plus conforme à l'honnêtete publique que celle de Graverolle et de Serres. Peutgarder l'avis de ces deux jurisconsultes comme être cependant pourrait-on, à la rigueur, rele plus exact, d'après toutes les raisons que nous avons employées ci-dessus, §. 2, no. 2, pour faire voir que la Légitimation d'un bâtard n'est point révoquée par la survenance d'un enfant légitime; car ces raisons s'appliquent également à la successibilité, qui est toujours, dans le båtard, la suite du consentement donné par son père à sa Légitimation.

2o. Dans les pays de droit écrit et les autres contrées où les ascendans ont une légitime à prétendre sur les successions de leurs enfans décédés sans enfans, il est incontestable qu'ils sont compris sous les mots, doivent succéder: ainsi, lorsque la clause dont il s'agit, se trouve dans les lettres de Legitimation, le bátard légitimé ne peut, dans ces pays, succéder à son père sans le consentement des ascendans ultérieurs.

3o. Les héritiers des réserves coutumieres sont aussi du nombre de ceux qui doivent succéder, nonobstant toutes les dispositions que le défunt pourrait faire pour les exclure. On peut donc dire que, dans le cas de la clause mentionnée ci-dessus, le défaut de consentement de ces héritiers laisse le bâtard

légitimé dans son inhabilité naturelle à succéder aux biens indisponibles : mais ce défaut n'empêche pas qu'il ne puisse recueillir les biens libres; car, dit Serres, quoique les collatéraux puissent succéder à ces biens, on ne peut pas dire qu'ils doivent nécessairement le faire, «< attendu que la succession peut leur » être ótée par une disposition du défunt, » et que la Légitimation poursuivie par le » père, vaut un pacte de succéder pour » l'enfant légitimé, pacte revêtu, pour ainsi » dire, de l'autorité royale ».

Cette distinction des biens compris dans les réserves coutumières, d'avec les biens disponibles, n'est pas nouvelle; nous en avons puisé l'idée dans le commentaire de Leboucq, sur la coutume de Lille.

« Me semble (dit cet auteur) que la citation » et consentement des héritiers apparens dus» sent être requis au fait de la dispensation de » succéder, en tant que touche les héritages >> et autres biens patrimoniaux ou descendans » d'une famille, desquels ils ont intérêt qu'ils » ne parviennent à une race infâme; mais » non pour le regard des acquêts et autres » biens qui ne tiennent côté et ligne de celui » qui prétend faire légitimer son fils bâtard, » pour lesquels, comme procédant de son » industrie et travail, ou autrement, en » somme que de succession, il y aurait moins » de raison de requérir autre consentement » que de celui qui les a lui-même acquis : la» quelle distinction, qui est assez plausible, » et jusques ores non objectée, j'ai tirée et » conçue de ce que traite Alexandre, consil. » 25, lib. 1, auquel, et autres par lui cotés, » pourront avoir recours ceux auxquels elle » semblera convenable au droit et à la raison ». 4o. Enfin, la clause n'est pas toujours inutile pour les pays de droit écrit, même dans le cas où le père ne laisse point d'enfans nes en légitime mariage. Si l'enfant légitimé n'avait pas obtenu, ou n'avait pas fait enregistrer ses lettres du vivant de son père, alors les collatéraux ayant un droit acquis par l'ouverture de la succession, leur consentement devient nécessaire.

« Si les lettres de Légitimation (dit Bacquet, du droit de bâtardise, chap. 12, no. 6), portent, pourvu que ce soit du consentement de ses père, mère et de leurs héritiers; ces mots, de leurs héritiers, se doivent entendre quand les lettres ne sont pas vérifiées du vi vant du père ou de la mère qui les a obtenues, ou n'a pas prêté consentement à icelles. Car la vérification étant faite du consentement du père ou bien de la mère, le consentement des héritiers n'est aucunement nécessaire. TOME XVII.

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»Tellement que ces mots, et de leurs héritiers, se doivent entendre, quand les lettres sont impétrées après la mort du père; auquel cas, les héritiers doivent être appelés pour prêter consentement ou dissentiment, parcequ'alors le droit de la succession leur est acquis ».

V. Un père peut-il priver de sa légitime un enfant qu'il a fait légitimer avec clause de pouvoir succéder?

Le parlement de Bordeaux a jugé que non, par l'arrêt déjà cité du 14 août 1565. Telle est aussi la jurisprudence du parlement de Toulouse: « Si le père en mourant n'a pas » d'enfans légitimes (dit Serres), il ne peut » pas se dispenser d'instituer, au moins en la » légitime, son bâtard légitimé par le prince; » et il a été jugé que le testament où l'enfant » légitimé par lettres avait été prétérit et la » cause pie instituée héritière, était nul, » nonobstant même la clause codicillaire : » l'arrêt est du 6 septembre 1736, rendu au » parlement de Toulouse en faveur de la de» moiselle Dupuy, fille légitimée de M. Du» puy, avocat, contre l'Hôtel-Dieu de la ville » de Saint-Girons, qui maintint cette fille » légitimée dans l'entière succession de son » père, bien que les parens collatéraux » n'eussent pas consenti à sa Légitimation ». Cet arrêt est aussi rapporté par Furgole, qui avait écrit pour la demoiselle Dupuy.

Les pays coutumiers paraissent avoir làdessus une jurisprudence toute différente. On trouve dans les notes sur Papon, « un » arrêt général d'avril 1569, par lequel il fut » dit pour une fille légitimée, qu'elle se con» tenterait de la moitié de la succession par >> usufruit ». Stockmans atteste aussi (décision 68) que le conseil souverain de Brabant a jugé plusieurs fois, de son temps, qu'un bâtard légitimé par lettres ne peut ni arguer de prétérition le testament de son père, ni demander un supplément de légitime, ni faire à ce titre aucune distraction du fideicommis dont il est grevé.

Ce n'est pas la seule différence qu'il y ait sur ce point, entre les pays de droit écrit et ceux de droit coutumier. Dans les uns, il est constant que la Légitimation par lettres soumet l'enfant naturel à la puissance de son père; dans les autres, au contraire, c'est-àdire, dans les coutumes qui admettent la puissance paternelle, cela forme une question que M. d'Aguesseau appelle épineuse :

<< Ceux qui soutiennent l'affirmative (dit-il), citent en faveur de leur sentiment, les lois romaines qui en ont des dispositions précises;

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ils appellent à leurs secours l'intérêt publie, qui veut que les enfans soient soumis à la puissance de leur père, et qui n'admet point de demi-bátards; ils soutiennent que la famille n'a aucun intérêt d'empêcher cette sujetion du batard à l'autorité de son père; et qu'enfin, leur sentiment est fondé sur l'honnêteté publique.

» Ceux qui soutiennent la négative, disent, au contraire, que le bâtard ne devenant point, par cette Legitimation, l'héritier sien de sou père, ne tombe point non plus sous la puissance paternelle ; que les lettres du prince effacent, à la vérité, la tache de la naissance, mais qu'elles ne font point comme en droit romain, que le båtard entre dans la famille de son père; que cette Legitimation est de droit écrit; que les coutumes qui ont parlé de la puissance paternelle, n'ont point eu en vue ces sortes d'enfans ».

M. d'Aguesseau ajoute que cette question ayant été proposée dans une conférence à laquelle il assistait, les avis furent partagés; que cependant le plus grand nombre se détermina pour la négative.

VI. Le båtard légitimé par lettres, ne jouit pas du droit de patronage attaché à la famille: c'est ce qui a été jugé dans cette espèce.

Un seigneur, baron de Beauge, en vendant sa terre, s'était réservé à lui et aux siens le droit de patronage. Anne de Montcalquier, sa fille, avait épousé le comte de Soissons; et du fils de leur mariage était né un enfant qui, ayant été légitimé, était devenu baron de Beauge, et avait transmis cette terre à la dame de Luynes, sa fille. La cure de Fougère ayant vaqué, M. de Luynes, comme baron de Beaugé, à cause de sa femme, avait présenté un prêtre qui s'était adressé au grandvicaire de l'évêque; on lui avait répondu : « locus est plenus; le patronage dont il s'agit, » est attaché à la famille, et non à la baron>nie ». M. de Luynes avait fait une nouvelle présentation; et le présenté ayant obtenu des provisions du chapitre de Tours, avait formé complainte contre le pourvu par l'évêque. Les choses en cet état, sentence au présidial de la Flêche, qui adjuge la recréance au présenté. Le pourvu par l'évêque meurt après avoir abdiqué son bénéfice, avec faculté à l'évêque d'en disposer avec le consentement du véritable patron. L'évêque pourvoit sur la présentation du prince de Carignan, descendant légitime d'Anne de Montcalquier : le nouveau pourvu forme sa complainte; le présidial de la Flêche appointe en droit: appel. La cause portée à l'audience de la grand'.

chambre du parlement de Paris, on convenait que le patronage dont il était question, était attache à la famille; mais on ajoutait que la dame de Luynes descendait d'un légitimé, et que la Légitimation ne transmet point les droits du sang. Par arrêt du 17 février 1719, rendu sur les conclusions de M. Gilbert, cour évoquant le principal, a maintenu le pourvu par l'évêque en possession et jouissance du bénéfice litigieux, et sur la demande en restitution de fruits, a mis les parties hors de cour.

la

VII. La Légitimation par lettres ne révoque point la donation faite antérieurement à un étranger: c'est la disposition textuelle de l'ordonnance de 1731, art. 39.

VIII. Elle ne fait pas non plus cesser la condition si sine liberis, apposée à une substitution: c'est ce que décide l'ordonnance de 1747, tit. 1, art. 23: « Dans les substitutions »faites sous la condition que le grevé vienne » à décéder sans enfans, le cas prévu par » ladite condition, sera censé être arrivé, » lorsqu'au jour du décès du grevé, il n'y >> aura aucun enfant légitime et capable des » effets civils, sans qu'on puisse avoir égard à » l'existence des enfans naturels, même légi» times autrement que par mariage subse» quent ».

Cela avait déjà été ainsi jugé par un arrêt du parlement de Toulouse du mois d'août 1693, rapporté dans le recueil de Catellan.

Mais doit-on conclure de là qu'en tout ce qui concerne les substitutions, il soit dans le vœu de l'ordonnance de 1747, que les légitimés par lettres soient traités comme båtards? Et en partant de ce principe, peut-on refuser à un enfant naturel qui, en vertu de la Légitimation obtenue de la bienfaisance du prince, s'est fait déclarer ou reconnaitre héritier ab intestat de son père grevé de substitution, le droit de jouir provisoirement de tous les biens qui se sont trouvés dans les mains de celui-ci à son décès, tant qu'il n'a pas été procédé à la distraction de ceux qui étaient substitués dans sa personne?

Cette question a été agitée au parlement de Toulouse en 1770, par suite de l'arrêt de cette cour du 7 août 1767, rapporté ci-devant, no. 4, qui avait déclaré la dame Francez héritière ab intestat de Jacques de Manse, son père.

D'après cet arrêt, la dame Francez avait demandé, devant le sénéchal de Montpellier, à être réintégrée dans la possession et jouissance de tous les biens compris dans les actes de 1702, comme faisant partie de la succession de son père. En conséquence, elle forma op

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