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lement, tit. 11, art. 10: et si la donation est immense et excessive, les enfans HÉRITIERS du testateur la peuvent quereller, selon la disposition de droit

Lebrun prétend même que ces dispositions locales ont été étendues aux coutumes muet

tes, par un arrêt du 3 décembre 1642. « Cet » arrêt, dit-il, n'adjugea la Légitime à Marie » de Saint-Vaast, fille majeure, qu'après » qu'elle eut pris des lettres contre la renon»ciation par elle faite à la succession de son » père. Car elle avait renoncé pour obtenir » le douaire de sa mère, dans lequel elle » n'avait pas trouvé son avantage; l'arrêt, eu » entérinant les lettres contre la renoncia» tion, lui ordonne la délivrance de sa Légitime, et juge d'ailleurs que cette Légitime » se devait prendre sur des biens sur lesquels » les créanciers n'avaient point d'hypothèque, » et que l'acceptation que faisait cette fille légitimaire de la succession de ses père et » mère, sous bénéfice d'inventaire, lui don » nait lieu de profiter de sa Legitime, sans » qu'elle fût sujette à la poursuite des créan

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» ciers ».

Mais il y a beaucoup d'inexactitude dans cet exposé.

L'arrêt dont il s'agit, est inséré dans le Journal des audiences; et comme il contient les plaidoyers sur lesquels il a été rendu, il est aisé de connaitre les points de droit qu'il a décidés.

Marie de Saint-Vaast demandait sa Légitime à ses frères et à ses sœurs sur les sommes qui leur avaient été données par contrat de mariage. Ceux-ci lui opposaient trois moyens : 1o. sa renonciation; 2o. le droit qu'auraient eu les créanciers de se pourvoir sur la Légitime qui lui serait adjugée; ce qui en aurait rendu l'effet absolument inutile pour elle; 3o. l'affranchissement des donations en faveur de mariage, de toute contribution à la Légitime.

De ces trois moyens, le dernier est le scul sur lequel l'arrêt ait prononcé; et conséquemment l'unique point jugé dans cette cause, est que les dots et donations en faveur de mariage sont sujettes au retranchement de la Légitime. Le plaidoyer de M. l'avocat géneral Briquet le prouve clairement. Après avoir rendu compte des faits, ce magistrat dit « Ainsi, de ce fait résulte une seule » question de droit importante el fort né. » cessaire en ce temps, qui est de savoir si » les gendres ou les enfans qui ont eu des » donations en faveur de mariage, sont tenus » de fournir ou suppléer la Légitimé aux » autres cufans qui n'ont rien touche des

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Il ne faut d'ailleurs que réfléchir à la position des parties, pour se convaincre que l'arrêt n'a pu rien décider à l'égard des deux premières questions élevées par les adversaires de Marie de Saint-Vaast.

D'abord, la circonstance de sa renonciation était devenue tout-à-fait indifférente, parcequ'elle s'en était fait relever, et que, pour Briquet, « le moyen des lettres était tresnous servir des termes de M. l'avocat général » pertinent, puisqu'elle avait renoncé par » erreur, espérant que les choses contenues » dans sa donation, lui demeureraient ».

les sœurs du droit qu'auraient eu les créan Quant au moyen que tiraient les frères et ciers de la succession de se pourvoir sur la Légitime demandéc Marie de Saint-Vaast, par il suffisait à celle-ci de répondre qu'on ne peut point exciper du droit d'un tiers; que ce n'était point à ses frères et à ses sœurs à examiner ce qui se passerait entre elle et les créanciers; qu'ils devaient toujours lui fournir sa Légitime; et qu'après cela, si les créan ciers l'inquiétaient, elle prendrait à leur égard tel parti qu'elle trouverait bon.

Le dispositif de l'arrêt confirme tout ce que nous avançons en voici les termes : « La » cour......, ayant aucunement égard aux » lettres, ordonne que la demanderesse aura » délivrance de sa Légitime, à proportion, » à son égard, de ce qui se justifiera par les » défendeurs avoir chacun d'eux reçu des » successions de leurs père et mère, déduc » tion aussi faite de ce qui se justifiera avoir » été reçu par la demanderesse desdites suc» cessions, et sans dépens ».

C'est donc sans fondement que Lebrun · cite cet arrêt comme ayant jugé que l'acceptation que faisait la fille légitimaire de la succession de ses père et mère sous bénéfice d'inventaire, lui donnait lieu de profiter de sa Légitime, sans qu'elle fût sujette à la poursuite des créanciers; il n'y a pas un mot de tout cela dans l'arrêt.

Mais au moins les mots, ayant aucunement égard aux lettres, ne semblent-ils pas faire entendre que le parlement n'aurait pas admis la demande de Légitime, si la fille ne s'était pas fait relever préalablement de sa renonciation?

Cette conséquence paraît assez spécieuse, mais elle n'est rien moins que certaine. Si Marie de Saint-Vaast s'était bornée à une simple repudiation d'hérédité, elle aurait

soutenir qu'elle n'avait très bien bepu pas soin de lettres de restitution pour faire recevoir sa demande; mais elle avait été plus loin, elle avait accepté le douaire de sa mère: or, les qualités de douairière et de légitimaire sont incompatibles, puisque le douaife est une dette, et que la Légitime ne peut être prise qu'après toutes les dettes payées. Ainsi, de ce chef il lui fallait nécessairement des lettres; et c'est sans doute là-dessus que porte la clause de l'arrêt, ayant aucunement égard. Si toutes ces raisons ne suffisent pas pour détruire le préjugé que tire Lebrun de cette clause, en voici une qui est sans réplique. Le jour qu'a été rendu l'arrêt dont il s'agit, c'est-à-dire, le 3 décembre 1642, il en est intervenu un autre entre les enfans et les créanciers de Vaulte, notaire, plaidans maitres Deffita, Gorillon et Hébert, qui a jugé que la seule qualité d'enfant suffisait, et qu'il n'était point nécessaire de se dire héritier pour obtenir sa Légitime. C'est Lebrun luimême qui s'exprime ainsi : or, est-il probable que le parlement ait rendu le même jour deux arrêts aussi contraires l'un à l'autre que suppose cet auteur? On dira peut-être qu'ils sont émanés de différentes chambres; mais quand on admettrait cette hypothèse, la contrariété n'en serait pas moins invraisemblable, puisque les deux avocats qui plaidaient dans la cause de Marie de Saint-Vaast, savoir, Deflita et Gorillon, ont encore plaidé dans celle dont nous venons de parler.

que

le

III. Nous avons déjà insinué la répudiation de l'hérédité n'exclud pas du droit de demander la Légitime, et cela, dit Furgole, << doit avoir lieu quand même la repudiation » serait faite sans que le légitimaire cût ré» servé sa Légitime. C'est la jurisprudence » du parlement de Toulouse qui le juge ainsi » tous les jours sans aucune difficulté : j'en » ai remarqué un arrêt, entre plusieurs autres » que j'ai vu rendre, du 2 mai 1726, au rap» port de M. Deigna, en la grand'chambre, » en faveur de Jean Caubet, contre Jean » Rigaud, par lequel arrêt la Légitime fut » adjugée à Caubet sur le patrimoine de son » père, dont il avait répudié l'hérédité, quoi» qu'il ne l'eût point réservée en répudiant ». Pallu, sur les art. 252 et 309 de la coutume de Touraine, rapporte trois arrêts du parlement de Paris, qui ont jugé la même chose. Le premier, qu'il dit avoir vu en forme, est de l'année 1598. Il date le second du 3 décembre 1642; c'est probablement celui que Lebrun dit avoir été rendu entre les enfans et les créanciers de Vaulte. Le troisième est

du 26 août 1659 : Pallu le rapporte fort au long, et il merite à cet égard d'autant plus de foi, qu'il avait été lui-même partie au procès en qualité de créancier des sieurs Degat père et fils.

IV. Le fils qui jouit d'une partie des biens de son père à titre de Legitime, est-il censé par cela seul avoir fait acte d'héritier?

Cette question est déjà décidée par les principes que nous venons de développerPuisqu'il ne faut pas se rendre héritier pour apprehender une Legitime, il est clair que la jouissance d'une portion Legitimaire ne peut point être regardée comme une acceptation d'hérédité; car on n'est présumé faire acte d'héritier par la disposition ou l'appréhension des biens du défunt, que quand cette disposition ou appréhension ne pourrait pas avoir lieu sans la qualité d'héritier.

Mais un légitimaire qui se trouverait en possession de toute l'hérédité, ne pourrait pas disconvenir d'avoir fait acte d'héritier; son droit de Légitime ne pourrait lui servir ni d'excuse ni de prétexte, parcequ'au lieu de se borner à l'exercer, il aurait étendu son apprehension à d'autres objets. La loi 78, D. de acquirenda hereditate, décide que ritier présomptif qui jouit, au delà de sa portion, d'une chose commune entre lui et le défunt, fait acte d'héritier : Duo fratres fuerant, bona communia habuerant: corum

l'hé

alter intestato mortuus suum heredem non reliquerat. Frater qui supererat, nolebat ei heres esse. Consulebat nùm ob eam rem quòd communibus, cùm sciret eum mortuum esse, usus esset, hereditati se alligasset. Respondit, nisi eo consilio usus esset, quòd vellet se heredem esse, non astringi. Itaque cavere debet ne quả in re plus suá parte dominationem interponeret. Il en doit donc être de même du légitimaire, puisqu'il n'est que co-portionnaire dans les biens soumis à son droit de Légitime.

Nous pourrions placer ici la question de savoir si l'on peut être héritier dans une coutume, et legitimaire dans une autre; mais comme elle est liée à celle de savoir comment doit être fixée la Légitime d'une succession composée en partie de réserves coutumieres, il est à propos de la renvoyer à la sect. 8, §. 3.

S. II. En quoi conviennent ou diffèrent la Légitime et le douaire des enfans?

I. Le douaire des enfans n'est, comme on le sait, que le droit que leur accordent certaines coutumes de prendre en propriété, après la mort de leur père, la portion de ses

immeubles, dont leur mère a eu l'usufruit à titre de douairière.

On assimile communément ce droit à une espèce de Légitime, et en effet il y a entre l'un et l'autre plusieurs traits d'analogie.

1o. La Légitime et le douaire sont des quotes des biens du père.

2o. On ne peut prendre ni l'une ni l'autre sans renoncer à la succession paternelle.

3o. Ce ne sont point des libéralités du père, mais des dettes que la loi imprime sur ses biens, et dont il est chargé envers ses enfans dès le moment de leur naissance.

4o. Le légitimaire et le douairier sont également tenus au rapport. Nous verrons dans la sect. 8, §. 3, que celui qui demande sa Légitime, doit rapporter les donations qu'il a reçues du défunt, pour les imputer ou moins prendre; et l'on a vu au mot Douaire, sect. 4, S. 5, que la même obligation est imposée à l'enfant douairier.

II. Mais si le douaire convient avec la Lé gitime sur certains points, il en diffère aussi à bien des égards.

1o. La Légitime est une dette du droit naturel et du droit civil; le douaire n'est fondé que sur les coutumes, encore n'est-il pas admis dans tous les pays coutumiers.

2o. La légitime se prend également sur les biens du père et sur ceux de la mère; le douaire n'a lieu que sur les biens du père.

30. La légitime ne saisit point: le douaire saisit en plusieurs coutumes.

40. La Légitime ne peut être prise sur une succession qu'après toutes les dettes déduites; elle n'est préférée qu'aux donations et aux legs; le douaire, dans la plupart des coutumes, se prend sur les biens qu'avait le père au moment du mariage, et il est préféré à toutes les dettes postérieures à cette époque. 5o. La légitime ne peut être ôtée aux enfans sans cause valable; mais il dépend toujours d'un père de ne pas leur accorder de douaire : il ne faut pour cela qu'une clause de contrat de mariage.

III. La coutume de Normandie paraît rejeter toutes ces différences, et confondre absolament le douaire avec la Légitime. Elle dit, art. 399, que la propriété du tiers destiné pour le douaire de la femme, est acquise aux enfans; et elle ne donne point à ceux-ci d'autre Légitime que ce tiers.

que

Il ne faut pas cependant conclure de là le douaire et la Légitime soient deux choses parfaitement identiques en Normandie : il y a entre l'un et l'autre deux différences notables.

TOME XVII.

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Premièrement, le douaire ne se prend que sur les biens du père; et l'art. 404 porte que pareillement la propriété du tiers des biens » que la femme a lors du mariage, ou qui » lui écherront constant le mariage, ou lui » appartiendront à droit de conquêts, appar» tiendra à ses enfans, aux mêmes charges et >> conditions que le tiers du mari ».

En second lieu, il n'est pas toujours vrai que la femme doive avoir pour son douaire ce qui est laissé aux enfans pour leur tiers paternel, ni qu'elle ne puisse pas en avoir un plus grand; c'est ce que déclare nettement l'art. 400 « S'il y a enfans de divers lits » (porte-t-il), tous ensemble n'auront qu'un » tiers, demeurant à leur option de le pren» dre eu égard aux biens que leur père pos» sédait au temps des premières, secondes » ou autres noces, et sans que ledit tiers » diminue le douaire de la seconde ou troi» sième femme lesquelles auront plein » douaire sur le total du bien que le mari » avait lors des épousailles ». Si, aux termes de cet article, le tiers des enfans ne diminue point le douaire de la seconde ou troisième femme, il est évident que ce douaire peut être plus grand que le tiers.

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Quelques exemples rendront cette vérité plus sensible.

premier mariage, et il a eu des enfans de Un père possédait peu de biens lors de son ce lit; il était plus riche au temps de son second mariage, mais il n'en a point eu d'enfans. Dans cette espèce, le douaire de la seconde femme comprendra le tiers du total du bien que le mari avait lors des épousailles contractées avec elle; mais le tiers des enfans père était saisi au temps de son premier mané pourra être pris que sur les biens dont le riage, et par conséquent il sera moindre que

le douaire.

Voici au contraire un cas où il doit l'excéder. Un homme se marie en premières noces avec des biens considérables; mais il en dissipe une grande partie et contracte beaucoup de dettes sa femme lui donne des enfans, et meurt; il se remarie. Il est clair que ses enfans, en prenant leur tiers sur le patrimoine qu'il avait au moment de son premier mariage, auront plus que ne peut comprendre le douaire de la seconde femme, puisqu'elle ne peut le prendre que sur les biens qui restaient à son mari, lorsqu'elle l'a épousé.

Ainsi, quand la coutume décide que la propriété du tiers destiné pour le douaire, est acquise aux enfans, elle parle du cas qui arrive le plus souvent, c'est-à-dire, de celui où le père n'a été marié qu'une fois : alors, en

effet, le douaire et le tiers des enfans ne sont vraiment qu'une même chose; mais quand il a été marié plusieurs fois, il peut se trouver une difference notable entre l'un et l'autre droit.

C'est faute d'avoir bien saisi ces principes, qu'a été rendu au parlement de Paris, le 7 septembre 1672, un arrêt qui contrarie directement l'esprit et la lettre de la coutume .de Normandie.

Il s'agissait de savoir en quoi devait consister le douaire d'Anne de Chourses, seconde femme de Jean-Thomas de Verdun, lieutenant criminel du bailliage de Rouen. Jean- Thomas de Nestanville, fils du premier lit, avait renoncé à la succession de son père, et pris le tiers des biens possédés par celui-ci au temps du mariage qui lui avait donné le jour. Sa bellemère prit de la occasion de soutenir que ce même tiers devait lui être adjugé pour son douaire; et voici comment elle raisonnait.

L'art. 399 de la coutume de Normandie déclare que le tiers destiné pour le douaire de la femme, est acquis aux enfans; le douaire est donc toujours l'usufruit du tiers dont les enfans ont la propriété. La coutume ne distingue point si la femme et les enfans sont du même lit ou de mariages différens ; ainsi, les mots femme et enfans doivent s'entendre généralement de la femme et des enfans survivans; et c'est ce qui résulte de l'article suivant: S'il y a enfans de divers lits, tous ensemble n'auront qu'un tiers. Si la coutume avait pensé autrement, elle aurait employé le terme de mère au lieu de celui de femme, et elle aurait dit ses enfans, au lieu de parler d'enfans en général.

Ce raisonnement a été adopté par l'arrêt dont il s'agit; mais il parait bien faible quand on le rapproche des textes de la coutume. Ce n'est point par l'art. 399 que cette loi municipale a entendu fixer le douaire; elle n'a voulu déterminer, dans ce texte, que la quotité de la Légitime des enfans. Le douaire est réglé par l'art. 367; c'est là le véritable siége de cette matière. Or, suivant cet artiele, les femmes ne peuvent jamais avoir pour douaire que l'usufruit du tiers des choses immeubles dont le mari est saisi lors de leurs épousailles. Ce mot leurs prouve clairement que l'époque du mariage de chaque femme est comme un point immobile et inaltérable qu'il faut toujours considérer dans la liqui. dation du douaire. Peu importe à la femme que son mari ait des enfans d'un ou de plusieurs mariages, ou même qu'il n'en ait point du tout; son douaire demeure toujours fixé au tiers des biens que son mari possédait au

moment où il l'a épousée. C'est d'ailleurs ce qui est nettement décidé par l'art. 87 des placités de 1666: « La seconde femme ne » peut avoir douaire que sur les biens dont » elle a trouvé son mari saisi lors de leur » mariage, ou qui lui sont échus en ligne » directe ».

[[V. l'article Tiers coutumier, no. 2.]]

S. III. En quoi conviennent ou diffèrent la Légitime et les réserves coutumiè

res?

par

I. On entend réserves coutumières, les portions de biens que les coutumes declarent indisponibles, et qu'elles assurent par ce moyen aux héritiers.

On en distingue de deux sortes.

Les unes n'ont lieu qu'en faveur des descendans. Telles sont celles que l'on connait dans certaines coutumes d'égalité parfaite, et dans les pays où la dévolution est établie en faveur des enfans dont le père ou la mère a convolé à de secondes noces. (V. les articles Coutume, S. 6; et Dévolution coutumière, S. 2.

Les autres réserves sont celles que les coutumes ont introduites pour les collatéraux comme pour les enfans, et ce sont les plus ordinaires.

Les coutumes se sous-divisent encore làdessus en deux classes: les unes limitent les réserves aux dispositions de dernière volonte: les autres les étendent aux donations entrevifs.

Ces notions supposées, il est aisé de voir en quoi conviennent et en quoi different généralement les réserves et la Légitime.

II. Elles conviennent, en ce qu'il n'est pas plus au pouvoir de l'homme de déroger aux unes, que d'oter ou diminuer l'autre.

Mais elles different en plusieurs points. 1o. On ne peut pas demander les réserves sans se rendre héritier, et nous avons prouvé dans le §. 1 de cette section, que cette qualité est incompatible avec celle de légitimaire.

2o. « Les réserves (dit Lebrun) composent » ou augmentent la succession ab intestat: >> car si quelqu'un a disposé de ses propres » au-delà de ce qui lui est permis par la cou» tume, cela se trouve de plein droit dans la » succession ab intestat, à cause de la nullité » de la disposition qui ne subsiste qu'à pro» portion qu'elle n'est pas contre la prohibi» tion expresse de la loi municipale; au lieu » que la Légitime ne s'obtient que contre les » donations qui subsistent d'elles-mêmes, et » qui sont d'ailleurs conformes à la coutume. » C'est pourquoi l'on juge que les enfans do

» nataires qui se tiennent à leur don, ne font » point part dans les quatre quints, ou telle » autre partie des propres que la coutume » doit être reservée aux héritiers ab intestat; > au lieu qu'ils font part dans la Légitime, » et diminuent la part des légitimaires. Et en » cela, l'on considère ces quatre quints ou » cette autre portion, comme des biens qui » sont de plein droit dans la succession ab » intestat, et dans lesquels les renonçans » n'ont point de part et ne font point de » part ».

3o. La Légitime n'a été introduite que pour assurer des alimens à ceux à qui elle est due: les réserves doivent leur origine au zèle de nos coutumes pour la conservation des biens dans les familles.

4°. Le légitimaire est obligé, comme on le verra ci-après, sect. 8, S. 3, d'imputer sur la portion qu'il demande en cette qualité, tous les avantages dont le défunt l'a gratifié, parcequ'ils sont regardés comme des à comp. tes de son espèce de créance.

L'héritier, au contraire, n'impute rien en exerçant ses réserves, parceque l'affectation des biens indisponibles à sa ligne n'est ni dé. truite ni diminuée par les donations qui lui ont été faites sur les biens libres.

III. Quelque frappantes que soient ces différences, il y a des auteurs qui prétendent assimiler entièrement les réserves avec la Légitime; et, suivant eux, on doit toujours régler la quotité de celle-ci sur le taux auquel les coutumes fixent celles-là.

Pour apprécier ce système avec justesse, il faut le considérer et par rapport aux coutumes qui bornent les réserves aux dispositions testamentaires, et par rapport à celles qui y comprennent même les donations entre-vifs.

On convient assez que les premières coutu. mes, en établissant les réserves, n'ont point entend u régler la Légitime : en effet, la Légitime se prend sur les biens dont le défunt a disposé entre-vifs, comme sur ceux qu'il a donnés ou légués par son testament; or, il pourrait arriver, dans ces coutumes, qu'un homme épuisát toute sa fortune en libéralités entre-vifs, et ne laissat rien à sa mort: si done on regardait les réserves qu'elles établissent, comme une Légitime proprement dite, les premières devenant sans objet, faute de biens sur lesquels elles pussent agir, la seconde se trouverait pareillement réduite a rien, quoique, de sa nature, elle dût opérer sur les donations entre-vifs.

Aussi avons-nous plusieurs coutumes de la elasse dont nous parlons, qui distinguent ces

deux objets de la manière la plus précise. Celle de Paris, art. 192; d'Orléans, art. 295; de Senlis, art. 217; de Valois, art. 84; de Clermont en Beauvoisis, art. 130; de Nivernais, chap. 33, art. 1; de Chartres, art. 91; de Mantes, art. 155; d'Auxerre, art. 225; de Melun, art. 246; du Grand-Perche, art. 129, fixent les réserves testamentaires aux quatre quints des propres tant féodaux que roturiers, Péronne, art. 65, et Chauny art. 61 et 85, les déterminent aux deux tiers des propres tenus en roture, et aux quatre quints de ceux qui sont tenus en fiefs. Montargis, chap. 13, art. 2, ne permet la disposition des propres que jusques au quint en fief et au quart en censive. Bourbonnais, art. 291, et Auvergne, tit. 14, art. 12, interdisent tout acte de dernière volonté qui excéderait le quart des biens quelconques du testateur. Et cependant toutes ces coutumes, comme on peut le voir par les textes cités plus haut, sect. 1, no. 3, réservent expressément la Légitime de droit aux enfans.

La coutume d'Amiens, art. 57, adopte les mêmes réserves que la coutume de Paris; et l'on a vu ci-dessus, sect. 1, no. 4, que les arrêts y ont pareillement introduit la Légitime.

Voilà certainement des preuves bien claires qu'il n'est pas dans l'esprit général de notre droit coutumier, de confondre les réserves avec la Légitime, ni de prendre celle-là pour règle de celle-ci.

La coutume de Gand parait, à la première vue, contraire à ce principe. Voici ce qu'elle porte, rubr. 28, art. 2: « Personne ne peut, » par testament ou dernière volonté, dispo» ser ou donner plus que jusqu'au tiers de » tous les biens de lui donateur, et non pas. » davantage; et si la disposition excède, elle » est réduite jusqu'audit tiers; de sorte que >> chaque héritier doit avoir les deux tiers » de son contingent pour sa portion Légi» time ».

On ne peut rien, ce semble, de plus positif que ces termes : ils donnent aux collatéraux, comme aux descendans, les deux tiers de leur portion ab intestat pour leur Légitime; ils identifient donc les réserves établies en faveur des héritiers quelconques, avec la Légitime dont la demande ne peut être faite, de droit commun, que par un petit nombre de personnes privilégiées; et il semble par conséquent qu'il faut, dans cette coutume, écarter toute distinction entre ces deux objets.

Prenons garde cependant de nous laisser surprendre par la lettre de cette loi, et cher. chons à en pénétrer l'esprit. Combien n'y

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