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préciation peut aussi bien se faire après les saisies et criées qu'auparavant.

Ainsi, une certaine quantité de grains ou d'autres d'enrées qui ont une évaluation fixe, peut être compensée sans difficulté avec une somme claire et liquide. Brillon, dans son dictionnaire, rapporte un arrêt du parlement de Grenoble du 27 septembre 1653, qui a admis dans un pareil cas la Compensation d'une dette en deniers avec les grains appréciés suivant l'évaluation des gros fruits de la chambre des comptes. Il est hors de doute alors que cette évaluation générale peut tenir lieu d'une liquidation particulière, dans les occasions où de pareils objets se trouvent à compenser.

Ainsi, dans ce cas, la diversité qui se trouve entre nos deux dettes, dont l'une est en deniers, et l'autre en grains ou en autres espèces non estimées, ne saurait mettre aucun obstacle à la Compensation demandée.

Indépendamment de la raison d'équité naturelle, les jurisconsultes appuient cette décision sur la disposition de l'art. 166 de la coutume de Paris. Cet article porte qu'on ne pourra procéder par voie d'arrêt, saisie-exécution et emprisonnement, en vertu d'une obligation ou d'un jugement, si la chose pour raison de laquelle on fait ces sortes de poursuites, n'est certaine et liquide, en somme ou en espèce, porte expressément l'article de la coutume que nous citons; et dans ce cas, il est dit que, si l'espèce est sujette à appréciation, on pourra ajourner, afin de l'apprécier.

Il résulte clairement de cette disposition, que, puisque l'on peut exécuter pour une dette certaine et liquide en espèce, à la charge de l'appréciation, on peut, par la même raison, la donner en Compensation, en observant néanmoins d'ajourner, afin d'apprécier les grains dus ou autres espèces, s'il y a lieu à l'appréciation. [[Code civil, art. 1291. ]]

IV. Observez encore qne, quoique la Compensation ne se fasse que d'une dette claire et liquide avec une autre également liquide, si cependant la dette n'avait été liquidée qu'en jugeant, le juge faisant en cela fonction d'arbitre, cette liquidation aurait son effet, et ferait cesser les intérêts de la somme avec laquelle il s'agirait de compenser celle qui aurait été liquidée par le juge. Chorier, dans sa Jurispudence de Guypape, cite un arrêt du parlement de Grenoble du 19 juillet 1679, qui a jugé conformément à cette maxime.

V. Ce n'est pas assez que les dettes qui sont à compenser, soient, de part et d'autre, claires et liquides; il faut encore qu'elles soient échues, et que les deux créanciers puissent réciproquement les exiger au moment où la Compensation en est demandée. La raison en est simple: la Compensation opère deux paiements, et l'on ne peut être contraint de payer que les sommes dont le terme du paiement est échu.

[Si cependant le créancier à terme prouvait que le créancier dont la dette est échue, a éprouvé, de

puis la création de la dette à terme, un dérangement notable dans sa fortune, pourrait-il opposer la Compensation, en offrant de déduire les intérêts ou l'escompte de sa créance à terme ?

Un arrêt du parlement de Flandre, du 1er mai 1775, a jugé pour l'affimative, dans le cas d'une faillite. ]

[[ La cour d'appel de Bruxelles a depuis jugé de même dans l'espèce suivante :

Verplanken était débiteur de 5,111 francs pour prix de marchandises que lui avait vendues Vermeiren, négociant à Gand.

Celui-ci avait fait faillite et était disparu; les sieurs Wangorsel et Smallegange, qui étaient propriétaires de ces mêmes marchandises vendues par Vermeiren, leur commissionnaire, en ont réclamé le prix, et y ont été autorisés par la masse des créanciers de Vermeiren.

Verplanken a voulu compenser sa dette avec des effets de commerce dus par Vermeiren, dont il était porteur, et qui n'étaient pas échus le jour de la faillite.

Par arrêt du 6 février 1808, la cour d'appel de Bruxelles a admis cette Compensation, « at» tendu que la faillite ayant rendu exigibles toutes » les dettes du failli, dès ce moment les obliga» tions du failli, quoique non échues, avaient pu » faire la matière d'une Compensation avec ce qui » lui était dû ; » et elle n'a en conséquence, adjugé aux sieurs Wangorsel et Smallegange que 43 francs 65 centimes pour restant du prix de leurs marchandises, déduction faite du montant des obligations de Vermeiren.

Mais les sieurs Wangorsel et Smallegange se sont pourvus en cassation contre cet arrêt, et le 12 février 1811, au rapport de M. Audier Massillon,

« Vu l'art. 1291 du Code civil, la déclaration du 18 novembre 1702 et les art. 443 et 446du Code de commerce;

>> Attendu que les articles du Code civil ci-dessus rapportés, qui ne font que rappeler les dispositions des lois anciennes, exigent, pour opérer une Compensation de deux créances, qu'elles soient également liquides et exigibles; qu'il est reconnu au procès que Verplanken était débiteur de Vermeiren d'une somme échue, lorsque ce dernier a fait faillite, et qu'il ne présente, pour éteindre cette créance par la voie de la Compensation, que des effets de commerce de ce même Vermeiren dont il était devenu porteur par voie d'endossement, qui n'étaient pas échus le jour de l'ouverture de la faillite, et dont il n'aurait pas pu retirer le paiement par anticipation dans les dix jours qui l'ont précédée; que, si ces effets dont Verplanken était porteur, ne sont devenus exigibles que par la faillite de Vermeiren, ils ont été atteints par elle, et par conséquent soumis à en subir les événements à l'égard des autres créances de même nature, et d'autre part, cette faillite a, dans le même moment, saisi et arrêté la créance du failli sur Verplanken, et en la rendant le gage et la propriété de tous les créan

ciers, elle l'a soustraite à toute Compensation qui
n'aurait pas été faite antérieurement; attendu que
toutes les lois sur les faillites, tant nouvelles qu'an-
ciennes, ayant voulu qu'au moment de l'ouverture
de la faillite, les droits des créanciers demeurent
invariablement fixés et même que tous les paiements
faits pour dettes commerciales non échues dans les
dix jours qui l'ont précédée, soient rapportés, il
est impossible de supposer que la faillite puisse
donner à un créancier porteur d'effets de commerce
non échus, le droit de se faire payer en entier par
voie de Compensation d'une créance dont il aurait
du rapporter le montant, s'il l'avait reçu dans les
dix jours qui ont précédé la faillite; qu'un pareil
privilége accordé à un créancier au préjudice des
autres, ouvrirait une porte trop large aux abus,
et faciliterait les moyens d'éluder les règles que
lois ont établies pour conserver l'actif du failli et
maintenir l'égalité entre les créanciers; d'où il suit
que l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles, en ad-
mettant Verplanken à compenser ce qu'il devait à
Vermeiren pour prix des marchandises à lui ven-
dues, avec des effets de commerce non échus le
jour de la faillite, a violé les lois ci-devant rap-
portées ;

les

» La cour casse et annulle..... ». VI. Du principe qu'on ne peut compenser que les dettes exigibles, il résulte qu'une créance saisie ne peut être compensée avec une dette qui est libre. C'est ce qu'a jugé un arrêt du 9 décembre 1761, rendu en la grand'chambre du parlement de Paris. Par cet arrêt, rapporté par Dénisart, au mot Compensation, le parlement rejeta la Compensation opposée par le sieur Deméaux, officier porteur de charbon, à sa communauté, qui lui demandait une somme de 1047 livres 15 sous, pour le montant des droits qu'il avait perçus, tant pour elle que pour les hôpitaux, comme préposé à la distribution du charbon: la communauté, de son côté, devait à Demeaux plus de 3,000 livres; mais elle avait sur lui des saisies antérieures à la manutention qu'elle avait été forcée de lui confier, au moyen de ce que les officiers de cette communauté remplissaient cette fonction à tour de rôle. Ce fut donc sur le motif de ces saisies, que l'arrêt dont il s'agit, décida qu'il ne pouvait y avoir lieu, dans la circonstance, à la Compensation demandée par

Demeaux.

VII. Il est pareillement hors de doute qu'une dette non exigible, non-seulement par le défaut d'échéance, mais par sa nature même, telle, par exemple, que le principal d'un contrat de constitution de rente, ne saurait être compensée avec une obligation pure et simple, parce que, tandis que ce dernier titre produit un engagement actuel, l'autre n'en produit pas, le remboursement du principal d'une rente ne pouvant être exigé par le créan cier. Tel est l'avis de Dumoulin, de Mornac et de Chopin; et la chose a été jugée en conformité. par plusieurs arrêts, entre autres, par un du 19 août 1688, qui se trouve au Journal du Palais,

et qui a décidé que la Compensation ne devait avoir lieu que jusqu'à concurrence seulement des arrérages de la rente. Cette jurisprudence est conforme à la loi 11, D. de Compensationibus.

Il est de plus à remarquer, en fait de' rentes, que la Compensation n'est point reçue du principal d'une rente avec le principal d'une autre rente, attendu que l'un ni l'autre ne peuvent être exigés. Les arrérages seuls des deux rentes peuvent être compensés, bien entendu encore que ce soient des arrérages échus de part et d'autre; mais, à l'égard des principaux des rentes, la Compensation ne pourrait s'en faire que de l'aveu et du consentement réciproque des propriétaires de ces rentes; et alors mème ce serait moins une Compensation proprement dite, qu'un échange ou une permutation. [[« Le terme de grâce n'est point un obstacle à la Compensation. » Art. 1292 du Code civil. 1] VIII. Les dettes conditionnelles, et dont l'exigibilité dépend de l'événement d'une condition exprimée par le titre ou par l'acte obligatoire, ne sont pas susceptibles de Compensation avec une créance absolue, exigible actuellement et sans condition, parce qu'on sent bien que la dette conditionnelle ne peut produire aucun engagement que par l'événe-* ment de la condition, qui peut seule lui donner de la valeur.

IX. A l'égard des dettes prescrites, il résulte' des vrais principes sur la matière qu'elle ne sauraient entrer en Compensation avec une dette exigible.

Cependant Duperrier, dans ses Questions,décide que la dette prescrite peut se compenser avec celle qui ne l'est pas, et qui a même été conçue après que la prescription de l'autre dette a été consommée: mais cette opinion est absolument contraire aux saines maximes, suivant lesquelles la Compensation ne doit être admise qu'à l'égard de deux dettes réciproquement exigibles; et l'on ne peut certainement pas dire qu'une dette prescrite puisse, dans aucun cas, être exigée. Aussi les docteurs se réunissent-ils à penser que la Compensation ne saurait avoir lieu en pareil cas, et cela malgré la maxime sur laquelle Duperrier fonde l'opinion contraire, que quæ temporalia sunt ad agendum, sunt perpetua ad excipiendum. Il y a même un arrêt du parlement de Grenoble du 10 août 1651, rapporté par Basset, par lequel la Compensation d'une dette prescrite a été rejetée.

[[ Cette question est amplement discutée dans mon Recueil de Questions de Droit, article Papier-monnaie, § 4. Au surplus, V. l'article Dettes, $ 6, n° 2. ]]

X. En général, il faut, pour que la Compensation puisse être admise, que les dettes opposées soient de choses mobilières; car un meuble, par exemple, ne saurait se compenser avec un immeuble : c'est le sentiment le plus général des docteurs, et il est fondé sur la loi dernière, C. de Compensationibus. Il faut de plus qu'il s'agisse de part et d'autres de choses fongibles de même

nature; ainsi, dans l'étroite règle, du blé ou toute autre espèce de grains ne peut se compenser avec du vin, si ce n'est volontairement et du consentement des parties, quand l'estination s'en fait réciproquement. La raison en est que, la Compensation étant une espèce de paiement et en tenant véritablement lieu, on ne peut forcer son créancier d'accepter autre chose en paiement que ce qui lui est véritablement dû, à moins qu'il n'y consente. [[ Code civil, art. 1291.]]

XI. Ce n'est pas tout encore: il est des engage. ments, des obligations qui ne sont pas de nature à pouvoir jamais être compensés avec d'autres dettes, quoique claires et liquides, quoique échues et exigibles. Il y a enfin des dettes que les débiteurs sont tenus de payer à ceux qui leur doivent d'ailleurs, sans qu'ils puissent s'y refuser, sous prétexte de Compensation.

Ainsi, par exemple, vous ne pouvez pas compenser une somme dont je suis votre débiteur, avec une autre somme que je vous ai confiée en dépôt. Deux personnes même qui seraient dépositaires J'une à l'égard de l'autre, ne pourraient s'opposer mutuellement la Compensation de leurs dépôts respectifs, pour se dispenser de les rendre. La raison en est qu'un dépôt doit se remettre en nature tel qu'il a été confié, et aussitôt qu'il est demandé; suivant la disposition du droit, la détention qu'on en ferait, sous quelque prétexte que ce fût, serait punissable: la loi Si quis vel pecunias, C. depositi, y est formelle.

Aussi le sentiment de tous les jurisconsultes et la jurisprudence des cours s'accordent sur ce principe généralement reconnu, que la Compensation ne peut être opposée pour s'exempter de restituer un dépôt, soit volontaire, soit nécessaire, quelque chose d'ailleurs qui soit due au dépositaire. C'est à lui à agir pour se procurer son paiement; mais il ne peut être fondé dans aucun cas à retenir le dépôt. Il y en a plusieurs arrêts notables, entre autres trois du parlement de Dijon des 5 mars 1592, 10 mai 1610 et 12 juillet 1613, dont Brillon fait mention dans son Dictionnaire des arrêts, au mot Compensation. — [[ Le Code civil, art. 1293, confirme cette jurisprudence. ]]

[[Voici une espèce qui a été décidée par des motifs semblables à ceux qui avaient dicté ces arrêts. Le sieur Douez, huissier à la prévôté-lecomte de Valenciennes, devait au sieur Pierre Pluchart, marchand en la même ville, une somme de 104 florins. Un jour que ce dernier fut instruit qu'il avait en caisse une somme de 600 livres, provenant d'une vente par exécution qu'il venait de faire, il se rendit chez lui, accompagné du sieur M.... qui était porteur d'un billet à ordre de 300 livres, non échu. Le sieur M.... pria Douez de lui négocier ce billet, Douez s'y étant refusé, Pluchart insista, et lui donna sa parole que, s'il voulait tirer sur-le-champ de sa caisse la valeur du billet, elle lui serait remise dans les vingt-quatre heures. Douez regardant avec raison sa caisse comme un dépôt sacré, rejeta au

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premier abord cette proposition. Le sieur M.... revint le lendemain; Pluchart le suivit de près, et fit tant, par ses sollicitations et ses promesses vingt fois réitérées de remettre les cent écus à Douez dans les vingt-quatre heures, que celui-ci se laissa entraîner et lui compta la somme.

Pluchart avait l'air de n'intervenir dans cette négociation que pour obliger le sieur M....; mais il ne le faisait en effet que pour trouver un moyen indirect de se faire payer ce qui lui était dû par Douez. A peine les vingt-quatre heures qu'il avait prises pour terme du remboursement auquel il s'était obligé furent-elles écoulées, que Douez, justement inquiet du sort des deniers qu'il avait si imprudemment détachés de sa caisse, se transporta chez lui pour lui rappeler sa promesse, et le sommer de la remplir sur-le-champ. On devine aisément quelle fut sa surprise, lorsqu'il entendit Pluchart parler de Compensation, et lui offrir pour tout paiement une quittance.

Aussitôt Douez se pourvut au siége échevinal de Valenciennes ; et, après une instruction contradictoire, sentence y intervint, le 21 février 1780, qui, sans avoir égard à la Compensation dont excipait Pluchart, lui ordonna de remettre dans les vingt-quatre heures les cent écus dont il s'agissait, et le condamna aux dépens.

Appel au parlement de Flandre. Voici ce que je disais pour soutenir le bien jugé de la sentence.

a L'équité peut-elle souffrir qu'un créancier retienne, par forme de Compensation, les deniers qu'il s'est procurés par une promesse solennelle et vingt fois réitérée de les remettre dans les vingtquatre heures? Non c'est l'équité elle-même qui a introduit la Compensation; c'est donc par l'équité que l'usage doit en être réglé, et conséquemment elle doit cesser dans tous les cas où elle ne pourrait avoir lieu sans blesser la bonne foi. Or, telle est précisément l'espèce de cette cause. Douez n'est devenu créancier de Pluchart que par des sollicitations importunes de celui-ci, accompagnées d'un engagement exprès de lui rendre ses fonds dans les vingt-quatre heures: ainsi, permettre à Pluchart de compenser cette dette avec la créance qu'il dit avoir sur Douez, ce serait autoriser les voies frauduleuses, et encourager les citoyens à se tendre des piéges les uns aux autres.

Les lois civiles ne s'opposent pas moins que la simple équité à la prétention de Pluchart; quelque faveur qu'elles accordent à la Compensation, elles ne veulent cependant pas qu'elle puisse jamais être admise par le juge dans les contrats nés de la confiance, tels que le dépôt et le prêt à usage. In causa depositi, Compensationi locus non est, porte une des sentences du jurisconsulte. Paul, confirmée par la loi dernière, C. de Compensationibus. La loi 4, de commodato, n'est pas moins expresse: Pretextu debiti restitutio commodati non probabiliter recusatur.

» La convention faite entre Douez et Pluchart, n'est pas moins un ouvrage de confiance qu'un.

dépôt ou un prêt à usage; elle doit donc jouir de la même faveur. »

Sur ces raisons, arrêt du 12 mai 1780, en la première chambre, au rapport de M. le Boucq, qui met l'appellation au néant et condamne l'appelant en l'amende et aux dépens de la cause d'appel. XII. On ne serait pas fondé non plus à demander qu'il fût fait Compensation d'une dette liquide et exigible avec une pension alimentaire, ni avec les arrérages de cette pension, attendu que c'est un objet privilégié par sa destination, et qui ne saurait souffrir de retardement. C'est un principe invariable, sur lequel le sentiment des auteurs et la jurisprudence des tribunaux sont uniformes. Brillon, dans son dictionnaire, cite deux arrêts entièrement conformes à cette maxime: l'un du 15 décembre 1559, rendu en faveur du sieur Charton, principal du college de Beauvais, contre les boursiers, a jugé qu'à l'égard d'une bourse de collége qui est pour aliments, la Compensation n'est pas admissible; et l'autre du 6 juillet 1562, rendu au profit du nommé le Blanc, a décidé qu'une provision adjugée au débiteur pour aliments et médicaments, ne pouvait être sujette à venir en Compensation avec sa dette.

Il en serait de même d'une provision adjugée à une personne blessée contre celui qui l'aurait battue et excédée ; et la demande d'une semblable provision ne pourrait être éludée par la Compensation. Il faut convenir cependant que si deux personnes, dans une rixe, s'étaient mutuellement blessées et avaient obtenu de part et d'autre des provisions de divers juges, ces provisions pourraient dans ce cas être compensées; le parlement l'a plusieurs fois ordonné ainsi, et l'usage y est conforme. Mais il est défendu à un juge qui instruit un procès criminel, d'adjuger des provisions à l'une et à l'autre des parties, à peine de suspension de sa charge et des dommages et intérêts des parties. Telle est la disposition de l'art. 2 du tit. 12 de l'ordonnance criminelle de 1670. V. l'article Blessé.

Il faut encore observer, et c'est le sentiment de Mornac, que ce n'est qu'à l'égard des aliments pour le temps à venir, laissés par testament ou autrement, que la Compensation ne peut être opposée, parce qu'elle serait contraire aux intentions du testateur ou de celui qui les a donnés. Mais il en serait autrement à l'égard des aliments du temps passé ; ceux-ci n'ont point de privilége, parce que, comme l'observe cet auteur, celui à qui ils sont dûs ayant été nourri et ayant vécu d'ailleurs, ce qui peut lui être dû d'arrérages de sa pension alimentaire, n'a plus pour cause la nécessité de sa subsistance, et ne mérite plus de faveur.

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[[Le Code civil, art. 1293, n'excepte de la Compensation la dette qui a pour cause des aliments, que dans le cas où ces aliments sont insaisissables mais aussi, dans ce cas, il l'en excepte tant pour les arrérages échus que pour les arrérages à échoir; du moins il ne fait, à cet égard, aucune distinction. ]]

REPERTOIRE. Ve EDIT. TOм. 3.

XIII. Quoique en thèse générale, la Compensation puisse être proposée contre les condamnations fondées sur des conventions pénales, il est néanmoins établi par des lois expresses, qu'on ne peut compenser la peine pécuniaire stipulée dans un compromis, avec une somme due à l'appelant de la sentence arbitrale, par celui envers lequel il a été condamné à la peine du compromis. Ainsi, dans ce cas, l'appelant, quoique jugé créancier de l'intimé par la sentence même, doit commencer par payer la peine qu'il a encourue; et toute audience doit lui être déniée jusqu'à ce paiement effectif. V. l'article Arbitrage,

Il est aussi à remarquer que les dep pens et frais préjudiciaux, au paiement desquels on a été condamné, ne peuvent être compensés avec d'autres dettes, ni même avec d'autres dépens, suivant que l'a jugé un arrêt du 27 mai 1530, rapporté par Brillon. La raison en est que par leur nature, les dépens préjudiciaux sont exigibles et doivent être payés aussitôt qu'ils sont prononcés ; et que celui qui y est condamné, ne peut, sans y avoir préalablement satisfait, se pourvoir contre le jugement qui lui a infligé cette peine.

Pour ce qui est des crimes et des délits graves, la règle est qu'on ne compense ni les accusations ni les peines, parce qu'il est de l'intérêt public qu'ils ne demeurent pas impunis. Ainsi, quand il est dit dans la loi 39, soluto matrimonio, au Digeste, paria delicta mutua Compensatione tolluntur, ce n'est pas à dire pour cela qu'un crime semblable, commis par deux personnes, l'une à l'égard de l'autre, soit éteint par la Compensation qu'on voudrait en faire. Il faut faire attention qu'il ne s'agit dans ce texte que du crime d'adultère, pour lequel la femme étant poursuivie par le mari qui veut lui faire perdre sa dot et l'appliquer à son profit par cette accusation, peut lui opposer le même crime, pour rendre sa prétention sans effet (1). C'est alors le cas de la règle.

Mais il en est autrement à l'égard des injures verbales et des délits légers, qui ne blessent et n'intéressent en aucune manière l'ordre public: le droit romain décide expressément qu'ils se compensent, et nous en voyons tous les jours des exemples, lorsque sur les plaintes respectivement faites, le juge met les parties hors de cour et de procès, avec défenses à elles de s'offenser mutuellement à l'avenir, ni de médire l'une de l'autre ; mais sans prononcer d'ailleurs aucune amende, soit envers le roi, soit au profit des pauvres.

L'art. 675 de la coutume de Bretagne porte aussi qu'en cas d'injures verbales, si une injure est égale à l'autre, il y a compensation.

Il faut observer cependant que la Compensation d'injures ne se fait pas de plein droit, ni de l'autorité privée de celui qui prétend avoir souffert

(1) [[ Sur le vrai sens de cette loi, V. mon Recueil de Questions de Droit, au mot Adultère, § 8. ]

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l'injure; il serait contre le bon ordre qu'il lui fût permis d'user de voies de fait, ou de se faire justice à lui-même pour parvenir à la Compensation; mais elle se fait par l'autorité du juge et en connaissance de cause.

[[Aujourd'hui qu'on n'admet plus la distinction des lois romaines entre les délits publics et les délits privés, et que tout délit, de quelque nature qu'il soit, donne essentiellement lieu à une action publique (art. 4 du Code des délits et des peines, du 3 brumaire an4), les injures et les délits légers ne se compensent plus quant à l'amende ou à l'emprisonnement qui en est la peine. Ceux qui s'en sont rendus coupables les uns envers les autres, doivent être également punis, sauf au juge user, envers les agresseurs, de la plus grande sévérité que la loi lui permet. ]] Quant à la peine pécuniaire et au dédommagement dû à ceux qui ont souffert quelque préjudice à l'occasion du délit, les lois romaines veulent qu'on reçoive la Compensation. V. Réparation civile. La Compensation a pareillement lieu dans le cas de négligence ou de dol dont des associés dans un commerce se seraient rendus réciproquement coupables; de sorte que, s'ils ont été également négligents dans les affaires de la société, ils cessent d'être obligés les uns envers les autres. Il en serait de même, si l'un des associés devait compte à la société de quelque somme qu'il aurait reçue, et que l'autre eût occasionné par son fait quelque dommage à ses coassociés; le tout se compenserait entre eux s'il y avait égalité.

[[ Ce qui vient d'ètre dit de la peine pécuniaire, ne peut plus avoir lieu, d'après les observations faites ci-dessus, que pour les dommages-intérêts, et pour les amendes qui, dans des cas très-rares, sont prononcées en faveur des parties civiles. ]] XIV. De ce que la Compensation est assimilée à un véritable paiement, il s'ensuit que, comme on ne peut payer une chose pour une autre contre le gré du créancier, on ne peut, par une conséquence nécessaire, compenser que ce qui pourrait être donné en paiement. Si donc un héritier chargé en cette qualité de donner un certain héritage à un legataire, voulait l'obliger à compenser avec le fonds légué une somme de deniers que ce légataire pourrait lui devoir d'ailleurs, cette demande serait visiblement mal fondée et insoutenable de la part de l'héritier qui la formerait.

XV. Mais une dette qui aurait d'ailleurs toutes les qualités requises pour entrer en Compensation, peut-elle être compensée avec une donation faite par le débiteur à son créancier?

La question s'est élevée au parlement d'Aix, qui, par arrêt du 18 avril 1673, décida l'affirmative, et prononça qu'une donation faite au créancier par le débiteur, était censée faite en Compensation des sommes dues; décision bien moins fondée sur la rigueur de la loi, que sur un sentiment d'équité naturelle; car il serait dur qu'un débiteur eût à essuyer des poursuites de la part d'un créancier

qui méconnaîtrait ainsi ses libéralités. L'arrêt que nous citons, a été recueilli par Boniface, tome 4, liv. 8 de sa collection. [[ Mais V. l'article Légataire, § 7.]]

XVI. Une autre question a été de savoir si l'on pouvait exciper de la Compensation contre un billet négocié, pour refuser d'en payer le montant. Voici l'espèce :

Jean avait fait un billet au profit de Paul, payable à ce dernier ou à son ordre; Paul, de son côté, avait donné un billet à Jean, de même date et de pareille somme. Paul ayant négocié le billet que Jean lui avait fait, Pierre, qui en était le porteur, vint, à l'échéance, en demander le paiement à Jean: mais celui-ci, pour se dispenser de payer le billet, prétendit en compenser le montant avec le billet que Paul lui avait fait. Une pareille Compensation. préjudiciait évidemment au porteur du billet; aussi fut-elle rejetée par l'arrêt qui intervint sur cette contestation en la grand'chambre du parlement de Paris, le 3 septembre 1700. On le trouve au Journal des Audiences, et il en est fait mention par Bornier dans son Commentaire sur l'ordonnance du commerce du mois de mars 1673.

Un principe encore, en matière de Compensa tion, est qu'on n'en admet point de ce qui est adjugé par sentence dont est appel, avec ce qui est dù purement et simplement par obligation : la raison en est que, si la sentence était infirmée en cause d'appel, la Compensation aurait été faite d'une somme qui n'aurait pas été due, et le créancier serait réduit à une simple action, pour répéter ce qu'on aurait mal à propos compensé à son préjudice: ce qui serait injuste.

Il faut dire la même chose d'une somme adjugée par provision, quand même il n'y aurait point d'appel de la sentence, parce que cette provision est litigieuse, et qu'elle peut être détruite et révoquée, en jugeant le principal. C'est ce qui a été jugé par plusieurs arrêts, entre autres, par un de la grand'chambre du parlement de Paris, du 22 juin 1566, cité par Brodeau, dans son Commentaire sur la Coutume de Paris, art. 105.

Observez aussi que les sommes qui sont dues pour les épices dans une instance, ne peuvent se compenser avec une autre dette; c'est, du moins, ce qui a été jugé en la chambre de l'édit de Béziers, le 14 août 1626.

[[ S'il pouvait encore exister de pareilles créances, elles seraient sujettes à Compensation comme les autres; car l'art. 1295 du Code civil veut que la Compensation ait lieu, quelles que soient les causes de l'une ou de l'autre des dettes, excepté dans les trois cas qu'il détermine. ]]

XVII. Il y a enfin des dettes qui, par leur nature, par leur destination, ou par des circonstances relatives à la qualité soit du créancier, soit du débiteur, ne sont pas de nature à pouvoir être compensées. C'est ce que nous allons expliquer. en examinant entre quelles personnes la Compensation peut avoir lieu ou non.

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