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Le sujet principal est une Annonciation, représentée avec une extrême délicatesse, à l'intérieur d'un édifice d'architecture cla sique, que surmonte une petite coupole décorée d'imbrications. Dans le fronton triangulaire de l'édifice apparaît le Père éternel bénissant. L'extrémité inférieure du sceau, qui est oblong comme il convient pour un homme d'église, est occupée par les armes du prélat, surmontées de la mitre, entourées d'une couronne de laurier et supportées par deux petits anges. L'ensemble forme un type d'une rare élégance et d'une exécution parfaite, mais absolument nouveau en France, en 1478.

Comment ce type a-t-il pu faire son apparition sous les auspices d'un prélat, né à Saint-Aubin-du-Cormier, successivement évêque à Saint-Pol-de-Léon et à Dol, et qui, aussi bien par son origine que par la situation des sièges qu'il a occupés, paraît avoir eu toutes ses attaches dans une province rebelle aux innovations?

La biographie de Thomas James explique cette anomalie. D'après le Gallia christiana, son père Pierre était devenu, sans qu'on sache comment, gouverneur du château Saint-Ange. M. L. Delisle, dans la notice qu'il a consacrée au missel de Dol (Bibl. Éc. des Ch., t. XLIII. p. 311), nous a appris que Thomas lui-même avait été investi de ce titre, sans doute par une sorte de droit successoral. Il est certain qu'au moment de sa nomination à l'évêché de Léon, il se trouvait à Rome, car c'est dans cette ville, le 30 septembre, qu'il doune procuration à certains mandataires de prêter en son nom sermen de fidélité au duc de Bretagne, à l'occasion de sa promotion. I n'avait pas encore de sceau à ce moment, et pour y suppléer appos à côté de son signet personnel le sceau ovale sigillo oblongo- du cardinal d'Estouteville, archevêque de Rouen. La formule du ser ment à prêter au duc François II se termine aussi par cette clause:

En tesmoin des choses et chacune dessusd. nous avons signé ces présentes de nostre seing manuel, et en deffault de nostre grand scel, y avons mis nostre propre signet, duquel nous avons coustume de uzer, et d'abondant y avons, à nostre requeste fail apposer le scel de très reverend père en Dieu, Monseigneur l cardinal d'Estouteville archevêque de Rouen et chambellan de nostre saint Père le pape, pour la plus grande fermeté des choses dessusd. Donné à Rome le premier jour d'octobre l'an mil quatre cent septante huict. (Bibl. nat., mss. f 2707, fol. 271 v°.)

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Quand Thomas James fut transféré à l'évêché de Dol, le 28 mais

1482, il résidait également à Rome, et c'est du château Saint-Ange qu'est datée la procuration qu'il délivra pour sa nouvelle prestation de serment au duc François II.

C'est encore de Rome qu'il rendit aveu au duc suivant l'acte des archives de la Loire-Inférieure qui nous a conservé le sceau ici figuré, et qui se termine par cette clause:

Et en tesmoing de ce baille à mon dit souverain seigneur le duc ces presentes signées de ma main, scellées de mon seel avec les seaulx de très reverend et reverend pères en Dieu les arcevesque d'Arle et evesque de Castres, à ma priere et requeste. Ce fut fait à Romme le xvi jour d'octobre l'an mil quatre cens quatre vings et deux."

Au-dessous se trouve la souscription autographe du prélat libellée en ces termes :

Ainsi jure et prometz au duc mon souverain s'. Thomas, evesque de Dol. Escript de ma main propre."

Ce Breton était donc devenu un prélat romain, qui avait fait de Rome sa patrie d'adoption et qui avait été fasciné par l'incomparable mouvement artistique qui s'effectuait autour de la cour pontificale.

Ainsi s'explique le caractère purement italien du sceau dont il se servit quand il eut pris possession de son siège de Léon.

Ainsi encore s'explique le choix qu'il a fait du Florentin Attavante, quand, devenu évêque de Dol, il a commandé le superbe missel dont M. L. Delisle nous a récemment révélé l'histoire et qui a quitté la cathédrale de Dol pour prendre place dans le trésor de la métropole de Lyon.

Non seulement il avait été séduit par les charmes de la Renaissance italienne, mais il en avait développé le goût autour de lui : c'est dans le plus pur style de la Renaissance que ses deux neveux, Jean et François James, lui ont élevé en 1507, par la main du Florentin Jean Juste, le splendide mausolée, dont les débris, si mutilés qu'ils soient, sont le plus bel ornement de la cathédrale de Dol.

Pour ces causes diverses, Thomas James doit être considéré comme l'initiateur de la Renaissance en Bretagne.

La première apparition de l'art italien dans l'Ouest de la France paraît avoir eu lieu au Mans, avec le beau tombeau de Charles d'Anjou, comte du Maine, mort le 10 avril 1472, que M. de Mon

taiglon attribue à François Laurana, sculpteur en titre du ri

René.

En Bretagne, le duc François II, très ami des arts, avait conservé un incurable attachement aux formes tourmentées de la dé cadence gothique; tout ce qu'il a fait bâtir est d'un style flamboyant très provincial. Il avait cependant des relations avec l'Italie, car il avait attiré de Florence en 1475-1476 des ouvriers en draps dor et de soie qu'il établit à Vitré (Arch. Nant., Reg. chanc. 1195). Son tombeau, qui devait porter si haut le renom de Michel Co

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lumbe, n'a été exécuté que longtemps après sa mort, par les soin de la reine Anne sa fille, en 1504 et 1505, et solennellement inauguré en 1506. L'année suivante Jean Juste élevait dans la cathé drale de Dol le tombeau de Thomas James, mort en avril 1501. Mais depuis un quart de siècle, le prélat breton avait manifesté son admiration pour l'art italien, comme en témoigne le sceau colservé aux archives de Nantes.

Le sceau de l'archevêque d'Arles apposé au bas de l'aveu de

1482 à côté de celui de l'évêque de Dol est, comme ce dernier, de forme ovale et de travail italien. Il en est contemporain, puisqu'il a été exécuté pour Eustache de Levis nommé à l'archevêché d'Arles en 1476. Il était déjà connu par une empreinte conservée aux Archives nationales (J 347, n° 130) décrite en ces termes par M. Douet d'Arcq dans sa collection de sceaux (t. II, p. 456, n° 6289):

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Sous un portail du style de la Renaissance la Vierge debout avec l'enfant Jésus, ayant à sa droite un saint tenant une église, et à sa gauche un évêque nimbé tenant une croix. Sous le portail, dans un encadrement carré, un évêque debout, vu de face, à mi

1Le sceau de l'évêque de Castres, qui était le troisième de la pièce, est détruit. Il était de forme ronde.

jambes, ayant les mains jointes. De chaque côté un écu d'un che vronné brisé d'un lambel de trois pendants.

+S. EVSTACII ARCHIEPISCOPI ET PRINCIPIS ARELATENSIS.

Appendu à un acte daté de Rome 22 mai 1479. Nota. Par an cas très rare on a gravé au dos de ce sceau des arabesques. Ce détail intéressant a été moulé et fait partie de la collection."

Il serait intéressant de rapprocher de ces sceaux de prélats français les pièces analogues conservées en Italie. Mais les Italiens, si empressés à publier leurs belles médailles du xv et du xvr" siècle, n'ont guère encore porté leur curiosité sur les œuvres de sphragistique. exécutées cependant par les mêmes artistes. La Revue de numisma tique et de sphragistique italiennes n'a rien donné de la fin du xv siècle. Deux sceaux de 1503 (Francesco Soderini, t. VI, p. 995 et pl. XII) et de 1517 (Andrea dalle Valle, t. V, p. 25 et pl. \ sont d'un art plus avancé que celui de Thomas James. Toutefois Litta, dans son grand ouvrage sur les familles italiennes, a publié parmi les monuments de la famille Barbo de Venise, le sceau de Pierre Barbo, devenu plus tard le pape Paul II, quand il n'état encore qu'évêque de Vicence, en 1451. La disposition générale da sceau de Thomas James, un édifice classique à fronton triangulaire encadrant un sujet de piété, s'y trouve déjà, et les insignes héral diques sont pareillement disposés, comme une sorte de soubasse ment, à la partie inférieure. Ce type, nouveau pour la France en 1478, était donc déjà bien connu en Italie.

L'attachement de l'évêque de Léon à l'Italie étant aujourd'hui un fait acquis, on peut se demander si Michel Columbe, originaire de Saint-Pol-de-Léon, n'aurait pas effectué sa conversion à l'art italien sous son influence. L'exécution en 1505, en Bretagne, d'une œuvre aussi novatrice que le tombeau du duc François II par un sculpteur d'origine aussi gothique que le bonhomme Coulombe est dans l'histoire de l'art un fait extraordinaire qui attend encore une explication.

A. RAMÉ,

Membre du Comité.

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