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ouvrier du mestier de menuyserie et plusieurs aultres ouvriers avons esté ce dit jour par le commandement de Messieurs les conseillers de la ville de Rouen veoir la source de la Fontaine Saint-Fileul, savoir se icelle fontaine pourroit venir pour servir au Viel-Marché et en autres lieux dedens la ville de Rouen. Nous desus nommés avons nyvelé depuis la dicte fontaine jusques sur le plus hault du pavement du Viel-Marché devant l'église Saint-Sauveur de Rouen, et avons trouvé par le dit nyvelaige que le desus de l'eaue de la dicte fontaine, ainsi que la dicte eaue, est à présent plus haulte pié et demy que n'est le plus hault du pavement dudit Viel-Marché.

Item, depuis le desus de l'eaue de la dicte fontaine jusques sus le plus hault du pavement du Marché aulx veaulx devant le Sépulcre, le desus de l'eaue de la dicte fontaine est plus haulte vi piés et demy à toise que n'est le plus hault du pavement dudit Marchié aulx Veaulx. Toutes ces choses veues pour avoir la congnoissance de la source de ladicte fontaine, ilz nous semble que l'en devroit au desus de ladicte fontaine faire des trenchées et ensuyvre l'eaue pour savoir se le cours de ladicte eaue vient point de plus hault qu'elle ne chiet à présent dedens ladicte fontaine. Car se ladicte source venoit de plus hault se seroit toujours à l'avantage des fontaines. que l'en veult faire venir dedens. ladicte ville de Rouen, parquoy il seroit bon y faire un essay. Item, quant l'eau de ladicte fontaine ne monteroit non plus hault que elle fait à présent nous peult licitement faire une belle fontaine dedens ledit Marchié aux Veaulx. Item, se l'en veult faire une autre fontaine au plus hault lieu du Viel-Marché il seroit besoing

abesser ledit pavement car ladicte fontaine ne monte que pié et demy au dessus dudit pavement et y devaller à trois ou quatre marches, ou il seroit besoing la tirer près la croix du cimetière de Saint-Sauveur, car le pavement d'auprès ladicte croix est beaucoup plus bas que n'est l'autre pavement; parquoy il nous semble en faiant ces choses que l'en pourroit bien faire une fontaine, maiz elle ne seroit pas de telle haulteur que seroit celle dudit Marché aulx Veaulx. Nous desus nommez, à nos advis et consciences, avons nyvelé ladite fontaine le plus loyaument et le plus justement que nous avons pu, et avons trouvé les pentes de la dicte fontaine, ainsi que desus sont dictes, et si avons mesuré quante toises il luy a depuis la dicte fontaine Saint-Fileul jusquez aux halles du Viel-Marché. Nous avons trouvé d'espace entre la dicte fontaine et ladicte halle vic LXXIII. toises de longueur, et depuis le bout de ladicte halle vers Saint-Sauveur jusquez au lieu ou seroit assise ladicte fontaine dudit Marché aulx Veaulx il luy a d'espace LX toises ou environ. Et en tesmoing de ce nous desus nommés avons signé ce présent raport de nos saings manuel cy mis l'an et jour desus dit. Signé Roul. Le Roux. Jehan Dumoucel. Vallence.

(1).

Ce procès-verbal présente ceci de remarquable qu'il ne mentionne aucun monument sur le Marché-auxVeaux et qu'il indique clairement le motif qui fit préférer cette place à celle du Vieux-Marché pour l'érection d'une fontaine monumentale. Le motif fut tout simplement une différence de niveau entre ces deux

(1) Archives de l'Hôtel-de-Ville de Rouen.

places et la possibilité de faire monter l'eau plus haut sur la première que sur la seconde.

On s'en rapporta à l'avis des experts. Lorsque, une dizaine d'années après, on amena à Rouen les eaux de la fontaine Saint-Filleul, on fit la belle fontaine au Marché-aux-Veaux, et l'on se contenta d'une fontaine sans ornements au Vieux-Marché.

La ville profita de l'occasion, que lui fournissait l'érection de cette fontaine monumentale, pour rendre un hommage public à la mémoire de la Pucelle. La pieuse héroïne fut représentée debout à l'étage supérieur de cet élégant édicule.

Jusque-là, une simple croix de pierre avait marqué le lieu du supplice. Je suis porté à penser qu'elle n'occupa jamais l'emplacement même du bûcher, et qu'elle n'était autre que cette croix mentionnée dans le procès-verbal de Rouland Le Roux, de Dumoucel et de Valence que nous venons de faire connaître. Cette croix, sous laquelle ces experts proposaient de faire la fontaine du Vieux-Marché, devait se trouver, à en juger d'après l'emplacement assigné à cette fontaine sur le plan de Le Lieur, au-dessus du mur qui séparait le cimetière de Saint-Sauveur de la place du Vieux-Marché.

Il était donc exact de dire qu'elle était sur le lieu où l'inique sentence avait été exécutée et que la volonté des juges de la réhabilitation avait été respectée. Je ne crois pas qu'on puisse prétendre qu'ils en eussent exigé davantage et que leur désir fût que la croix marquât d'une manière précise l'emplacement du bûcher. Mais, lors même que ces juges, qui étaient des juges ecclésiastiques, l'eussent voulu, je ne crois pas que les gens du Roi l'eussent permis, et voici la raison qu'on peut alléguer.

Dans l'érection d'une croix, nous ne voyons aujourd'hui qu'un acte de piété; il n'en était pas de même autrefois. Pendant tout le moyen-âge et même pendant une grande partie du xvre siècle, en Normandie, la croix conférait au lieu sur lequel elle était élevée un caractère sacré; elle en faisait un lieu d'asile. Aussi les magistrats séculiers ne permettaient que difficilement l'érection de croix, si ce n'est dans des lieux auxquels ce symbole n'attribuait pas une immunité nouvelle. Le même motif leur faisait interdire de croiser les maisons, à moins qu'elles ne fussent de pure et franche aumône (1). La croix jouissant du droit d'asile, comprendrait-on qu'on en eût toléré une au lieu même où se faisaient les exécutions? L'idée de planter la croix expiatoire dans le cimetière de la paroisse Saint-Sauveur se présentait naturellement à l'esprit; un cimetière étant naturellement un lieu sacré, un lieu de franchise, on ne pouvait craindre de donner par là une extension nouvelle à un privilége que l'on n'était que trop porté à considérer comme abusif.

Cette croix dut disparaître, lorsqu'on fit la fontaine de Saint-Sauveur, puisque le plan de Le Lieur ne l'indique pas. Mais presque aussitôt après, on éleva au Marché-aux-Veaux la fontaine de la Pucelle.

Quant au nom du sculpteur auquel on devait ce monument, je dois convenir, non sans quelque regret, que jusqu'à ce jour, toutes les recherches que j'ai faites pour le découvrir ont été sans résultat.

(1) Voir mon Essai sur l'asile religieux et le Style de procédure du temps de l'Échiquier, publié par la Société des Antiquaires de Normandie.

APPENDICE.

I.

La statue de la place de la Pucelle est incontestablement l'œuvre de Paul-Ambroise Slodtz, sculpteur du roi, professeur de son académie de peinture et sculpture, dessinateur de son cabinet, qui l'exécuta d'après les dessins de Jean-Baptiste Descamps. M. Pottier le conclut un peu timidement du témoignage de Le Carpentier. S'il avait connu l'éloge de Paul et de MichelAnge Slodtz par M. Du Boullay, conservé dans les archives de l'Académie de Rouen, il n'aurait pas eu l'ombre d'un doute. Nous croyons intéressant de rapporter ici le passage de cet éloge qui est relatif à la statue de la Pucelle :

« Le monument que nos pères avoient élevé à l'héroïne qui raffermit le trône de la monarchie française, étoit négligé et tomboit en ruine. Les ouvrages des arts destinés à immortaliser la gloire des vertus patriotiques ne peuvent estre indifférents à des magistrats qui en donnent eux-mesmes des exemples publics. Le Parlement de Normandie rendit un arrest pour le rétablissement de la statue de la Pucelle d'Orléans, et les officiers municipaux choisirent M. Paul Ambroise Slodtz pour l'exécuter.

« Il remplit l'attente qu'on en avoit conçue. La figure, exposée au concours des connoisseurs dans la capitale du royaume, mérita leurs suffrages. Elle répond parfaitement à l'idée qu'on aime à se former de ces personnages extraordinaires que des qualités supérieures ont élevés au-dessus de l'humanité. Son attitude noble et guerrière conserve cependant la modestie et les grâces qui conviennent à son sexe. La teste surtout réunit ces deux caractères. Les traits de son visage expriment ce genre de beauté dont les anciens étoient si grands admirateurs, parce que leurs

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