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CONSTANTIN,

OU

LA PAIX DE L'ÉGLISE,

Scènes dramatiques,

Par M. P. PIMONT,

Membre résidant.

(Séance du 23 Novembre 1866.)

1er TABLEAU.

SCÈNE PREMIÈRE.

SABINE, seule.

Ainsi nous approchons de ces grandes journées
Qui vont de Rome en pleurs fixer les destinées. .
O ma patrie, ô toi, Reine de l'Univers,

Esclave des tyrans, qui gémis dans leurs fers,
Vois la fin de tes maux, dissipe tes alarmes,

Quand pour te rendre libre un héros prend les armes.
Alors qu'un tel espoir est si doux à nos cœurs,
Fauste paraît en proie à d'intimes douleurs...
Un succès éclatant saurait-il bien lui plaire,
Quand il doit renverser et son père et son frère ?
Craindrait-elle de voir triompher son époux,
Lorsque Maxence est près de tomber sous ses coups

?

Serait-ce le regret de la patrie absente?

Oh! non.. un autre mal l'agite et la tourmente,
Et ses esprits troublés et toujours inquiets
Trahissent l'embarras de ses pensers secrets.

SCÈNE DEUXIÈME.

FAUSTE, SABINE.

FAUSTE.

Quel malheur est le mien! tu ne saurais, Sabine,
Comprendre le chagrin qui toujours me domine;
Je cherche le repos et le repos me fuit...
Quand on sent fermenter dans le cœur et l'esprit,
Les regrets et l'amour, la haine et la vengeance,
Sabine, crois-tu donc qu'on aime l'existence?
Qu'on ne désire pas abréger son destin...?
Faible, je n'ose pas me frapper de ma main...
Dieux puissants, frappez donc...

SABINE.

Y songez-vous, Madame...

De grâce, rappelez le calme dans votre âme ;
Souvent le temps apporte un remède à nos maux,
Et les plus mauvais jours sont suivis des plus beaux.

FAUSTE.

Non pour moi... Dans mon cœur, dès sa première enfance,
Maurice acquit des droits à toute préférence;

Et j'avais espéré voir un jour nos destins
L'un à l'autre fixés par les plus doux liens.
Il en fut autrement... soit calcul, soit caprice,
Mon père, en exigeant de moi ce sacrifice,

Parvint à m'imposer un hymen odieux,

Un hymen que sans doute ont réprouvé nos Dieux.
Si Maurice n'est plus, je ne puis m'en défendre,
Je l'aime d'un amour qu'on ne saurait comprendre,
D'un amour sans espoir, d'un amour insensé,
Amour brûlant d'un feu qui n'a jamais cessé...

SABINE.

Modérez ces transports que rien ne justifie.
Je comprends que pour vous s'il eût donné sa vie,
Que s'il vous eût aimée avec la même ardeur
Dont vous vîtes pour lui s'enflammer votre cœur,
Il n'eût pas recherché la mort qu'en son délire
La secte des Chrétiens appelle le martyre;
Enfin que s'il vous eût sacrifié sa foi....

FAUSTE.

Il a voulu mourir ne pouvant être à moi...

SABINE.

Ah! ne le croyez pas.

FAUSTE.

Rends lui plus de justice

Aurait-il affronté les horreurs du supplice,

S'il avait pu penser, heureux de mes amours,
Que malgré mon hymen, moi je l'aimais toujours;
S'il vous abandonna, faites, Dieux que j'implore,
Pour qu'il revienne à vous, faites qu'il vive encore.

SABINE.

Cessez d'entretenir un vain attachement
A des illusions toutes sans fondement.

Maurice commandait la légion Thébaine,

Et vous avez appris d'une source certaine

Que tous jusqu'au dernier, les chefs et les soldats, Dans un commun massacre ont subi le trépas.

FAUSTE.

Plus d'espérance. Ainsi mon âme désolée
Toujours parmi les siens devra vivre isolée ;
Et je n'espère plus trouver à l'avenir

De calme à ma douleur que dans son souvenir.

SABINE.

Il faut que pour toujours son image effacée
Cesse d'inquiéter votre triste pensée,

Qui se doit toute entière à votre auguste époux,
Lui qui, si vous l'aimiez, serait fier d'être à vous.
A ses nobles vertus quand chacun rend hommage,
Quand révélant à tous sa bonté, son courage,
Parlent en sa faveur tant de faits généreux,
Soyez donc fière aussi de répondre à ses vœux.
Rien ne sait résister au pouvoir de ses armes...
Paraît-il? le malheur voit cesser ses alarmes.
Quand partout la victoire accompagne ses pas,
Il aspire à la paix et finit les combats.
Jusque sur le coupable il étend sa clémence,
Aime à verser les dons de sa magnificence,
Et recherche partout le mérite inconnu ;

Un seul jour sans bienfait lui semble un jour perdu
Du peuple il est l'appui, la force de l'armée;
Et quand il a porté si haut sa renommée
S'il n'était pas chrétien, ses destins glorieux
Auraient encor grandi par la faveur des Dieux.

FAUSTE.

Il est chrétien ! Chrétien, c'est ce qui m'exaspère. Mais quand tu m'entretiens des biens qu'il a su faire, Tu fais naître en mon cœur une aspiration

Au bonheur d'avoir part à son affection;

Et je crois ressentir en mon âme confuse

Le regret de mes torts que toujours il excuse.
Il redouble sans cesse et de soins et d'égards,
Et moi, je n'ose pas soutenir ses regards;
Autant que je le peux, j'évite sa présence.

SABINE.

Madame, croyez donc que votre indifférence
Pourrait bien à la fin lasser son noble cœur.

FAUSTE.

Je sais qu'en l'épousant, j'ai causé son malheur,
Je sais qu'il a souffert de l'humeur inégale
Qu'entretenait en moi ma passion fatale,
Et que j'ai contre lui commis bien des méfaits
Dont je n'ai ressenti ni honte ni regrets.
Où la fatalité conduit-elle une femme ?
Constantin, abusé par un mensonge infâme,
A fait périr son fils par moi-même accusé
D'un ignoble attentat que j'avais supposé;
Et je le contraignais à ce dur sacrifice
Quand mon ambition, par ce lâche artifice,
Tendait à ménager à mes propres enfants,
Crispus n'existant plus, des destins plus brillants.
Ah! je fus bien coupable!... Il m'avait condamnée...
Indigne de pardon, je me vis pardonnée.

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