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Ne doive pas user de toute sa puissance,
Pour réduire à néant la funeste influence
De ce culte proscrit, de ce culte odieux
Qui me fait redoubler de respect pour mes dieux ?

CONSTANTIN.

Dans vos égarements je ne puis que vous plaindre
De mon autorité vous n'avez rien à craindre....
Vous suivrez vos penchants et bien que votre époux
Sur ce point désormais n'attende rien de vous,
Tous deux du moins d'accord conservons l'espérance
De goûter les douceurs d'une heureuse alliance,
Et pour nous confirmer dans ces bons sentiments
Allons ensemble, Fauste, embrasser nos enfants.

Fin du 1er Tableau.

DANTE ET BÉATRIX,

PAR M. SIMONIN,

Membre résidant.

INTRODUCTION.

C'était en cette saison de l'année, dit Boccace, où la douceur du ciel orne de toutes ses grâces la terre qui sourit dans ses riches vêtements de vert feuillage et de fleurs variées, que Dante vit pour la première fois Béatrix, le 1er de mai, jour où, selon la coutume, Folco Portinari, homme en grande estime parmi ses concitoyens, avait rassemblé chez lui ses amis avec leurs enfants. Dante, alors âgé de neuf ans seulement, était du nombre de ces jeunes hôtes. De cette joyeuse troupe enfantine faisait partie la fille de Folco, dont le nom était Bice (1). Elle avait à peine atteint sa huitième année. C'était une charmante et gracieuse enfant, et de séduisantes manières. Ses beaux traits respiraient la douceur, et ses paroles annonçaient en elle des pensées audessus de ce que semblait comporter son âge. Si aimable était cette enfant, si modeste dans sa contenance, que plusieurs la regardaient comme un ange. Cette

(1) Diminutif de Béatrix.

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jeune fille donc, telle que je l'ai décrite, ou plutôt d'une beauté qui surpasse toute description, était présente à cette fête. Tout enfant qu'était Dante, cette image se grava soudain si avant dans son cœur, que, de ce jour jusqu'à la fin de sa vie, jamais elle ne s'en effaça. Etait-ce entre deux cœurs un lien mystérieux de sympathie, ou une spéciale influence du ciel, ou était-ce, comme quelquefois l'expérience nous le montre, qu'au milieu de l'harmonie de la musique et des réjouissances d'une fête, deux jeunes cœurs s'échauffent et se portent l'un vers l'autre? Il n'importe; mais Dante, en cet âge tendre, devint l'esclave dévoué de l'amour. Le progrès des années ne fit qu'accroître sa flamme et tant, que pour lui nul plaisir, nul confort, que d'être près de celle qu'il aimait, de contempler son beau visage, et de boire la joie dans ses yeux. Tout en ce monde est transitoire. A peine Béatrix. avait-elle accompli sa vingt-cinquième année, qu'elle mourut (1). Il plut au Tout-Puissant de la tirer de ce monde de douleur, et de l'appeler au séjour de gloire préparé pour ses vertus. A son départ, Dante ressentit une affliction si profonde, si poignante, il versa tant et de si amères larmes, que ses amis crurent qu'elles n'auraient d'autre terme que la mort seule et que rien ne pourrait le consoler (2).

(1) Le 9 juin 1290.

(Extrait de Boccace, traduit par Lamennais.)

(2) Boccace, Vita di Dante.

DANTE ET BÉATRIX,

DIALOGUE ENTRE CIEL ET TERRE (1290).

Par les degrés de l'échelle sainte tant j'ai descendu, sculement pour te fêter de mon dire et de la lumière qui me revêt... (Le Paradis, chant xxI.)

DANTE.

Qu'importe d'être né sous l'astre des Gémeaux (1),
Quand le coup qui m'atteint flétrit mes destinées?
Que devenir? Comment affronter les années,
Quand jeune je parviens au comble de mes maux?
Ma douleur me rend fou... que n'ai-je après Homère
Plutôt perdu l'aspect du ciel qui nous éclaire?
Mon passé seul sourit... dans le lointain je vois
Ce toit de tes aïeux, où conduit par mon père,

Je t'aimai, Béatrix, pour la première fois :
Oh! quelle fête alors ! Date toujours si chère!

(1) Ce fut Brunetto Latini, passé maître en astrologie, qui prédit la destinée du Dante, et sa prédiction dut promettre de grandes choses, car l'enfant était né au moment où le soleil brillait dans le signe des Gémeaux, ce qui était un augure des plus favorables.

C'est là, le premier mai, que la sève des fleurs

Comme un philtre charmant passé dans nos cœurs,
Que j'ai senti soudain cette flamme immortelle,
Qui me sauve du doute, et te rend la plus belle ;
C'est là, qu'enfants tous deux, pleins de ravissements,
Nous avons échangé nos fidèles serments;

Là, que ta beauté pure et ta grâce de femme
Sous leurs feux ont rivé la chaîne de mon âme;

Là, qu'enivrés d'espoir, causant de l'avenir,

Nous voulions vivre ensemble, ou tous les deux mourir.
Beaux rêves submergés au choc de la tempête,
Projets que l'homme fait, que Dieu brise à son gré,
Édifices bâtis sur un sol effondré,

La catastrophe aura suivi de près la fête :
Qu'êtes-vous devenus? quel ouragan plus fort,
Dans un jour plus néfaste, eût pu courber ma tête ?
Et pourtant je survis... dérision du sort!
Faut-il qu'à mon secours j'appelle en vain la mort ?
Elle est sourde à mes vœux... assise sur ta tombe.
Elle assiste à ce drame où ma raison succombe,
Me livre à la torture, au sombre désespoir,
Et m'ouvre ici l'enfer, m'empêchant de te voir.

O toi, qui possédais si bien mon âme entière,
Et l'inondais d'amour, de joie et de lumière;
Toi, qui parlais sans cesse à mon cœur,
à mes yeux,
Ange aimé, qui pour moi fus tout sur cette terre,
Doux charme évanoui, bonheur délicieux
Dont chaque écho cruel s'ajoute à ma misère;
Dépouillé de ces biens dont j'étais amoureux,
Loin de toi, je ne suis que l'ombre de moi-même.
Oh! réponds à ma voix, reviens me rendre heureux.

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