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Qu'aigle superbe il plane.... et monte sur le faîte,
Qu'intrépide il entende, à ses pieds, la tempête,
Et que son vaste front, que l'amour a béni,
Soutienne, comme Atlas, le monde et l'infini.
Il faut que, sans souci des clameurs du vulgaire,
Il aille sur le Pinde ardu planter son aire.

Il faut que l'absolu devienne entre ses mains
Le thème favori de sa lyre divine;

Qu'il soit l'arbre géant venu parmi des nains,
Et qu'on sente à ses fruits quelle est son origine.
Il faut qu'il soit pour tous visible au firmament,
Que son puissant génie à son siècle s'impose,
Et que sa plume d'or, traçant le monument,
Commande à l'avenir sa propre apothéose.

Dans cet enfer précoce, où seul, désespéré,
Je traîne avec dégoût un lambeau de ma vie,
Et maudis chaque jour ma terrestre patrie,
Mes sens sont pervertis, et mon œil égaré
Ne rencontre plus rien digne d'être adoré.
C'est que ton souvenir est un saint héritage
Qui sans cesse fait, tort à la réalité ;
C'est que l'oubli pour toi deviendrait un outrage,
Que la Toscane garde un culte à ton image,
Que la mort n'ôte rien à ta divinité;

C'est qu'aussi je m'abreuve à cette source unique
Où ta grâce puisait chacun de ses attraits;
L'immortelle est la fleur où revivent tes traits,
La rose ne croît plus sur le sol italique.
Le temps ne sert ici qu'à grandir mes regrets;
Je sens que j'ai perdu l'effluve sympathique
Qui provoquait mon âme à rechercher le beau,

Et je me crois entré dans un monde nouveau
Où mon bonheur a pris la forme d'un fantôme,
Qui devant moi se joue, insaisissable atome.

Au pied de nos autels, je n'implore que toi;
Florence me réclame, et ma gloire m'irrite;
Désormais le seul soin qui me touche et m'invite
Est de porter à Dieu l'offrande de ma foi,
Sur la cendre où je prie... et la croix qui t'abrite.
Mon destin veut du moins, qu'à ce point malheureux,
Je puisse de mes pleurs recevoir le baptême,
Et, rapproché de toi, me rapprocher des cieux.
L'astre qu'en vain je cherche est resté ce que j'aime ;
Je n'entends m'éclairer d'aucun autre flambeau,
Je n'ai plus ni désirs, ni souci de moi-même,
Je n'ai plús d'autre appui que ma douleur extrême,
Je n'ai plus d'autre amour que l'amour d'un tombeau.

Solitude du cœur dans l'horrible tourmente!
Effroyable misère ! extatique épouvante!
Solitude partout... la nuit... toujours la nuit,
Qui me plonge vivant au milieu des ténèbres,
D'un flot lourd de tristesse envahit mon esprit,
Et le jette en pâture aux visions funèbres.

Insensé! quand sonna l'heure de ton trépas,
Ah! du moins j'espérais, dans un élan sublime,
Que ce vieux monde ému, s'enfuyant sous mes pas,
Allait en cet instant s'écrouler dans l'abîme;
J'espérais qu'en faveur d'une noble victime,
Notre planète allait, sous un manteau de deuil,
Nous unir tous les deux dans son propre cercueil.

Je mettais l'univers au niveau de mon âme,
Dont toi, l'éclair suprême, agrandissais la flamme,
Et je voyais déjà, plein d'un sinistre espoir,
Les saisons en désordre interrompre leur course,
Les fleuves consternés remonter vers leur source,
Et dans l'immense éther, voilé d'un crêpe noir,
Tous les astres éteints, incertains dans leur route,
Se détacher sanglants de la céleste voûte.
Dernière illusion! Moi seul, j'étais changé;
Hors mon cœur abattu, rien n'était dérangé.

Le trépas d'une fleur, fût-elle la plus belle,
Ne saurait empêcher la sève universelle;
Tout vit, meurt et renaît dans un cercle sans fin.
L'homme n'échappe point aux décrets du destin;
Dans l'espace et le temps, il n'est qu'un météore
Qui se couche bientôt dans l'éternelle nuit,
En laissant par hasard un rayon après lui.
Sa chute, hélas! ne rend que sa fosse sonore ;
A peine n'est-il plus que l'oubli le dévore :
C'est la feuille qui tombe en jonchant le chemin,
Et dont le bruit n'a pas d'écho le lendemain ;
C'est la vague qui vient expirer au rivage;
La brise qui s'exhale et s'éteint dans les airs;
L'étoile qui pâlit au front de l'univers;
La simple goutte d'eau qui, crevant le nuage,
Retourne s'engloutir au sein des vastes mers;
Et l'élu que Dieu fit seul à sa ressemblance,
L'homme, ce roi puissant par son intelligence,
Qui ravit ses secrets au profond firmament,
Et fait de la nature un docile instrument,

Doit lui rendre, au départ de sa triste existence,
Le limon dont son maître a pétri sa naissance.
En vain l'âme exaltée, en proie à sa douleur,
Mesure son attente au poids de son malheur;
En vain elle offre au ciel sa farouche prière,
Heureuse de périr avec la terre entière,
La nature insensible, immuable en ses lois,
Sans s'arrêter jamais, marche comme autrefois.

EXTRAITS

D'UN

MANUSCRIT DE DOM GOURDIN,

Contenant le recueil des Dissertations lues par lui à l'Académie de Rouen,

PAR M. CH. DE ROBILLARD DE BEAUREPAIRE.

(Séance du 5 Auril 1867.)

Je dois à l'aimable intervention de notre excellent confrère M. Auguste Lévy, qui l'a signalé à mon attention, et à l'extrême obligeance de M. Picard auquel il appartient, la communication d'un manuscrit de Dom Gourdin, qui m'a paru précieux à consulter pour l'histoire de notre ancienne Académie.

Je parlerai de ce manuscrit moins en littérateur soucieux de la forme qu'en archiviste ou en bibliographe, et, autant qu'il me sera possible, je me bornerai à reproduire les documents qu'il contient. J'accomplirai de la sorte, pour ma faible part, le vœu de M. Gosseaume, dont les efforts ont tendu pendant si longtemps à compléter les archives de l'Académie. Le volume en question, de format in-4o, contient 18 dissertations écrites de la main de Gourdin, relatives à des sujets très divers, qui témoignent par cette diversité même et par le soin

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