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RAPPORT

SUR UNE BROCHURE DE M. J. LIEBLEIN

AYANT POUR TITRE:

RECHERCHES SUR LA CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE

D'APRÈS LES LISTES GÉNÉALOGIQUES,

PAR M. E. DE SAULCY,

MEMBRE TITULAIRE.

Messieurs,

Dans une de vos séances de l'année 1874, vous m'avez confié le soin de vous présenter un rapport sur une brochure de M. J. Lieblein, ayant pour titre: Recherches sur la chronologie égyptienne d'après les listes généalogiques.

Le titre de l'ouvrage implique tout d'abord l'ordre d'idées qui a présidé à l'agencement des dynasties dans l'œuvre du savant norwégien.

Il a cherché, en effet, dans des séries de familles extraites de stèles et de monuments funèbres, des périodes dont les limites fixées par le nombre même des générations, lui ont en quelque sorte découpé dans le temps des espaces définis avec une précision à peu près irréprochable, puisqu'il est de règle constante que trois générations correspondent sensiblement à un siècle.

Il a profité de la connaissance acquise maintenant

que, pour les familles puissantes des temps pharaoniques, le sacerdoce, de même que les grandes fonctions de l'État étaient héréditaires pour ceux de leurs membres qui en étaient investis.

Cette notion, rapprochée de la coutume généralement répandue parmi les hauts fonctionnaires, de donner à leurs enfants des noms composés ou dérivés de celui du souverain sous lequel ils étaient nės, lui a permis de rapprocher certains fragments généalogiques, groupés avec art, de quelques portions de dynasties bien reconnues et généralement admises.

Tirant enfin parti de la similitude des noms des souverains et de ceux des membres de leur famille, avec les noms mêmes des personnages désignés sur des stèles et autres monuments funéraires, il a fait ressortir de ces comparaisons très-étudiées un faisceau d'arguments, pour le moins spécieux, qui lui ont fourni un moyen de resserrer les temps et un prétexte d'apparence plausible pour rapprocher considérablement des séries royales qui de prime-abord semblent éloignées les unes des autres par de nombreuses années, voire même par des siècles.

Sans doute la méthode serait inattaquable si l'auteur avait pu réunir des séries généalogiques se coordonnant les unes par rapport aux autres, sans écarts trop sensibles, et s'ajustant par des synchronismes évidents à des règnes de souverains répartis plus ou moins régulièrement sur les listes royales, depuis les temps des plus anciennes dynasties jusqu'à l'époque de Cambyse, où l'histoire a commencé à fixer irrévocablement les dates des événements remarquables, en les reliant à des phénomènes célestes.

En est-il ainsi? Qui oserait l'affirmer?

Je n'ai pas mission de juger l'œuvre de M. Lieblein; mon rôle est plus modeste et doit se borner à vous exposer simplement et aussi clairement qu'il me sera possible l'ensemble de son travail, l'ordre des idées qui l'ont dirigé et les conclusions auxquelles il est arrivé.

Mon devoir accompli, vous apprécierez vousmêmes.

Toutefois, avant d'entrer en matière, permettezmoi de vous soumettre quelques réflexions dont vous admettrez, j'espère, l'opportunité, car elles ne doivent tendre qu'à vous prémunir contre toute espèce de parti pris et au besoin à vous mettre en garde contre votre rapporteur si par cas, et malgré tout son désir, il avait pu cesser un instant d'être impartial.

Refaire la chronologie des Pharaons, c'est-à-dire restituer l'histoire de l'antique royauté égyptienne et fixer la série de ses dynasties légitimes et consécutives n'est point une petite besogne qui se puisse entreprendre légèrement. C'est un rude travail, au contraire, qui exige énormément de lectures, d'études et de méditations.

Beaucoup se sont efforcés de résoudre ce problème qui ne sera peut-être jamais élucidé d'une manière satisfaisante, tant les difficultés sont grandes et se dressent à chaque instant quand on essaye d'éliminer l'inconnu qu'on rencontre partout. Il n'est pas téméraire d'affirmer que tous ceux qui ont tenté l'aventure ont consacré à ce labeur ardu, mais attrayant, plusieurs années d'études persévérantes, sans arriver à mieux qu'à donner des conjectures plus ou moins plausibles, mais venant toujours et invariablement s'arrêter devant quelque mystérieux point d'interrogation.

Tous ces laborieux chercheurs ont établi leurs calculs d'après les chiffres de Manéthon qui, sous le règne de Ptolémée Philadelphe, et par ses ordres, écrivit l'histoire d'Égypte d'après les archives officielles conservées dans les temples du royaume.

Le malheur est que son livre n'est pas venu jusqu'à nous dans son intégrité; nous n'en avons que des fragments plus ou moins exacts, plus ou moins écourtés. Ses listes, qu'il partageait en dynasties ou familles royales, nous ont été transmises par quelques chronologistes, mais Dieu sait en quel état!

Il n'existe plus de texte authentique, et rien ne prouve que chacun des auteurs qui a prétendu nous les transmettre, ne les ait point quelque peu altérées pour son usage particulier, en vue de les adapter à un système de chronologie arrêté d'avance et tout personnel.

Et puis enfin, sans incriminer la probité de personne, ne convient-il pas de compter avec les fautes de copistes? De combien d'erreurs historiques et de fausses appréciations n'ont-elles pas été la source pernicieuse, la cause inévitable?

Quand on considère le total énorme auquel on arrive forcément par l'addition de toutes les années de règnes inscrites dans ces dynasties nombreuses, il est bien naturel de se demander si les listes du prêtre de Sebennys ne comportent réellement que des dynasties successives ou s'il ne s'en trouve point au contraire quelques-unes de parallèles.

Certes le doute est bien permis, et personne ne saurait affirmer qu'il ne doive pas en être ainsi. Les extraits de Manéthon lui-même semblent nous en fournir, en quelque sorte, la preuve pour ce qui concerne la période de la domination des Hyksos.

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