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l'Occident. Quelques jours après, Amrou, le plus brave de ses lieutenants, s'écriait « En avant, soldats, Dieu et le khalyfe » l'ordonnent ' ! »

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La possession de l'Égypte devait entraîner tôt ou tard celle de l'Afrique septentrionale. En effet, les déserts de Lybie ne purent arrêter l'ardeur du prosélytisme arabe; de fougueux disciples du Prophète: Amrou, Abdallah-Ben-Saad, Abdallah-Ben-Nafi, OkbahBen-Nase, dirigèrent des expéditions contre les peuples resserrés entre la chaîne de l'Atlas et la Méditerranée 2. Mais les flottes de Bysance, l'alliance des Grecs et des Berbères, les guerres civiles des Alides contre les Omniades frappèrent leurs efforts d'impuissance.

Il était réservé à Hassan, gouverneur de l'Égypte, et à MuzaBen-Nozaire, le futur conquérant de l'Espagne, de faire du nord de l'Afrique une annexe du khalyfat de Damas; Hassan (693-694) réduisit toutes les villes maritimes, à l'exception d'Hippone et d'Hippo-Zaritos qui succombèrent plus tard. En vain le patrice Jean, général habile et expérimenté, accourut de Constantinople; il ne put rien sauver. Carthage, l'antique rivale de Rome, la colonie de Didon, fut prise d'assaut, ruinée de fond en comble, et cette terre si féconde en martyrs de la foi, où avaient brillé les Cyprien, les Augustin, les Arnobe, les Lactance, se changea en une terre de désolation 3.

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Restaient les Berbères. Malgré la conformité de mœurs qui régnait entre les deux peuples, il ne fallut pas aux Arabes moins de cinq expéditions pour soumettre ces fiers descendants des Numides. Muza-Ben-Nozaire leur fit une guerre d'extermination. Ses deux

* Al Wekidi, dans Ockley, t. 1; Murtadi, Merveilles de l'Egypte, pp. 243-259; Theophan. in chronog., pp. 280-281; Nicéph., Breviar. Constantinop., pp. 17-18; Conde, t. I., 49. p. 2 Novari dans Otter, Mém. de l'Acad. des Inscrip., t. XXI, p. 111; Notices et extraits de Silv. de Sacy, t. 1, p. 124. sq.; Conde, ibid., p. 50. Nicéph., ibid., p. 21; Mss. d'Ahmed-el-Mokri; Solin., liv. xxvII.

3 Theoph. in chronop,.g. 246;

fils Morwan et Abdelazis marchaient devant lui comme des messagers de mort. Ils envoyèrent chacun au khalyfe cent mille têtes, gage sanglant de leur victoire; Muza lui-même fit, dit-on, trois cent mille prisonniers, dont soixante mille vendus au profit du trésor '. Le reste des Berbères, prévoyant le sort qui les attendait, jurèrent obéissance au Prophète. Le sang des étrangers et celui des naturels du pays finirent par se mêler, et il sembla alors que la même nation se fût répandue de l'Euphrate à l'Atlantique.

II.

CONQUÊTE DE L'ESPAGNE PAR LES ARABES.

711-713

On raconte que Okbah-Ben-Nase, ayant atteint les dernières limites du pays de Suze (Maroc), et se voyant arrêté par les vagues de l'Océan, fit entrer son cheval dans l'eau jusqu'au poitrail et s'écria « Allah! si la profondeur de cette mer n'y mettait obstacle, j'irais porter plus loin encore la gloire de ton nom 2! »> Muza, comme ce nouvel Alexandre, soupirait ardemment après des régions inconnues; mais les mêmes barrières s'opposaient à son ardeur. Au couchant, l'immensité des flots, au midi une autre immensité, celle du désert. Où donc pousser ces armées chaque jour accrues par le prosélytisme? Où conduire ces masses fanatiques, ces légions enthousiastes?

Des environs de Ceuta, en tournant leurs regards vers le nord, elles aperçurent, par delà le détroit de Gibraltar, les extrémités méridionales d'une riche péninsule dont on racontait des merveilles, supérieure ou du moins égale à la Syrie pour la douceur

El-Homaide, apud Conde, Ahmed-el-Mokri apud Otter, ibid.—2 Otter, ibid.; Conde, t. I, p. 50.

de son climat, à l'Yémen pour la fertilité du sol, à l'Inde pour ses fleurs et ses parfums, au Cattay pour ses mines précieuses, au pays d'Aden pour ses ports et ses beaux rivages'.

Tout pressait l'ambitieux Sarrazin d'y faire une descente, et l'importance de la conquête et la faiblesse des Goths, en proie à tous les déchirements de la guerre civile et amollis par une longue paix. Elle n'était plus, cette Espagne généreuse et forte, qui avait si noblement combattu pour sa liberté contre les tyrans du monde; elle n'était plus, cette Espagne dont les habitants savaient s'ensevelir sous les remparts détruits de leurs cités, et livrer aux flammes Numance, pour empêcher Numance d'être esclave; l'Espagne telle que l'avaient faite les Romains, les Vandales, les Visigoths, était une Espagne dégénérée, hors d'état de repousser l'agression des Arabes.

Malgré de si puissants motifs, Muza, en qui « la sagesse tempérait l'amour de la gloire, » hésitait encore à l'envahir, lorsque le comte Julien, gouverneur de Ceuta, vint lui offrir son épée et solliciter le triste honneur de lui servir de guide. Honte à ce seigneur félon, qui, pour venger une injure personnelle ou échapper au ressentiment d'un nouveau maître, trahit son Dieu et sa patrie! Honte à ces fils de Witiza, qui, pour ressaisir un trône, livrèrent l'Europe civilisée par l'Évangile à la barbarie du Koran 3!

On sait le reste le 26 juillet 711, deux armées se rencontraient aux environs de Cadix, et près de Xérès. Ici les Arabes et les Berbères, montés sur leurs rapides coursiers, la tête ceinte d'un turban, l'arc à la main, le cimeterre derrière le dos et la lance au côté; là, les Visigoths, protégés par la cuirasse et le bouclier, prêts à repousser l'attaque avec leurs piques et leurs

Conde, ibid., p. 66.

2 Conde, ibid., p. 58; Gibbon, Hist. de la décad. de l'Emp. rom., t. 1, ch. 51.3 Conde, ibid., p. 64-66; Cardonne, t. 1; Marianna, liv. vi, Roderic Tolet., lib. III.

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épées à deux tranchants. Le combat dura trois jours avec un acharnement qui témoigne de la grandeur du prix attaché à la victoire; d'héroïques efforts ne purent la faire pencher du côté des Goths. Leur défaite fut complète, grâce à la défection des traîtres, du comte Julien, des fils de Witiza, et peut-être aussi, à la conduite peu guerrière de Roderic. « Alaric, dit Gibbon ', aurait » rougi de voir son indigne successeur, enveloppé d'une longue » robe d'or et de soie, négligemment couché sur une litière ou » sur un char d'ivoire, recouvert d'un dais où brillaient les pierres » précieuses, et traîné par deux mules blanches. » On ne sait quel fut son destin, s'il trouva la mort au milieu du champ de bataille, s'il périt entraîné par les flots du Guadalquivir, ou si, étant parvenu à se sauver, il finit ses jours dans la pénitence au fond d'un ermitage 2.

Quoi qu'il en soit, avec Roderic tomba, pour ne plus se relever, ce puissant empire des Goths, déjà mort en Italie, depuis un siècle et demi, sous les coups de Bélisaire. De Tolède aux Pyrénées, aucune résistance n'arrêta la course du vainqueur; on ne chercha nulle part à se défendre; chaque partie de la monarchie crut devoir éviter une lutte où avaient succombé les forces réunies de la nation 3.

De tous côtés, les malheureux habitants, hommes, femmes, enfants, vieillards, fuyaient leurs demeures pour chercher un abri dans les gorges inaccessibles des Astures et des Cantabres. Les tristes débris échappés au désastre de Xérès, s'y réfugièrent aussi. Là, ces héros, fidèles à leur Dieu comme à leur patrie, conserveront le dépôt sacré de la religion et de l'indépendance.

1 Liv. 51. 2 Abu-Abdalla apud. Casiri, t. II, p. 185; El-Razi, ibid. p. 320; Ben-Nazil, Bibl. Arabico - Hispan., t. 11, p. 323; Roder. Tolet. III, 19; Conde, ibid., p. 76; Jean de Fereras, IV, part. siècl., VIII; Marianna, liv. VI. 3 El-Razi ap. Casiri, p. 320-322; Noviari ap. Pagi ad ann. 712; Roder. Tolet, 11, 23; Isid. Pacen., lib. III; Conde, ibid., p. 125.

Là, dans cet asile de la pauvreté et de l'honneur, la Providence tiendra en réserve les germes de l'avenir. Là, écloront de mâles courages, qui, lorsque le moment sera venu, descendront des montagnes, et entreront en lice pour défendre leur foi et leur liberté qu'on attaquait dans la foi et la liberté de leurs frères restés au milieu des disciples du Prophète. Noble et sainte croisade! elle dispensera un jour l'Espagne d'aller verser en Judée et en Egypte le sang de ses fils et placera sur son propre territoire la Terre-Sainte qu'elle devait racheter.

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BATAILLE DE TOULOUSE.

VICTOIRE D'EUDON, DUC D'AQUITAINE. 719-725.

L'Europe était entamée, et la civilisation chrétienne menacée d'une ruine complète. Que pouvait en effet la chaîne des Pyrénées avec ses pics, ses gouffres béants, ses immenses précipices pour arrêter les hordes barbares? Elles franchirent ces montagnes, comme elles avaient franchi le détroit de Gibraltar. La lutte commencée à Xérès se prolongera désormais jusqu'aux bords de la Saône et de la Loire.

La première invasion des Arabes eut lieu en 719. El-Hoor, que le vice-roi d'Afrique avait nommé gouverneur de l'Espagne, jaloux d'égaler la gloire de Muza, et d'ajouter, comme lui, de nouveaux royaumes à l'islamisme, réunit à la hâte toutes ses forces disponibles, traversa les défilés de Girone à Elne, puis, se jetant dans le pays d'Afranc, il dévasta les environs de Narbonne et prit cette ville qui devint la capitale de la Septimanie arabe, comme elle l'avait été de la Septimanie gothique'. Est-il vrai qu'il ait passé les hommes au fil de l'épée, qu'il ait emmené les

Isid. Pac., lib. II; Vaissett., t. I, liv. VIII.

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