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de Poitiers les rejeta au-delà des Pyrénées, où le petitfils de Charles-Martel vint les attaquer en une ou plusieurs campagnes, célébrées dans les traditions, les vieilles chroniques et les romans de chevalerie.

Le démembrement de l'empire carlovingien, les perturbations profondes qu'il entraîna, les ravages des Normands, ne permirent pas aux faibles successeurs de Charlemagne de continuer son œuvre en Espagne; mais dès que la dynastie des Capétiens, en s'affermissant, eut rétabli un peu d'ordre et de calme au sein de l'anarchie féodale, et qu'on n'eut plus rien à craindre des pirates du Nord, la folie de la Croix reprit son cours.

Alors, par une inspiration politique d'une portée supérieure, le théâtre de la guerre sainte fut transporté en Asie. Le mouvement agressif de l'Occident dura plusieurs siècles. Le flot, sans cesse renouvelé, qui portait les guerriers chrétiens en Terre-Sainte, ne les reportait pas tous en Europe. Combien d'entre eux, ne croyant pas faire assez pour Jésus-Christ s'ils restaient seulement quelques années sous ses drapeaux, vouaient toute leur existence aux combats de la foi!

J'ai nommé les deux phalanges immortelles du Temple et de l'Hôpital. L'imagination la moins ardente s'exalte au récit de la valeur surnaturelle de ces chevaliers de Dieu, alliant les vertus austères du cloître à l'enthousiasme de la gloire, passant dú champ de bataille au grabat du pauvre, à l'asile des misères humaines, sous la protection de leur dame, la bienheureuse reine du ciel, comme dit saint Bernard.

III

La nation, chargée d'accomplir les gestes de Dieu, peut, à bien des titres, revendiquer les Croisades comme son œuvre; mais les provinces de France n'y ont pas toutes apporté le même concours. Le rôle le plus glorieux appartient incontestablement à celles de l'Ouest. Il n'en est aucune, en effet, qui ait pris aux saintes expéditions une part aussi active et aussi persévérante que la Bretagne, l'Anjou, le Maine et le Poitou. Leurs rois, ducs ou comtes, se sont distingués, les uns en-deçà et au-delà des Pyrénées, tels que Eudes ou Eudon, Milon, Roland, le héros de Roncevaux, Hoël, Arastang, etc.; les autres aux champs de l'Asie ou de l'Égypte, comme Alain Fergent et son fils Geffroi-le-Roux, Pierre Mauclerc, Jean I le Roux et la duchesse Blanche de Champagne, le comte et la comtesse de Richemond, Guillaume VII et son fils Raymond de Poitiers, Foulques V le jeune, les sires de Laval, etc., etc.

Il n'est pas jusqu'à leurs pasteurs qui n'aient renoncé à un ministère de charité et revêtu l'armure des guerriers pour aller combattre au loin les ennemis de Dieu. Ici se présente une foule de noms inscrits dans les annales de l'héroïsme chrétien, ceux entre autres de saint Émilien, de Salvius, de Geoffroi, de Robert II, compagnon de saint Louis en Egypte, tous évêques de Nantes, d'Avesgaud, évêque du Mans, de Renaud de Martigné, de Geoffroi de Beaumont, évêques d'Angers. On peut juger par là du nombre de croisés que tant d'illustres personnages entraînèrent à leur suite.

Il ne faut pas oublier que les provinces de l'Ouest ont

donné des dynasties aux royaumes de Jérusalem et de Chypre, des souverains à l'Arménie et à la principauté d'Antioche, que les ordres religieux et militaires de la Terre-Sainte leur doivent leurs plus nombreuses et plus vaillantes recrues, comme l'attestent, entre autres documents, les registres du grand prieuré d'Aquitaine et la série des pièces relatives au procès des Templiers.

La grandeur de leur rôle, dans l'immense épopée des Croisades, ne peut donc être contestée. De longues recherches, une lecture assidue des chroniqueurs, des écrivains arabes, des chansons de gestes, des poètes du XII et du XIIIe siècles, et de divers manuscrits, nous en ont révélé toute l'importance, et nous ont suggéré l'idée consacrer une étude spéciale *.

Quelques personnes nous ont fourni des documents précieux; notamment M. Stéphane de la Nicollière, archéologue distingué, à qui nous devons des remerciements particuliers.

Les deux volumes qui vont suivre seront consacrés aux familles de la Bretagne, de l'Anjou, du Maine et du Poitou qui comptent parmi leurs ancêtres des croisés, des Templiers, des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte, et à la reproduction ou à l'indication de leurs titres ou pièces justificatives, de leurs armes et de leurs devises.

Les familles françaises et étrangères, établies dans ces quatre provinces depuis les Croisades, et même depuis la dernière réformation, trouveront aussi place dans ces deux volumes.

Celles qui ne nous ont pas encore transmis leurs documents, sont instamment priées de nous les faire parvenir sans retard.

(Note de l'Editeur).

L'OUEST AUX CROISADES.

LIVRE PREMIER.

MAHOMET.

I.

CONQUÊTE DE L'AFRIQUE PAR LES ARABES.
622-711.

La religion chrétienne s'avançait au travers des siècles, faisant le bien, comme son divin Fondateur, élevant l'homme à la hauteur de ses destinées, transformant les générations par une loi de paix, de justice, de charité et de miséricorde, lorsque tout à coup un bruit sinistre retentit du côté de la Mecque. Un homme venait de se révéler à la fois prophète, soldat et législateur, habile à séduire et à passionner les masses, doué à un point merveilleux de la sagesse qui conçoit et de l'audace qui exécute, aspirant à se faire une Arabie à lui, et, par elle, à devenir l'arbitre des peuples et des rois '.

Abulféda, Vita Mohammed, cap. 1; Hottinger, Hist. orient., t. I, pp. 204-211; Gagnier, Vie de Mahom., l. I, etc.

1

Cet homme mourut à l'âge de soixante-trois ans, empoisonné, dit-on, par une juive de Chaïbar. « Mais l'œuvre de » son génie, dit Conde 2, ne périt point avec lui, et son esprit, >> surnageant au-dessus de la pompe funèbre qui entoura son » cercueil, fut recueilli tout entier par ses successeurs. » Mahomet vivant n'était, pour la plupart, qu'un novateur ambitieux; Mahomet mort apparut à tous avec l'auréole d'un envoyé de Dieu et de son représentant sur la terre. Affermir la foi nouvelle à l'intérieur et la propager au dehors par le glaive, telle fut la pensée d'Abou-Beker, d'Omar, d'Othman, en un mot de tous les commandeurs des croyants “.

A leur voix, les mœurs pastorales des Arabes se changent en valeur fanatique; ces enfants du désert, devenus en un clin-d'œil d'invincibles héros, demandent à grands cris la guerre sainte contre les nations incrédules. Ils envahissent, avec la même vigueur et le même succès, les domaines des successeurs d'Auguste et des successeurs d'Artaxerce. Les deux monarchies rivales tombent presque en même temps sous les coups d'un ennemi qu'elles avaient méprisé jusqu'alors. De 634 à 644, ils s'emparent de six mille villes ou châteaux, détruisent quatre mille églises, et élèvent quatorze cents mosquées".

Ne trouvant plus en Asie d'ennemis dignes de lui, Omar, comme tous les conquérants qui l'avaient précédé, comme Cambyse, comme Alexandre, comme les empereurs, tourna ses regards vers le pays des Pharaons, vers cette terre des grands souvenirs, des pompes mystérieuses, vers ces plaines d'alluvion qui jadis remplissaient les greniers de Rome, vers Alexandrie, ce bazar du monde où s'entassaient les trésors de l'Orient et de

'Abulféda, p. 92. 2 Hist. de la dominat. des Arabes en Espagne, par Conde, trad. en franç., par M. de Marlès, t. I, p. 44. Conde, ibid., p. Conde, ibid. 5 Ockley, Hist. of the Saracens, t. 1; D'Herbelot, Bibl. orient.; Theophan. in chronograph., p. 283. — * Kondemir.

45.

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