passé des années dans le commerce de l'esprit : je suis venue à la faveur, et je vous proteste que tous les états laissent un vide affreux. » Si quelque chose pouvoit detromper de l'ambition, dit Voltaire, ce seroit assuré ment cette lettre.... Quel supplice, dispit-elle à Mad. de Bolyngbrocke, sa nièce, d'amuser un homme qui n'est plus amusable. - Ecrivez dit-elle encore dans une lettre, car nous mourons d'ennui. Le roi qui la brusquoit quelquefois lorsqu'elle vouloit glisser un mot sur les affaires de l'état, la dédommageoit de ses bouderies passagères par des marques de respect et des attentions recherchées qu'il n'avoit jamais eues pour ses maitresses ou pour la reine. Mais ces témoignages extérieurs ne la dédommageoient pas des chagrins intérieurs. La modération qu'elle s'étoit prescrite, augmentoit les malheurs de son état. Elle ne profita point de sa place, pour élever sa famille autant qu'elle l'auroit pu, parce qu'elle redoutoit de trop fixer sur elle et sur les siens, les regards du public. Elle n'avoit elle-même que la terre de Maintenon, qu'elle avoit achetée des bienfaits du roi, et une pension de 48000 livres; aussi disoit-elle: Ses maîtresses lui coûtoient plus en un mois que je ne lui coute en une année. Elle exigeoit des autres le désintéressement qu'elle avoit pour elle-même; le roi lui disoit souvent: Mais, Madame, vous n'avez rien à vous. SIRE, répondoit-elle, il ne vous est pas permis de me rien donner. Elle n'oublia pourtant ni ses amis ni les pauvres. Le marquts de Dangeau, Barillon, l'abbé Testu, Racine, Despréaux, Vardes, Bussi, Montchevreuil, Nille de Soudéri, nous des nouvelles, Mad. Deshoudières, n'eurent qu'à se féliciter de l'avoir connue. Mad. de Maintenon ne regardoit sa faveur que comme un fardeau, que la bienfaisance senle pouvoit alléger. Ma place, disoit-elle, a bien des côtés fácheux; mais aussi elle me procure le plaisir de donner. Elle proposoit à Louis XIV des bonnes œuvres, auxquelles ce prince ne se prêtoit pas toujours: Mes aumônes, lui disoit-il, ne sont que de nouvelles charges pour mes peuples; plus je donnerai, plus je prendrai sur eux. Mad. de Maintenon lui répondoit : Cela est vrai, mais tant de gens que vos Guerres vos Bâtimens et vos Mattresses ont réduits à la mendicité par la nécessité des impôts, il faut bien les soulager aujourd'hui. Il est bien juste que ces malheureux vivent par vous puisqu'ils ont été ruinés par vous, Dès que Mad. de Maintenon vit luire les premiers rayons de sa fortune, elle conçut le dessein de quelque établissement en faveur des filles de condition nées sans bien. Ce fut à sa prière que Louis XIV fonda, en 1686 dans l'abbaye de Saint-Cyr (village situé à une liene de Versailles), une communauté de trente-six dames religieuses et de vingt-quatre sœurs converses pour élever et instruire gratis trois cents jeunes demoiselles qui devoient faire preuve de quatre degrés de noblesse du côté paternel. Cette maison fut dotée de 40,000 écus de rente, et Louis XIV voulut qu'elle ne reçût de bienfaits que des rois et des reines de France. Les demoiselles devoient être âgées de sept ans au moins et de douze ans au plus; elles n'y pouvoient demeurer que jusqu'à l'âge de vingt ans et trois mois, et en sortant on leur remettoit mille écns. Mad. de Maintenon donna à cet établissement toute sa forme. Elle en fit les réglemens avec Godets Desmarêts, évêque de Chartres. Il seroit à souhaiter que ces Constitutions, le chef d'œuvre du bon sens et de la spiritualité, fussent publiées ; elles serviroient à réformer bien des communautés. La fondatrice sut tenir un milieu entre l'orgueil des chapitres et les petitesses des couvens. Elle réunit une vie très-régulière à une vie très commode. L'éducation de Saint-Cyr devint, sous ses yeux, un modèle pour toutes les éducations publiques. Les exercices y étoient distribués avec intelligence, et les demoiselles instruites avec douceur. On ne forçoit point leurs talens; on aidoit leur naturel; on leur inspiroit la vertu; on leur apprenoit l'histoire ancienne et moderne, la géographie, la musique, le dessin; on formoit leur style par de petites compositions; on cultivoit leur mémoire; on les corrigeoit des prononciations de province. Le goût de Madame de Maintenon pour cet établissement devint d'autant plus vif, qu'il eut un succès inespéré. A la mort du roi, arrivée en 1715, elle se retira tout-à-fait à Saint-Cyr, où elle donna l'exemple de toutes les vertus. Tantôt elle instruisoit les novices, tantôt elle partageoit avec les maîtresses des classes les soins pénibles de l'éducation. Souvent elle avoit des demoiselles dans sa chambre, et leur enseignoit les élémens de la religion, à lire, à écrire et travailler, avec la douceur et la patience qu'on a pour tout ce que l'on fait par goût. La veuve de Louis XIV assistoit régulièrement aux ré créations, étoit de tous les jeux; ét en inventoit elle-même. Cette femme illustre mourut le 15 avril 1719, à 84 ans pleurée à Saint-Cyr, dont elle étoit la mère, et regrettée des pauvres dont elle étoit la bienfaictrice. On lit, au bas du portrait d'une femme du siècle passé ces vers qui ne peuvent convenir qu'à Mad. de Maintenon: L'estime de moǹ roi m'en acquit la tendresse, Je l'aimai trente ans sans foiblesse ; Devine mon nom et mon sort. Quoique Mad. de Maintenon eût moins d'ambition que tant d'au tres favorites, sa fortune influả sur celle de ses parens, Son frère le comte d'Aubigné, ne pouvant être maréchal de France, à cause de la médiocrité de ses talens, fut lieutenant général, gouverheur de Berry, et possesseur de sommes assez considérables pour étaler sottement les airs d'un favori. Cependant, il se plaignoit sans cesse. Sa sœur lui donna plusieurs fois les conseils les plus sages. « On n'est malheureux que par sa faute, lui écrivoit-elle; ce sera toujours mon texte et ma réponse à vos lamentations. Son gez, mon cher frère, aux voyages d'Amérique, aux malheurs de notre père, aux malheurs de notre enfance, à ceux de notre jeunesse, et vous bénirez la Providence, au lieu de murmurer contre la fortune. Il y a dix ans que nous étions bien éloignés l'un et l'autre, du point où nous sommes aujourd'hui. Nos espérances étoient si peu de chose que nous bornions nos vœux 3000 livres de rente; nous en avons à présent quatre fois plus, et et nos souhaits ne seroient pas encore remplis !.... Vos inquié tudes détruisent votre santé, que vous devriez conserver, quand ce ne seroit que parce que je vous aime. Travaillez sur votre humeur; si vous pouvez la rendre moins bilieuse et moins sombre, ce sera un grand point de gagné. Ce n'est point l'ouvrage des réflexions seules; il y faut de l'exercice, de la dissipation, une vie unie et réglée. » Le comte d'Aubigné profita enfin de cet avis. Sur la fin de ses jours, il se retira dans une communauté, qu'il édifia par sa conversion. Sa sœur lui fit une pension de 10,000 livres, et se chargea de la régie de ses biens et du payement de ses dettes. Il mourut en 1703; il n'avoit qu'une fille, Françoise d'Aubigné, mariée, en 1698, au duc, depuis maréchal de Noailles. Le père de Mad. de Maintenon avoit une seur (Artémise d'Aubigné) qui épousa Benjamin de Valois, raarquis de Villette. Mad. de Maintenon maria sa petite-fille, Marthe-Marguerite, à Jean-Anne de Tubière, marquis de Caylus: elle fut mère de M. le comte de Caylus, et mourut en 1729. (Voy. CAYLUS.) On a imprimé ses Souvenirs en 1770, in-8°, qui contiennent quelques anecdotes. Elle y parle des soins que Mad. de Maintenon se donnoit pour son éducation. « Il ne se passoit rien à la cour, dit-elle, sur quoi ellemême ne me fit faire des réAexions, selon la portée de mon esprit, m'approuvant quand je pensois bien, me redressant quand je pensois mal. Ma journée étoit remplie par des maîtres, la lecture et des amusemens honnêtes et réglés. On cultivoit ma mémoire par des vers qu'on me faisoit apprendre par cœur, et la nécésSUPPL. Tome III, sité de rendre compte de la lec◄ ture ou d'un sermon, me forçoit d'y faire attention. Il falloit encore que j'écrivisse, tous les jours, une lettre à quelqu'un de ma famille ou tel autre que je voulois choisir, et que je l'ap portasse le soir à Mad. de Maintenon, qui l'approuvoit on la corrigeoit, selon qu'elle étoiť bien ou mal. En un mot, elle n'oublioit rien de ce qui pouvoit former ma raison ou cultiver mon esprit. » On peut juger, par les Lettres de Me de Murcai, ( depuis Mad. de Caylus ) des progrès que la tante fit faire à sa jeune élève. Mad. de Maintenon est auteur comme Mad. de Sévigné, parce qu'on a imprimé ses Lettres après sa mort. Elles ont paru, en 1756, en 9 vol. in-12. Elles sont écrites avec beaucoup d'esprit, comme celles de l'illustre mère de Mad. de Grignan, mais avec un esprit différent. Le cœur et l'imagination dictoient cellesci; elles respirent le sentiment, la liberté, la gaieté. Celles de Mad. de Maintenon sont plus contraintes ou plus réfléchies; il semble qu'elle ait toujours prévu qu'elles seroient un jour publiques. Son style sec , précis et austère, l'image de son caractère, est plutôt celui d'un auteur, et d'un bon auteur, que celui d'une femme. Ses Lettres sont pourtant plus précieuses qu'on ne pense elles découvrent ce mélange de religion et de galanterie, de dignité et de foiblesse, qui se trouve si souvent dans le cœur humain, et qui se rencontroit quelquefois dans celui de Louis XIV. Celui de Mad. de Maintenon paroît à la fois plein d'une ambition et d'une dévotion véritables. Son confesseur, Gobelin, directeur et cour tisan , approuve également l'une B ses, et l'autre, ou du moins ne paroft pas s'opposer à ses vues, dans l'espérance d'en profiter. Voilà les idées que ses Lettres font naître. On y pourroit recueillir aussi quelques pensées ingénieuquelques anecdotes; mais les connoissances qu'on peut y puiser, sont trop achetées, par la quantité de lettres inutiles que ce recueil renferme. D'ailleurs, la Beaumelle, en les publiant, y a fait quelquefois des change mens qui les rendent infidelles. Il fait dire à Mad. de Maintenon des choses qu'elle n'a jamais pensées, et celles qu'elle a pensées, d'une manière dont elle ne les a jamais dites. C'est ce qu'on peut vérifier, en les comparant avec les copies authentiques de plusieurs de ces lettres qu'on trouve dans les Mémoires du maréchal de Noailles, par M. l'abbé Millot. La Beaumelle donna aussi 6 vol. de Mémoires pour servir à l'Histoire de Madame de Maintenon. Ils sont écrits d'un style énergique, pétillant et singulier, avec peu de circonspection et d'exactitude. S'il y a plusieurs faits vrais et intéressans il " y en a aussi un grand nombre de hasardés et de minutieux. Les Lettres et les Mémoires ont été réimprimés en 16 vol. in-12, 1778. Ajoutez y un petit livre assez Entretiens de rare, intitulé : Louis XIV et de Madame de mais sur leur mariage; MAINTENON, Marseille, 1701, in-12. On a donné un Maintenoniana, in-8.0 de C'est un recueil d'anecdotes, portraits, de pensées, de bons mots tirés des Lettres et des Mémoires de Mad. de Maintenon. Son portrait par Mignard, orne maintenant le Muséum de Versailles, sous le n° 158. Le marquis de Caraccioli a publié sa Vie, 1786. in-12. Voyez le parallèle que nous faisons de cette vertueuse favorite, avec Mad. de Montespan, à l'art. V. ROCHE CHOUART. MAINVILLIERS, (S. S. chevalier de) aventurier François, qui parcourut à pied une partie de l'Europe, fut trouvé mort dans son lit à Stolzemberg, près de Dantzig, le 12 juin 1776. On a de lui: I. La Pétréade ou Pierre le Créateur, poëme, 1763, Amsterdam, in-8. II. Le PetitMaître Philosophe; trois brochures in-12, où l'on trouve, à travers des choses pitoyables, quelques portraits originaux.III. L'Entrevue de huit Philosophes aventuriers, comédie de nos jours. C'est une espèce de satire contre Voltaire, d'Argens, MauperLuis Marivaux, Prévôt, etc. Cette production est celle d'un homme d'esprit, sans goût et sans idée de bienséance. Ses vers étoient encore au-dessous de sa prose. * MAJOLI, (Simon) né à Ast en Piémont, devint évêque de Volturara dans le royaume de Naples, et mourut vers l'an 1598, après s'être démis de son évéché. C'étoit un grand compilateur. Il s'est fait connoître surtout par son ouvrage, intitulé: Dies caniculares, imprimé plusieurs fois in-4° et in-folio, traduit en françois par Rosset, Paris, 1610 et 1643, in-4.o C'est un recueil de faits singuliers sur les merveilles de l'art et de la nature. Le bon et le mauvais, le vrai et le faux y sont ramassés sans choix. Mais comme ce livre renferme des choses cu rieuses, il eut une grande vogue. * II. MAIRE, (Jacques le) fameux pilote Hollandois, fils Jun négociant d'Egmont, partit da Taxel, le 14 juin 1615, avec deux vaisseaux qu'il commandoit, et découvrit, le 24 janvier 1616, le détroit qui porte son nom, vers la pointe la plus méridionale de l'Amérique. Schouten fut le compagnon de son voyage, et en partagea la gloire. Mais le Maire donna son nom au détroit, comme chef de l'entreprise. Ce navigateur, ayant parcouru ensuite la mer du Sud et visité la Nouvelle Guinée, s'arrêta à Batavia, où il fut fait prisonnier, et où le seul vaisseau qui lui restoit fut confisqué, sous prétexte qu'il avoit empiété sur les droits de la compagnie. On lui rendit néanmoins la liberté, et il s'étoit embarqué pour retourner en Enrope, lorsqu'il fut surpris de la maladie, dont il mourut le 22 janvier 1617. On a une Relation de son Voyage dans un Recueil de Voyages à l'Amérique, Amsterdam, 1622, in-folio, en latin. cause des oscillations qui se prolongent jusqu'au cerveau, qui à son tour a la faculté de réagir? C'est cette dernière et ancienne hypothèse que soutint le Maire; et sans dissimuler les grandes objections qu'on peut lui faire, du moins donne-t-il à son opinion beaucoup de probabilité? Il a fait imprimer un Opuscule sur le Magnétisme, où il porta le jugement de l'homme modéré qui, sans rien adopter au hasard et sans dépriser les idées nouvelles, se contente de voir, d'observer et d'attendre. Le Maire fit plus que d'avoir des connoissances; il fat bienfaisant, et il eut un bon cœur. L'amitié dans lui étoit douce, franche et durable; il étoit ami pour le bonheur de l'être. Les défauts de ceux qu'il chérissoit, se voiloient à ses yeux, parce qu'il leur prêtoit ses propres vertus. Il est mort à Lyon, en août 1787. II. MAIRET, (N**) graveur distingué élève de Le Bus, s'attacha à la manière de Bartolozzi. Avec du goût et de l'intelligence, cès, si une mort prématurée ne l'eût enlevé aux arts au commencement de 1784. Ses deux estam pes de Voltaire, et de J. J. Rousseau, aux Champs-Élisées, ont été très-recherchées. IV. MAIRE, (N** le ) chirurgien de Lyon, membre de la société des Sciences de Mont-il eût pu obtenir de grands suc pellier, et de celle d'Emulation de Bourg-en-Bresse, avoit mérité cet honneur par plusieurs Mémoires relatifs à sa profession, et sur-tout par un Traité sur le fluide nerveux. Ce fluide invisible, impalpable, existe-t-il réellement? et comment les nerfs, ces agens rapides de la volonté, transmettent-ils dans toutes les parties de l'individu, la sensation et le mouvement? Est-ce par Pintermède d'un esprit subtil et mobile, qui parcourt avec rapidité toutes les routes de l'organisation, et qu'on a nommé Fluide nerveux ? Les nerfs seroient-ils plutôt des cordes élastiques, à qui le contact des objets MAIROBERT, (N. Pidansat de) né à Chaource en 1727, se donna la mort dans le bain, le 29 mars 1779, parce qu'il se trouva impliqué dans l'affaire de l'interdiction de M. de Brunoy. On a de lui, des Principes sur la Marine, 1775, in-4.o Le gol vernement l'avoit chargé travail sur cet objet MAISTRET Jacques) né 534, entra dans à Lyon en |