DICTIONNAIRE HISTORIQUE. QUATRIÈME SUPPLÉMENT. M. MAAS, (Nicolas ) peintre obtenue à son insçu par un de ses Hollandois, très-bon coloriste, naquit à Dort en 1632, et mourut à Amsterdam en 1693. On a de lui, plus de portraits que de tableaux de cabinet. * MABLY, (l'abbé Bonnot de) né à Grenoble, en mars 1709, et mort le 23 avril 1785, à 76 ans, étoit frère aîné de l'abbé de Condillac. Il fit ses premières études chez les Jésuites, à Lyon, et fut attaché dans sa jeunesse au Cardinal de Tencin, son parent: il ir'eut d'ordres dans l'église que le sous diaconat. Livré tout entier aux lettres, il ne fit jamais un pas vers la fortune ni vers les honneurs, même littéraires. Il se disoit plus jaloux de mériter l'estime générale que de l'obtenir. Il s'est contenté long-temps de mille écus de rente; il avoit de plus une pension viagère qui lui étoit échue dans les partages de sa famille; mais à la mort de son frère aîné, il l'abandonna à ses parens. La cour le dédommagea de cette privation généreuse, par une pen sion de 2,800 livres demandée et SUPPL. Tome III. amis. Sa santé, devenue mauvaise dans les dernières années de sa vie, exigeoit plus de soins et une augmentation de dépense. Mais, voyant que ses économies annuelles, dont il formoit un fonds destiné pour un domestique attaché à lui depuis long-temps et pour lequel il avoit déjà placé mille écus, ne pouvoient pas suffire à remplir ses vues, et se sentant dépérir, il s'étoit retranché sur la fin de ses jours le secours d'une chaise à porteurs. Il a laissé, en mourant, à ce domestique, une somme de quatre mille livres, le montant à peu près de sa succession. Ses ouvrages, qui ont fait la fortune des libraires, n'ont, en aucune manière, contribué à augmenter la sienne; il se contentoit, pour toute rétribution, d'un petit nombre d'exemplaires qu'il distribuoit à ses amis. Le bruit avoit couru qu'on lui proposeroit l'éducation de l'héritier d'une grande monar chie; il dit hautement que la base de ses leçons, seroit celleci: Les Rois sont faits pour les Peuples, et non les Peuples pour A les Rois. Il aimoit à répéter cet adage de Leibnitz: Le temps présent est gros de l'avenir. Il connoissoit si bien l'un, qu'il devina souvent l'autre. La liberté des colonies Angloises, les changemens arrivés à Genève et en Hollande, furent prédits par lui, tant il connoissoit les états et les hommes. Cette expérience morale et politique lui donnoit quelquefois de l'humeur; ses amis lui en faisoient des reproches, et l'appeloient quelquefois, Prophète de malheur. Il est vrai, répondoit-il, que je connois assez les hommes, pour ne pas espérer facilement le bien. Il annonça, dans l'un de ses derniers ouvrages, que le déficit des finances en France, amèneroit des impôts désastreux; que pour les établir, les parlemens demanderoient les états généraux, et qu'alors naîtroit une révolution dans le gouvernement. On sait combien cette prédiction a été justifiée. Ses principaux ouvrages sont 1. Parallèle des Romains et des François, 1740, 2 vol. in-12. II. Le Droit public de l'Europe, 1774, 3 vol. in-12. III. Observations sur les Grecs, in-12. IV. Observations sur les Romains, 2 vol. in-12. Les unes et les autres sont profondément pensées, bien liées, remplies de vues fines et de conjectures heureuses. (Voy. GRACCHUS.) V. Des Principes des négociations, 1757, in-12. VI. Entretiens de Phocion sur le rapport de la Morale avec la Politique, in-12. La Société économique de Berne, à qui cet ouvrage excellent parut le code des Etats libres, lui adjugea le prix qu'elle distribue annuelloment. L'auteur y donne avec précision et même avec agrément, des idées saines et lumineuses de la vertu patriotique et des devoirs qui attachent l'état aux citoyens, et les citoyens à l'état. Ce livre rendit l'abbé de Mably si recommandable, que les Polonois et les Américains eurent recours à ses lumières; et les Hollandois mêmes reçurent de lui des conseils trop judicieux pour être écoutés dans des temps de trouble. Les Américains cependant ne conservèrent pas toujours leurs sentimens de déférence pour cet écrivain philosophe voici ce qu'on lit dans le Mercure de France de janvier 1785 : « Le dernier ouvrage de M. l'abbé de Mably, sur les Constitutions des Etats-Unis de l'Amérique, a révolté les Américains contre cet estimable écrivain. Dans plusieurs Etats, on l'a pendu en effigie, comme ennemi de la liberté et de la tolérance, et sou livre a été traîné dans la boue. Ce traitement qui pourra paroître plus honteux encore pour ceux qui l'ont infligé, que pour celui qui en est l'objet, prouve du moins que les Américains n'aiment pas qu'on leur donne des avis.» VII. Observations sur l'Histoire de France, 1765, deux vol. in-12. VIII. Observations sur l'Histoire de la Grèce, 1766, in-12. IX. Entretiens sur l'Histoire, in-12. On y trouve des réflexions judicieuses, des observations bien faites, une grande connoissance des historiens anciens et modernes. Mais il déprime peut-être trop ceux-ci › et exalte trop les autres. Il pensoit que les peuples d'aujourd'hui pouvoient se gouverner par les principes des républiques Grec→ que et Romaine. Mais étranger aux Etats libres par sa patrie par son état, par son éducation, il est tombé peut-être dans les défauts où tomberoit un républicain assez hardi pour dicter la constitution des royaumes. On ne doit cependant pas le confondre avec ces déclamateurs ignorans, qui n'écrivent sur la liberté qu'avec le transport au cerveau et qui prennent pour de l'éloquence, les effervescences d'une tête exaltée. Le style de l'abbé de Mably est clair, correct, quelquefois élégant, mais un peu froid. Il fut accusé d'avoir adopté le système des philosophes du siècle, et cette opinion s'accrut dans quelques esprits, par la censure que fit la Sorbonne, d'un de ses Livres. La manière dont il termina sa vie, en recevant tous les sacremens, et sa haine pour Voltaire, semblent prouver qu'il ne pensoit pas en tout comme les sages modernes. L'abbé Brizard a publié un éloge très-bien écrit de ce publiciste, qui se lit en tête d'une collection des œuvres de celui-ci, faite à Paris en 1794, douze vol. in-8°; son portrait a été gravé en 179 2 par Alix. MACEDONIA, (Camille) dame de Sicile, sauva par son courage la vie à son frère investi par des assassins. Elle fondit sur eux avec une demi-pique, et les mit en faite. Elle ne se distingua pas moins par son esprit ; les poëtes de sa patrie la célébrèrent dans leurs chants, et ont consacré son souvenir. MACHETA, vieille femme de Macédoine, demandoit justice à Philippe père d'Alexandre. Ce prince sortoit d'un festin splen→ dide, et s'endormit en l'écoutant. A son réveil, il n'en condamna pas moins Machata. Celle-ci, sans s'étonner, lui annonça qu'elle appeloit du jugement. A qui donc; reprit le monarque. J'en appelle, dit-elle, de Philippe ivre et endormi, à Philippe à jeun et éveillé. Le roi, loin de s'offenser de sa hardiesse, s'empressa de lui accorder sa demande. MACHAM, (Robert) né sous le règne d'Edouard III roi d'Angleterre, conçut une vive passion pour Anne Dorset; mais n'ayant pu l'obtenir de ses parens, il l'enleva, et gagna un vaisseau qui l'attendoit. L'ancre fut levée aussitôt, et l'amant ordonna de faire voile vers les côtes de France; une tempête horrible étant survenue le vaisseau se perdit sur l'immensité de l'Océan. Il vogua treize jours sans trouver de rivage; enfin, le quatorzième au matin il aborda à une isle déserte, mais agréable, où la beauté du ciel, la douceur du climat, l'abondance des fruits, l'invitérent à fixer son séjour avec sa compagne. Telle fut l'événement auquel on dut la découverte de l'isle de Madère. Quelques-uns des compagnons de Macham, s'étant embarqués de nouveau, échouèrent sur le rivage de Maroc et furent faits prisonniers. Ils racontèrent leur aventure à un Espagnol de Séville nommé Jean de Moralès. Celui-ci, de retour dans sa patrie, instruit de la situation de l'isle et des signes qui devoient la faire reconnoître, proposa à quelques-uns de ses compatriotes de l'aller chercher et la trouva. Macham et son épouse n'existoient plus, et ils avoient été inhumés dans la même fosse au pied d'un grand arbre. MACHARTI, (N...) mort vers 1740, a laissé au théâtre italien, Arlequin Phaétoņ présenté en 1725. A IV. MACHAULT, (N... de) fut nommé contrôleur général en 1745, et parut vouloir mettre de l'ordre dans les finances. Pour parvenir, il voulut faire taxer plus fortement le clergé, et ordonna qu'il donneroit un état de ses biens, afin que le roi pût voir ce que ce corps possédoit, et ce qu'il pouvoit fournir au gouvernement. Cette entreprise déplut au clergé, qui refusa ce qu'on Fui demandoit, et le ministre fut obligé de l'abandonner. Machault passa, en 1754, du nrinistère des finances à celui de la marine, et quoiqu'il fût naturellement fier et d'un abord glacial, il parut avoir changé de caractère. Il accueillit les officiers avec bonté, ét montra du zèle et de bonnes vues pour le rétablissement de nos escadres. Ses services n'empêchèrent point sa disgrace. Il fut exilé par des intrigues de cour le 2 février 1757, et mourat quelque temps après. * MACHIAVEL, (Nicolas ) fameux politique, naquit à Florence en mai 1469, d'une famille noble et patricienne, honorée des premières dignités de la république. Il se distingua de bonne heure dans la carrière des let tres, et réussit assez dans le genre comique : le pape Léon X, protecteur de tous les talens fit représenter ses pièces sur le théâtre de Rome. Machiavél étoit d'un caractère inquiet et remuant il fut accusé d'avoir eu part à la conjuratión de Soderini contre les Médicis : on le mit à la question, mais il n'avoua rien. Les éloges qu'il prodiguoit à Brutus et à Cassius le firent upçonner d'avoir trempé dans une tre conspiration contre Jules : Médicis, depuis pape sous le nom de Clément VÍÍ ; mais comme ces soupçons étoient destitués de preuves, on le laissa tranquille. Il n'aimoit pas la puissance pontificale. Le cardinal de Rouen ayant dit deyant lui, que les Italiens n'entendoient rien au métier de la guerre; les Fran çois, lui répondit Machiavel, n'entendoient pas davantage aux affaires d'état, puisqu'ils laissent tant s'accroître la puissance du pape. La république de Florence, instruite de ses connoissances en histoire et en politique, le choisit pour son secrétaire et pour son historiograpire. Après s'être retiré des affaires, il mourut dans une honorable pauvreté. L'opium que les médecins lui avoient prescrit, mais dont il prit une trop forte dose, termina ses jours. Binet dit, qu'avant de rendre l'esprit, il fit part d'une vision qu'il avoit eue. Il avoit vu d'un côté un tas de pauvres gens, déchirės, affamés, contrefaits; et on lui dit que c'étoient les habitans du Paradis. Il entrevit, de l'autre, Platon, Sénèque, Plu- ' tarque, Taeite, et d'autres écrivains de ce genre; et on lui dit que c'étoient les damnés. I rẻpondit : « Qu'il aimoit mieux être en enfer avec ces grands esprits, pour traiter avec eux d'affaires d'état, que d'être avec les bienhenreux qu'on lui avoit fait voir.» Peu de temps après il rendit l'ame. Mais ce conte est un roman, fait pour donner une idée de la façon de penser de Machiavel, ou du moins de ce qu'on croyoit être sa façon de penser. Il mourut presque à la veille de la grande révolte des Florentins contre Clément VI, heureux de n'avoir pas été témoin des maux cruels de sa patrie dont il auroit eu une bonne part, |