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épais, et que deux orages mêlés de tonnerre, empêchèrent le peuple de jouir à Paris et à Versailles, du spectacle du feu d'artifice et des illuminations. Les rues furent désertes ; et ceux qui aiment à croire aux présages, purent en former un bien sinistre, en contemplant la profonde obscurité de l'atmosphère de la France. Bientôt, la fête donnée le 30 du même mois par la ville de Paris, fut marquée par un affreux désastre. Un emplacement mal choisi, où de larges fossés n'avoient point été comblés, vit périr plus de douze cents spectateurs; plusieurs autres montés sur le parapet du Pontroyal pour se dégager de la foule, tombèrent dans la Seine et y fu rent engloutis. La dauphine, désespérée de ce cruel événement, imita la sensibilité et la bienfaisance de son époux. Elle envoya au lieutenant de police tout l'argent qu'elle possédoit. On la vit ensuite accorder des secours aux personnes peu opulentes, employées à son service, et aux prisonniers détenus pour payement de mois de nourrice. Se trouvant dans la forêt de Fontainebleau, où elle avoit suivi le roi à la chasse, elle entendit une femme pousser des cris de désespoir; celle-ci lui ayant appris que son mari venoit d'être dangereusement blessé par un cerf, MarieAntoinette lui donna aussitôt tout l'or qu'elle avoit sur elle la força de monter dans sa voiture avec le jeune enfant qu'elle conduisoit, et obtint de Louis XV, sur le lieu même, une pension pour cette famille. Le peintre Dagoti a fait de cet acte aumanité, le sujet de l'un de ses plus intéressans tableaux. La dauphine, instruite qu'un offi

et

cier dont le corps avoit été ré-, formé se trouvoit sans emploi et dans l'indigence, commande un uniforme d'un régiment en activité, se le fait apporter, met dans l'une des pochs un brevet de capitaine, cent quis dans l'autre, une boîte d'or et une montre d'or dans la ves ordonne d'en revêtir l'officiel Un grand nombre d'autres actio. généreuses marquoient honora→ bleinent ses jours et la faisoient aimer, tant qu'elle fut dauphine; elle obtint bien moins de bonheur lorsqu'elle fut reine. En montant sur le trône, on la vit renouveler l'exemple de Louis XII. M. de Pontécoulant, major des gardes du corps, lui avoit déplu; aussi, dès qu'elle fut reine, il donna sa démission. Marie-Antoinette l'apprit; sur-le-champ elle fit appeler le prince de Beauveau: « Allez, lui dit-elle, annoncer à M. de Pontécoulant, que la reine ne venge pas la dauphine, et qu'elle le prie d'aublier entièrement le passé, en restant près d'elle à son poste. » A la mort du monarque, peuples étoient dans l'usage de payer un droit connu sous le nom de Ceinture de la Reine; elle sollicita l'exemption de cet impôt, et l'obtint. On lui adressa alors le quatrain suivant :

les

Vous renoncez, aimable souveraine, Au plus beau de vos revenus; Mais que vous serviroir la ceinture de reine?

Vous avez celle de Vénus.

Bientôt après elle eut le plaisir de recevoir ses frères à Versailles. L'archiduc Maximilien y parut en 1775, sous le nom de comte de Burgaw, et l'empereur Joseph en 1781, sous celui de comte de Falckeinstein, Dans le

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Reine dont la bonté surpasse les appas, Près d'un roi bienfaisant occupe ici ta place:

Si ce monument frêle est de neige ou de glace,

Nos cœurs pour toi ne le sont pas. Ils alloient bientôt changer. A cette époque, la calomnie commençoit à répandre de la défaveur sur Marie-Antoinette, en attaquant ses mœurs et son caractère. Des libelles obscurs l'acsèrent de faire succéder les int gues aux intrigues; mais l'histere doit rejeter ces imputations dont aucune n'a jamais été prouse, et dont plusieurs parurent ne me invraisemblables. La vérité qu ne peut se taire, est forcée cependant d'avouer que la reine eut des torts. Une grande mobilité dans l'imagination, la fit paroître souvent légère, et quelquefois assimulée; une inquiétude naturelle,la haine du repos, la portoient a dé placement, aux modes nouveles, à la variété des plaisirs. Trop te profusion dans sa dépense, lui firent prodiguer pour des objets de luxe, des sommes qui eussent pu trouver un emploi plus utile. L'oubli de toute étiquette dans l'intérieur de sa maison, de tout cérémonial dans ses fêtes, tendirent à altérer le respect dû à son

rang; et son goût à s'environner de bouffons, à jouer la comédie, à y remplir des rôles subalternes, contribuèrent aussi à le diminuer. Trompée par sa naissance, voyant sa mère gouverner par elle-même, elle put difficilement se persuader qu'en France la reine n'étoit que l'épouse du roi. Née dans une contrée où la féodalité règne avec toutes ses prérogatives, la distance du peuple aux nobles y est immense; en France, au contraire, où la noblesse suivoit souvent les places, où les rangs se touchoient et cherchoient sans cesse à se confondre, tout devoit tendre du moins de la part des souverains, à conserver des formes plus respectueuses, plus capables d'assurer leur tranquillité et la sûreté de leur personne. Les premiers reproches faits à la reine, lui donnèrent de l'humeur; elle eut la mal-adresse de la témoigner, et dès lors des méchans s'attachèrent à répandre que, restée dans le cœur entièrement Autrichienne, fière et ennemie naturelle des François, elle ne pourroit jamais faire leur bonheur. Un événe

ment fâcheux servit leur haine en compromettant le nom de Marie-Antoinette dans un procès scandaleux. C'est celui in

tenté pour le payement d'un collier de diamans, acheté sous le nom de la reine, et dont le prix énorme fut réclamé par deux joailliers. Il fut prouvé que celleci ne les connoissoit pas, et n'avoit jamais donné, l'ordre de cette aquisition. Mais une femme ayaat sa taille et son maintien " euta hardiesse de se faire passer pour ele, de donner un rendezvous à minuit, an milieu du parc de Versailes, à un cardinal,

cette audace extraordinaire resta impunie dans le jugement. Cette affaire répandit un nuage sur la conduite de la reine, et dut empoisonner ses jours. Lorsque le contrôleur général Calonne eut annoncé qu'il existoit un vide considérable dans les finances de l'état; la malveillance en accusa sourdement les profusions de la reine. La dette publique augmentant de jour en jour, et le crédit national s'évanouissant entièrement, on proposa de convoquer les Etats généraux, pour éteindre l'une et faire renaître l'autre. Marie-Antoinette pressentit les malheurs qu'ils devoient répandre sur elle; aussi s'efforça-t-elle d'en retarder la convocation. C'est à cette époque que ses peines intérieures blanchirent entièrement ses cheveux, quoiqu'elle n'eût que trente-quatre ans. Elle se fit peindre alors, et donnant ce por. trait à son amie, Mad. de Lamballe, elle mit au bas ces mots de sa main Ses malheurs l'ont blanchie. Dès la procession pour l'ouverture des Etats, où elle assista, ses traits, que le sourire animoit d'ordinaire, prirent un caractère de mélancolie qu'ils ne quittèrent plus. Elle parut dans la première séance, debout et vêtue avec une grande simplicité. Sans cesse on l'entendit répéter alors que le roi soit tranquille et respecté ! pour moi, je serai toujours heureuse de son bonheur. Les événemens désastreux qui suivirent, développè rent dans elle le courage le plus réfléchi. Le 6 octobre 1789, de cannibales furieux faisoient re tentir par-tout la menace de la mettre en lambeaux et de chirer ses entrailles; sa paisole assiduité auprès de ses ertans n'en fut point interrompus Au milieu

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de la nuit, un ministre lui adressa ce billet : « Madame, prenez promptement vos mesures; demain matin à six heures, vous serez assassinée. » Son front conserva sa sérénité à cette lecture, et elle cacha le billet. Bientôt les portes du château brisées les gardes du corps égorgés; les cris des victimes, les mugissemens de la multitude, rendirent la fin de cette nuit affreuse. A l'aube du jour, des assassins pénétrèrent dans l'appartement de la reine, et mirent son lit en lambeaux à coups de sabre. Elle venoit de le quitter pour se réfugier chez le roi. Cependant les meurtres continuoient; pour les faire cesser Louis XVI, et la reine tenant ses deux enfans par la main, parurent sur le balcon du château, et vinrent crier grace pour leurs gardes. Cet aspect étonna les forcenés. Bientôt ce cri universel et redoutable se fit entendre la reine seule et poir d'enfans. Celle-ci jugeant e l'instant de sa mort est arivė, pousse son fils et sa fie dans l'appartement, dans les les jet bras de leur père, esans laisser à ceux qui l'entouent le temps de la réflexion, ele reparoît seule sur le balcon, présentant courageusement a tête au coup mortel. Sa contenance hardie et fière, son méis de la mort arrêtent l'effet des menaces et forcent les applaudissemens de la mul➡ titude furieuse. Marie-Antoiette, conduite dans la même journée à Paris avec son époux eut à supporter pendant un trajet qui dura six heures, le spectacle le plus effroyable. Devant sa voiturę, au bout de deux piques, on portoit les têtes de deux gardes du corps; autour d'elle, des fu→ ries ivres et dégoûtantes de sang

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faisoient retentir l'air d'imprécafions. Bientôt le Châtelet, instruisant la procédure contre les meurtriers, lui fit demander des renseignemens sur les attentats dont elle avoit failli à être victime; elle répondit aux députés : Je ne serai jamais la délatrice d'aucun des sujets du roi ; et sar les instances d'autres commis saires, elle dit: Messieurs, j'ai tout vu tout entendu et tout oublié. Dans les premiers mois de son arrivée, elle employa trois cent mille livres de ses épargnes à retirer du Mont-de-Piété les vêtemens qui y avoient été dé posés par des indigens; mais ses bienfaits ne calmèrent point l'effervescence excitée contre elle. Aussi, lorsque Louis XVI résolut de fuir, elle s'empressa de le suivre, quoiqu'elle répétât souvent: « Ce voyage ne nous réus

sira pas; le roi est trop malheureux. » Marie-Antoinette, arrêtée comme son époux à Varennes, rentra aux Tuileries, où des commissaires vinrent recevoir sa déclaration, qui fut ainsi conçue « Le roi desirant partir avec ses enfans, rien dans la nature n'auroit pu m'empêcher de le suivre. J'ai assez prouvé depuis deux ans que je ne le quitterai jamais. Ce qui m'y a encore plus déterminée, c'est l'assurance positive que j'avois que le roi ne vouloit point quitter la France; s'il en avoit eu le desir, toute ma force eût été employée pour l'en empêcher.» Un moment de calme succéda à cet orage, mais il ne fut pas de longue durée les journées du 20 juin et du ro août 1792 arrivèrent. Dans la première, Marie Antoinette, placée derrière la table du conseil au milieu de tes deux enfans ne donna pas

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la plus légère marque de crainte. Elle soutint, pendant plus de quatre heures le spectacle hideux d'une populace sans frein, armée de mille instrumens de mort brisant les portes, menaçant tout ce qu'elle auroit dû respecter. Le vendredi 10 août, le château fut cerné par les bataillons arrivés de Marseille, et réunis aux rassemblemens des faubourgs. On avoit d'abord cherché à encourager les soldats de garde à le défendre; la reine vouloit y périr, et fit tous ses efforts pour décider Louis XVI à combattre et à mourir les armes à la main; mais entraînée par la retraite du monarque au sein de l'assemblée, elle y conduisit ses enfans. Le trajet fut extrêmement périlleux pour elle. Le peuple animé, lui adressoit de toutes parts les invectives les plus atroces et les menaces les plus effrayantes; un instant il parut déterminé à lui fermer le passage et à la séparer de son époux; mais après une harangue énergique du procureur général du département, les rangs s'ouvrirent devant elle. Renfermée dans la loge des journalistes de l'assemblée elle y entendit prononcer la déchéance du monarque, l'appel de la convention qui devoit le juger, et en sortit bientôt pour l'accompagner au Temple. On ne permit à aucune de ses femmes de partager sa captivité; Mad. de Lamballe qui le demandoit, fut jetée aussitôt dans une autre prison. La reine, logée dans le second étage de la tour, avec sa fille et Mad. Elizabeth, occupa la seule chambre qui eut une cheminée. On n'y voyoit jamais le soleil; des soupiraux au lieu de fenêtres, étoient garnis d'épais barreaux de fer et ne procuroient qu'une clarté

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triste et un faux jour. C'est là que Marie-Antoinette développa un caractère plus grand que dans aucun autre temps de sa vie. Toujours calme au milieu des siens, elle leur inspira la résignation, l'oubli des outrages et de tous les maux. Lorsque Louis XVI lui apprit qu'il étoit condamné, elle le félicita de la fin d'une existence pénible pour lui et sur le prix immortel qui devoit la couronner. A la mort de son époux, la seule demande qu'elle présenta à la convention, fut de réclamer des vêtemens de deuil; elle les porta jusqu'à la fin de ses jours, qui n'étoit pas bien éloignée. Le 4 juillet 1793, on la sépara de son fils; elle sentit dès-lors que cette séparation alloit être éternelle, et qu'en écartant d'elle un enfant plein de graces, on vouloit lui enlever tout moyen d'exciter quelque pitié. Elle n'en eut pas moins le courage de disposer son fils à ne plus la voir et à ne point se chagriner de sa longue absence. Le 5 août suivant, des hommes armés vinrent au milieu de la nuit enlever Marie-Antoinette, et la conduire à la Conciergerie. La chambre basse, appelée Salle du Conseil, sombre et humide, y devint son dernier asile. Le jeudi 3 octobre, la convention ordonna qu'elle seroit mise en jugement; l'acte d'accusation portoit qu'elle avoit dilapidé les finances de France, épuisé le trésor public, en faisant passer des sommes à l'empereur, entretenu des correspondances avec les ennemis étrangers, et favorisé les troubles de l'intérieur. Malgré le grand nombre de témoins entendus

on ne put acquérir contre elle la moindre preuve; aussi, son défenseur, M. Chauveau-la

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Garde, s'écria-t-il avec raison: Je ne suis dans cette affaire, embarrassé que d'une seule chose, ce n'est pas de trouver des réponses, mais une seule accusation vraisemblable. » Parmi les témoins appelés, Bailly, maire de Paris, eut le courage nonseulement de ne rien reprocher à l'accusée ni à la mémoire de Louis XVI, mais encore de blâmer le féroce accusateur Fouquier-Tinville, d'avoir rédigé son acte d'accusation sur des faits notoirement faux et calomnieux. Manuel lui-même, procureur de la commune, qu'on croyoit altéré du sang de Marie-Antoinette, lui rendit justice, et plaignit hautement sa destinée. On la vit répondre à tous les interrogatoires, avec autant de précision que de fermeté. Hébert lui ayant reproché d'avoir cherché à dépraver les mœurs de son fils Sur un fait aussi odieux, répliqua -t-elle, j'en appelle à toutes les mères. Son ton noble, son indignation majestueuse, se communiquèrent bientôt à tous les auditeurs. On accusa Hébert lui-même, d'avoir voulu, par une infame inculpation, rendre l'accusée plus intéressante ; et dès cet instant il perdit toute sa popularité. En attendant son dernier moment, Marie-Antoinette ne laissa paroître aucun signe d'émotion. Retirée dans la prison après une séance de dix-huit heures, transie de froid, elle s'enveloppa les pieds d'une couverture, et s'endormit tranquillement. Le lendemain, à onze heures du matin, elle monta sur la charrette qui la conduisit à l'échafaud. « Voici, Madame, lui dit-on alors, l'instant de vous armer de courage. >> De courage! reprit-elle, il y a si

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