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PHYSIQUE VÉGÉTALE.

DE LA LUMIÈRE, considérée comme puissance motrice de la vie des végétaux et comme source unique et matérielle de leurs couleurs.

S Ier.Principes généraux.

La lumière est le don le plus précieux qui ait été fait à l'homme; c'est elle qui dirige ses pas à la surface du globe qu'il habite, elle conduit jusqu'à ses yeux l'image de tous les objets, et met ces objets en contact avec son ame: elle est le miroir fidèle de la nature. Dès qu'elle paraît, tous les êtres abandonnent le sommeil et le silence; le mouvement et la vie renaissent. Elle est la source de toutes les couleurs. Newton a su les séparer à l'aide du prisme et en a découvert le nombre; il a démontré l'énergie et l'inaltérabilité des rayons colores; par des preuves maltipliées et irrécusables. Tous les corps décomposent la lumière et en isolent les rayons colorés; mais de plus ils fixent en eux-mêmes la matière de ses couleurs, ils les condensent et les retiennent. La classe des végétaux est celle qui a reçu le privilége d'extraire de la lumière les plus belles couleurs. Leur coloration va faire le šujet des considérations suivantes :

Tous ceux qui ont traité de l'origine des couleurs des végétaux, ont été partagés d'opinions. Plusieurs ont avancé qu'elle était due à un oxide de fer répandu sur toute la surface du végétal, mais ne l'ont point démontré; heaucoup d'autres ont attribué ces couleurs aux modifications et à la décomposition des rayons lumineux par le tissu extérieur. Ce sentiment paraît avoir le plus de probabilité et est le plus généralement adopté. Quant à moi, je pense qu'on peut expliquer la formation de toutes les couleurs par les lois de l'attraction. De-là naissent plusieurs propositions :

1o. La nature paraît avoir donné à la tige, aux feuilles et aux fleurs des végétaux, une disposition, une organisation propre à décomposer la lumière du soleil, à désunir ses rayons et à absorber ou réfléchir telle ou telle couleur primitive, suivant la réfraction que la lumière éprouve en pénétrant les pores, en pénétrant les sucs du végétal et en traversant les lames du tissu cellulaire, recouvert par l'épiderme.

2o. La nature a doué chaque partie d'un végétal d'une attraction élective et invariable pour tel ou tel rayon coloré. De-là vient qu'au printems, au renouvellement de la végétation, les mêmes plantes reprennent toujours les mêmes couleurs.

3°. Les couleurs ne sont pas inuées dans les végétaux; elles n'existent point dans leurs germes: mais il est d'une vérité absolue que la propriété qu'ils ont de fixer et d'attirer les couleurs de la lumière dans leur tissu, est innée, et que cette disposition est inhérente à leur organisation.

Si les végétaux n'avaient que la seule propriété d'isoler les rayons colorans de la lumière et d'absorber tel ou tel de ses rayons, sans avoir celle de fixer dans leur propre substance la matière colorante de la lumière, de la condenser et de la retenir, il, en résulterait que ces corps ne paraîtraient colorés que pendant la station du soleil sur notre horizon, et que même leurs couleurs disparaîtraient toutes les fois que des voûtes de nuages s'interposeraient entre cet astre et nos yeux; car, lorsqu'on décompose la lumière solaire, par le prisme, le spectre brille et est bien distinct tant que la lumière parvient directement à nos yeux; mais dès qu'un nuage vient couvrir le soleil, les couleurs du spectre disparaissent presque totalement. La même chose arriverait aux couleurs que réfléchissent les végétaux s'ils n'avaient la propriété de retenir et de fixer en eux-mêmes la matière même des couleurs.

4°. Les végétaux sont décorés de couleurs entièrement semblables à celles des rayons qu'ils absorbent; aiusi toute la végétation considérée généralement est verte, parce

que cette classe d'êtres exerce sur le rayon vert une attraction élective ordonnée par la nature.

5o. Les végétaux sont des instrumens que la nature emploie pour analyser la lumière, pour en isoler les rayons colorans, pour en précipiter les couleurs dans leur tissu et en faciliter aux hommes la possession.

6o. Les couleurs paraissent être dissoutes dans la lumière du soleil et combinées avec elle, comme l'oxigène combiné et dissous dans le calorique.

7°. On peut concevoir facilement le phénomène de la fixation de la matière des couleurs dans les corps, en le comparant au phénomène de la fixation de l'oxigène dans les corps combustibles. La combustion s'opère en vertu de l'attraction que la nature a établie entre certains corps et l'oxigène; ce principe se solidifie et dégage le calorique son dissolvant; de même la coloration des végétaux s'opere en vertu de l'attraction que la nature a établie entre ces corps et la matière colorante de la lumière. Ce principe colorant se fixe dans le végétal, et se sépare du fluide lumineux qui lui servait de véhicule.

8°. Ainsi la coloration des végétaux est établie: 1° sur la propriété qu'ils ont de décomposer la lumière et d'exercer sur chacun de ses rayons une attraction élective ; 2o sur la propriété de la lumière d'obéir à cette attraction.

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9o. La terre et l'atmosphère sont les foyers dans lesquels les végétaux puisent les principes nécessaires à leur accroissement, à leur saveur et à leurs odeurs; mais ils ne trouvent que dans les rayons de la lumière la matière de leurs couleurs. Cette matière colorante de la lumière est pour nous au rang des corps simples indécomposés, 1o parce que la ténuité de ses molécules est si extrême qu'on ne peut l'assujettir à l'action des balances; 2o parce qu'on ne peut la saisir ni l'enfermer à cause de la grande vélocité de son véhicule, la lumière ; cette velocité étant infiniment supérieure à la plus grande vitesse connue de nos mouvemens organiques. Enfin la matière colorante des rayons lumineux est pour nous un corps indécomposable;

parce qu'il nous manque des instrumens et des facultés pour la connaître plus intimement. Donc, puisque la composition des matières colorantes de la lumière nous est totalement inconnue, et qu'elle est indépendante de tous les corps qui composent le globe et l'atmosphère, il ne faut pas, lorsqu'on rencontre de l'azote, de l'hydrogène ou du carbone dans l'analyse d'une couleur, considérer ces corps comme des principes constituans ou intimes de la matière colorante, mais bien comme des principes appartenans à l'excipient ou à la basé avec laquelle la matière colorante de la lumière est combinée.

En fixant, avec les yeux de la pensée, l'éclat, la diversité et la vivacité des couleurs dont brillent les végétaux, et en les comparant avec celles que donne le prisme par la décomposition des rayons solaires, on reconnaît que la lumière est l'unique source de ces couleurs et qu'aucune autre cause ne peut lui être substituée.

Si cette théorie de la coloration était adoptée, on pourrait compter la matière colorante de la lumière à côté du carbone, de l'hydrogène et de l'oxigène, comme principe constituant des végétaux.

La lumière, considérée par rapport à sa propriété de déposer ses couleurs sur les végétaux, peut recevoir le nom de fluide colorigène, ou de puissance colorigène.

S II. De la lumière solaire.

L'esprit accoutumé à ne chercher les causes des phé nomènes de la nature que dans les matériaux qui composent le globe, ou dans les principes constituans de l'air qui nous environne, se refuse d'abord à admettre que le soleil, qui est si éloigné de nous, soit la source dans laquelle la nature puise la matière des couleurs dont elle orne les végétaux. Mais en considérant tous les phénomènes qui accompaguent la vie des végétaux, leur germination, leur nutrition, la propriété qu'ils ont d'extraire de la terre et de l'atmosphère les principes qui sont nécessaires à leur accroissement et à leur développement,

de les combiner ensemble et de les convertir en leur propre substance, alors on sentira plus facilement que l'absorption ou la concrétion des couleurs des rayons solaires n'est pas un phénomène plus étonnant que les premiers, et qu'il est un des effets de la puissance organique que la nature a donnée à ces êtres.

Le vaste aspect sous lequel M. Fourcroy (dans la septième section de son Systéme des connaissances chimiques) considère les végétaux comme des appareils chimiques destinés par la nature à commencer l'organisation de la matière brute, à réunir les matières primitives, à les combiner de manière à nous offrir toutes les productions nécessaires à nos besoins et à notre agrément, peut aussi renfermer la sublime prérogative par laquelle ces êtres empruntent les couleurs du flambeau du monde, les réunissent, les solidifient et les concentrent dans leur tissu fin pour les offrir libéralement ensuite à nos regards et à nos usages.

On éprouve à l'égard de la matière des rayons colorans de la lumière, pour l'obtenir seule et isolée, la même difficulté qu'à l'égard de l'oxigène, de l'azote et de l'hydrogène. Ces trois corps, dans leur état de plus grande simplicité, sont toujours unis au calorique ; de même aussi la matière colorante des rayons est combinée avec la lumière, ou elle est combinée dans le végétal avec le principe extractif, avec le principe résineux, avec une fécule, avec un principe gommo-résineux. De-là résulte la division que M. Fourcroy a faite des couleurs, en couleurs extractives, en couleurs hydrogénées ou résineuses, etc. On ne peut les séparer de ces bases qu'en leur présentant d'autres excipiens pour lesquels elles aient plus d'attraction que pour la matière végétale (tels sont l'alumine, le muriate d'étain employés dans l'art de la teinture). Le principe colorant, en quittant un excipient, se précipite rapidement sur un autre, et ce passage se fait avec une telle vitesse, qu'il échappe à nos yeux.

Les couleurs seront toujours pour nous des corps simples

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