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» Ainsi la loi pourrait croire qu'un accusé est coupable, quand il est déclaré tel par le jury, mais elle n'a pas un » motif suffisant de croire que le crime n'est pas certain, » lorsque l'accusé est renvoyé absous ; d'où il résulte une » trop grande chance d'impunité pour les criminels. Il est » donc nécessaire que le jugement du jury soit confirmé: » aussi la base de la réforme que je propose est la confir»mation de tous les actes judiciaires, depuis la prévention jusqu'à la conviction, afin de fermer toutes les issues » par où les criminels pourraient s'échapper. Je me suis » proposé la solution de ce problême: Trouver les moyens » de laisser échapper le plus petit nombre possible de cri» minels des mains de la justice, en conservant la certitude » de ne condamner aucun innocent.

» J'ai suffisamment démontré que plus la poursuite d'un accusé était exacte et rigoureuse, et plus elle servait à » démontrer son innocence, quand il n'était pas coupable; » il me reste à faire voir que tous les jugemens de con»viction prononcés et confirmés, quoiqu'ils n'aient été » portés que par la majorité simple, emportent toujours » avec eux la certitude qu'aucun innocent n'a été jugé » coupable. En effet, le jury peut avoir trois espèces d'o» pinions différentes; 1° La certitude du crime; 2° l'in» certitude ou le défaut de preuves suffisantes; 3o la cer »titude de l'innocence. Supposons d'abord qu'une majorité

opine pour le crime, il n'est pas possible de supposer - que la minorité qui opine pour le renvoi du coupable, »le fasse parce qu'elle a la certitude de son innocence; » et il y a également une infinité de probabilités dans un » sens contraire entre le même point de doute et la cer» titude du crime, de sorte que quand la majorité décide - » que l'accusé est coupable, il reste à la loi une infinité » de probabilités ou une certitude morale que la minorité » a une opinion différente, seulement parce qu'elle doute: - » or cette dernière opinion n'est pas contraire à celle de » la majorité ; c'est une opinion, dont la force est nulle, » relativement à celle-ci. Ainsi quand sur douze jurés huit

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» opinent pour le crime et quatre pour le renvoi de l'ac» cusé, l'opinion des quatre derniers ne détruit pas l'opi»nion des quatre autres de la majorité, parce qu'elle ne » lui est pas opposée. Elle ne les détruirait qu'autant que les quatre opinans de la minorité auraient la preuve morale de l'innocence. Mais l'opinion de la majorité » donne une certitude morale du contraire. Ainsi dans le » cas 1° où la majorité vote pour la certitude du crime. » la force de l'opinion de la minorité est considérée comme » nulle relativement à celle de la majorité. On voit donc » que dans le cas qui intéresse le plus le coupable, la »loi, sans craindre de condamner un innocent, peut con» sidérer la majorité comme l'unanimité. En second lieu, lorsque la majorité vote pour le renvoi de l'accusé, la » loi peut et doit même croire encore que la minorité » qui a voté pour le crime, en a la certitude morale; mais » par le résultat des opinions, elle voit que les élémens » de conviction dont le crime est susceptible ne pourraient » pas produire la certitude dans la majeure partie des » hommes, elle le laisse sans punition pour ne pas attein

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dre la limite qui sépare la certitude de la probabilité : » ce reste de certitude qu'elle néglige et que donne la » minorité, est une chance qui est laissée au criminel et » qu'on ne peut lui ôter.

» Il résulte de là que la loi a la certitude de ne point > punir d'innocens, et par la précaution qu'elle prend de ne pas vouloir atteindre la limite de la certitude du > crime, elle est encore assurée qu'il y a des coupables » qui sont renvoyés absous. Il est de l'intérêt de la société » que ce nombre soit le plus petit possible; par consé»quent elle doit employer tous les moyens qui sont en » son pouvoir pour ne laisser perdre aucun des élémens » de conviction. »

L'auteur a posé en principe, dès le commencement qu'en diminuant les probabilités d'échapper à la peine, on peut en adoucir la rigueur et diminuer le nombre des criminels.

Nous avons cru devoir à l'importance du sujet qui intéresse essentiellement l'ordre social et la liberté civile, ainsi qu'au mérite des deux ouvrages couronnés par l'Institut, de les faire connaître à nos lecteurs. Le résultat des lumières répandues sur l'institution du jury, surtout dans les circonstances présentes, devait être consigné dans la Décade philosophique. L. B.

VOYAGES.

SUR les mœurs, la religion et les lois des Kucis, ou montagnards de Tipra (1).

LES habitans des districts montueux situés à l'est du Bengale, donnent au créateur de l'Univers le nom de Pâtiyaa; mais ils croient que chaque arbre renferme une divinité; que le soleil et la lune sont des Dieux ; et que Pâtiyâa aime à voir rendre un culte à ces déités inférieures.

S'il arrive à quelqu'un d'entre eux de tuer un de ses compatriotes, il n'est recherché, pour ce meurtre, ni par le chef de la tribu, ni par toute autre personne étrangère à la famille du défunt; mais si le défunt laisse un frère ou un héritier quelconque, celui-ci peut le venger, et qui que ce soit n'a le droit de s'opposer à cet acte de représaille.

Lorsqu'un individu est trouvé coupable de vol, ou de quelque autre délit grave, le chef fait allouer une indemnité à la partie plaignante, et opère une réconciliation: lui-même reçoit une amende déterminée par l'usage; et chacune des parties régale la tribu de viande de porc

ou autre.

Anciennement ces montagnards n'étaient pas dans l'usage de trancher la tête aux femmes qu'ils trouvaient dans

(1) Ce morceau est tiré du tome second des Recherches asiatiques de la société de Calcutta, dont la traduction, avec des notes du C. Langlès, de l'Institut national, s'imprime actuellement à l'imprimerie de la République.

et

les habitations de leurs ennemis; mais une de ces femmes ayant un jour demandé à une autre pourquoi elle se rendait à son travail plus tard que de coutume, celle-ci lui donna pour raison que son mari était allé au combat, qu'elle avait été retenue par la nécessité de lui apprêter à manger. Un montagnard, qui en voulait à son époux, entendit cette réponse; il en fut transporté de colère, et se dit à lui-même, que puisqu'elle avait préparé des alimens à son mari pour l'envoyer combattre sa tribu, les hommes manqueraient de vivres, et par conséquent ne pourraient faire la guerre d'une manière avantageuse, si les femmes ne restaient pas au logis, A dater de cette époque, il passa en coutume de trancher la tête aux femmes des ennemis, surtout lorsque la grossesse les retenait dans leurs maisons; et cette barbarie est poussée à un tel excès , que s'il arrive à un kûcy d'entrer chez un ennemi, et d'y tuer une femme enceinte, il est honoré et célèbre dans sa tribu, comme ayant détruit deux ennemis d'un seul coup.

A l'égard des mariages, lorsqu'un riche est convenu des articles, il donne quatre ou cinq têtes de gayal (le bétail des montagues) au père et à la mère de sa future; après quoi il l'emmène chez lui. Les parens tuent les gayals, préparent des liqueurs fermentées et du riz bouilli, avec d'autres comestibles, et invitent à un banquet nuptial, le père, la mère, les frères et la famille de leur gendre. Lorsqu'un homme d'une fortune médiocre a envie de se marier, et que les parties sont d'accord, on observe en petit les mêmes formalités. Chacun est libre d'épouser qui il lui plaît, excepté sa mère. Si deux époux vivent en bonne intelligence et qu'ils aient un fils, le mariage est indissoluble; mais s'ils n'ont point de fils, et surtout s'ils font mauvais ménage, le mari peut répudier sa femme et en épouser une autre.

Ces montagnards n'ont aucune idée d'un ciel ou d'un enfer, destiné à récompenser les bonnes actions ou à punir les mauvaises mais ils croient qu'un certain esprit vient

:

saisir et emporter l'ame des mourans ; que le défunt jouit de tout ce que l'esprit lui a promis à l'instant du décès; mais que si quelqu'un s'empare du cadavre, il ne trouvera point le trésor.

Ils se nourrissent d'éléphans, de porcs, de bêtes fauves et d'autres animaux. Lorsqu'ils en trouvent les corps ou les membres dans les forêts, ils les font sécher, et les mangent en cas de besoin.

Quand ils ont résolu de faire la guerre, ils envoient des espions avant de commencer les hostilités, pour connaître les postes et les forces des ennemis, et l'état des chemins. Cela fait, ils se mettent en marche pendant la nuit; et, deux ou trois heures avant le jour, ils livrent une attaque soudaine avec des épées, des lances et des flèches. Si leurs ennemis sont forcés d'abandonner leur. position, les assaillans mettent aussitôt à mort tous les individus mâles et femelles qui ont été laissés derrière et dépouillent les maisons de tous leurs meubles. Mais si l'ennemi, prévenu de l'attaque projetée, est assez courageux pour leur tenir tête, et qu'il soit supérieur en nonbre, ils se retirent en hâte, et regagnent paisiblement leurs habitations. Lorsqu'ils voient une étoile près de la lune, ils disent que le lendemain ils seront indubitablement attaqués par un ennemi; et ils passent la nuit sous les armes, avec une extrême vigilance. Ils se mettent souvent en embuscade dans une forêt, près du sentier où leurs ennemis ont coutume de passer et de repasser: là ils les attendent avec des armes de différentes espèces et tuent tous ceux qui se présentent, hommes ou femmes. Pendant qu'ils sont dans cette situation, s'il arrive qu'un d'entre eux soit mordu par une sang-sue, un ver ou un serpent, il souffre en silence; et quiconque peut rapporter au logis la tête d'un ennemi, tranchée par lui-même, est sûr d'être honoré et distingué. Lorsque deux tribus ennemies paraissent être d'égale force dans le combat, et qu'aucune des deux n'a l'espérance de mettre l'autre en fuite, elles annoncent par un signal, des intentions pacifiques, s'en

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