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SUR UN

VOYAGE A FERNEY.

UN amateur est allé récemment à Genève, et il a poussé sa course jusqu'à Ferney pour y voir cette habitation d'un grand homme, qui attire, des différentes parties du monde civilisé, les voyageurs amis des lettres et du génie, comme la Mecque attire les Musulmans.

Cet amateur est entré dans la chambre à coucher de Voltaire, qu'on a entièrement conservée telle qu'elle était le jour où il l'a quittée pour venir à Paris.

C'est le même lit où il s'est reposé, les mêmes fauteuils où il s'est assis, la même table où il a écrit, les mêmes tableaux sur lesquels il portait le plus habituellement les

yeux.

Là on voit les portraits de Le Kain, du roi de Prusse, de Catherine, de Mme du Châtelet, de lui-même, et dans un cadre, les portraits gravés de plusieurs hommes célèbres, au bas de plusieurs desquels sont des inscriptions de sa main. Il n'est pas vraisemblable que ceux de Fréron, de Nonotte, de Patouillet se trouvent dans cette collection. On assure qu'ils étaient autrefois dans la garde-robe, dont le mobilier a été moins respecté que celui de la chambre à coucher.

En parcourant cette chambre, dont l'étroite enceinte recéla un homme qui remplissait l'Univers de sa renommée, notre amateur éprouvait un enthousiasme qui se reproduit lorsqu'il en parle, et qui se communique à ceux qui l'ecoutent. Il cite les étrangers accourus comme lui pour visiter un lieu qui n'a de remarquable que les souvenirs auxquels il reporte l'imagination. Cette retraite, privée de son illustre possesseur, est encore pleine de lui-même. L'ami de l'éloquence et des vers éprouve dans l'habitation de Voltaire une agitation, un ravissement inconnu. C'est, pour ainsi dire, la Pythonisse sur le trépied d'Apollon.

Il est douteux que la chambre de ceux qui écrivent journellement pour rabaisser sa gloire, produise jamais le même effet. Je ne crois pas que des étrangers se déplacent, ou que même des Parisiens quittent leur quartier pour aller, par exemple, An XI. 1er Trimestre. V

dans la rue des Prêtres, visiter le siége du grand juge qui rédige tous les matins de longs arrêts flanqués de longs préambules et de longues digressions, pour condamner à l'oubli des auvres qui sont dans la mémoire de tous les hommes de goût.

Celui qui prononce ainsi des peines d'oubli pourrait fort bien voir ses jugemens s'exécuter contre lui-même, ainsi que cela est arrivé à ses devanciers.

L'admiration dont Voltaire jouit depuis près d'un siècle, peut-elle être traitée d'engoûment ? N'eût-il fait que la Henriade et Jeanne, Mérope et Zaïre, l'Histoire de Charles XII et Candide, prétendrait on abattre par des lambeaux de critiques une réputation fondée sur de pareils titres ? Ce serait vouloir démohr à coups de canif le Pantheon de Rome.

Quelqu'appui que des esprits superficiels ou prévenus donnent à ces attaques, elles n'en sont pas moins 1isibles. Ceux , qui clabaudent contre les travaux d'Hercule seraient moins teméraires s'il respirait encore. Il ne lear ferait point l'honneur d'employer sa massue contre eux, ou de les étouffer dans ses bras comme Antée; mais il pourrait bien leur détacher quelquesuns de ces terribles soufflets qu'il distribuait en se jouant, dont on conservait si long-tems les marques.

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Les insolens qui ont eu leur part dans cette plaisante distribution, doivent au moins à ce traitement l'avantage d'avoir échappé à l'oubli. La mémoire de Voltaire traine la leur à sa suite, comme Homère traîne à la suite de la sieune la mémoire de Zoile.

Nos facteurs de feuilletons seront moins heureux. Leur renommée, qui vit depuis le matin jusqu'au soir, et qui le lendemain reprend naissance pour avoir la même durée, court grand risque de s'éteindre quand la plume qui l'entretient au jour le jour n'agira plus. Alors tout sera dit. Un durable et brillant souvenir ne fera point consacrer leur habitation comme une sorte de temple, leurs meubles, s'ils en ont, comme des eliques respectables. Notre pélerin de Ferney disait à ce sujet, dans une gaîté un peu triviale, mais énergique de vérité : l'encrier de G.. sera moins recherché que la chaise percée de Voltaire. V. L.

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Sous ton ombre caché, je viens, forêt tranquille,
Séjour de paix et de bonheur,

Reposer mes sens et mon cœur

Fatigués du chaos et des mœurs de la ville.

Les noirs torrens dont les rapides flots Roulent avec fracas au pied de ces côteaux, Rappellent seuls à ma pensée

Des tristes passions la fureur insensée.

Si leur emblême est sous mes yeux, Ah! du moins des cités cette effroyable peste Sur leurs habitans malheureux

Exerce loin d'ici son ravage funeste.

O passions, tyrans des cœurs,

Puissé-je dans ce port, à l'abri de l'orage,
Ne voir désormais votre image

Qu'en ces torrens dévastateurs !

Oui, tout cruels qu'ils sont, vous l'êtes davantage.
Ces maux nombreux qui d'âge en âge

Ont désolé la terre, et fait couler ses pleurs,

Ne sont-ils pas tous votre ouvrage ?

Par vous, l'homme à connu le crime et la douleur.
Du fer et du poison, sanguinaires furies,

Vous armâtes ses mains impies.

Des liens les plus saints vous troublez la douceur.
A votre voix, une épouse infidelle

Dans le lit nuptial place le déshonneur;

A votre voix, un fils rébelle

Immole un père à sa fureur.

Tout à coup dans le sein de la vierge innocente
S'allume une honteuse ardeur;

Et la débauche dégoûtante

Va siéger sur ce front où brillait la pudeur.

La discorde, le vol, et l'injure homicide,
Le sacrilége parricide

REP.FRA

Sont la pompe de vos autels.

C'est vous qui commandez ces meurtres solemnels
Qui d'un vaste carnage épouvantent la terre;
Horribles attentats que, sous le nom de guerre,
Osent légitimer de barbares mortels.

Ah! faut-il nommer tous les crimes

Qui reçurent le jour dans vos coupables flancs?
Faut-il de toutes vos victimes

Faire entendre les cris et les gémissemens?

Ici le pauvre de l'usure
Maudit les pertides secours;

Plus loin à l'infâme luxure

Un jeune homme expirant redemande des jours
Dont, sans de faux plaisirs, la santé, la nature
Auraient long-tems encor prolongé l'heureux cours.
Ailleurs l'humanité sanglante

Contre un ambitieux dont le farouche cœur
Par le meurtre des siens cimenta sa grandeur,
Elève sa voix gémissante.

La réclamant en vain et les Dieux et les lois,
De leurs affreux malheurs, de leur fin déplorable,
Des milliers de mortels accusent à la fois

L'orgueil au front superbe et la haine implacable,
L'envie aux obliques regards,

La calomnie infatigable

Dans l'ombre chaque jour aiguisant ses poignards.
Dirai-je aussi du jeu les suites effroyables?
Ces enfans, cette femme, êtres infortunés,
Par un père, un époux à la faim condamnés,
Et remplissant les airs de leurs cris lamentables?
Dirai-je de leurs maux, le trop barbare auteur,
Par de tardifs remords, l'ame enfin déchirée,
Le blasphême à la bouche, et l'œil plein de fureur,
Tournant contre lui-même une main égarée,
Et de son propre sang expiant son erreur ?

O vous, des passions, ardens panégyristes,
Ah! ne nous vantez plus leurs sublimes effets:
C'est assez opposer, ingénieux sophistes,

Aux maux qu'elles nous font, d'équivoques bienfaits.
Elles sont, dites-vous, le principe admirable

Des écrits immortels, des nobles actions.
J'y consens, je le veux ; mais par les passions
L'homme grand quelquefois, est plus souvent coupable.
Ce feu qui du caillou s'échappe en pétillant,
Il est vrai, l'échauffe et l'éclaire,
Mais à la fois utile et dangereux présent,
Ne dévore-t-il pas le toit de l'imprudent?
Sa flamme active et meurtrière

Dans un vaste incendie embrasse en un instant
Le palais orgueilleux et la simple chaumière:
Un peuple entier gémit sur des débris fumans.
Ces vents du nautonnier, secourables agens,
Dont la douce et propice haleine
Fait voler son vaisseau sur la liquide plaine,
Et le pousse à son gré vers ce bord florissant,
Où prodigue de biens, le commerce l'attend;
Ces vents....bientôt hélas ! trompant son espérance,
Déchainés, furieux, mugissans sur les eaux,
Présentent mille morts aux pâles matelots.
Emporté par leur violence,

Le vaisseau tour à tour s'élève dans les airs,
Descend dans les flots entr'ouverts,

Jusqu'aux cieux de nouveau s'élance,
Retombe et disparaît dans l'abime des mers.
Ah! sur cet élément, domaine des orages,
L'homme imprudent et malheureux
Compte moins de succès que de tristes naufrages.
Ah! s'il eût su dompter son cœur ambitieux,
Il n'aurait pas quitté ses paisibles rivages
Où ses ancêtres, bien plus sages,

Vécurent et sont morts heureux.

Nous aussi, croyez-moi, si dans une ame pure
Nous avions conservé, constainment vertueux,
L'iundcence de la nature,

Nous n'eussions point connu la mer des passions,
Ses dangereux écueils, ses tempêtes horribles;

De ces divinités terribles,

Jusques dans les bienfaits que nous en recevons,
Nous n'eussions point connu les redoutables dons.
Pour jouir d'un bonheur et parfait et durable,

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