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> Tel qu'un amant fidèle entretient ce qu'il aime. »

> Connais-tu bien l'amour? toi qui parles d'aimer, > L'amour est un trésor qu'on ne peut estimer:

» Il n'est rien de plus grand, rien de plus admirable, » Il est seul à soi-même ici-bas comparable:

» Il sait rendre légers les plus pesans fardeaux:

Les jours les plus obscurs il sait les rendre beaux; » Et l'inégalité des rencontres fatales,

> Ne trouve point en lui de forces inégales.

> Charmé qu'il est partout des beautés de son choix, > Quelque charge qu'il porte il n'en sent point le poids: Et son attachement au digne objet qu'il aime,

» Donne mille douceurs à l'amertume même,

» La terre ne voit rien qui soit plus achevé :

» Le ciel même n'a rien qui soit plus élevé.

>

> En yeux-tu la raison? En Dieu seul est sa source:

> En Dieu seul est aussi le terme de sa course;

» Il en part, il y rentre; et ce feu tout divin

» N'a point d'autres principes et n'a point d'autre fin. » Tu sauras encor plus : à la moindre parole, l'amant va, court et vole. » Au plus simple coup-d'œil, » L'amour ne dort jamais, non plus que le soleil : > Il sait l'art de veiller dans les bras du sommeil: » Il sait dans la fatigue être sans lassitude, » Il sait dans la contrainte être sans servitude, › Porter mille fardeaux, sans en être accablé, > Voir mille objets d'effroi, sans en être troublé, > C'est une effusion d'une source éternelle : » C'est d'une vive flamme une ardente étincelle. > Ce n'est pas tout encore; et tu ne conçois pas, » Ni tout ce qu'est l'amour, ni ce qu'il a d'appas.

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Apprends qu'il est bouillant, apprends qu'il est sincère: Apprends qu'il a du zèle et qu'il sait l'art de plaire, » Qu'il est délicieux, qu'il est prudent et fort, > Fidèle, patient, constant jusqu'à la mort ; > Courageux, et surtout hors de cette faiblesse,

Qui force à se chercher, et pour soi intéresse: > Car enfin c'est en vain qu'on se laisse enflammer, » Aussitôt qu'on se cherche, on ne sait point aimer.

> Que je t'aime plus que moi-même.
» Que je m'aime en toi seulement :
» Et qu'en toi seul pareillement

» Je puisse aimer quiconque t'aime !

› Mon Dieu, c'est en toi seul que vont se réunir
> Tous les tems, le passé, le présent, l'avenir;
» En toi qu'à tout moment s'assemblent et s'épurent,
> Tous les biens qui seront et qui sont et qui furent.

Et n'es-tu pas ce feu toujours pur, toujours saint,
» Dont la flamme toujours ardente,

> Toujours vive, toujours pleine et surabondante,
» Se nourrit d'elle-même et jamais ne s'éteint?

Le poëte prend un ton plus élevé dans les vers qui suivent :

Seigneur, tu fais sur moi tonner tes jugemens,

Tous mes os ébranlés tremblent sous leur menace,

› Ma langue en est muette, et mon cœur tout de glace
N'a plus pour s'exprimer que des frémissemens.

Je demeure immobile en ce mortel effroi:
> Et partout sous mes pas je trouve un précipice:
» Je vois ce que je suis, et quelle est ta justice;
> Et je sais que le ciel n'est pas pur devant toi.

Ne te refuses pas aux peines que j'endure,

» Et laisse-moi du moins plaindre un peu mes douleurs, Avant que je descende en cette terre obscure Qu'enveloppe la mort de ses noires couleurs.»

Moi qui suis tout puissant, moi qui d'une parole,
» Ai báti l'un et l'autre pôle,

» Et tiré du néant tout ce qui s'offre aux yeux;

Moi dont tout l'Univers est l'ouvrage et le temple, » Quand dans un saint respect ton amour me contemple, Je te remplis de moi, moi qui remplis les cieux. » Enfin on a relevé des vers qui font sentence, tels ceux qui suivent, et des mots vieillis qui ont de la ou de l'énergie sous la main de Corneille.

» Quiconque en sait beaucoup en ignore encor plus.

que

grace

> Celui-là fait beaucoup qui fait bien ce qu'il fait.

> Qui sait mal obéir ne commande pas bien.

• Qui cherche à vivre au large est toujours à l'étroit.

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L'on observe à cette occasion avec justesse, que Corneille est celui de tous nos poëtes qui prononce mieux la sentence; qu'elle est presque toujours active et vigoureuse chez lui, tandis qu'elle est souvent languissante et nulle chez les autres. Par mieux, l'auteur veut dire plus énergiquement, plus rapidement, sans cela nous réclamerions pour La Fontaine ; mais c'est des poëtes tragiques qu'il est question. Si Voltaire n'y réussit pas toujours, comme on le dit en cet endroit, il faut convenir pourtant qu'il a un grand nombre de vers qui font proverbe. Au reste la restriction se borne à donner ce genre de supériorité à Corneille, sans déprimer Voltaire, car on cite aussitôt ce vers de Tancrède qui sera toujours beau, et il faut l'espérer, toujours

vrai :

L'injustice à la fin produit l'indépendance. >

C'est au Cit. J. F. Sobry qu'on est redevable de ce petit recueil qui suffira pour prouver qu'il est trop rigoureux de dire, comme l'affirmait dernièrement un journal, que Corneille mit l'Imitation de Jésus-Christ en mauvais vers. Voltaire a été plus juste, en s'en prenant au vice du sujet qui n'est pas plus fait, a-t-il dit, pour être mis en vers qu'une épitre de Saint-Paul. L. B.

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MADAME DE M***, ou LA RENTIÈRE. Cinq volumes. A Paris, chez l'auteur, rue des Postes, N° 17, et chez Daunier, Jardin des Plantes. An X. (1802 ).

Si beaucoup de détails, un style presque toujours simple, la peinture bien tracée et bien soutenue de plusieurs caractères originaux ; si l'amour maternel et une rare constance peuvent, comme nous n'en doutons pas, rendre agréable et intéressante la lecture d'un roman, celui dont nous offrons l'extrait n'inspirera jamais l'ennui.

Une madame de M*** se voit obligée, en l'an 4, de quitter un appartement commode et bien meublé, pour se reléguer à un troisième étage, près les Boulevards. Elle est forcée de solliciter les secours d'un comité de bienfaisance, ils lui sont accordés. Elle a conservé des amis, une madame de S.... et son fils Henri, mais surtout madame Dorcé, son amie de coeur, et qui ferait pour la soulager dans sa détresse, tous les sacrifices dont est capable l'amitié la plus tendre. Madame de M*** est veuve d'un énigré mort en pays étranger, et qui l'a laissée chargée d'un fils, nommé Victor, âgé de sept ans ; cette intéressante veuve n'a pour ressources qu'une rente de 2100 fr. sur l'Etat. Elle reçoit la visite de madame de S.... qui lui fait accepter un louis en numéraire, et l'invite à diner pour le mercredi suivant. Elle s'y rend avec son fils Victor; elle attire les regards d'un certain M. Danglemont, ex-abbé, libertin, calomaiateur, employant la violence pour triompher de la vertu, quand les moyens de séductions sont épuisés. Le jeune Henri, qui n'a que vingt ans, dont le cœur est neuf, se prend de belle passion pour madame de M***, âgée de vingtcinq ans, et qui joint aux charmes de la figure les connaissances et les talens agréables, fruits de l'éducation la mieux soignée.

Ce Danglemont vient chez madame de M*** un jour que madame Dorcé s'y trouvait; le prétexte de sa visite était une commission dont l'avait chargé madame de S.... La conversation tombe sur un chevalier de Valence qui, n'étant âgé que d'une trentaine d'années, avait épousé une femme de cinquante ans, d'une taille haute, sachant les langues mortes et presque toutes les vivantes, et qui n'avait donné sa main au chevalier que pour le faire légataire universel des biens immenses qu'elle possédait. Or ce Valence est l'amant adoré de notre rentière; leur ainour était réciproque, et ils étaient près de s'épouser lorsque le père de la jeune personne, pour se libérer de dettes. immenses qu'il avait contractées envers le marquis de M..., exigea que sa fille l'épousât. Celle-ci devint veuve peu de tems après le mariage de Valence, et cet événement qui lui ravissait l'espoir d'être unie à son amant, ne put éteindre sa passion.

Ne pouvant dans une analyse suivre la Rentière dans les détails qu'elle présente sur tous les personnages qu'elle rencontre ou qui viennent la trouver, nous nous bornerons à donner l'esquisse de ceux dont l'originalité nous a paru la plus piquanté. Le premier qui mérite cette préférence est un M. Picard, bourgeois de Paris dans toute la force du terme, parlant le français de la rue du Grand-Hurleur, s'annonçant avec fracas, et disant à Victor: Voyons voir que je la voie un peu, votre maman. Toute la conversation de ce Monsieur se soutient sur le même ton: il vient proposer à la Rentière de soigner l'éducation de sa fille qui demeure avec lui à sept lieues de Paris. Il offre 500 francs par an et une servante à ses ordres; il assaisonne ces offres de propos familiers, tels que peut se permettre un ancien marchand retiré, jouissant de sept à huit mille fr. de rente, et fier d'avoir à ses gages une ci-devaut marquise: il veut même embrasser en prenant congé ; mais il est refusé avec le ton de décence qui en impose tou jours à ceux qui sentent, malgré eux, leur infériorité.

La Rentière, qui avait quelque tems auparavant refusé

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