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aussi érudites, que celles dont Leib-
nitz fait usage (1). Toutefois c'est au
goût de cette même princesse pour
des matières sérieuses, que l'on doit la
connaissance d'un ouvrage de New-
ton, qui, par son objet, est bien diffé-
rent de ceux dont nous avons jus-
qu'ici parlé. Un jour qu'elle avait
conversé avec lui sur quelque point
d'histoire, il lui exposa un système
chronologique, qu'il avait autrefois
composé pour lui-même, par sim-
ple délassement. Elle en fut si char-
mée, qu'elle lui demanda de lui en
confier une copie qui serait destinée
pour elle seule. Newton y consentit
sous cette condition : mais lui-même
y fut infidèle; car il en confia une
autre copie à un certain abbé Conti,
qui s'était donné quelque importance
en s'entremettant entre lui et Leib-
nitz (V. CONTI, IX, 519). L'abbé
ne fut pas plutôt à Paris, qu'il com-
muniqua cet écrit à tout le monde :
il fut aussitôt, traduit, imprimé, sans
le consentement de Newton, même
à son insu, et encore avec une réfu-
tation que Fréret y avait jointe;
sorte que Newton eut le chagrin de
recevoir tout cela en même temps,
lorsqu'il n'en avait aucun soupçon.
II
se trouva ainsi obligé, contre son in-
tention, d'en donner au moins une
édition plus fidèle; mais il ne put que
la préparer elle parut seulement
après sa mort, en 1728. C'est sur
cette dernière qu'un des juges les plus
éclairés que nous ayons en pareille
matière,M.Daunou, a bien voulu com-
poser l'intéressante note dont il nous
a permis d'enrichir cet article (2).

de

(1) Par exemple, après avoir rappelé comment il explique l'action conservatrice de la Providence; mais, ajoute-t il, on me dit: This is « all what we contended for; c'est en cela que « consiste toute la question: à cela je réponds, « Serviteur très-humble, etc. »>

(2) Newton ne voyait dans les antiquités grecques que des fictions poétiques. Les Grecs,

Ceci nous conduit à parler d'un autre ouvrage, également composé par Newton, et qui, bien qu'il semble différer beaucoup du précédent par son titre, est cependant, comme

se disait-il, n'ont rien écrit en prose avant les conquêtes de Cyrus ; et leurs poètes n'avaient aucune mesure précise du temps: leurs premiers prosateurs n'en connurent pas d'autre que le calcul des générations ou des regnes, évalués de 33 à 40 ans. Ephore luimème, quoiqu'il eût conçu l'idée d'une histoire chronologique, ne distribuait les faits que selon la succession des rois, des archontes, des pontifes, des prêtresses de Junon. L'usage de compter par olympiades ne s'est établi que fort tard; ce calcul n'est point employé dans la chronique de Paros, rédigée après la mort d'Alexandre. Quand il s'agit d'assigner l'époque de Lycurgue, les hypothèses d'Aristote et d'Eratosthène different d'un siècle entier, ainsi que l'a remar qué Plutarque. Les contradictions sont bien

plus fréquentes, et les distances plus variables, lorsqu'il est question de plus ancieus temps; alors on ne vient à bout d'accorder les traditions qu'en doublant les personnages, de telle sorte qu'il y ait, par exemple, une Ariane pour Osiris, et une autre pour Thésée. Examinant avec la même sévérité la chronologic des Latins, Newton la trouva plus confuse encore: mais surtout les antiquités égyptiennes et assyriennes ne lui parurent qu'un affreux chaos, où, malgré la multitude des fables, des équivoques et des doubles emplois, il restait d'immenses lacufaits, et remplis seulement par des chiffres nes, de longs espaces absolument vides de ou par des noms insignifiants. D'après ces premières réflexions, et d'après un calcul astronomique dont nous parlerons bientôt, Newton composa, pour son propre usage, et comme un résultat de ses études personnelles, une chronologie débarrassée des contradictions dont Plutarque s'était plaint: « Je ne » prétends pas, disait Newton, porter l'exac» titude jusqu'à une année près; il pent y » avoir des erreurs de 5, de 10, et quelquefois » de 20 ans; mais cela ne va jamais plus loin. Il ne touche point à la chronologie sacrec, du moins en ce qui concerne les temps antérieurs à Josué; mais il s'empare de toute l'histoire profane, et ne la fait partir que

de l'an 1125 avant Jésus-Christ. Il fait descendre au-dessous de cette limite, non seulement Sésostris et Sémiramis, mais aussi Ménès et Bélus, l'Inachus des Grecs, et tous les fondateurs de leurs cités. Voici les principaux détails de son système. Vers l'an 1125 avant notre ère, des pasteurs chassés de l'Egypie viennent se répandre dans la Grèce, qui jus

lui, un ouvrage d'histoire. Il a pour titre: Observations sur les prophéties de l'Écriture-Sainte, particulièrement sur les prophéties.de Da niel, et sur l'Apocalypse de saint

qu'alors n'avait été habitée que par des peuplades errantes et sauvages. En 1080, Lycaun, Phoronée, Ægialée, Cécrops, fondent

les

royaumes d'Arcadie, d'Argos, de Sicyone, d'Athènes; et la ville d'Eleusis est bâtie par un fils d'Ogygès. En 1069, Eurotas et Lacédémon règnent sur la Laconie, et bâtissent Sparte. Les murs de Tyr ne s'élèvent que 20 ans plus tard. En 1045, des Phéniciens et des Syriens, chassés par David, passent, sous Ja conduite de Cadmus, de Phénix et de quelques autres capitaines, dans l'Asie-Mincure, dans la Crète et dans la Grèce; ils y apportent l'écriture, la poésie, la mythologie, et l'octaétéride ou le cycle de 8 ans. C'est l'époque du déluge de Deucalion, dont le fils, Hellen, père d'Eolus, régnait en 1043. Peu après, les Dactyles découvrent des mines dans le mont Ida, forgent des armes et des instruments, élèvent Jupiter; tandis que Céres, femme sicilienne, dans le cours des Voyages qu'elle entreprend pour chercher sa fille, enseigne l'agriculture à Triptolème, et par lui à tous les Grecs. Elle meurt en 1007, et les mystères d'Eleusis sont institués par Eumolpus. Alors s'achevait, sous le roi Salomon, la construction du temple de Jérusalem; alors aussi Minos envoyait des colonies dans les îles de la Grèce. Entre l'an 1000 et l'an 950, Newton distribue tous les faits que peuvent rappeler les noms de Danaüs, Pelops, Amphion, Dædale, Sisyphe, Laïus, Edipe; et c'est dans ce même espace qu'il place le règne et la mort du grand roi d'Egypte, Sésac, autrement dit Sésostris, déifié sous les noms d'Osiris, de Mars et d'Hercule. Cependant Amphictyon apportait d'Egypte en Grece les 12 grands dieux nommés par les Latins, Dii majorum gentium, et auxquels les planètes et les éléments étaient consacrés. De 50 à 900, les Éthiopiens envahissent l'Égypte; Orus, successeur de Sésac, est noyé dans le Nil; sa mère, Isis ou Astræa, en perd la raison, et la dynastie appelée divine finit chez les Egyptiens. Là commence le règne de Ethiopien Ménès (ou Aménophis), dont on a fait un personnage contemporain de Noé, ou même antérieur au déluge. Ménès bâtit Memphis, dont le véritable nom, Ménuf, n'est que celui de Ménoph, Aménophis ou Ménès. Ses contemporains sont Orphée, les Argonautes, Esculape, Thésée et l'Hercule grec. La guerre des 7 chefs contre Thèbes est de l'an 928; la prise de Troie, de 904; et la construction des petites pyramides ne que de 901. Didon bâtissait Carthage, peu après le désastre des Troyens, en sorte

date

Jean. Malgré la singularité que semble devoir offrir un pareil sujet, traité par un esprit de la trempe de Newton, nous osons affirmer qu'il y a beaucoup plus de personnes qui

2

:

qu'il n'y a point d'anachronisme dans l'Énéide. Hesiode et Homère composent leurs poèmes vers 870, un peu avant le règne de Moris en Egypte les grandes pyramides se construisent sous ce prince et sous ses successeurs Chéops, Chéphrem, Mycérinus et Asychis. Les 5 règnes vont de 860 à 776, c'està-dire, à la première olympiade, à laquelle appartiennent à-la-fois, selon Newton, les noms mal-à-propos séparés d'Iphitus et de Corcbus, Sémiramis et Lycurgue n'arrivent qu'après 776: cette Sémiramis, qui remonte dans Bossuet, au 13e. siècle avant J.-C., et bien plus haut dans Ctésias et Diodore, ne paraît, dans le Tableau de Newton, qu'en 760; et les institutions de Lycurgue, que l'on suppose voisines de l'an 884, sont rejetées au-dessous de 670. Telles sont, entre beaucoup d'autres époques, fixées et coordonnées par Newton, celles qui peuvent le mieux donner une idée générale de son système. Toute l'histoire ancienne profane, depuis Inachus, jusqu'à la mort de Darius Codoman, y est resserrée dans un espace d'environ 8 siècles, entre 1125 et 331. Newton n'avait point publié ce tableau; mais, comme on l'a dit, quelques copies passèrent en France, où fon ne tarda point à traduire, à divulguer et à réfuter ce système. Le P. Souciet, jésuite, se vanta d'avoir percé les voiles dont se couprait l'auteur anglais, et interprété sa pensée. Ce sont les propres termes de Souciet, auteur de cinq dissertations sur cette matière. En même temps, Fréret faisait imprimer le ta bleau chronologique de Newton, à la fin du tome VII d'une traduction de l'Histoire des Juifs de Prideaux, et y joignait de premières observations critiques, se réservant d'aprofondir le sujet, quand les preuves du systè me auraient paru. Fréret prétend qu'avant de se permettre d'en user ainsi, il en avait demandé la permission à Newton, et que n'ayant point reçu de réponse, il avait dû prendre ce silence pour un consentement. Le philosophe anglais fut blessé de ces procédés il s'en plaignit amèrement dans les Transactions philosophiques de 1726: « C'était, disait-il, le fruit, l'enfant de ses loi» sirs, qu'on voulait étouffer au berceau. » On publiait, sans son aveu, dans un pays étranger, dans une langue étrangère, un écrit qu'il examinait et retouchait encore: on imprimait les résultats de ses recherches, séparés de leurs développements et de leurs preuves; on les exposait, on les livrait sans défense à toutes les critiques; et déjà même on triomphait de leur faiblesse, en les accablant de

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ont parlé de cette dissertation, qu'il n'y en a qui se soient donné la pei ne de la lire. C'est pourquoi nous croyons devoir en indiquer ici le but et la marche. L'idée principale.

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tout le poids de l'érudition académique : ils étaient publiés et réfutés dans le même volu me, et ne sortaient de l'obscurité où il ies avait retenus, que pour être immoles en plein jour, par d'impatients adversaires. Fréret croyait avoir satisfait à toutes les convenances, par quelques formules polies qui précédaient et terminaient ses observations. Il y parlait de Newton, presque aussi honorablement que du P. Souciet; il avouait sans peine, qu'il y avait des idées ingénieuses dans ce tableau; il ajoutait qu'elles n'étaient pas toutes particulières à M. Newton; que depuis 12 ou 15 ans, Boulainvilliers en avait conçu et consigné, dans ses manuscrits, quelquesunes des plus importantes. Ainsi, peu s'en fallait que Newton ne fût accusé de plagiat, en même temps que d'erreur et de témérité. En parlant de ce démêlé, Fontenelle s'exprime en ces termes : « Le système chronologique a eté attaqué par deux savants français. » On leur reproche en Angleterre de n'avoir » pas attendu l'ouvrage entier, et de s'être » pressés de le critiquer. Mais cet empresse »ment ne fait-il pas honneur à M. Newton? »lls se sont saisis le plus promptement qu'ils » ont pu de la gloire d'avoir un pareil ad Dversaire. Ils en vont trouver d'autres en sa place. Le célèbre M. Halley..... a déjà écrit pour soutenir tout l'astronomique du sys »tème..... La contestation n'est pas terminée : le public peu nombreux qui est en état de juger, ne l'a pas encore fait; et quand il arriverait que les plus fortes rai» sons fussent d'un côté, et de l'autre le nom » de M. Newton, peut-être ce public seraitil quelque temps en suspens, et peut-être se» rait-il excusable. » Il paraît que la dernière année de Newton fut employée tout entière à la révision et à la rédaction définitive des preuves de son système chronologique. En 1728, quelques mois après sa mort, cet ouvrage fut publié par son neveu, sous ce titre : The chronology of ancient kingdoms emended, et traduit aussitôt en français sous celui de Chronologie des anciens royaumes, corrigée. Ce traité posthume de Newton, les remarques de Halley, l'analyse de Reid, cinq lettres de La Nauze, insérées dans le recueil du P. Desmolets, et une apologie publiée par un anonyme en 1757, voilà les écrits que nous connaissons en faveur de cette chronologie. Elle a eu pour principaux adversaires, en Angleterre, Whiston; en France, Souciet et Freret. Celui-ci, outre ses premières observations, imprimées en 1726, en composa de plus etendues après la publication du

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qu en fait la base, est nettement exprimée dans les paroles suivantes que nous tirons de l'ouvrage même (1): « La folie des personnes qui ont » voulu interpréter les prophéties,

Traité de Newton: mais cette fois, il ne se hata point du tout de les mettre au jour; elles n'ont paru qu'en 1758, après sa mort. Les raisonnements de Newton, à l'appui de son système, peuvent se diviser en quatre ciasses. Nous avons déjà indiqué la première : elle consiste à montrer l'incohérence et les vides de la chronologie commune, qui a fait de l'histoire ancienne un vaste désert, où l'on ne rencontre, de loin en loin, que des fantômes ou des prodiges. C'est un cadre beaucoup trop grand pour ce qu'il doit contenir, Mais ces considérations ne sont que préliminaires elles ne sauraient prouver directement la justesse des limites et des dispositions nouvelles que Newton veut établir. En deuxième lieu, il examine la manière d'évaluer les générations et les règnes, et il pense qu'il y a excès, si l'on prend un terme moyen plus fort que 33 ans à l'égard des générations; que 18 à 20 à l'égard des règnes. Hérodote dit expressément que trois générations équivalent à cent années; et cette indication paraît la plus applicable, dans les occasions fréquentes où les historiens ne mesurent les temps que par le nombre des générations comprises depuis un événement jusqu'à un autre. Du reste, nous ne sommes pas sûrs qu'ils attachent tous précisément la même idée à ce mot de génération. Entendent-ils par-là l'âge du père à la naissance du fils, ou le nombre des années durant lesquelles le fils survit au père, ou bien chaque renouvellement de la partie active d'une population? D'ordinaire, on s'en tient au premier de ces trois sens; et l'on suppose, par conséquent, qu'en général le père a 33 ans à la naissance de celui de ses enfants par lequel il doit être principalement remplacé. Il est difficile pourtant que ce terme moyen ne varie pas beaucoup selon la diversité des climats et des habitudes sociales; pour ne rien dire des circonstances accidentelles qui le doivent déranger par exemple, si le fils qui succède au père, dans la société ou dans l'histoire, n'est pas le premier né; s'il a été précédé par plusieurs enfants de l'autre sexe, ou par des fils aînés qui sont morts en bas âge. Mais ce qui déplait surtout à Newton, c'est qu'un même calcul soit appliqué aux générations et aux règnes. Hérodote a donné l'exemple de confondre ces deux mesures, qui sont en elles-mêmes très-distinctes. Pour trouver que

(1) Propheties of holy writ, p.11; Age of Apocalypse.

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>> dit Newton, a été de vouloir en » tirer la prévision des événements >> à venir, comme si Dieu avait eu » le dessein de faire d'eux autant de » prophètes. Par cette hardiesse, ils

ces cas,

la durée moyenne d'un règne est de 33 ans, il faut choisir tout exprès des exemples, et en admettre de fort suspects: Newton établit celle de 18 à 20 ans, en la déduisant de trèslongues séries. Nous trouverions qu'en France, sur la totalité de la dynastie capétienne, ce terme moyen n'excéderait pas 24 ans; et qu'il ne serait pas de 21, si on le prenait sur les trois races. En effet, si un règne équivaut quelquefois à une vie entière, parce que le petit-fils ou l'arrière-petit-fils a succedé immédiatement à son aïeul ou à son bisaïeul, plus souvent il arrive que le frère succède au frère; ou qu'à défaut de ligne directe, la couronne passe à un collatéral quelconque : et en c'est un homme d'un âge plus avancé qui parvient au trône pour l'occuper moins long-temps. Il convient de tenir compte aussi des attentats ou des catastrophes qui ont abrégé tant de règnes. Toutefois le terme moyen de 20 ou 18 ans, peut sembler un peu faible à l'égard des monarchies héréditaires : des calcuis fondés sur les parties les mieux connues de l'histoire, l'élèveraient à 22, non au-delà; et en employant ce nombre 25 au lieu de 33, on diminuerait d'un tiers juste toutes les parties d'annales anciennes dont la durée n'est mesurée que par des séries de rois. Mais les monarques électifs passent plus rapidement; et dans ces nombres vagues ou même dans ces listes nominatives de rois egyptiens, assyriens, grecs, que nous présentent les historiens antiques, sans y attacher aucun fait, il est fort possible qu'il y en ait d'électifs. Cette considération nous ramènerait au terme de 18 à 20 ans, que Newton n'a indiqué qu'après un très-mûr examen. Ajoutons que plusieurs de ces règnes ont pu étre simultanés, soit parce qu'un même empire se partageait en plusieurs états, soit parce que plusieurs princes essayaient de s'asseoir à-la-fois sur le même trône, ou comme associés ou comme rivaux ; l'histoire connue en fournit un exemple fort remarquable: entre Septime-Sévère et Dioclétien, plus de soixante personnages ont obtenu, conquis, asurpé, porté enfin, soit successivement soit simultanément, le titre d'empereurs romains. Supposons que nous ne sachions rien de leurs aventures, et qu'on nous ait transmis seulement le catalogue de leurs noms : par la règle des 33 ans, familière aux chronologistes, nous trouverions qu'ils occupent ensemble un espace de 1980 ans, et nous nous tromperions de 1880; car ces 60 empereurs ne correspondent qu'à un seul siècle, le 3e. de l'ère vulgaire. Or, qui nous ga

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» ne se sont pas seulement compro» mis eux-mêmes; ils ont encore fait » mépriser les prophéties. Le des» sein de Dieu a été bien différent. » Il a donné l'Apocalypse, ainsi que

rantit que dans les nomenclatures ou dans les nombres de rois égyptiens on asiatiques, il n'y ait pas des séries de cette espèce? il est donc permis de penser qu'en ce qui concerne la durée des générations et des règnes, les vues et les calculs de Newton conservent un grand avantage sur les dissertations de ses contradicteurs. Mais ceci ne suffit point encore pour établir l'ensemble, ui pour maintenir les détails de son système. Sou traité contient des raisonnements d'un troisième genre ; là les regards de Newton pénè trent fort avant dans l'histoire : il l'envisage et la décompose pour reconnaître son âge dans ses traits, et, pour ainsi dire, dans ses organes. Suivant lui, il n'y a d'historique que la civilisation; ses progrès sont les seules époques assignables dans les annales humaines. Tant que les hommes, les familles, les peuplades, ont erré sur le globe, et n'en ont occupé ou parcouru qu'un petit nombre de points (ce qui a duré fort long-temps), l'histoire n'a pu commencer. Peu-à-peu, la Mésopotamie, la Syrie, l'Égypte, se peuplerent, tandis qu'en Grèce il n'existait encore que des sauvages épars dans les bois. Inachus et Cécrops descendirent dans cette Grece, qui devint ainsi, en Europe, le premier théâtre de quelques essais d'établissements civils. Les arts nécessaires étaient partout dans l'enfance; les arts agréables n'étaient pas nés. Cependant, à mesure que les peuples s'éloignaient des temps et des lieux de leurs origines, ils avaient entre eux des communications qui étendaient leurs idées et compliquaient leurs usages. Leur religion perdit sa simplicité primitive. Le soleil, la lune et tous les astres désignés sous le nom d'armée du ciel, furent les premiers objets d'un culte superstitieux. A une seconde époque, les hommes déifièrent leurs bienfaiteurs ; ils changèrent les tombeaux en autels, et mêlèrent aux divinités célestes, les personpages fameux qui avaient fécondé on dévasté la terre. Cette idolâtrie complexe date, selon Newton, du même temps que les arts qui ont contribué à la fonder; elle n'est pas beaucoup plus ancienne que Sésostris. Ce Sésostris ou Sésac, placé par Newton, entre l'an 1000 et l'an 950 avant J.-C., joue un très-grand rôle dans ce système. Son père, Ammon, est le Jupiter Ammon des Libyens, et l'Uranus des Grecs. Newton nous a déjà dit que Sésostris lui-même est Osiris et Hercule; sa femme est Isis, Astrée ou Cybele; Orus, leur fils, est Apollon; Bubaste, leur fille, est Diane. Japet, frère de Sésustiis,

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est Python, Typhon, Neptune. Un ministre égyptien, nommé Thott, s'appelle ailleurs Hermès et Mercure. Ainsi, les dieux de l'Esypte et de la Grèce ne précèdent que d'une seule génération les héros de Colchos; que de deux ou trois, ceux de l'Iliade. Les quatre âges chantés par les poètes, ne répondent qu'à quatre grandes générations. Les Argonautes sont de l'âge d'or; Minos, de l'âge d'argent; ses fils, de l'âge d'airain, et l'âge de fer ne finit qu'environ 35 ans après la guerre de Troie. Ces quatre âges, tous postérieurs à Cadmus, désignent l'ordre dans lequel les métaux dont ils portent les noms. furent connus en Grèce. Homère vit les dernièrs jours du quatrième âge. Voilà comment se resserre dans un espace d'environ 200 ans, depuis Ammon jusqu'à Homère, toute la partie de la mythologie qu'on peut appeler héroïque, pour la distinguer de l'astronomique à laquelle elle s'est rejointe. Les développements de cette mythologie coïncident avec les progrès des arts. Newton admet ou suppose une très-longue suite de siècles avant tout commencement de civilisation; mais une fois qu'il voit naître les arts, il semble mesurer la rapidité de leurs progrès sur celle de ses propres conceptions, sur l'élan de son propre génie. En 1125, il n'aperçoit dans la Grèce que des marais, des bois, des sauvages, et pas une cabane; Inachus et Cécrops, quand ils abordent cette contrée, savent seulement se loger et se nourrir. En 1045, personne encore ne sait lire ni écrire dans la Grèce entière; et cependant, vers 870, 255 ans après Inachus, 135 ans après Cadmus, Hésiode explique en vers l'origine des Dieux, et les travaux des hommes; Homère compose I'lliade et l'Odyssée. Quoique cette marche puisse paraître excessivement accélérée, cette partie du Traité de Newton est à-la-fois la plus brillante et la plus savante. Tous les textes antiques qui pouvaient en justifier ou en excuser les détails, y sont recueillis et rapprochés avec une extrême sagacité; et comme ils étaient peu nombreux, peu indiqués, comme ils n'avaient d'ailleurs, tant qu'ils restaient isolés, que des rapports indirects avec cette chronologie, il a fallu à Newton bien plus de recherches pour les découvrir, et plus d'art pour les employer, qu'à ses adversaires pour multiplier les citations en sens contraire. Newton savait à merveille qu'il suffisait d'ouvrir les historiens classiques, et les chronographes ecclésiastiques, pour y trouver dos passages qui assignent à Inachts, à Cécrops,

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à Cadmus, à Sésostris, des époques beaucoup plus anciennes. Il n'avait pas manqué de se faire ces objections, qui se présentaient d'elles-mêmes. Fréret, en les développant, ne leur a pas donné plus de force: il y a mêlé des bypotheses, qui lui sont restées propres, et que les chronologistes n'ont point admises; celle, par exemple, qui consiste à placer Moïse, Danaus et Sésostris à une même époque, entre 1550 et 1500. Toutefois, malgré l'étroit enchaînement des idées de Newton, rien encore, dans les trois genres de considérations que nous venons d'exposer, n'a la force ni même la forme d'une preuve rigoureuse. On voit bien une chronologie où tout est plein, et qui a, en quelque sorte, horreur du vide : les époques y sont distribuées avec infiniment d'intelligence et de dextérité; mais aucune date n'y est fixée, ni par des monuments, ni jusqu'ici par des calculs positifs; et l'on ne sait pas pourquoi il assure, avec tant de confiance, que s'il peut se tromper de 5 ou 10 ans, de 20 quelquefois, cela ne va jamais plus loin. C'est par un raisonnement d'un quatrième et dernier ordre, qu'il croit montrer la précision de son travail. Les points équinoxiaux et solstitiaux se meuvent d'orient en occident, contre l'ordre des constellations du zodiaque. Chacun connaît, sous le nom de précession des équinoxes, ce mouvement rétrograde, dont la quantité est d'un degré en 72 ans à-peu-près. C'est par-là que Newton détermine la distance qui sépare l'expédition des Argonautes, de l'époque où Méton inventait le cycle de 19 ans. Il expose que les Argonautes se servaient d'une sphère fabriquée par Chiron, dans laquelle l'équinoxe du printemps, le solstice d'été, l'équinoxe d'automne, et le solstice d'hiver, se trouvaient respectivement fixés au milieu ( ou 15e. degré ) des constellations du bélier, du cancer, de la balance et du capricorne; qu'au temps de Méton, ce n'était plus au 15e., mais au 8e. degré de chacune de ces constellations, que répondaient les équinoxes et les solstices; que la précession, dans l'intervalle, avait donc été de 7 degrés, c'est-à-dire, de 7 fois 72 ans ou 504 ans; que Méton inventa son cycle, l'an 432 avant notre ère; que, par conséquent, le voyage des Argonautes est de l'an 936 ou environ, et non pas du 14e. siècle avant Jésus-Christ. Or, l'époque des Argonautes redescendant ainsi de 4 ou 5 siècles, il faut

(1) Propheties of holy writ, part. 1, ch.

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