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sage dans toutes les directions. Les troupes légères, foulées aux pieds ou menacées de l'être, se débandèrent alors; et Eumène, voyant qu'il courait le risque d'être enveloppé, se fit jour à travers les ennemis, ramenant à l'aile droite le peu de cavalerie qui lui restait, pour la joindre à celle de Philippe et recommencer le combat sur ce point.

Nous avons dit que le champ de bataille était couvert d'un sable très-fin, qui s'élevait facilement en poussière et interceptait la vue. Antigone tira parti de cette circonstance, et, tandis que les deux armées étaient environnées comme d'un nuage, il détacha quelques escadrons des mieux montés, qui, tournant derrière les ennemis, arrivèrent à leur camp, placé à une petite distance du lieu de l'action, surprirent la faible garde qu'on y avait laissée, et s'emparèrent des femmes, des enfants et de toutes les richesses des argyraspides. Eumène reçut cette fâcheuse nouvelle au moment où il arrivait à l'aile droite, et aussitôt il ordonna à Peucestas de tomber sur les ravisseurs pour leur enlever leur butin. Il eût été facile de triompher de cette troupe encombrée de prisonniers et de dépouilles; mais cet indigne satrape n'eut ni le courage ni la volonté d'exécuter cet ordre, et quittant, au contraire, le terrain à la tête de 2,000 cavaliers, il rendit, par cette lâche défection, la position de son général encore plus critique.

Cependant, le combat était vivement engagé au centre des deux armées. Les argyraspides et la phalange d'Eumène poussaient avec vigueur l'infanterie d'Antigone, et ils l'auraient mise en déroute sans l'arrivée de Python, qui les prit à dos avec sa cavalerie et les obligea de songer à leur propre sûreté. Ces troupes, se voyant alors cernées, formèrent le carré et firent bravement leur retraite. La nuit, qui commençait à tomber, mit fin au

combat, et Eumène, ayant rallié son armée, prit position à peu de distance, sur un bras du Pasitigris, fleuve qui se jette dans le golfe Persique.

Antigone resta maître du champ de bataille, mais il eut 5,000 morts, tandis que la perte de l'armée royale s'élevait à peine à 300 hommes. Les succès se balançaient donc, et il était évident que, sans la trahison de Peucestas, l'affaire aurait tourné au profit d'Eumène. Aussi ce général s'apprêtait-il à renouveler le combat, lorsqu'il en fut empêché par la plus effroyable catastrophe. A peine les soldats se furent-ils aperçus que leurs familles et leur butin étaient devenus la proie de l'ennemi, qu'ils éclatèrent en plaintes et en malédictions contre leur chef, dont l'imprévoyance, disaient-ils, avait causé ce malheur. Les argyraspides étaient les plus irrités, et leurs griefs étaient encore envenimés par des officiers perfides, ennemis secrets d'Eumène. Tout le camp fut bientôt en insurrection, et les révoltés, ayant perdu dans leur fureur tout sentiment d'honneur et de devoir, se jetèrent sur leur général et le livrèrent à Antigone pour prix de la restitution de leurs effets. L'armée fut dès lors regardée comme dissoute, et plusieurs satrapes regagnèrent leurs provinces. Quant à Peucestas, il alla avec ses 10,000 hommes grossir les forces d'Antigone, à qui furent aussi livrés le trésor et les éléphants. Ainsi ces monuments des victoires d'Alexandre, devenus le prix de la trahison, formèrent le triste cortége du dernier défenseur de la famille du conquérant '.

Démétrius mit tout en œuvre pour sauver l'illustre captif; mais les intérêts d'une impitoyable politique l'emportèrent sur les sentiments honorables, et Eumène

«Et ne quid deesset pompæ, elephanti quoque et auxilia <«orientalia subsequuntur.» (Justin., Hist. philippic., xiv, 4.)

fut égorgé dans sa prison. Telle fut la fin de cet homme de bien, de ce grand capitaine, un des meilleurs de son époque. Après lui personne ne garda plus même l'apparence de la fidélité envers la famille d'Alexandre, dont les anciens lieutenants osèrent seulement alors prendre le titre de rois 1. Cependant, ce meurtre odieux ne contribua pas peu à faire détester Antigone, dont le caractère cruel était d'ailleurs déjà connu. Séleucus et Ptolémée fondaient leur grandeur sur la clémence et sur la modération; lui, au contraire, avait pour principe de ne garder aucun ménagement envers ceux qui mettaient obstacle à ses projets. Cette fois, il montra aussi une grande sévérité contre les auteurs du crime dont il avait recueilli le fruit; et il fut en cela autant guidé par politique que par la justice, car l'attentat dont les argyraspides s'étaient rendus coupables était regardé avec horreur par tous les partis. Antigone dispersa ces traîtres dans les provinces les plus reculées de l'Asie, et donna ordre aux satrapes de les accabler de travaux et de mauvais traitements, afin qu'aucun d'eux ne pût jamais revoir la Grèce, qu'ils avaient déshonorée. Quant aux officiers, chefs de la révolte, il les fit périr dans les supplices.

1 «Nemo Eumene vivo rex appellatus est, sed præfectus; iidem «post hujus occasum statim regium ornatum nomenque sumse«runt.» (Corn. Nep., Eumen., XIII.)

SUITE DES ANTIGONIDES.

CHAPITRE VII.

Événements arrivés en Grèce jusqu'à la fin de cette dynastie. Antipater amène les premiers éléphants en Europe. -Polysperchon fait un essai malheureux de ces animaux à l'attaque de Megalopolis. Destruction totale des éléphants macédoniens pendant le siége de Pydna. Coup d'œil rapide sur les rois ou prétendants au trône de Macédoine jusqu'à la chute de la monarchie.

Délivré du plus formidable de ses adversaires, Antigone put donner carrière à son ambition: il étendit son influence sur les plus belles provinces de l'Asie, et sa prépondérance devint bientôt tellement menaçante, que Séleucus ne se crut plus en sûreté à Babylone, et se réfugia en Égypte, auprès de Ptolémée. De ce choc d'intérêts opposés naquirent de nouvelles guerres, de nouvelles réconciliations, et de nouveaux partages. Enfin, quinze ans après la mort d'Eumène, Antigone vit, ainsi que nous l'avons raconté, s'évanouir en un seul jour le fruit de ses travaux et de ses crimes. Néanmoins, après de nombreuses vicissitudes dont le détail est étranger à mon sujet, son fils Démétrius réussit à s'emparer du trône de Macédoine, dont sa postérité resta en possession jusqu'à la défaite de Persée par les Romains.

Les premiers rois de cette nouvelle dynastie, que, du nom de leur fondateur, j'appellerai les Antigonides, employèrent sans doute les éléphants dans leurs expéditions; mais, soit à cause de leur éloignement des contrées où naissent ces animaux, soit parce que le sol et le climat de la Macédoine n'étaient pas favorables à leur conservation, ils n'en eurent jamais autant que les Séleucides ni les Lagides.

Les gouverneurs et les généraux qui furent envoyés en

Grèce pour contenir le pays, après la mort d'Alexandre, ne manquèrent pas non plus d'appuyer leur autorité par un déploiement plus ou moins considérable d'éléphants, qu'ils tiraient des dépôts de l'Asie. Ce fut alors que l'Europe vit, pour la première fois, ces énormes quadrupèdes et l'appareil imposant qui les accompagnait. Nous pouvons même fixer, avec assez d'exactitude, la date de leur arrivée dans cette partie du monde. En effet, du peu de documents qui nous restent, il est permis d'inférer qu'Antipater, régent de Macédoine, amena les premiers éléphants en Grèce environ quatre ans après la mort d'Alexandre. La force de ce premier convoi fut de 70; mais, autant que l'on peut le conjecturer d'après les événements qui eurent lieu depuis la mort d'Antipater jusqu'à celle d'Olympias, ce convoi fut bientôt suivi par d'autres, qui passèrent successivement l'Hellespont. On sait d'ailleurs que Ptolémée Céraunus, après avoir assassiné Séleucus, s'empara d'une grande partie de ses éléphants et les fit passer en Macédoine. On doit même penser que ces animaux étaient nombreux, puisque ce prince consentit, ainsi que nous le verrons au chapitre suivant, à en prêter 50 à Pyrrhus.

Après la mort d'Antipater, Polysperchon, qui le remplaça dans la régence de Macédoine, entra dans l'Attique avec une armée de 25,000 hommes, soutenus d'un train de 65 éléphants. Il entreprit avec ces forces le siége du Pirée; mais ayant rencontré plus d'obstacles qu'il n'en avait prévu, il abandonna bientôt cette entreprise et se dirigea sur le Péloponèse, pour y soumettre quelques villes qui refusaient de reconnaître son autorité. L'arrivée des éléphants, et l'opinion exagérée qu'on s'en était formée, jetèrent l'épouvante dans le pays; mais l'échec essuyé par Polysperchon devant Mégalopolis ne tarda pas à dissiper le prestige. Cet événement mérite

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