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entre les troupes légères des deux partis, et la poussière qui s'élevait dans la plaine, lui dérobant la vue de l'armée romaine; mais il devait naturellement penser que cette armée était rangée dans le même ordre que les jours précédents. Scipion s'était réservé le commandement de l'aile droite, et avait confié celui de la gauche à son lieutenant Silanus, avec lequel il avait concerté le plan de l'attaque. Lorsqu'il eut achevé son déploiement, il fit rentrer ses éclaireurs, et démasqua sa ligne. On sonna alors la charge des deux côtés; mais lorsque les armées furent arrivées à cinq cents pas l'une de l'autre, Scipion ordonna à son centre de ralentir sa marche, tandis que les deux ailes s'avanceraient obliquement et au pas accéléré sur les flancs de l'ennemi. Ce mouvement rapide et bien calculé réduisit à l'inaction le centre de l'armée d'Asdrubal, c'est-à-dire l'élite de ses troupes, qui n'osèrent s'avancer dans la crainte d'être prises en flanc par les ailes des Romains.

Pendant ce temps-là les troupes légères harcelaient les éléphants: plus féroces que de coutume, ces animaux leur firent d'abord beaucoup de mal; mais elles réussirent enfin à les rejeter sur le centre de l'armée cathaginoise, et ils y portèrent le désordre 1. Polybe dit en effet positivement qu'en cette circonstance les éléphants firent autant de mal aux amis qu'aux ennemis 2. Scipion et Silanus tombèrent alors en même temps sur les deux ailes d'Asdrubal. Elles leur disputèrent d'abord vigoureusement le terrain; mais enfin, rompues et sépa

1 «Elephanti tumultuoso genere pugnæ equitum velitumque et «<levis armaturæ consternati, e cornibus in mediam aciem sese «intulerant.» (Tit. Liv., xxvIII, 15.)

2 Τὰ μὲν θηρία, διὰ τῶν γροσφομάχων καὶ τῶν ἱππέων ἀκοντιζόμενα καὶ διαταραττόμενα πανταχόθεν, ἔπασχε μὲν κακῶς, ἔβλαπτε δ ̓ οὐδὲν ἧττον τοὺς φίλους ἢ τοὺς molepícus. (Polyb., x1, 24.)

rées du corps de bataille, elles furent obligées de prendre la fuite. La cavalerie carthaginoise ne fut pas plus heureuse, car Asdrubal, toujours menacé par le corps de bataille des Romains, n'osait affaiblir son centre pour renforcer ses ailes. Lorsqu'il se vit dégarni des deux côtés, il craignit d'être tourné, et battit en retraite avec ses Africains, qui n'avaient pas pris de part au combat. Il espérait pouvoir s'en servir pour protéger le ralliement de son armée; mais Scipion le serra de près, et il n'eût pas échappé à une destruction totale, sans un orage effrayant qui s'éleva tout à coup, et sans une pluie battante qui détrempa le terrain et obligea les deux armées à regagner leurs camps. Cependant Scipion rejoignit les Carthaginois quelques jours après, et il acheva de les tailler en pièces: tous leurs éléphants furent tués, à l'exception de 8, qui tombèrent vivants en son pou voir 1.

La bataille d'Élinge fut la dernière que les deux peuples rivaux se livrèrent en Espagne. Asdrubal, après sa défaite, quitta le pays, et en laissa la libre possession à Scipion.

Les Carthaginois conduisirent aussi des éléphants en Sicile pendant la seconde guerre punique. Himilcon en débarqua 12 dans cette île, au commencement des hostilités. Plus tard Marcellus défit Hannon aux environs d'Agrigente et lui en prit 8, qu'il fit transporter à Rome pour servir d'ornement à son triomphe 2.

16.

Tit. Liv., XXVII, 14, 15, Frontin., Stratag., 11, 3. 5. Guischardt, Mém.

1 Polyb., x1, 22, 23, 24. Appian., Bell. hispan., 25, 26, 27, 28. Folard, Comment, sur Polybe, t. vi, chap. milit., t. 1, chap. 11.

2 Tit. Liv., XXIV, 35; xxv, 41.

Mais l'exemple le plus remarquable que l'on puisse citer de l'emploi des éléphants pendant cette période, c'est celui que présenta la bataille de Zama. Nous allons résumer les principales circonstances de ce grand événement; mais auparavant nous ne saurions nous empêcher de faire une réflexion : c'est que le déploiement considérable d'éléphants que firent les Carthaginois pendant la seconde guerre punique ne leur fut pas d'une grande utilité, et qu'ils remportèrent leurs plus belles victoires sans le secours de ces animaux. Nous avons vu en effet qu'ils n'en avaient ni à Trasimène ni à Cannes. Leurs plus grandes défaites, au contraire, telles que celles de Bécula, de Canusium, d'Agrigente, d'Élinge, du Métaure, de Zama, furent signalées par l'intervention des éléphants.

BATAILLE DE ZA M A.

(551 de Rome, 202 av. J. C.)

Le passage de Scipion en Afrique, et la destruction des deux camps d'Asdrubal et de Syphax, avaient répandu la consternation dans Carthage. Le gouvernement se hâta de rappeler Annibal et son armée : c'était le seul général, c'étaient les seules troupes, sur qui l'on pût fonder encore quelque espérance. Annibal n'obéit qu'avec répugnance à cet ordre, et le regret de quitter une terre qui avait été le théâtre de ses triomphes aigrit considérablement son caractère. Des massacres, des incendies, signalèrent les derniers temps de son séjour en Italie; enfin, quand il eut mis à la voile, ses regards se tournèrent avec douleur vers ce rivage où tant de rêves de gloire et de vengeance l'avaient retenu pendant les plus belles années

de sa vie1. Arrivé en Afrique, il grossit son armée de tous les soldats qui avaient échappé aux dernières défaites, et se mit en marche pour aller attaquer Scipion, alors campé aux environs de Zama, ville de l'intérieur, à cinq journées de Carthage.

C'était là que devait se décider la question de l'empire de la terre. Cette grande considération et la possibilité de succomber dans la lutte se présentèrent à l'esprit du général carthaginois, et le déterminèrent à essayer la voie des négociations, avant de risquer un combat qui pouvait livrer sa patrie à la merci du vainqueur. Il était d'ailleurs curieux de voir le grand homme qui remplissait le monde de sa renommée, et avec lequel il était appelé à se mesurer. Une entrevue fut proposée et acceptée, et ces deux grands capitaines se rencontrèrent près de la petite ville de Nadagara, qui n'était pas éloignée des deux armées.

Les détails de cette mémorable conférence sont assez connus : Annibal laissa peut-être trop voir qu'il n'avait plus la même confiance dans son étoile. Scipion blessa par des récriminations la fierté carthaginoise; il parla en homme qui ne voulait pas perdre l'occasion d'abais. ser pour toujours la rivale de sa patrie. Enfin, ils se séparèrent avec aigreur, résolus plus que jamais d'en appeler à leurs épées 2.

On était alors au milieu du mois d'octobre: le lendemain, au point du jour, les Romains et les Carthaginois

1 Eutrop., Breviar., 11, 21. Tit. Liv., xxx, 20. Silius Italicus fait une peinture pathétique de ce départ d'Annibal, Punic., XVII, 184, sqq.

2 Pour les circonstances qui précédèrent la bataille de Zama, on peut consulter, outre les auteurs que nous venons de citer, Polyb., xv, 5, 7, 9.- Polyæn., Stratag., VIII, 16. - Appian., Bell. punic., XXXIX, XL. - Valer. Maxim., ш, 7, n. 1.

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étaient rangés en bataille. Nous manquons de renseignements précis sur la force des deux armées. Polybe, qui aurait pu le mieux nous éclairer, est incomplet à cet égard, et Tite-Live n'en parle que vaguement. Néanmoins, en réunissant toutes les indications que l'on peut recueillir, on voit qu'Annibal avait au moins 40,000 fantassins. 10,000 cavaliers et 80 éléphants. Scipion, de son côté, avait quatre légions au complet, 1500 chevaux italiens; un grand nombre de volontaires et de vétérans l'avaient suivi de Sicile; et Masinissa lui avait amené 6,000 chevaux numides et 4,000 hommes de troupes légères. Les Carthaginois étaient donc supérieurs en nombre; mais la composition de l'armée romaine était bien plus avantageuse, car on y voyait plus d'homogénéité, et les étrangers n'y entraient que pour une faible proportion. Dans l'armée d'Annibal, au contraire, les Carthaginois étaient loin d'être les plus nombreux. La plus grande partie des troupes qui la composaient étaient des mercenaires espagnols, maures, gaulois, macédoniens, baléares, italiens, entre lesquels il ne pouvait y avoir ni l'accord ni la confiance qui régnaient dans les rangs des Romains. Cette circonstance eut une grande influence sur le résultat de la journée.

Le lieu où l'action allait se passer était une plaine découverte. Annibal, qui voulait être prêt à tout événement, forma son infanterie sur trois lignes, afin de pouvoir au besoin rétablir le combat. Dans la première il mit les Gaulois, les Espagnols, les Maures et les Liguriens; la seconde était composée de Carthaginois, d'Africains, et d'un reste de Macédoniens fournis jadis par Philippe. Ces deux lignes, dont chacune comptait 12,000 hommes, étaient à peu de distance l'une de l'autre. La troisième, placée à cent cinquante pas derrière la seconde, était plus forte, et débordait les deux autres à droite et à

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