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IV. Souvent on opposait aux éléphants des soldats cataphractes, c'est-à-dire armés de toutes pièces. C'étaient des hommes choisis parmi les plus vigoureux et les plus intrépides de l'armée; leur armure était hérissée de pointes d'acier dirigées en tout sens, de sorte que les éléphants ne pouvaient, sans se blesser grièvement, ni les frapper, ni les enlever avec leurs trompes. Leur arme principale était une grosse pique (peut-être le contus ou un pilum renforcé); ils s'en servaient pour attaquer l'animal corps à corps, et s'efforçaient de le blesser au ventre et aux aisselles, ou, s'ils pouvaient, aux yeux et à la trompe. Un seul coup heureux pouvait le mettre hors de combat, tandis qu'eux-mêmes, protégés par leur armure, n'avaient rien à redouter. Leurs coups devenaient encore plus sûrs, quand ils parvenaient à forcer l'animal à tourner la croupe; car alors ils pouvaient le frapper dans les endroits où sa peau est moins dure, et dans les parties les plus vitales.

V. D'autres fois on armait quelques soldats de haches bien affilées, pour couper les pieds et les jarrets des éléphants. La plus légère blessure dans ces parties suffisait en effet pour mettre ces animaux hors de service; et nous avons vu, pages 28 et 29, que les habitants de l'Éthiopie employaient, dès la plus haute antiquité, ce moyen pour s'en rendre maitres. Suivant Appien, Scipion avait ordonné à ses soldats, à la bataille de Zama, de tâcher de couper les jarrets aux éléphants d'Annibal. Alexandre, pour attaquer ceux de Porus, avait fait dis

«que et levis armaturæ consternati, e cornibus in mediam aciem <«< sese intulerant. » (Tit. Liv., xXVIII, 15.)

1 «Alii contra elephantos cataphractos milites immiserunt, ita «ut in brachiis eorum, et in cassidibus vel humeris, aculei ingen«tes ponerentur e ferro, ne manu sua elephas bellatorem contra se «venientem posset apprehendere.» (Veget., de Re milit., m, 24.):

tribuer, dans le même but, des haches à ses fantassins; et cette mesure lui réussit : nous avons vu qu'il eut occasion de s'en applaudir. Les Macédoniens se servirent aussi alors d'une espèce de grande serpe ou faucille, appelée copis, destinée à couper les trompes des éléphants, et dont ils avaient trouvé l'usage établi dans l'Inde 2. Plus tard les Romains adoptèrent cette arme, et s'en servirent également contre les éléphants: aussi l'expression elephantis nervos succidere se rencontre-t-elle souvent chez les auteurs latins.

VI. On opposait aussi aux éléphants des chars garnis de faux et de pointes d'acier, traînés par deux chevaux bardés de fer, et montés par des hommes qui pouvaient atteindre de loin avec des flèches, ou de près avec de longues piques. Nous avons parlé ailleurs d'un semblable expédient, qu'on dit avoir été employé par les Romains contre les éléphants de Pyrrhus. Ces chars avaient le grand avantage de pouvoir se porter avec rapidité sur tous les points, et se soustraire par une prompte fuite à la poursuite des éléphants et des hommes qui

1 «Anceps ergo pugna nunc sequentium, nunc fugientium ele«phantos, donec securibus (id namque genus auxilii præparatum << erat) pedes amputare cœperunt.» (Quint. Curt., vIII, 14.)

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2 «Copidas vocant gladios leviter curvatos, falcibus similes, «quibus appetebant belluarum manus.» (Quint. Curt,, loc. cit.) Voyez d'ailleurs Suidas, au mot Konis. — Bochart, Hierozoic., II, 5, n. 15. — Just. Lips., Analect. ad milit. rom., lib. III, dialog. 2. — Ce dernier auteur a donné la figure du copis, tirée, selon lui, de la colonne Trajane: c'est tout simplement une grosse serpe. Les Argiens se servaient de sabres recourbés, dont le tranchant se trouvait du côté concave, et auxquels ils donnaient le nom de xoris, que les écrivains latins ont traduit par les mots ensis falcatus. Cette arme était tellement propre à l'attaque des bêtes féroces, que les bestiarii l'adoptèrent pour combattre dans le cirque les lions, les panthères, etc. Voyez Bulenger, de Venat. circ.

les accompagnaient. Végèce donne aux combattants qui y étaient montés le nom de clibanarii, parce qu'ils étaient entièrement recouverts de fer'. On voit que l'emploi de ces chars avait beaucoup d'analogie avec celui des hommes à cheval, armés d'arcs et de longues piques, dont Antigone avait coutume de se servir contre les éléphants, ainsi que nous l'avons remarqué, page 101, en parlant de la bataille de Gadamarta.

VII. Une autre arme dont on faisait usage contre les éléphants, c'étaient les carrobalistes ou grosses balistes montées sur des roues et traînées par des mulets ou par des chevaux. On sait que la baliste était une machine destinée à lancer de gros traits (pila muralia). Toutes les fois qu'on avait besoin de la transporter promptement d'un lieu dans un autre, on la plaçait sur une espèce d'affût à roues, et dans cet état elle prenait le nom de carrobaliste. Il y en avait de différentes grandeurs, ou, comme on dirait maintenant, de différents calibres; et elles tenaient lieu chez les anciens de nos pièces de bataille. Ces machines convenaient admirablement pour lancer de gros traits sur les éléphants, avant le commencement de l'attaque, lorsque ces animaux, immobiles à leur rang de bataille, pouvaient être facilement atteints, et que les armes portatives étaient insuffisantes à cause de l'éloignement 2.

VIII. Mais le meilleur moyen de triompher des éléphants, c'était de les attaquer avec du feu; car il n'est

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1 << Bini cataphracti equi jungebantur ad currum, quibus in«<sidentes clibanarii, sarissas, hoc est longissimos contos, in «elephantos dirigebant. Nam, muniti ferro, nec a sagittariis «quos vehebant belluæ lædebantur, et earum impetum, equorum «< celeritate vitabant. » (Veget., de Re milit., 111, 24.) - Voyez aussi Stewechius au mot Clibanarii.

2 Veget., de Re milit., 111, 24.

rien qui effraie autant ces animaux, que la vue de cet élément1. On faisait donc provision de torches (ardentes tædæ), d'étoupes goudronnées, de pétrole, de boules de soufre, de suif et de résine, qu'on lançait sur eux de toutes parts, pour les effrayer, pour mettre le feu aux tours dont ils étaient chargés, et pour les forcer ainsi à abandonner le champ de bataille : ce fut de cette manière que les Romains triomphèrent des éléphants de Pyrrhus à la bataille de Bénévent 2. Les chars dont nous venons de parler étaient principalement destinés à ce service. On y faisait monter des hommes déterminés, auxquels on donnait une bonne provision d'artifices et de traits incendiaires connus sous le nom de malleoli et de falaricæ, qu'on lançait avec l'arc ou simplement à la main. On employait au même usage des perches garnies d'étoupes goudronnées ou soufrées qu'on projetait contre les éléphants. On peut voir dans Silius Italicus une peinture très-animée de cette manière d'attaquer ces animaux 4.

IX. On prétend qu'il règne entre le pourceau et l'éléphant une vive antipathie, et qu'il suffit du cri du premier de ces animaux pour mettre en fuite le second 5. On trouve un exemple de ce fait dans l'Histoire des animaux

1 Δεδοίκασι δὲ πῦρ οὐ μεῖον τῶν λεόντων οἱ ἐλέφαντες. (Ælian., Animal., ví, 6.) — Nous verrons plus tard le parti que Tamerlan sut tirer de cette terreur que le feu cause aux éléphants, dans son invasion de l'Hindoustan.

2 << Itaque et in ipsas belluas pila congesta sunt, et in turres vi«bratæ faces, tota hostium agmina ardentibus ruinis operuere.» (Flor., Epitom., 1, 18.) — Voyez ci-dessus, page 126.

3 J'ai réuni dans l'appendice II, à la fin du volume, quelques renseignements sur le malleolus, la falarica, et les autres armes, dont il est question dans ce chapitre.

4 Punic., IX, vers. 599, sqq.

* Ωῤῥωδεῖ ὁ ἐλέφας κεράστην, κριόν, και χοιροῦ βοήν. (Allian., Animal.,

d'Elien. Antipater, dit cet auteur, assiégeait la ville de Mégare, et avait amené beaucoup d'éléphants sous les murs de cette place : les Mégariens prirent des porcs, les enduisirent de poix, et après y avoir mis le feu, ils les poussèrent contre le camp des Macédoniens. Les éléphants furent tellement effrayés des cris que la douleur arrachait à ces animaux, qu'ils prirent la fuite et répandirent le désordre dans l'armée. Après cet accident, Antipater, voulant empêcher qu'il ne se renouvelât, ordonna qu'à l'avenir des porcs seraient toujours élevés avec ses éléphants, afin que ceux-ci s'accoutumassent à leur vue et à leurs cris'. Nous rendrons compte plus tard d'un semblable expédient employé par les habitants d'Édesse, contre les éléphants de Chosroès, roi de Perse.

X. Il n'est pas étonnant que les cris aigus poussés par le porc aient effrayé les éléphants: une musique retentissante produisait le même effet, et fut souvent employée par les anciens au même usage. C'est un des expédients mentionnés dans les Cestes de Jules Africain, écrivain du IIIe siècle, dont Guischardt a inséré la traduction dans ses Mémoires militaires. Nous en avons vu une application à la bataille de Zama, où Scipion fit donner de toutes les trompettes et de tous les instruments à la fois pour recevoir la charge des éléphants d'Annibal, et ce bruit étonna tellement ces quadrupèdes qu'il y en eut qui s'arrêtèrent tout court, et d'autres qui

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1,38; viii, 28; xvi, 36. Pline et Sénèque disent la même chose. «Minimo suis stridore terrentur.» (Hist. nat., VIII, 9.) — «Elephantes porcina vox terret.» (De Ira, 11, 12.)- On peut d'ailleurs consulter à ce sujet le dictionnaire d'histoire naturelle de l'Encyclopédie méthod., à l'article ÉLÉPHANT.

1 Elian., Animal., xvi, 36. — Polyen (Stratag., IV, 6, 3) raconte le même fait; mais suivant lui, ce serait Antigone, et non Antipater, qui aurait assiégé Mégare. Voyez la note I à la fin du volume.

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