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reculèrent d'épouvante sur la cavalerie numide, et y portèrent le désordre. Le même accident se renouvela à la journée de Thapsus, où les éléphants de Juba, effrayés du bruit de trompettes qui partit tout à coup de l'armée de César, tournèrent le dos et prirent la fuite 1.

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<< Elephanti consternati subito clangore.» (Florus, Epitom., IV, 2, 67.) La tradition de l'antipathie de l'éléphant pour le cri du porc et pour tout retentissement aigu s'était conservée dans le moyen âge. Nous en avons la preuve dans un vieux roman d'Alexandre, que M. Berger de Xivrey a récemment publié dans ses Traditions tératologiques. Le héros, menacé d'être attaqué par une troupe d'éléphants, y tient ce discours à ses soldats: «Faites tos venir tous les porcs de l'ost, et les faittes battre si que il s'escrient, et si faittes declicgnier trompettes et clarons, et aveucq gettez chacun ung cry au plus hault que faire se polra; et j'espoir que vous les verrez tantos tourner en fuyes..., etc.» (Page 408.) Ses soldats suivirent ces instructions, et les éléphants furent mis en fuite, et en partie pris ou tués.

CHAPITRE IV.

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Suite des expédients imaginés pour résister aux éléphants. — Disposition du champ de bataille. - Mouvements de terre. Pieux. Palissades.Piquets ferrés. - Chevaux de frise. - Chausse-trapes. — Analogie de ces moyens avec ceux dont on faisait usage contre les chars de guerre. Applications utiles qu'on peut tirer de la science militaire des anciens. Ordre de bataille et évolutions imaginées pour neutraliser l'effet des éléphants.

Toutes les fois qu'un général s'attendait à être attaqué par des éléphants, et qu'il pouvait disposer d'assez de temps, il faisait ouvrir de profondes tranchées en avant de son front de bataille, aux endroits où, d'après son plan et ses prévisions, il pensait que ces travaux devaient lui être plus avantageux. On cachait ensuite ces fossés avec des planches ou des claies, que l'on recouvrait de sable ou de gazon, et l'on dispersait au loin l'excédant des terres, afin de ne laisser aucune trace de l'opération. On attendait ensuite la charge des éléphants; on cherchait même à la provoquer de ce côté, et ces animaux venaient se perdre dans les tranchées. Alors même que ce piége était éventé, il ne laissait pas cependant d'être utile, car il mettait une partie de l'armée à l'abri de l'attaque. Ce second cas était celui qui se présentait le plus ordinairement; car à moins de quelque rare configuration du sol, propre à masquer les travailleurs, on conçoit qu'il était difficile de faire, en présence de l'ennemi, sans en être aperçu, d'aussi grands mouvements de terre. On a pu remarquer, dans la relation de la bataille de Palerme1, que Métellus avait

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eu soin de se couvrir ainsi de fossés et de tranchées, afin de n'être pas attaqué par les éléphants sur trop de points à la fois. Il s'était seulement réservé de larges issues pour sortir en force, lorsque cela aurait convenu à ses projets. Nous verrons, au dernier chapitre de cet ouvrage, Tamerlan prendre les mêmes mesures pour se garantir de l'attaque des éléphants des Indiens.

Ces précautions étaient certainement en usage du temps de César; on en trouve la preuve dans l'histoire de sa campagne d'Afrique. Quelques jours avant la bataille de Thapsus, Scipion, qui prévoyait qu'on ne tarderait pas à en venir aux mains, envoya des explorateurs pour reconnaître la position et la force de l'ennemi, et principalement pour s'assurer si le dictateur n'avait pas fait creuser le terrain en avant de ses retranchements, ou préparé d'autres piéges contre les éléphants. Ces espions furent découverts, et firent connaître à César les instructions qu'ils avaient reçues. Les explorateurs envoyés par Annibal au camp de Scipion, avant la bataille de Zama, avaient reçu sans doute de pareilles instructions, ainsi que ceux qui furent détachés par Pyrrhus pour examiner la force et la position des Romains avant la bataille d'Héraclée. Tous deux comptaient en effet beaucoup sur leurs éléphants, et avaient intérêt à connaître les mesures que l'ennemi aurait pu prendre pour en empêcher l'action.

1 Pro speculatoribus missi à Scipione, ut perspiceremus, num «qua fossæ aut insidiæ elephantis ante castra portasque valli fac<«tæ essent, simulque consilia vestra contra easdem bestias, comparationemque pugnæ cognosceremus, atque ei renuntiaremus. »> (Hirt., Bell. afric., XXXV.)

2 Polyæn., Stratag., VIII, 16. Tit. Liv., xxx, 29. — Appian., Bell. punic., 39. Valer. Maxim., III, 7. Polyb., xv, 5. Eutrop., 11, 22, et п, 11.

Mais on n'avait pas toujours assez de temps pour faire de pareils travaux, et cependant il pouvait devenir urgent de garantir quelque partie de la ligne de l'attaque des éléphants. Alors on avait recours à d'autres moyens : un des plus usités consistait à fixer solidement dans le sol de gros pieux pointus (valli), plus forts que ceux dont on faisait usage pour fortifier le camp. Souvent ces pieux étaient bifurqués, ou terminés par plusieurs poin-` tes, comme le bois du cerf; c'est pourquoi on leur donnait aussi le nom de cervoli ou cervi. Ces palissades, ou fraises, comme on voudra les appeler, suffisaient, lorsqu'elles étaient solidement construites, pour barrer le passage aux éléphants. Quelquefois on armait un certain nombre de soldats de grosses perches (sudes) garnies de pointes en fer. Ces hommes, destinés à protéger la première ligne, étaient choisis parmi les plus forts, et tenaient à peu près, dans l'ancienne milice, la place de nos sapeurs de régiments. Au moment de la charge, ils se serraient sur un ou sur deux rangs, et présentaient aux éléphants une barrière d'autant plus formidable, qu'on pouvait la diriger à volonté sur tous les points.

Mais les auteurs qui ont parlé de cet expédient n'ont point décrit avec assez de détails la manière dont on l'employait; il serait donc maintenant difficile de dire si ces soldats croisaient leurs piques à la manière des sarisses de la phalange, ou s'ils en appuyaient le talon contre terre, en tournant la pointe à la hauteur de la poitrine de l'éléphant. Dans ce dernier cas, ils auraient dû mettre un genou en terre, et cette supposition me paraît la plus admissible en ce qui regarde les Romains, car c'était précisément la position que prenaient les triaires tant qu'ils étaient en réserve '. Les Grecs adop

1 Voyez Tite-Live, vin, 8.

tèrent aussi quelquefois cette méthode; seulement ils n'appuyaient pas le pied de la sarisse contre le sol, car. attendu la longueur de cette arme, il n'aurait pas été facile d'en tenir la pointe à la hauteur de l'ennemi. Il est cependant certain que, dans quelques occasions, ils firent mettre le genou en terre, du moins aux premiers rangs de leur phalange; car ce fut par un semblable mouvement que Chabrias sauva son armée, vivement pressée par Agésilas 1.

Quelquefois, au lieu de fixer ces piquets dans le sol, ou d'en armer les troupes, on les réunissait pour en former comme des barrières portatives, qu'on pouvait placer et déplacer à volonté, suivant le besoin. On trouve un exemple de cet usage à la bataille de Gaza, où Démétrius Poliorcète fut vaincu par Ptolémée et Séleucus. Selon Diodore de Sicile, ces deux rois avaient fait préparer, pour se garantir de l'attaque des éléphants de Démétrius, des pieux ferrés et attachés par des chatnes, qu'ils faisaient porter par leurs soldats, et placer où ils le jugeaient convenable. Cet appareil empêchait les éléphants d'avancer2, et d'autant mieux, qu'on plaçait derrière beaucoup de tirailleurs, qui ne cessaient de lancer des traits et des pierres sur ces animaux, lorsqu'ils les voyaient arrêtés devant l'obstacle. Ptolémée dut en effet s'applaudir de cette invention, car non-seulement les éléphants

1 « Phalangem loco vetuit cedere, obnixoque genu scuto, projec«taque hasta, impetum excipere hostium docuit.» (Corn. Nep., Chabr., 1.) -- Cette manœuvre fit tant d'honneur à Chabrias, que les Athéniens lui élevèrent une statue qui le représentait armé en phalangite, et dans l'attitude que nous venons de décrire. Le même fait est rapporté par Polyen, Stratag., lib. 11, 1, n. 3.

2 Ipcétažav dè tñs otáσews Taúrns (il s'agit de la cavalerie de l'aile droite) τοὺς κομίζοντας χάρακα σεσιδηρωμένον καὶ δεδεμένον ἁλύσεσιν, ὃν παρεσκευάσαντο πρὸς τὴν τῶν ἐλεφάντων ἔφοδον. Ταθέντος γὰρ τούτου ράδιον ἦν εἴργειν τὰ θηρία τῆς εἰς τοὔμπροσθεν πορείας. Diodor. Sicul., xxx, 83.)

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