Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

animaux abattu par un seul homme, en combat singulier. Annibal se donnait souvent le plaisir barbare de faire combattre les prisonniers romains les uns contre les autres jusqu'à extermination; il arriva un jour qu'un seul de ces malheureux survécut à cette terrible épreuve, sans avoir reçu aucune blessure: Annibal le fit exposer à un éléphant, et lui promit la vie et la liberté s'il parvenait à le tuer. Amené au milieu de l'arène, sous les yeux d'une multitude féroce et avide de sang, le soldat tua l'animal, au grand regret du général carthaginois, qui comprit aussitôt que la vue de cet homme et la renommée de sa victoire pouvaient encourager les Romains à combattre les éléphants, et leur ôter une partie de la terreur que leur causaient ces animaux. Il ajouta donc la perfidie à la cruauté, et après l'avoir laissé partir, il le fit poursuivre par des cavaliers qui l'assassinèrent en route'.

[ocr errors]

On a lieu sans doute de s'étonner qu'un animal aussi fort et aussi puissamment organisé ait pu être terrassé par un seul homme, et quelquefois d'un seul coup. eut cependant des exemples de faits semblables, même dans le cirque et dans l'amphithéâtre, sous les yeux du peuple romain. Pompée y exposa une fois vingt éléphants, qui combattirent contre des Gétules armés de piques. Un de ces Africains eut l'adresse d'enfoncer sa pointe dans l'œil d'un de ces animaux, qui tomba roide mort, le coup ayant pénétré jusqu'au fond du crâne. Sous les empereurs Claude et Néron, la dernière épreuve que l'on exigeât des gladiateurs, avant de leur accorder la retraite, c'était de combattre corps à corps avec un éléphant. Nous verrons plus tard que Commode, pour

↑ Plin., Hist. nat., VIII, 7.

2 Idem., ibid.

faire preuve de sa force, tua d'un seul coup de lance un de ces animaux; enfin, on attribue à Caracalla une prouesse semblable.

Ce fut surtout pendant la seconde guerre punique que les Romains apprirent les moyens de résister aux éléphants. L'habitude d'en triompher les fortifia tellement contre ce danger, qu'ils n'y faisaient à la fin presque plus attention: aussi, dans la suite, lorsqu'ils rencontrèrent ces mêmes quadrupèdes, soit en Asie dans l'armée d'Antiochus, soit en Numidie dans celle de Jugurtha, ce fut pour eux comme un jeu de les repousser et de les vaincre. Cette réflexion que Tite-Live a consignée dans son histoire servira comme de résumé à tout ce que nous avons dit à ce sujet dans ce chapitre et dans les deux précédents : « Le soldat romain n'était plus même arrêté par les éléphants placés entre les bataillons; car, depuis les guerres d'Afrique, il était accoutumé à éviter l'impétuosité de ces animaux, et à les attaquer de côté, pour les percer avec des javelots, ou pour leur couper les jarrets, lorsqu'il parvenait à les approcher de plus près'.» Ce passage se rapporte à la bataille de Magnésie, dont nous aurons bientôt occasion de parler.

1 «Ne interpositi quidem elephanti militem romanum deterre«bant, adsuetum jam ab africis bellis et vitare impetum belluæ, «<et ex transverso aut pilis incessere, aut, si propius subire posset, «gladio nervos incidere.» (Tit. Liv., xxxvii, 42.)

marches.

CHAPITRE VI.

Proportion du nombre des éléphants employés dans les batailles, avec la force des armées. Place qu'ils occupaient dans le camp et dans les Comparaison de ces animaux avec l'artillerie. — Manière dont on les rangeait en bataille. — Principes que les anciens suivaient à cet égard. — Troupes qu'on entremêlait aux éléphants. — Exemples tirés de quelques faits d'armes de l'antiquité. — Disposition singulière des éléphants à la bataille de Magnésie.

«Belluæ dispositæ inter armatos, speciem turrium procul fecerant. » (Quint. Curt., vi, 14.)

Nous avons jusqu'ici trouvé dans l'antiquité des traces plus ou moins nombreuses pour nous guider dans nos recherches. Dans l'examen de la question que nous allons entamer, nous serons presque abandonnés à nos propres conjectures. Rien n'annonce, en effet, que les nations de l'Occident aient jamais établi, d'après une règle quelconque, la proportion qui devait exister entre le nombre de ces animaux et la force des armées; au contraire, tout porte à croire que jamais il n'y a eu rien de fixe à cet égard. Cette proportion dépendait nécessairement du plus ou moins de facilité qu'on avait pour se procurer ces quadrupèdes, et de la nature du pays où l'on voulait faire la guerre; car ce qui pouvait être utile dans un pays de plaine, n'aurait causé que de l'embarras sur un terrain coupé et dans une contrée montagneuse. Il devait donc en être des éléphants comme des chars de bataille, et comme il en est aujourd'hui des pièces d'artillerie, dont les calibres et le nombre sont réglés sur la topographie des contrées où l'on se propose de porter la guerre.

Il nous suffira, pour être parfaitement convaincus qu'il ne put jamais y avoir, en Occident, aucune proportion arrêtée entre le nombre des troupes et celui des élé

phants, de jeter un rapide coup d'œil sur les batailles où ont figuré ces animaux.

A commencer, en effet, par la première, celle de l'Hydaspe, nous voyons dans l'armée de Porus 200 éléphants sur 34,000 combattants; Séleucus en présente au moins 400 sur 70,000 hommes à la bataille d'Ipsus: dans ces deux cas, la proportion serait d'environ 6 éléphants sur 1,000 combattants. Celle qui résulte de la composition de l'armée de Xanthippe, à la bataille de Tunis, est encore plus forte, puisque ce général avait 100 éléphants sur 14,000 hommes. Asdrubal se présenta devant Palerme avec 30,000 hommes et 130 éléphants, ce qui faisait un peu plus de 4 sur 1,000; tandis que Ptolémée Philométor n'en avait, à la bataille de Raphia, que 73 pour une armée de 75,000 hommes, ce qui ne faisait pas 1 sur 1,000. L'armée d'Antigone, à Ipsus, présentait la même proportion : elle se composait de 75 éléphants sur 70,000 combattants. Pyrrhus amena en Italie 28,000 hommes et 20 éléphants, et dans le Péloponèse, 27,000 hommes et 24 éléphants. L'armée que les Carthaginois envoyèrent en Sicile sous le commandement d'Hannon, au commencement de la première guerre punique, comptait 60 éléphants sur 56,000 hommes de toute arme. Démétrius en avait, à Gaza, 43 sur 15,400 combattants, ce qui faisait environ 3 sur 1,000. Juba et Scipion n'en comptaient que 64 sur 80,000 hommes, à la bataille de Thapsus. Enfin, Annibal, qui n'en avait pris que 38 ou 40, avec une armée de 60,000 hommes, pour traverser les Pyrénées, en déploya ensuite au moins 80 sur 50,000 combattants, dans la plaine de Zama. Ces exemples suffisent pour démontrer qu'il n'y eut jamais rien d'arrêté à cet égard'; un plus grand nombre de rapprochements semblables n'ajouterait rien à la démonstration.

1 Ces réflexions ne sont applicables qu'aux armées de l'Occi

Hest hors de doute que les éléphants avaient leur place dans le camp aussi bien que les hommes et les chevaux. Ce fait ressort clairement de la relation de la bataille de Thapsus, où il est dit que les éléphants de Juba, vivement poursuivis par les soldats de César, prirent la fuite et se pressèrent vers les portes du camp, dont les fortifications n'étaient pas encore achevées'. Un cas semblable se présenta à la bataille de Canusium, gagnée par Marcellus sur Annibal. Les éléphants, poursuivis par les Romains, se sauvèrent dans le camp des Carthaginois avec une telle précipitation, que deux d'entre eux s'engagèrent en travers de la porte, empêchèrent les fuyards de s'y réfugier, et les exposèrent à être taillés en pièces par les vainqueurs 2.

Mais autant il est certain que les éléphants avaient leur place dans le camp, autant il serait difficile d'indiquer d'une manière précise l'endroit du camp qui leur était réservé. La castramétation de la plupart des nations de l'antiquité est peu connue : nous avons plus de détails sur celle des Romains; nous savons la place que les hommes et les chevaux occupaient dans leurs camps; mais les auteurs à qui nous devons ces notions ne disent jamais un mot des éléphants, et cette omission s'explique naturellement, car lorsque les Romains adoptèrent l'usage de ces quadrupèdes, les dimensions et la destination de toutes les parties de leurs camps étaient

dent et aux faits qui nous sont bien connus. Quant aux armées des nations indiennes, surtout à une époque très-reculée, les éléphants y entraient dans une proportion constante et même trèsconsidérable; voyez le chapitre 11 du livre 1er.

1 «Bestiæ stridore fundarum lapidumque perterritæ sese con«vertere, et suos post se frequentes stipatosque proterere, et in «portas valli semifactas ruere contendunt.» (Hirt., Bell. afric., 83.) 2 Tit. Liv., xxvi, 15.

« VorigeDoorgaan »