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déjà arrêtées. Nous savons cependant que l'on y tenait toujours en réserve des espaces libres pour les troupes qui pouvaient venir rejoindre l'armée, et pour y placer les prisonniers, les valets et les marchands: ainsi les angles, à droite et à gauche de la porte prétorienne, et qui pouvaient être regardés comme deux vastes places d'armes de quelques mille toises carrées de surface, étaient plus que suffisants non-seulement pour les éléphants, mais pour tout autre besoin imprévu. L'esplanade, d'environ 200 pieds de large, qui régnait entre les tentes et le pa. rapet, pouvait aussi être employée en partie à cet usage. C'était probablement dans ces endroits qu'on dressait les loges où étaient gardés les éléphants 1.

Si nous voulons maintenant déterminer la place qu'on assignait aux éléphants dans les marches, nous serons obligés de distinguer les marches ordinaires des marches en ligne, à proximité de l'ennemi. Dans les premières, comme on ne s'attendait pas à être attaqué. les éléphants devaient être conduits séparément, à la suite du gros de l'armée, afin d'éviter les encombrements auxquels aurait pu donner lieu leur présence au milieu des colonnes. Probablement leur place était alors à la queue des réserves, avec le bagage. Polybe dit qu'Annibal, après avoir passé le Rhône, mit ses éléphants à l'arrière-garde, pour marcher vers le pays des Allobroges 2.

Quant aux marches qui avaient lieu en présence de l'ennemi, il faut déterminer si elles étaient offensives ou défensives, si on se portait en avant ou si l'on battait en retraite; car, dans chacune de ces circonstances,

1 Pour la figure et les dimensions du camp romain, on peut consulter Just. Lips., de Milit. rom., lib. v. — Stewech., ad Veget., de Re milit. Patricii, la Militia romana di Polibio e di Tito Livio. 2 Polyb., 1, 47.

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la place des éléphants était, sans aucun doute, différente. Amilcar, marchant contre les mercenaires, sur le Macar, forma son armée en colonnes, en tête desquelles il répartit ses éléphants'. Cette disposition offensive tenait en quelque sorte le milieu entre l'ordre de bataille et l'ordre de colonne; car le général s'était serré en masse, toutes les têtes de colonne à la même hauteur, afin de se déployer en face des ennemis. Perdiccas, forçant le passage du Nil contre Ptolémée, avait également mis ses éléphants en tête 2. Annibal, dans sa marche au travers des Alpes, plaçait quelquefois de même ses éléphants, pour effrayer les montagnards qui se disposaient à lui barrer le chemin 3. Asdrubal, opérant sa retraite, après avoir été battu par Scipion près de Bécula, en Espagne, mit aussi ses éléphants en tête avec les bagages. Antiochus, au contraire, les plaça à l'arrièregarde, pour arrêter la poursuite des Romains, après avoir été forcé aux Thermopyles 5. Enfin nous verrons plus tard Chapour II former son armée sur trois lignes, dont la première était composée de cavalerie, la seconde d'infanterie, et la troisième d'éléphants, et marcher ainsi en bataille pour repousser les Romains, conduits par Julien.

Quelquefois, même à proximité de l'ennemi, et pendant que les différents corps de l'armée se dirigeaient sur la ligne, on faisait marcher les éléphants séparément, afin de ne pas déranger les mouvements des troupes;

1 Voyez ci-dessus, page 165.

2 Il sera parlé de cet événement au chapitre suivant.

3 «Primum agmen elephanti et equites erant: ipse post cum «robore peditum, circumspectans sollicitusque omnia, incede«bat.» (Tit. Liv., xx1, 34.)

4 Tit. Liv., xxvi, 19. — Voyez ci-dessus, page 189.

5 «Elephanti novissimi agminis erant.» (Tit. Liv., xxxvi, 19.) — Voyez ci-dessus, page 225.

et, dans ce cas, on leur donnait des escortes. Ce fut de cette manière que les éléphants d'Eumène arrivèrent sur le champ de bataille de Gadamarta'.

Tels sont à peu près les seuls faits sur lesquels nous puissions nous guider pour déterminer la place que les éléphants occupaient dans les marches: il me reste maintenant à faire connaître les principes qui réglaient la distribution de ces animaux sur les champs de bataille. Mais avant d'aborder cette question, qu'il me soit permis de revenir sur une réflexion qui s'est déjà plus d'une fois présentée dans le cours de cet ouvrage : c'est que l'emploi des éléphants dans les armées d'autrefois offre une grande analogie avec celui de l'artillerie chez les nations modernes. Je commencerai cependant par admettre, avant d'établir cette comparaison, qu'il faut faire la part des différences essentielles qui existent entre ces deux moyens d'attaque, et que s'ils offrent des rapports de similitude dans les résultats, ils ne se ressemblent en rien, quant au mode d'action. L'éléphant avait cela de commun avec le canon, qu'il était en même temps un moyen offensif et un moyen de protection, également propre à agir sur l'imagination et sur le physique des ennemis. On garnissait avec des éléphants les côtés faibles de la ligne, de même qu'on les renforce aujourd'hui avec du canon; enfin, l'un et l'autre de ces deux moyens ont donné plus d'une fois à l'attaque une prépondérance qu'elle n'aurait pas obtenue par le seul concours des autres armes. Mais à côté de ces rapprochements, il y a de grandes différences: d'abord, les éléphants n'avaient aucune action à distance, et c'est là un avantage immense que notre artillerie a sur ces animaux; en second lieu, les embarras et les encombrements qui ré

1 Voyez ci-dessus, page 98.

sultaient de l'emploi de ces quadrupèdes devaient être beaucoup plus considérables que ceux que cause l'artillerie; car le canon, instrument purement passif, ne présente par lui-même aucun principe de résistance, tandis que les éléphants pouvaient en opposer une trèsvigoureuse, et qui souvent même était invincible. Cependant, malgré ces inconvénients, et faute de mieux, les éléphants et les chars de guerre composèrent toujours le matériel des armées en Orient, de même que les balistes et les catapultes suppléaient à l'artillerie dans les armées d'Occident.

Ces réflexions nous amènent à penser que les anciens auront dû se régler, pour déterminer la place de leurs éléphants dans les batailles, sur des principes analogues à ceux qui règlent aujourd'hui la disposition des bouches à feu dans les mêmes circonstances. Ils auront donc examiné, comme nous, les accidents du terrain et la qualité des troupes qu'ils avaient en tête; et, avant tout, chaque général aura tâché de faire cadrer le placement de ses éléphants avec le plan qu'il s'était formé; car une disposition qui aurait été bonne pour se porter en avant pouvait ne rien valoir pour attendre l'ennemi de pied ferme, ou pour combattre en cédant le terrain. C'est dans ces circonstances qu'il faut chercher la raison des différentes manières dont les éléphants étaient disposés dans les faits d'armes de l'antiquité. Mais en général, et abstraction faite de toute modification accidentelle, on peut établir que la tactique de ces animaux était réglée d'après les principes suivants.

I. On rangeait toujours les éléphants sur une seule ligne. Il est très-douteux qu'on les ait placés quelquefois sur plusieurs rangs, et il n'y a pas d'exemple qu'on les ait jamais serrés en masse. La distance ordinaire était d'environ 100 pieds (un plèthre grec) de l'un à l'autre ;

mais cette pratique n'était pas toujours de rigueur, car plus on avait d'éléphants, moins on pouvait les espacer. A la bataille de la Gabiène, les deux armées étaient à peu près de la même force; mais Eumène avait 125 éléphants, et Antigone 65 seulement : il est donc probable que celui-ci aura mis les siens à une distance double de celle qui séparait ceux de son adversaire. J'ai déjà remarqué, en parlant de la bataille de Tunis, que les éléphants des Carthaginois ne pouvaient y être espacés que de 40 à 45 pieds. Ceux qu'Antiochus avait placés sur ses ailes, à la bataille de Magnésie, paraissent avoir été encore plus rapprochés, et l'on peut en dire autant de ceux d'Annibal, à la bataille de Canusium, puisque, dans les circonstances dont il s'agit, ces animaux, ainsi que nous le verrons en racontant ces deux faits d'armes, furent lancés tous ensemble sur les Romains. Il est aisé de voir, dans le récit de la marche d'Amilcar contre les mercenaires, sur les bords du Macar, que le front de ce général ne pouvait avoir plus de 15 à 1800 pieds, et que, par conséquent, ses 70 éléphants ne pouvaient être à plus de 20 ou 24 pieds de distance les uns des autres ; à moins que, pour donner à leur ligne plus d'étendue, il ne les ait fait déborder sur ses flancs; mais, à la réserve de ces exceptions, on peut poser en principe que les intervalles entre les éléphants étaient ordinairement, ainsi que nous l'avons dit, d'environ 100 pieds.

II. Lorsqu'on avait un nombre considérable de ces animaux, et qu'il eût été impossible de les mettre tous sur une seule ligne, on en formait des réserves, probablement en colonne et derrière l'armée, pour les déployer ensuite, à mesure que le besoin s'en ferait sentir. Tel dut être le parti que prit Séleucus à la bataille d'Ipsus; car jamais il n'aurait pu, sans s'exposer à de graves inconvénients, ranger ses 400 éléphants devant

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