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défavorable aux Carthaginois. Pendant l'action, une cohorte espagnole, précédée de trois éléphants, se fit jour à travers la 6 légion et pénétra jusqu'au pied des retranchements romains. Les éléphants, poussés par leurs conducteurs franchirent le fossé, et ils essayaient déjà de renverser les parapets, lorsqu'ils tombèrent accablés par les traits qu'on leur lançait de tous côtés. Leurs cadavres encombrèrent le fossé et servirent de pont et de champ de bataille aux deux partis; mais enfin, les Espagnols, entourés de toute part, furent exterminés.

Tite-Live, à qui nous devons la connaissance de ce fait, ajoute que, selon quelques historiens, Annibal aurait poussé beaucoup d'éléphants dans le camp des Romains, où ces animaux auraient renversé les tentes et répandu l'effroi, mais qu'on serait parvenu à les chasser par le moyen du feu. Appien parle d'un événement à peu près semblable qui aurait aussi eu lieu dans le camp de Fulvius Flaccus, attaqué de nuit par Annibal, mais pendant la marche rétrograde du général carthaginois. après le mauvais succès de son coup de main contre Rome, et non pendant le siége de Capoue. Ce qu'il y a du moins de certain, c'est qu'Annibal employa les éléphants pour forcer le camp du consul '.

Un troisième exemple d'attaque de retranchements par les éléphants nous est fourni par l'histoire de la dernière guerre punique. Scipion serrait de toutes ses forces les Carthaginois; mais ceux-ci avaient près de Néphéris un camp défendu par une armée considérable, et qui protégeait le ravitaillement de la ville. Scipion, sentant la nécessité de s'en emparer, le fit attaquer par un corps d'élite, lequel, s'étant porté vivement sur les retranchements, commença à arracher les palissades. Gulussa,

1 Tit. Liv., XXVI, 5, 6. Appian., Bell. Annibal., 41, 42.

fils de Masinissa et allié des Romains, y pénétra alors avec une bande d'éléphants, qui se mirent à parcourir le camp en tout sens, en renversant et foulant aux pieds les hommes, les tentes, et tout ce qu'ils rencontraient. Les Carthaginois, saisis de terreur, se pressaient en masse autour des portes; mais, ces issues étant trop petites pour livrer passage à la foule, il se fit un carnage horrible. On dit qu'il y eut près de 70,000 hommes écrasés par les éléphants, ou taillés en pièces par la cavalerie; 10,000 furent faits prisonniers, et 4,000 à peine réussirent à se sauver. Cet événement fut en quelque sorte le coup de grâce de la malheureuse Carthage; car, privée de la protection de ce camp, elle se trouva bientôt dans l'impossibilité de se procurer les vivres et les objets né

cessaires à sa défense 1.

Tels sont à peu près les documents qu'on rencontre dans l'histoire, sur l'emploi des éléphants dans l'attaque des places et des ouvrages de campagne; il est probable qu'on n'a que rarement employé ces animaux à ce service, car les inconvénients de ce moyen d'attaque devaient la plupart du temps surpasser les avantages qu'on pouvait en attendre. Si l'on me demande maintenant en quoi pouvaient consister ces avantages, je dirai d'abord que les éléphants opposaient un obstacle aux sorties de la garnison, obstacle qui était encore plus terrible pour les troupes chargées de ces expéditions, lorsqu'elles se présentaient en colonne ou sur un front resserré, ce qui était le cas le plus ordinaire; car alors elles étaient exposées non-seulement à être prises en tête, mais à être enveloppées par les éléphants. Ce fut le parti qu'Annibal tira de ces animaux au siége de Casilinum : à mesure que les assiégés essayaient une sortie, il les faisait re

1 Appian., Bell. punic., 126.

cevoir par ses éléphants, qui les refoulaient dans la place. Une fois même ils faillirent avoir la retraite coupée, et ne parvinrent à rentrer dans la ville qu'avec difficulté 1.

En second lieu, les éléphants donnaient la facilité d'élever promptement un certain nombre de combattants à la bauteur des ouvrages de la place; surtout si l'on pouvait profiter, pour se poster avec avantage, de quelque accident du sol ou de quelque élévation artificielle. Nous savons qu'en pareille circonstance les anciens construisaient des cavaliers en terre ou en charpente (aggeres), du sommet desquels on pouvait plonger sur la place. Les éléphants faisaient donc en ce cas le service d'aggeres ambulants, qu'on pouvait établir sur tous les points, et retirer selon le besoin. Il n'y avait point d'inconvénient à employer pour ce service des tours d'une plus grande hauteur; car il s'agissait de rester simplement en position, et non pas de suivre les évolutions rapides et irrégulières qui se font sur un champ de bataille. Il va sans dire que les éléphants aussi bien que leurs tours devaient être recouverts de fer, pour résister aux traits et aux projectiles incendiaires des assiégés.

Les Perses firent souvent usage de cet expédient pour assiéger les places de la Mésopotamie; et il paraît même que les éléphants ainsi chargés pouvaient s'ap procher assez des murailles pour que les hommes qu'ils portaient en vinssent aux mains avec les défenseurs de la place. Quelquefois on fixait sur leur dos des balistes et d'autres lourdes machines de jet, que l'on pouvait ainsi déplacer facilement, concentrer, ou diri

1 «Semel ultro erumpentes agmine elephantorum obposito prope <«< interclusit, trepidosque compulit in urbem, satis multis, ut ex « tanta paucitate, interfectis.» (Tit. Liv., xxIII, 18.)

ger successivement sur les points où elles devaient produire plus d'effet. Nous verrons un exemple de l'emploi de ce moyen dans la relation du siége d'Amide, par Chapour II. Au reste, cette pratique a toujours été suivie en Orient, et de nos jours, ainsi que nous le dirons dans la dernière partie de cette histoire, les Indiens placent encore de petites pièces de campagne sur leurs éléphants.

Pourra-t-on croire qu'il y ait eu des éléphants spécialement dressés à ébranler et à renverser les murailles des villes? Elien le dit pourtant, sur l'autorité de Ctésias ; et il cite un roi de l'Inde qui avait un train de 3,000 éléphants choisis parmi les plus forts, et destinés à abattre les murailles en les poussant de leurs poitrines . Agatharchide, historien et naturaliste estimé, qui vivait environ deux siècles avant notre ère, parle de ce fait comme d'un fait avéré, et il ajoute qu'on désignait ces éléphants par le nom significatif de Texoxatakútai (démolisseurs) 2. Aristote dit aussi que l'éléphant renverse les murs en les frappant ou en les minant avec ses défenses ; enfin, un observateur éclairé, que j'ai déjà eu occasion de citer, assure avoir vu dans l'Inde des éléphants occupés à abattre des murs. Ils les poussaient, dit-il, de toute la force de leurs corps et de leurs trompes qu'ils tenaient repliées, et qu'on avait eu soin de garnir de cuir pour les empêcher de se blesser. Ils s'acquittaient de ce service,

1 ἑτέρους δὲ ἀκούω τρισχιλίους τοὺς μεγίστους τε καὶ ίσχυροτάτους ἔπεσθαι, οἵπερ οὖν εἰσι πεπαιδευμένοι τὰ τείχη τῶν πολεμίων ἀνατρέπειν, ἐμπεσόντες όταν κελεύση Baatheús ávarρémet de Tois OTHbéo. (Ælian., Animal., XVII, 29.)- Voyez d'ailleurs les extraits de Ctésias dans la Bibliothèque de Photius. 2 Agatharchid., apud Phot. Biblioth., cod. CCL.

3 Τοὺς δὲ τοίχους καταβάλλει ὁ ἐλέφας τοὺς ὁδόντας τοὺς μεγάλους προσβάλλων. (Aristot., Animal., Ix, 1.)

ajoute-t-il, avec beaucoup d'intelligence et de succès 1. L'Ayéen-Akbéry mentionne également cette aptitude de l'éléphant pour la démolition, et la même chose est attestée par Avicenne, cité par Vincent de Beauvais 2.

Le même instinct qui donne à l'éléphant la faculté d'abattre les murailles lui a appris à arracher les palissades; souvent même, lorsqu'il est à l'état de liberté, il lui arrive de déraciner de jeunes arbres pour se nourrir de leurs feuilles et de leurs fruits. Ce fait est attesté par Strabon, par Pline, par Élien et par Aristote3. Ce dernier a même décrit comment l'éléphant parvient à abattre les palmiers. D'abord, dit-il, il les plie en les forçant avec sa tête; puis il se sert de ses pieds de devant pour amener le tronc près de la terre, et il achève de le renverser en le pressant de tout le poids de son corps. Suivant Élien, les Indiens avaient des éléphants dressés à ce manége, et ils s'en servaient pour défricher les bois de palmiers‘. 1 Foucher d'Opsonville, Observations philosophiques sur divers animaux étrangers.

2 Vincent. Bellovac., Speculum naturale, XIX, 43. — Il n'y a pas longtemps que les journaux de Calcutta ont parlé d'une troupe d'éléphants sauvages qui avaient fait brèche dans un magasin de riz, solidement construit en maçonnerie. Ils eurent l'adresse, je dirais presque l'esprit, d'attaquer d'abord un des angles du bâtiment, dont ils réussirent à arracher quelques pierres à l'aide de leurs défenses. Ils travaillèrent ensuite à agrandir l'ouverture par laquelle ils entrèrent tour à tour, et ils n'en sortirent qu'après s'être abondamment repus.

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3 Strabon., xv, 1, t. III, 281. Plin., Hist. nat., VIII, Elian., Animal., v, 55. — Aristot., Animal., Ix, 1.

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4 Ælian., Animal., V, 55. L'auteur anonyme dont un manuscrit d'Oxford a intercalé les vers dans le poëme de Manuel Philé, Nepi Cwmv idióτntos, § 39, vers 15 et suiv., éd. de Pauw, et Nonnus, dans le 16o livre de ses Dionysiaques, font aussi mention de cette aptitude des éléphants pour déraciner les arbres et renverser les murailles.

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