Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

rangs, en poussant des cris lamentables qui mirent en fureur les autres éléphants, au point qu'ils se retournèrent aussi sur les Romains, et en écrasèrent un grand nombre, d'autant plus facilement que les troupes étaient pressées et nullement préparées à un pareil accident. Le trouble et la confusion furent bientôt extrêmes; enfin, les Numantins, profitant de la circonstance, firent une sortie et repoussèrent les Romains sur tous les points, après leur avoir tué 4,000 hommes et 3 éléphants 1.

Mais aucun événement peut-être ne montra mieux que la bataille du Métaure les inconvénients que pouvait causer l'indocilité des éléphants.

BATAILLE DU MÉTAURE.

(546 de Rome, 208 av. . J. C.)

Après les succès qui avaient signalé le commencement de la seconde guerre punique, la fortune semblait avoir retiré ses faveurs aux drapeaux d'Annibal. Faiblement secouru par le gouvernement de Carthage, soutenu avec peu de zèle par les nouveaux alliés qu'il s'était faits en Italie, pressé de toutes parts par les Romains, le vainqueur de Cannes s'était vu obligé de concentrer ses forces au fond de la Péninsule. C'était là qu'il attendait l'armée que son frère Asdrubal devait lui amener d'Espagne, et à l'aide de laquelle il espérait changer la face de la guerre. En effet, Asdrubal, ayant réussi à se soustraire aux poursuites de Scipion, traversa les Pyrénées avec une forte réserve de Carthaginois et d'Espagnols, auxquels il avait joint 15 éléphants. Une fois des

1 Appian., Bell. hispan., 46.

cendu dans la Gaule, il grossit son armée au moyen des trésors qu'il avait apportés d'Espagne, et engagea à son service un grand nombre de volontaires chez les Arvernes, les Bituriges, les Ségusiens, les Eduens et les autres nations qu'il traversa, depuis les Pyrénées jusqu'à Lyon. Le passage des Alpes ne présentait plus les mêmes difficultés depuis qu'Annibal avait montré comment il fallait s'y prendre pour traverser ces montagnes: aussi Asdrubal descendit-il dans les plaines du Pô beaucoup plus tôt que son frère ne s'y attendait '. Les Gaulois cisalpins vinrent en foule se ranger sous ses drapeaux, et, gagnant la côte de la mer Adriatique, il se mit en marche pour la basse Italie avec une armée de 60,000 hommes.

Menacés par un double danger, les Romains avaient mis sur pied deux armées consulaires. La première, forte de 40,000 hommes de pied et de 2,500 chevaux sous les ordres de Claudius Néron, était campée près de Ca nusium, sur les frontières de l'Apulie et de la Lucanie. Sa destination était de tenir Annibal en échec, et de l'empêcher d'aller à la rencontre de son frère. L'autre, commandée par Livius Salinator, collègue de Néron, avait ses quartiers sur les terres des Sénonais et aux confins

1 Suivant Appien (Bell. Annibal., 52), Asdrubal fit en deux mois le chemin qui en avait coûté six à Annibal. Quant à la direction de la route qu'il suivit à travers les Alpes, c'est une question qui n'est pas mieux éclaircie pour lui que pour son frère. Tite-Live, Appien, Eutrope et Silius Italicus, leur font suivre à tous deux le même chemin; Varron, cité par Servius, émet une opinion contraire. Du reste, il paraît qu'Asdrubal remonta le Rhône jusqu'à Lyon, et qu'il fut escorté jusque-là par les Arvernes. Il serait ensuite descendu en Italie, selon quelques-uns par la Maurienne, selon d'autres par le petit Saint-Bernard. Voyez sur cette question le 1er vol. de l'Italia antiqua de Cluverius.

[ocr errors]

de l'Ombrie, pays qu'Asdrubal devait traverser dans sa marche. Cette armée était composée de quatre légions et de troupes légères venues d'Espagne et de Sicile. Deux légions se trouvaient en outre dans la Gaule cisalpine, sous les ordres du préteur Porcius Licinius; mais à mesure qu'Asdrubal faisait des progrès, elles se replièrent sur l'Ombrie, et vinrent enfin camper à proximité du consul Livius. La jonction de ces deux corps d'armée porta les forces des Romains sur ce point à environ 35,000 hommes de toute arme '.

Aussitôt qu'Asdrubal eut mis le pied en Italie, il envoya des émissaires porter à son frère la nouvelle de son arrivée. Quatre cavaliers gaulois et deux numides furent choisis pour cette mission périlleuse, aux difficultés de laquelle ajoutait encore un mouvement rétrograde opéré en ce moment même sur Métaponte, par l'armée d'Annibal. Leurs efforts pour arriver jusqu'à ce général, par des chemins détournés, ne furent point couronnés de succès; ils tombèrent, aux environs de Tarente, entre les mains de fourrageurs romains, et furent conduits devant le préteur, qui, après les avoir forcés de lui livrer leurs dépêches, et de déclarer tout ce qu'ils savaient de la marche et des forces d'Asdrubal, les envoya immédiatement au consul Néron. Celui-ci, informé ainsi de la véritable situation de l'armée ennemie, et de sa supériorité numérique sur celle de Livius, craignit que son collègue ne fût pas en état de lui disputer le passage; et il forma la résolution hardie de voler secrètement à son secours, avec une partie de son armée. L'autre devait rester dans le camp pour tenir tête à Annibal,

Les Romains avaient aussi, vers la même époque, établi, par les conseils du consul Néron, un camp dans le défilé de Narni,) pour couvrir la capitale, en cas de malheur. (Tite-Live, xxvi, 43.

qui était lui-même campé à peu de distance. Lorsqu'il eut bien mûri ce projet, et en eut donné connaissance au sénat, il se mit à la tête de 6,000 hommes de pied et de 1,000 chevaux, tous gens d'élite, et laissant à son lieutenant, Q. Catius, le commandement de son camp, il se dirigea sur le Métaure, en faisant la plus grande diligence'.

Il ne fallait pas peu d'adresse pour dérober ce mouvement à un adversaire aussi vigilant qu'Annibal; et l'habileté que Néron déploya en cette circonstance lui a valu les éloges unanimes des historiens. Il était parti au milieu de la nuit dans le plus grand silence, et avait expressément ordonné qu'on ne changeât rien dans le service du camp, que l'on continuât de fournir les mêmes postes en dehors, d'allumer le même nombre de feux, et de sonner les trompettes aux heures accoutumées, devant la tente consulaire, comme s'il n'eût point cessé de l'occuper; enfin, pour donner encore mieux le change à son adversaire, il avait fait répandre le bruit que les troupes qu'il détachait étaient destinées à enlever une place de la Lucanie qui tenait encore pour les Carthaginois. Le même mystère était d'ailleurs observé à l'égard des soldats, qui partirent sans savoir où on les conduisait, et ne connurent le but de l'expédition que lorsqu'ils eurent déjà fait beaucoup de chemin; ces braves firent alors éclater leur joie d'avoir été choisis pour une entreprise aussi glorieuse, et ils mirent la plus grande ardeur à seconder les intentions de leur chef. Nous avons dit qu'ils étaient 7,000 en tout; mais leur nombre se grossit en route de beaucoup de vétérans et de volontaires, qui voulurent prendre part à cette brillante expédition. Ainsi, lorsque Néron arriva au camp de son

1 «Quantis maximis itineribus poterat. » (Tit. Liv., xxvii, 43.)

collègue, il lui amenait un renfort d'au moins 12,000 hommes 1.

Cependant Asdrubal, en poursuivant sa marche, venait d'atteindre les bords du Métaure, et Livius, de son côté, s'était avancé jusqu'au Césano (Sena), petite rivière qu'on rencontre un peu avant d'arriver à ce fleuve. Comme en ce lieu les Apennins ne sont pas éloignés de la mer, le consul interceptait parfaitement la inarche des Carthaginois, dans le cas où ils auraient voulu suivre le littoral, pour se diriger sur la basse Italie; tandis que le préteur Porcius Licinius, posté sur les hauteurs avec ses deux légions, observait la route de Fossombrone (Forum Sempronii), le seul débouché par où l'on puisse pénétrer des Apennins dans l'Ombrie. On le voit, ces deux positions étaient parfaitement choisies pour arrêter les progrès d'Asdrubal, quelle que fût la direction qu'il voulût prendre pour se rapprocher de son frère.

Une bataille pouvait seule lui ouvrir le chemin; et il se résolut à la risquer, d'autant plus facilement qu'il n'était pas instruit de l'arrivée de Néron, et comptait sur la supériorité numérique de ses forces. Il fit donc un mouvement en avant, établit son camp à 500 pas de celui de Livius, et déploya son armée. Mais avant d'engager l'action, il voulut pousser lui-même une reconnaissance, pour observer les forces et la position de l'ennemi. Accoutumé à faire la guerre aux Romains, il connaissait tous les détails de leur discipline: il crut s'apercevoir que leur camp contenait plus de monde que ses dimensions ne devaient le faire supposer. Il voyait

1 Caton le Censeur servait, avec le grade de tribun, dans ce corps d'armée: il contribua puissamment au succès de la journée. «Castra secutus est C. Claudii Neronis, magnique ejus opera exi«stimata est in prælio apud Senam, quo cecidit Hasdrubal, frater << Hannibalis. » (Cornel. Nepos, M. Porc. Cat., 1, n. 2.)

« VorigeDoorgaan »