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leur avait dressées, en passant au milieu des convives, à travers les lits sans les déranger, et ils prirent leur repas dans des plats d'or et d'argent, avec une aisance grotesque qui excita au plus haut degré l'hilarité des spectateurs'.

Mais l'épreuve la plus extraordinaire pour d'aussi lourds quadrupèdes, c'était de grimper sur un, ou peutêtre sur deux câbles, tendus depuis le fond de l'arène jusqu'au sommet de l'enceinte, et, ce qui est encore plus surprenant, de revenir par ce périlleux chemin. On refuserait de croire à de semblables faits, s'ils n'étaient attestés par des témoignages contemporains. Nonseulement les éléphants exécutèrent ce tour étonnant aux jeux de Germanicus, ils le répétèrent encore en d'autres occasions; Néron 3, Galba, donnèrent au peuple de semblables spectacles. Mais une chose peut-être plus incroyable encore, c'est qu'il y ait eu des hommes assez hardis pour se tenir sur ces animaux pendant qu'ils

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«libratis vestigiis, ne quis potantium attingeretur.» (Plin., Hist. nat., VIII, 2.)

1 Les Romains avaient porté à une grande perfection l'art de dresser à toute sorte d'exercices les animaux, même les plus féroces. On donnait aux hommes qui se livraient à ce dangereux métier le nom de mansuetarii; nous fournirons sur eux quelques renseignements dans la note F à la fin du volume. Au reste, même dans les temps modernes, on a constaté l'aptitude de l'éléphant pour la mimique. Busbecq, qui fut ambassadeur de l'empereur auprès de Soliman II, raconte avoir vu à Constantinople des éléphants danser en cadence, et jouer de la paume.

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2 «Postea et per funes incessere... Mirum maxime et adversis

quidem funibus subire, sed regredi magis utique pronis. » (Plin., Hist. nat., VIII, 2, 3.)

3 Sueton., Nero, 11.

4 «Novum spectaculi genus elephantos funambulos edidit.» (Sueton., Galba, 6.)

allaient et revenaient de cette manière: un chevalier romain donna, suivant Suétone, une semblable preuve d'intrépidité, aux jeux célébrés par ordre de Néron '.

Le plus souvent on faisait combattre les éléphants contre des gladiateurs appelés bestiarii, et quelquefois contre d'autres animaux, notamment contre des taureaux. Domitien donna quelquefois ce spectacle, ainsi qu'on peut l'inférer des épigrammes de Martial 2. Héliogabale fit voir, à l'occasion de son mariage avec Cornélia Paula, un combat de tigres contre des éléphants, et l'un de ces derniers animaux y fut tué 3.

Lorsque Titus célébra la dédicace de son amphithéâtre, il y fit paraître des éléphants, et, suivant le témoignage de Xiphilin, l'on vit alors périr 4 de ces animaux. Adrien en tira un parti plus utile, puisqu'il en employa 24 pour déplacer le fameux colosse de Néron et pour le transporter près de l'amphithéâtre auquel il devait donner son nom. Cette opération, regardée à juste titre comme une des plus belles qu'ait exécutées la mé

1 «Notissimus eques romanus elephanto supersedens per cata<«<dromum decucurrit. » (Suet., Nero, 11.)—Le même fait est raconté par Xiphilin, Epitom., LX1, 17. Sénèque fait aussi mention des éléphants funambules. «Elephantem minimus Ethiops jubet. «subsidere in genua, et ambulare per funem.» ( Epist., LXXXV, fin.) Voyez aussi Just. Lips., Epist. select., cent. 1, ep. 50. Cet exercice ne pouvait sans doute avoir lieu que sur deux câbles parallèles, car comment concevoir qu'un si énorme quadrupède ait pu croiser les jambes sur une seule corde? Au reste, le docte Peiresc assurait avoir vu une médaille impériale, très-rare, portant au revers un éléphant funambule.

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2 Martial., epigr. de Spectacul., 17, 19. — Plus anciennement les deux frères Lucullus avaient aussi fait combattre des éléphants contre des taureaux. (Plin., Hist. nat., VIII, 7.)

3 Xiphilin., Epitom., LXXIX, 9.

4 Id., ibid., Lxvi, 25.

canique des anciens, fut confiée à l'architecte Détrianus, ou Démétrianus, qui transporta le colosse suspendu debout, et l'établit sur le nouvel emplacement qui lui était destiné '.

Antonin le Pieux, successeur d'Adrien, donna des spectacles et des combats de bêtes, dans lesquels on vit figurer des éléphants. Commode en fit aussi paraître souvent dans l'arène. Ce gladiateur couronné y descendait quelquefois lui-même pour se mesurer avec les animaux les plus féroces; et l'on raconte qu'il était d'une force tellement prodigieuse. qu'il attaqua un jour un éléphant, et d'un coup de pique l'étendit mort à ses pieds. Il répéta ensuite, suivant Dion Cassius et Lampride, le même exploit sur un hippopotame, sur un tigre et sur une infinité d'autres bêtes.

Septime Sévère célébra par des jeux magnifiques le dixième anniversaire de son règne: on vit encore combattre, dans cette circonstance, beaucoup d'animaux rares, et notamment des éléphants, dont un fut tué.

1 «Transtulit colossum stantem atque suspensum per Detrianum «architectum, de eo loco in quo nunc templum Urbis est, ingenti «molimine, ita ut operi etiam elephantos xxш exhiberet. » ( Æl. Spartian., Adrian., 19.) — La hauteur de ce colosse était de 120 pieds, suivant Suétone (Nero, 31), et de 110, suivant Pline (Hist. nat., XXXIV, 18). Les archéologues ne sont pas d'accord sur la matière dont il était formé. Voyez Nardini, Roma antica, t. 1, p. 291, et Nibby, la Via sacra, cap. 2, p. 215.

2 Jul. Capitol., Anton. Pius, 10. Les médailles de cet empereur, au revers desquelles on voit un éléphant, avec la légende MVNIFICENTIA. AVG. COS. III, étaient sans doute destinées à consacrer le souvenir de ces spectacles.

3 «Virium ad conficiendas feras tantarum fuit, ut elephantum << conto transfigeret. » (Lamprid., Commod., 13.) On sait que le contus était une pique renforcée.

4 Xiphilin., Epitom., Dion., LXXVI, 1.

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Caracalla donna souvent aussi de semblables spectacles. Les grandes fêtes séculaires par lesquelles l'empereur Philippe célébra le millième anniversaire de la fondation de Rome, furent la dernière circonstance où les éléphants parurent en grand nombre dans les spectacles. On voulait que la magnificence de ces fêtes répondît à la grandeur du souvenir : 32 éléphants y figurèrent parmi les animaux qui furent exposés à la curiosité publique'. Le nombre de ceux que l'on entretenait à Rome était considérablement diminué vingt ou trente ans plus tard, puisque Gallien ne put en faire paraître que dix aux fêtes qu'il donna la dixième année de son règne 2. Mais Aurélien en ramena ensuite quelques-uns de l'Orient, et vingt le précédèrent au Capitole, le jour de son triomphe3.

Ce fut vers ce temps-là, probablement, que le gouvernement renonça à entretenir des dépôts d'éléphants: en effet, à partir de cette époque, on ne voit plus ces animaux paraître dans le cirque et dans l'amphithéâtre, quoiqu'on ait continué longtemps encore d'y donner des combats de bêtes fauves et de bêtes féroces de toute espèce. Puis, lorsque Rome eut cessé d'être la résidence impériale, on cessa aussi d'y voir de ces fêtes brillantes et dispendieuses.

Un autre usage auquel on employait les éléphants, c'était de les atteler aux chars de parade destinés à porter les images des dieux et des empereurs, dans les grandes cérémonies et dans les apothéoses. Auguste fut le premier qui obtint cette distinction: sa statue était portée, à la marche triomphale du cirque, sur un char

1 Jul. Capitol., Gordian., 33. — On trouvera dans l'appendice 1, à la fin du volume, quelques détails sur ces spectacles.

2 Trebell. Pollion., Gallien., 8.

3 Vopisc., Aurelian., 33.

tiré par des éléphants'. Caligula décerna le même honneur à sa sœur Drusille, et Claude à son aïeule Livie, lorsque ces princesses furent mises au rang des dieux 2. Septime Sévère fit placer la statue de Pertinax sur un char tiré par des éléphants, et l'accompagna au cirque, où elle fut exposée à la vénération des Romains3. Les médailles qui ont été frappées pour conserver le souvenir des apothéoses de Nerva, d'Adrien, d'Antonin, de MarcAurèle, et des deux Faustine, représentent souvent ces personnages sur des chars semblables: en effet, cet animal, à cause de sa longévité, que l'on supposait plus grande qu'elle n'est réellement, était regardé comme le symbole de l'éternité. Aussi lit-on fréquemment sur ces médailles les mots ÆTERNITATI AUG., ou simplement ÆTERNITAS 4.

Les empereurs voulurent quelquefois paraître euxmêmes en public, comme les rois de l'Orient, sur des chars de parade tirés par des éléphants. On croit que ce fut Auguste qui en donna le premier exemple; mais Héliogabale alla plus loin: il donna le spectacle de quatre chars attelés chacun de quatre éléphants, et ne dédaigna pas de remplir lui-même le rôle de cocher 5.

Le droit de posséder des éléphants était une prérogative du chef de l'État; on ne l'accorda que rarement à des particuliers 6. Cependant Dion Cassius fait men

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3 Xiphilin., Epitom., LXXIV, 4. — Noris, de Quadrig, elephanto

rum.

Scheffer., de Re vehicul., lib. IX.

4 Mezzabarba, Numismat. imperator.

5 El. Lamprid., Heliogabal., 23. Noris, op. cit.

6 C'est pourquoi Juvénal appelle les éléphants le troupeau de César :

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