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que le développement du nouveau tracé fut de 80 lieues. Ce débouché conserva quelque importance tant que les califes résidèrent en Arabie; mais il devint inutile, et même impolitique, aussitôt qu'ils eurent transféré leur résidence à Damas, et qu'ils eurent plus d'intérêt de faire prendre au commerce la direction du golfe Persique et de l'Euphrate. Ils cessèrent donc alors d'entretenir le canal du Nil, et le calife Al-Mansour le fit même combler définitivement, lorsqu'il eut transporté sa résidence à Bagdad, à la fin du vine siècle.

On prétend qu'après la découverte du cap de Bonne-Espérance, les Vénitiens, alarmés de la nouvelle route que prenait le commerce, proposèrent au sultan d'Égypte de rétablir à leurs frais le canal des Ptolémées; on sait assez que ce projet n'eut pas de suite. Napoléon, préoccupé, dès l'époque de son expédition d'Égypte, de la pensée de renverser la suprématie commerciale de l'Angleterre, eut aussi, dit-on, la même intention: il chargea quelques membres de l'Institut d'Égypte de faire les études préparatoires, et d'explorer toute la ligne; et la crainte de voir se réaliser ce projet influa peut-être sur les efforts que firent les Anglais pour obliger les Français à évacuer ce pays.

Enfin, on a encore attribué dernièrement le même projet à Méhémet-Ali; mais des guerres presque continuelles, et des travaux d'un intérêt plus immédiat, l'ont empêché de mettre la main à ce grand ouvrage, dont l'exécution, outre de grandes difficultés matérielles, aurait saus doute rencontré des obstacles politiques plus insurmontables encore. Quoi qu'il en soit, s'il y a jamais eu des circonstances propices pour réaliser la canalisation de l'isthme de Suez, c'est sans contredit à l'époque où nous vivons; car, d'un côté, l'emploi de la vapeur nous donne un moyen, inconnu aux aux anciens, de vaincre les difficultés de la navigation du golfe Arabique; de l'autre, les nouvelles directions que prend le commerce d'Orient paraissent toutes converger vers le golfe Persique et la mer Rouge: l'Euphrate et le canal des Ptolémées semblent donc, plus que jamais, destinés à devenir les artères d'un nouveau système de circulation entre l'Europe et l'Asie.

Outre les auteurs que j'ai cités dans le cours de cette note, on peut encore consulter: 1o un Mémoire sur la géographie comparée et l'ancien état des côtes de la mer Rouge, par Rozière, inséré dans le tome 1, page 127, de l'ouvrage de la Commission d'Égypte ; 2o la Carte ancienne et comparée de la basse Égypte, par MM. Jomard

et Jacotin, insérée dans le tome 11 du même ouvrage; 3o l'article de M. Letronne, cité dans la note 4 de la page 516.

NOTE C (page 88).

Sur les découvertes des Lagides dans l'intérieur de l'Afrique, et sur le commerce des Égyptiens avec l'Inde.

Les matériaux qui devaient servir à la rédaction de cette note s'étant trouvés plus nombreux et plus considérables que je ne l'avais pensé d'abord, j'ai cru devoir en faire un appendice: voyez plus haut, page 504, l'appendice V.

NOTE D (page 121).

Sur le nom de BOVES LUCAS donné par les Romains aux éléphants.

Ce synonyme était surtout en usage en poésie; Lucrèce l'emploie dans ces deux vers:

Ut nunc sæpe boves lucæ ferro male macta

Diffugiunt, fera facta suis cum multa dedere.

(Lucret., de Rer. nat., v, vs. 1338.)

et l'on en trouve des exemples dans Nævius, Ennius, Lucain, Sénèque, Silius Italicus, Ausone, Lactance, etc.

Varron, après avoir résumé diverses opinions sur l'origine de cette dénomination, s'arrête à une interprétation plus singulière que raisonnable: «Quare, dit-il, ego arbitror, potius lucas ab luce, quod «<longe relucebant propter inauratos regios clypeos, quibus eorum «tum ornatæ erant turres » (de Ling.lat., vIII, 39); mais cette opinion a rencontré peu de faveur ; rien ne prouve, en effet, que ces boucliers dorés fissent partie de l'équipement des éléphants, ni à l'époque de Pyrrhus, ni après, et il ne m'est jamais arrivé de les voir mentionnés dans les auteurs.

Il est bien plus simple et plus juste de voir dans le mot Lucas une contraction de Lucanus, contraction qui est tout à fait conforme au génie de l'ancienne langue latine, dans laquelle on trouve Campas pour Campanus, Picens pour Picenus, Tros pour Trojanus, et beaucoup d'autres exemples analogues; nous avons d'ailleurs, pour le cas qui nous occupe, l'autorité de Pline qui tranche la question : «Elephantos Italia primum vidit Pyrrhi regis «bello, et boves lucas appellavit in Lucanis visos, anno urbis qua

«<dringentesimo septuagesimo secundo.» (Hist. nat., VIII, 6.) Les premiers éléphants que virent les Romains furent, en effet, ceux de Pyrrhus, et ce fut près de la ville d'Héraclée, en Lucanie, qu'ils leur apparurent pour la première fois. De loin, trompés, sans doute, par la ressemblance des défenses de ces animaux avec des cornes, ils les prirent pour des grands bœufs, et ce fut alors qu'ils leur donnèrent le nom de bœufs lucaniens. C'est ce que dit expressément Solin, dans un passage (Polihistor., cap. 25) qui a fourni au docte Saumaise l'occasion de signaler l'étrange préoccupation de Baronius, «qui ad annum Christi LVIII, scribit bovem «vocatum lucam ab Italis, allusione facta ad figuram bovis evan«gelistæ Lucæ tributam.» (Exerc. Plinian. in Solin., c. 25.)

Les Grecs et les Latins nous fournissent, du reste, d'autres exemples de ces dénominations abusives appliquées aux animaux exotiques. Les Romains avaient, suivant Festus, donné le nom de bos Egyptius au rhinocéros, parce que cet animal leur était venu de l'Egypte; la girafe fut pour eux une brebis sauvage, ovis fera. (Pline, Hist. nal., VIII, 27. Voyez d'ailleurs les notes de Cuvier dans l'édition Panckoucke). Pausanias (Eliac. prior., 12, Beotic, 21) donne au rhinocéros à deux cornes le nom de taureau d'Éthiopie; enfin, les Grecs ont appelé cheval de rivière (hippopotame) un quadrupède qui n'a pas plus de ressemblance avec le cheval que l'éléphant n'en a avec le bœuf.

Mais nous-mêmes avons-nous le droit de nous étonner de ces inexactitudes, lorsque nous appliquons tous les jours les noms de vache marine et de lion marin à des animaux qui ont si peu de rapport avec les types auxquels nous les comparons ?

Ce qu'il y a de plus singulier, c'est qu'après qu'on se fut assuré de la véritable nature des éléphants, on leur ait conservé un nom qui n'était que la suite d'une fausse appréciation, et qu'on ait en quelque sorte sanctiouné cette erreur dans l'inscription de la colonne de Duilius, inscription postérieure d'au moins vingt ans à la bataille d'Héraclée. - Voici ce qu'on lit sur ce monument:

LECIONES. CARTACINENSEIS.

LVCAES. BOVEBOS. RELICTEIS.

NOVEM. CASTREIS. EXFOCIONT 1.

1 Ce monument a été publié en entier dans le Trésor de Grævius et dans Gruter., Inscript., ccccIV; Ciaoconius en a fait l'objet d'un ouvrage spécial, intitulé in Column, rostrat. C. Duilii inscript, explicatio.

:

Cette pseudonymie, devenue en quelque sorte monumentale, ne choqua dès lors plus personne: c'est ainsi que le temps, qui rectifie quelquefois les aberrations de l'esprit, semble donner plus d'autorité aux inexactitudes du langage. Nous n'avons en cela rien à reprocher aux anciens, nous qui appliquons tous les jours le nom d'Indes et d'Indiens à des contrées et à des peuples qui n'ont rien de commun avec l'Inde et avec les Indiens. Combien, d'ailleurs, ne pourrait-on pas citer de fausses dénominations qui sont restées dans les langues, comme pour jalonner d'anciennes méprises?

NOTE E (page 185).

Sur quelques obscurités qui se rencontrent dans la relation que Tile-Live et Polybe nous ont laissée de la bataille de la Trébie.

En suivant, dans Polybe et dans Tite-Live, le fil des événements qui ont précédé et suivi la bataille de la Trébie, on se trouve quelquefois arrêté par des difficultés topographiques qui jettent de l'obscurité sur les mouvements des deux armées. Quelques commentateurs, rejetant ces difficultés sur l'incorrection des manuscrits, ont proposé, pour les faire disparaître, des variantes plus ou moins heureuses. D'autres, pour soutenir le texte, ont imaginé une complication de marches et de contre-marches inutiles, et même invraisemblables. On peut voir dans les commentaires de Gronovius, de Casaubon, de Reiske, de Schweighæuser, et dans l'Italia antiqua de Cluvier, les changements que ces érudits ont proposé de faire au texte de Polybe, pour le mettre d'accord avec leurs suppositions. Quant à la topographie des mouvements des deux armées, adoptée par Følard, je ne trouve pas moyen de la concilier avec les documents historiques qui nous sont parvenus.

Ce qu'il y a de mieux à faire, selon moi, c'est de s'en tenir à l'ensemble des opérations, sans trop s'embarrasser des incidents de moindre importance. Cela posé, il me semble qu'on ne peut concevoir les marches et les campements des deux armées autrement que je ne les ai exposés.

Il est clair que Scipion ne pouvait, dans sa retraite accélérée, passer le Pô qu'à Plaisance; car c'était là seulement qu'il avait un pont et des fortifications pour arrêter l'ennemi. Cette suppo

sition, d'ailleurs, s'accorde avec les récits de Polybe, Appien et Tite-Live. Annibal, au contraire, après avoir reconnu les bords du fleuve, et vu l'impossibilité de le passer en face des Romains, ne pouvait que le remonter pour chercher un passage d'autant plus facile, que la largeur et la profondeur du courant vont en diminuant à mesure qu'on remonte.

Polybe et Tite-Live s'accordent à dire que ce général fit deux jours de marche en amont, et le dernier ajoute qu'il établit son camp à proximité de Clastidium (Casteggio), dont il était de son intérêt de s'emparer, et dont il s'empara, en effet, plus tard. Les deux passages de la Trébie par les Romains, après la défection des Gaulois, et par les Numides lorsqu'ils allèrent insulter le camp de Sempronius, résultent également de la relation des deux historiens; je pense donc ne pas m'ètre éloigné de la vérité, en marquant à la hauteur de Stradella le lieu où Annibal jeta son pont (voyez page 175). Il se trouvait ainsi à égale distance de Plaisance, qu'il devait surveiller, et de Clastidium, dont il voulait s'emparer.

La narration de Tite-Livre est au moins incomplète en ce qui regarde les 10,000 légionnaires qui réussirent à se sauver. Il leur fut, dit-il, impossible de regagner leur camp, parce qu'ils en étaient empêchés par la rivière, et ce fut pour cela, ajoute-t-il, qu'ils se rendirent directement à Plaisance (Placentiam recto itinere perrexere, XXI, 56), comme si le même obstacle n'eût pas dû les empêcher de prendre ce parti. La conjecture que j'ai adoptée, page 182, me paraît être la seule au moyen de laquelle on puisse expliquer ce passage. La première intention de ces braves était de regagner leur camp; mais la Trébie n'étant pas guéable sur le lieu même du combat, ils la remontèrent et la passèrent plus haut; alors, se trouvant à une trop grande distance du camp, ils préférérent pousser jusqu'à Plaisance, ce qui était, en effet, beaucoup plus sûr. Ainsi, le recto itinere équivaut ici, pour moi, à non intermisso, ou à continuo itinere, c'est-à-dire, d'une seule traite, sans s'arrêter. Le lecteur qui s'est fait une idée du théâtre de ces événements comprendra ma pensée, sans que j'aie besoin d'insister davantage.

Il est également difficile, pour ne pas dire impossible, si l'on veut s'en tenir au simple exposé de Tite-Live, de se rendre raison du mouvement rétrograde de Scipion après la bataille. Comment concevoir, en effet, que ce consul, après s'être réfugié

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