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l'Égypte un vaste foyer de civilisation, et de sa cour, le

centre des lumières, des arts et de l'industrie. Dans cette vue il ouvrit ses palais et ses trésors aux hommes distingués de tous les pays. Bientôt, en effet, ils vinrent se presser autour de lui, pour jouir à sa cour de l'aisance et de la paix, qu'on ne trouvait plus dans les autres contrées, bouleversées par les ambitieux et tourmentées par la discorde. Ce fut alors que l'on vit les Grecs d'Europe et d'Asie accourir en foule aux bords du Nil, et y apporter le tribut de leurs talents et de leur expérience. Une colonie de philosophes, de géomètres, de littérateurs, d'artistes, s'établit à Alexandrie, et y posa les fondements de cette école célèbre qui devait recueillir le feu sacré du génie et le transmettre aux autres nations.

La première mesure que Philadelphe avait à prendre pour organiser la traite des éléphants, c'était de bien reconnaître l'intérieur des terres, et d'y établir des étapes de sûreté, afin d'assurer les communications. Avant le règne des Ptolémées, les Égyptiens sortaient peu de chez eux; ils n'avaient même formé aucun établissement maritime. Le commerce de l'Inde, abandonné aux Arabes, se faisait par le port de Suez, où les Égyptiens venaient en acheter les produits, pour les transporter chez eux au moyen des caravanes. Philadelphe se proposa non-seulement d'affranchir son pays de cette dépendance, mais même de lui assurer le monopole des mers de l'Europe et de l'Asie, en établissant dans la capitale de ses États l'entrepôt général du commerce. Le succès dépassa ses espérances, car Alexandrie a conservé pendant une longue suite de siècles, et jusqu'à la découverte du cap méridional de l'Afrique, une immense supériorité commerciale '.

1 Ameilhon, Histoire du commerce et de la navigation des Égyp

Pour préparer ce brillant avenir, Philadelphe commença par faire reconnaître le cours du Nil, la plus commode et la plus naturelle des communications entre l'Égypte et l'intérieur de l'Afrique. Des officiers, des géographes, des commerçants, remontèrent le fleuve aussi haut qu'il fut possible, pénétrèrent dans l'intérieur des terres, et y établirent des postes dans le but d'assurer les communications et de contenir les habitants. L'histoire a conservé les noms de Bion, de Timosthènes, d'Aristocréon, de Basilis, de Simonides, qui, à la tête d'un certain nombre de troupes et d'une petite flottille, accomplirent cette importante mission. Après s'être avancés tous ensemble jusqu'à Méroé, ils se séparèrent, et suivant les différents affluents du Nil, ils pénètrèrent au cœur de l'Afrique, et découvrirent des contrées dans lesquelles peu de voyageurs ont osé s'aventurer depuis. Partout ils assurèrent l'influence de leur gouvernement, établirent des comptoirs, et fondèrent des colonies.

Philadelphe eut aussi la pensée de rétablir le canal commencé, suivant la tradition, du temps de Néchao, pour établir une communication entre le Nil et la mer Rouge. On se mit, en effet, à l'œuvre; mais après que l'on eut poussé pendant quelque temps les travaux avec vigueur, on craignit que les avantages de cette entreprise ne fussent accompagnés de graves inconvénients, et l'on n'osa pas la poursuivre1. Dans tous les cas, ce canal n'aurait été vraiment utile qu'aux habitants de la basse Égypte. Pour procurer les mêmes avantages aux autres parties de ses États, Ptolémée fit ouvrir deux grandes routes qui, partant de Coptos (aujourd'hui Kept),

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tiens sous le règne des Ptolémées. Robertson's Historical disquisition concerning India, etc.

1 Voyez la note B à la fin du volume.

ville située près du Nil dans la haute Égypte, allaient en traversant le désert jusqu'à la mer Rouge. L'une aboutissait au port de Myos-Hormos, l'autre à celui de Bérénice, près du tropique. De cette manière tous les points de l'Egypte se trouvèrent en communication avec la côte, et la vallée du Nil devint un vaste entrepôt entre la Méditerranée et la mer des Indes. Malgré les révolutions qui, tant de fois, changèrent la face de ce pays, la belle conception des Ptolémées régla, pendant dix-huit siècles, les destinées du commerce. Le golfe Arabique et le Nil furent, soit du temps des Romains, soit au moyen âge, la route principale par laquelle les trésors de l'Orient affluèrent en Europe1. Ce fut de cette source que Venise, Gênes, Pise, Marseille, tirèrent les richesses et la puissance qui les rendirent si florissantes; enfin la révolution commerciale qui s'opère en ce moment n'a d'autre but que de diriger encore une fois par la même route les communications de l'Europe avec l'Inde.

Ces explorations par terre, ces projets d'établissements maritimes, cadraient admirablement avec l'intention qu'avait Ptolémée Philadelphe de tirer des éléphants de l'intérieur de l'Afrique. Dans ce but, il envoya d'abord à la découverte plusieurs navires commandés par Ariston, par Satyrus, par Timosthènes, et par d'autres officiers de sa flotte, auxquels il enjoignit de longer la Troglodytique, c'est-à-dire cette partie de la côte d'Éthiopie qui s'étend jusqu'à l'entrée du golfe Arabique. Ils devaient

1 Les deux échelles de commerce que nous venons de nommer n'ont pas changé de destination, s'il est vrai que MyosHormos réponde à la position du Vieux-Kosseir, et Bérénice au Foul-Bay des Anglais ou au Minet-Bellad-el-Habesh des Arabes. Voyez à ce sujet Gosselin, Recherches sur la géographie des anciens; Heeren, Idées sur la politique et le commerce des peuples de l'antiquité, t. Iv; et l'ouvrage d'Ameilhon, que j'ai déjà cité.

reconnaître les lieux propres à l'abordage, y faire des descentes, et entrer en relation avec les indigènes, afin de découvrir les endroits fréquentés par les éléphants, et de prendre des renseignements relativement aux établissements qu'ils étaient chargés de préparer. Ces ordres furent exécutés avec intelligence, et Satyrus eut la gloire de fonder la première colonie égyptienne qui fut établie sur la côte de la mer Rouge. Il l'appela Philotera ou Philoteris, du nom d'une sœur du roi. Timosthènes, qui avait dirigé ses explorations sur d'autres points de la côte, rapporta aussi à Alexandrie la description des pays qu'il avait visités 1.

Au retour de ces navigateurs, Ptolémée fit équiper une nouvelle escadre, fournie de troupes de débarquement et de tout ce qu'il fallait pour être bien reçue dans le pays et y fonder des colonies. Le commandement de cette seconde expédition fut confié à Eumèdes, homme de mer aussi brave qu'expérimenté. Muni des observations de ses prédécesseurs, cet officier fit voile du port d'Arsinoe (Suez), et cingla droit au midi, vers un point de la côte qu'on lui avait désigné comme le plus à portée des lieux où abondaient les éléphants. C'était une presqu'île où se trouvait un bon port, à proximité d'un lac appelé Monoleus, à quelques degrés au delà du tropique. Eumèdes, y ayant abordé, se retrancha du côté du continent pour assurer sa position, et entra en pourparlers avec les naturels, pour les engager à lui servir de guides dans les chasses qu'il se proposait d'entreprendre. Il posa ensuite les fondations de la nouvelle colonie, à laquelle il donna le nom de Ptolemaïs Épithéras (Ptolé

1 Strab., Geogr., XVI, p. 769, Casaub. --- Pompon. Mela, 11, 8.— Agatharchid., de Mari rub., in Phot. Biblioth., cod. CCL. — Plin., Hist. nat., VI, 33. - Suivant d'Anville, la position de Philotéris correspondrait au Nouveau-Kosseir ou Port-Blanc.

maïs des chasses), dont il est souvent fait mention chez les anciens géographes. On la trouve aussi quelquefois désignée sous le nom de Ptolemaïs Therôn. Strabon lui donne le nom de πρὸς τῇ θήρᾳ τῶν ἐλεφάντων, et Ptolémée, le géographe, celui de ἐπὶ θήρας τῶν ἐλεφάντων '.

Tel fut le premier établissement fondé pour la chasse des éléphants. Ce ne fut pas le seul: on organisa dans la suite, sur une plus vaste échelle, la colonisation de cette partie de la côte, et on y établit d'autres stations. Une des plus importantes, dont la fondation est aussi attribuée à Philadelphe, était celle de Saba, tout à fait au midi, en face du pays des Sabéens. Une autre portait le nom Bérénice Epidire, parce qu'elle était située sur le cap de Dire; dans le détroit de Bab-el-Mandeb. A portée de tous ces lieux, il y avait dans l'intérieur des établissements pour la chasse et la garde des éléphants. Agatharchide, Strabon et Pline en font mention; et ce système de colonies ne s'arrêtait pas aux limites du golfe: au delà même de ces limites, tout près d'Aromata Promontorium (cap de Guardafui), nous trouvons encore l'Elephas Promontorium (Ras-el-Fil), qui était vraisemblablement une station avancée pour la chasse de ces animaux. Ce promontoire est noté sur les cartes par 11° 50' de lat. N; enfin, un autre cap de l'Éléphant et une rivière du même nom, sur la côte Troglodytique, sont cités dans les périples de Marcien d'Héraclée et d'Arrien. Cette chaîne de stations maritimes se rattachait aux ports de Philotéra et de Myos-Hormos, qui servaient de relais entre le fond du golfe et les parages de l'Éthiopie.

Les communications étant ainsi assurées sur toute la

1 «Ptolemaïs a Philadelpho condita ad venatus elephantorum, < ob id Epitheras cognominata, juxta lacum Monoleum. » (Plin., Hist. nat., vi, 34.) — Selon d'Anville, le cap sur lequel était la colonie d'Épithéras serait le Ras-Ahéhaz d'aujourd'hui.

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