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côte, Ptolémée put entreprendre ses chasses et les faire suivre avec régularité. Les habitants de la Troglodytique avaient la réputation d'habiles chasseurs d'éléphants : le roi d'Égypte en attira autant qu'il put à son service, et il les fit organiser en compagnies; ces compagnies partaient escortées de troupes nombreuses, précaution nécessaire pour pénétrer au milieu des peuplades féroces de l'intérieur, et elles arrivaient, après plusieurs jours de marche, à une contrée boisée traversée par une large rivière, probablement cet affluent du Nil que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de Bahr-el-Azrek ou FleuveBleu. C'était là que se tenaient les éléphants. Les moyens employés pour les prendre devaient être ceux que nous avons indiqués au chapitre premier, et dont les Grecs avaient eu connaissance dans l'Inde. Aussitôt qu'on en avait un certain nombre, on les dirigeait sur le port le plus voisin, où ils étaient gardés jusqu'à ce que l'on pût les embarquer pour l'Égypte '.

Mais le transport de ces animaux n'était pas aisé, attendu l'état imparfait de la marine à cette époque, et les difficultés que le golfe Arabique offre à la navigation. Le trajet pouvait être de deux à trois cents lieues, et même plus; la nature de la cargaison rendait nécessaires les plus grandes précautions; enfin les dangers que l'on courut dans les premières traversées firent sentir la nécessité de construire des embarcations d'une forme particulière et appropriée à ce nouveau service. C'étaient de grands bateaux non pontés et très-solides, auxquels on donna le nom de porte-éléphants, ¿λegavin

1 Avec les éléphants, on envoyait aussi des rhinocéros et des girafes. Agatharchide, à qui nous devons ces particularités, est le premier écrivain qui parle de ces animaux. Il en avait vu à Alexandrie, où les Ptolémées réunissaient tout ce qu'il y avait de curieux dans l'intérieur de l'Afrique.

you. Ils étaient assez larges pour qu'on pût y placer ces quadrupèdes, et les en faire sortir avec facilité. En outre, comme leur tirant d'eau était très-faible, ils pouvaient longer la côte, sans craindre les bas-fonds, si nombreux dans ces parages 1.

Tels furent les plans que Philadelphe conçut et suivit avec persévérance, pendant un règne de trente-huit ans. Le succès couronna ses efforts, et aucun prince de la race des Lagides ne parvint à réunir autant d'éléphants, soit pour le service de ses armées, soit pour le luxe de sa cour. Saint Jerôme dit, en faisant l'énumération de ses forces, qu'il avait 400 éléphants de guerre. Il est certain qu'il en laissa au moins un pareil nombre à son fils Ptolémée Évergète; car ce prince emmena 400 de ces animaux en Syrie, pour faire la guerre à Séleucus Callinicus, dont il ravagea, dit-on, les États, d'un côté, jusqu'à la Bactriane, de l'autre, jusqu'à l'Hellespont. Du reste, il enleva à son ennemi, dans cette expédition, un grand nombre d'éléphants de l'Inde, dont, à son retour, il enrichit les dépôts d'Alexandrie 2.

Fidèle aux inspirations de son père, Ptolémée Evergète poursuivit avec ardeur la colonisation de l'Afrique; il chargea Simmias, l'un de ses généraux, de visiter les régions maritimes de l'Éthiopie, pour s'assurer de la prospérité des nouveaux établissements, et organiser partout les chasses d'éléphants. Suivant Diodore de Sicile.

1 Les Grecs avaient de même donné le nom d' ίππαγωγοί οι ἱππηγοί à des navires destinés au transport des chevaux. Les Romains, qui avaient aussi de ces navires, leur donnaient le nom d'hippagines. 2 Hieronym., in Daniel, 11. Diodor. Sicul., m, 18, 41.Schlegel, Indische Bibliothek. - Champollion-Figeac, Annales des Lagides. Monument. Adulit., in Fabric., Biblioth. græc., t. II. Héeren, Idées sur la politique et le commerce des peuples de l'antiquité, t. IV et VI. Ameilhon, ouvrage cité.

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à qui nous devons la connaissance de la mission confiée à ce général, Évergète aurait conduit lui-même une expédition dans le cœur de l'Afrique, dans le but d'y porter le flambeau de la civilisation, et cette assertion a été admise par des savants distingués'. Ce qui paraît hors de doute, c'est que ce prince fit reconnaître son autorité jusqu'aux extrémités de l'Ethiopie : il nous en est resté une preuve dans la célèbre inscription d'Adulis, trouvée huit siècles plus tard aux dernières limites de cette contrée 2. Nous sommes également fondé à croire qu'Évergète fit ouvrir des routes et établir des postes militaires pour assurer les communications entre l'Égypte et l'Éthiopie. La chasse des éléphants dut alors être organisée sur une plus vaste échelle, et probablement ce

1 Entre autres par M. Dureau de La Malle, dans ses savantes Recherches sur la géographie de la mer Noire et de l'Afrique, ch. 12. 2 L'inscription d'Adulis, dont nous devons la connaissance à Cosmas Indicopleustes, a été publiée pour la première fois en 1631, par Léon Allatius, d'après un manuscrit du Vatican. Elle a reparu ensuite dans différentes collections, entre autres dans la Bibl. græca de Fabricius, et dans la Collect. patrum græcor. de Montfaucon. Le monument sur lequel était gravée cette inscription avait été indubitablement élevé à l'honneur de Ptolémée Évergète, et il servait peut-être autrefois de piédestal à une statue de ce prince. C'était donc une preuve que sa domination, ou du moins son influence, s'étendait sur cette partie de l'Afrique. Une autre inscription, également en grec, et placée à la suite de la précédente, parle, à ce qu'il paraît, des conquêtes d'un ancien roi d'Ethiopie dont le nom ne nous est pas parvenu. Ceux qui seraient curieux de plus amples renseignements à ce sujet pourront consulter les voyages de M. Salt et de lord Valentia; une lettre de Sylvestre de Sacy in. serée dans le douzième volume des Annales des voyages (1810); un mémoire de M. Letronne sur l'inscription grecque du temple de Talmis en Nubie, dans le onzième volume du recueil de l'Académie des inscriptions (1831); enfin les recherches de M. Dureau de La Malle, que j'ai déjà citées.

fut à cette époque que l'on commença à conduire ces animaux à Alexandrie en suivant la voie de terre, moins dangereuse et moins dispendieuse que celle de la mer 1.

Ptolémée Philopator, successeur d'Évergète, fut un prince indolent et efféminé. C'est de lui qu'on peut faire dater la décadence des Lagides. Il est constant toutefois qu'il se servit d'éléphants dans ses guerres, et nous en avons vu une preuve dans la bataille de Raphia, qu'il gagna sur Antiochus III, roi de Syrie 2. Mais ce fut précisément à cette bataille que l'on acquit la triste conviction que les éléphants d'Afrique étaient incapables de lutter contre ceux d'Asie, découverte qui diminuait de beaucoup le prix des efforts qu'on avait faits pendant les deux règnes précédents pour se procurer un grand nombre de ces animaux. On dit que Philopator avait toujours à Alexandrie un dépôt de 500 éléphants. S'il n'en emmena pas plus de 73 dans son expédition de Syrie, ce fut peut-être parce qu'il ne voulut prendre que les plus forts et les mieux dressés 3.

Il est naturel de penser qu'après l'expérience fâcheuse de Raphia on n'aura plus fait grand cas en Égypte des éléphants d'Afrique, et qu'on les aura réservés pour les spectacles et les parades, préférant pour la guerre le petit nombre de ceux qu'on pouvait faire venir de l'Inde. Je ne trouve pas qu'on en ait fait un grand usage pendant le règne de Ptolémée Épiphane, fils de Philopator, règne qui ne fut presque qu'une longue minorité. Mais, après la mort de ce prince, la couronne passa à Ptolémée Philométor, qui employa des éléphants dans ses

1 Voyez à la fin du volume la note C, sur les découvertes des Lagides dans l'intérieur de l'Afrique.

2 Voyez ci-dessus, au chap. IV.

3 Macchab., 1, 4, 13. Flathe, Geschichte Macedoniens, t. II, p. 460.

armées, et auquel l'emploi de ces animaux devint funeste. Il venait, en effet, de remporter aux environs d'Antioche une victoire sur Alexandre Bala, lorsque son cheval, effrayé des cris d'un éléphant, le jeta à terre avec une telle violence, qu'il expira sur-le-champ.

Pendant un espace d'environ cent ans, ses successeurs continuèrent à entretenir des éléphants; mais leur histoire ne présente rien qui mérite de fixer l'attention. Nous nous contenterons d'ajouter qu'à la cour d'Alexandrie, y avait toujours un éléphantarque, officier d'un rang élevé, chargé du commandement supérieur de ces animaux, dont le dépôt était d'ailleurs établi à proximité de la capitale1.

il

Les Romains, devenus maîtres de l'Égypte, continuèrent les chasses d'éléphants établies par les Ptolémées, et firent la traite de ces animaux par les échelles du golfe Arabique. Arrien, qui écrivait au deuxième siècle de notre ère, dit que de son temps le centre du commerce de l'ivoire était à Axum, en Éthiopie, et qu'on embarquait cette denrée au port d'Adulis. «Les chasses d'éléphants, dit le savant Gosselin, se continuaient encore avec une grande activité dans les premiers siècles de l'ère chrétienne. Les ports de Ptolémaïs Épithéras et d'Adulis étaient très-fréquentés, et c'était particulièrement à Adulis que se réunissaient les dépouilles de tous les éléphants qu'on tuait dans cette partie de l'Éthiopie nommée maintenant Abyssinie3. »

1 Joseph., Antiq. judaic., XIII. Macchab., III, 5, 45.

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2 Arrian., Peripl. mar. Erythræi. Il sera question des deux villes d'Axum et d'Adulis dans la note C à la fin du volume.

3 Gosselin, Recherches sur la géographie des anciens, t. 11, p. 143.

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