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Densis elephas oppressus ab armis

Omne repercussum squalenti missile tergo
Frangit, et hærentes mota cute discutit hastas:
Viscera tuta latent penitus, citraque cruorem
Confixa stant tela feræ; tot facta sagittis,

Tot jaculis, unam non explent vulnera mortem 1.

Strabon assure que les Maures et les Numides faisaient des boucliers à l'épreuve, avec la peau de cet animal 2; et tel était, au dire d'Appien, celui de Massinissa. Pomponius Mela raconte que, de son temps, on montrait à Tingis un de ces pavois d'une grandeur démesurée, et que l'on disait avoir appartenu au géant Antée 3; enfin, aujourd'hui encore, les habitants du Sennår et les Abyssins font avec le cuir de l'éléphant des boucliers qui les garantissent des flèches et quelquefois même des balles.

L'on a cru, et l'on a trop facilement répété, que l'éléphant ne faisait point de mal à ceux qui ne l'avaient pas provoqué. Ce fait, admis par Buffon, n'est vrai qu'avec des restrictions; on sait, en effet, qu'à certaines époques de l'année, et spécialement au temps du rut, les éléphants sont sujets à des accès de férocité qui les poussent au carnage et à la destruction: alors ils sortent de leurs retraites, dévastent les récoltes, arrachent les arbres, renversent les chaumières, courent sur les hommes qui ont le malheur de se trouver à leur portée. Heureusement ces paroxysmes ne durent que quelques semaines, pendant lesquelles les éléphants se livrent des combats acharnés pour la possession de leurs femelles. Pline connaissait très-bien ces particularités : «Circa « coitus, maxime efferantur, et stabula Indorum denti

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« bus sternunt1;» et Aristote en avait parlé avant le naturaliste romain2. Les éléphants attaqués de cette rage érotique sont connus au Bengale sous le nom de Must, qui veut dire furieux, et à Ceylan sous celui de Runkédors. Ils sont un objet de terreur pour les voyageurs; et je pourrais donner beaucoup d'exemples de malheureux qui ont été leurs victimes 3.

Les éléphants d'Afrique sont, comme ceux d'Asie, sujets à ces accès de fureur. Les Anglais avaient dernièrement établi, au delà de Fishriver, une station militaire dépendante de leur colonie du Cap; ce poste, qui portait le nom de Frideriksbourg, n'était entouré que d'un rang de palissades. Les éléphants sauvages venaient la nuit rôder autour, arrachaient les pieux. renversaient les baraques, et tuaient les soldats. Pour mettre le poste à l'abri de ces incursions, on l'entoura d'un fossé et d'un épaulement, sur lequel on établit de l'artillerie. Les éléphants s'étant encore présentés, les repoussa à coups de canon; mais ils ne renoncèrent à leurs attaques qu'après avoir laissé quinze des leurs sur le terrain. Ce penchant de l'éléphant à détruire est un fait constaté, dont les anciens ont tiré parti pour l'attaque des lieux fortifiés; nous aurons l'occasion de le démontrer plus tard.

on

L'espèce de l'éléphant appartient exclusivement à l'ancien continent, où elle est à peu près circonscrite entre les tropiques. En Afrique, en partant des bords du Sénégal, on trouve l'éléphant dans l'intérieur des terres et le long de la côte, jusqu'à la rivière d'Orange

1 Plin., Hist. nat., VIII, 9.

2 Aristot., Hist. animal., vi, 17, 18.

3 Relation du Ceylan, par Wolf, 1716. of Ceylon, 1672. Ritter, Géographie.

Correspondance.

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Baldæus, Description
Vict. Jacquemont,

et aux environs du cap de Bonne-Espérance; une partie des atterrages de la Guinée a reçu le nom de côte de l'Ivoire, à cause du commerce qu'on y fait de dents d'éléphant ; enfin, il y a une baie des Éléphants dans le royaume de Benguéla, et une rivière des Eléphants dans le gouvernement du Cap. Mais les progrès de la colonisation ont refoulé ces animaux dans l'intérieur des terres, où. de tout temps, d'après le témoignage d'Hérodote, de Strabon, et de Léon l'Africain1, ils ont été très-communs. Les ambassadeurs envoyés par Justinien, en 531, au roi d'Ethiopie, racontèrent qu'ils avaient vu, entre Axum et Adulis, un troupeau d'éléphants sauvages composé au moins de cinq mille têtes 2. Le major Denham, qui voyageait dans le Bornou en 1823, rencontra plusieurs centaines d'éléphants sur les bords du lac Tchad; le naturaliste Ruppel et le voyageur Rochet d'Héricourt en ont vu dernièrement beaucoup en Abyssinie, sur la côte d'Adel et dans le royaume de Choa3. Enfin, depuis le Dongola et le Sennår jusqu'aux Cafres et aux Boschimens, toute la plage est peuplée d'éléphants, et les vaisseaux vont prendre de fortes cargaisons d'ivoire sur les côtes du Zanguebar et du Mozambique.

De tout temps les Éthiopiens ont donné la chasse aux éléphants pour en retirer l'ivoire, et pour se nourrir de leur chair. Cette nourriture était surtout en grande faveur chez les Troglodytes, qui habitaient sur la côte du golfe Arabique, et auxquels on avait donné, à cause

1 Herodot., 11, 97, 114, ed. Gronov. Strab., xvii, 2, p. 472. Leo. Afric., Africa descript., tom. II.

2 Le Beau et Saint-Martin, Hist. du Bas-Empire, liv. XLI.

3 Dusgate, Append. 1oo, à la suite des Recherches sur la topographie de Carthage, par M. Dureau de La Malle. Nouv. annal. des voyages, octobre 1841. Burkardt, Travels in Nubia. Lobo, Voyage en Abyssinie.

de cela, le nom d'éléphantophages1. Tel est le seul parti que ces peuples ont jamais su tirer de ce noble quadrupède; on ne connaît, en effet, aucun fait dont on puisse induire qu'ils s'en soient jamais servi, ni pour la guerre ni même comme bête de somme.

Quant aux Éthiopiens de l'intérieur, on peut affirmer qu'ils ignoraient, du temps de Xerxès ler, les services que pouvaient rendre les éléphants à la guerre. En effet, ils fournirent à ce prince, pour sa célèbre expédition contre la Grèce, un fort contingent de troupes; et ce roi, qui demanda aux Arabes des escadrons de dromadaires, et tâcha de réunir tous les moyens qui pouvaient donner de l'importance à ses préparatifs et assurer le succès de son entreprise, n'aurait pas manqué de leur demander des éléphants, s'ils eussent pu lui en fournir 2. Au VIe siècle même, s'il faut en croire le témoignage de Cosmas Indicopleustes, qui voyagea à cette époque en Éthiopie, les peuples de cette contrée ignoraient encore l'art de dresser les éléphants. Ils tentaient cependant, de temps à autre, d'en dompter quelques-uns pour les plaisirs ou pour le service de la cour, et ce genre de luxe serait resté en faveur parmi eux, si nous ajoutons foi à l'Anglais Webbe, qui visita l'Abyssinie sur la fin du XVI siècle. On pourrait même inférer de la relation de l'Espagnol Marmol, que, vers la même époque, les Abyssins essayaient d'organiser des éléphants pour la guerre; mais à tout prendre, je pense qu'il n'y a rien d'avéré à cet égard.

Non-seulement les éléphants ont toujours habité les parties de l'Afrique que nous venons d'indiquer, mais il fut un temps où ils vivaient en liberté sur toute la plage

Agatharchid., de Mari rubro, ap. Hudson, Geogr. Gr. min., t. 1. 2 Herodot., VII, 70.

qui s'étend depuis la Méditerranée jusqu'à la chaîne de l'Atlas. J'ai jugé important de rechercher et de réunir ici les preuves de ce fait, qui mérite également de fixer l'attention du naturaliste et celle de l'archéologue.

I. En commençant par les documents les plus anciens, je citerai d'abord le Périple d'Hannon, fragment précieux auquel on assigne deux mille quatre cents ans d'antiquité. Ce navigateur, envoyé par les Carthaginois pour explorer les côtes occidentales de l'Afrique, raconte qu'ayant à peine franchi les colonnes d'Hercule, il vit une multitude d'éléphants qui paissaient en liberté sur la côte, c'est-à-dire aux environs du cap Spartel d'aujourd'hui'. Hérodote affirme que dans cette partie de l'Afrique qui se trouve à l'occident du fleuve Triton, il y avait des forêts qui recélaient une grande quantité d'éléphants 2. Or, le Triton sort de l'Atlas et se jette dans la petite Syrte : le pays désigné par Hérodote n'est donc autre que l'ancienne Byzacène, c'est-à-dire une partie de la régence actuelle de Tunis.

II. Selon Diodore de Sicile, il y avait entre le bord occidental du Nil et les sables de la Libye, un canton remarquable par sa fertilité, et où les éléphants se rendaient en troupe, attirés par la bonté des herbes et des roseaux qui y abondaient 3. Quoique la topographie de cette partie de l'Afrique ait subi de grandes modifications, je pense que les lieux indiqués par Diodore ne peuvent être que les alentours du lac Moeris, ou la vallée fertile, jadis arrosée par le Lycus, rivière maintenant desséchée, mais dont le lit est encore reconnaissable. Près de là se trouvait la petite Oasis, renommée par l'abondance de ses

1 Hannon., Peripl., ap. Hudson, Geogr. min., tom. I.

2 Herodot., Iv, 191.

3 Diodor. Sicul., II, 10.

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