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parts annoncer à Eumène l'approche d'une armée ennemie.

Ce général convoqua aussitôt son conseil. Nous avons dit qu'il lui aurait fallu six jours pour concentrer ses forces; or, Antigone pouvait arriver avant la moitié de ce délai la plupart des officiers furent donc d'avis de décamper au plus tôt, et d'indiquer plus loin un lieu de ralliement aux différents corps de l'armée. Eumène n'approuva pas cet avis, sans doute parce que son exécution eût entraîné la perte des magasins, et fourni à la cavalerie ennemie l'occasion de couper quelques-unes de ses colonnes pendant leur mouvement pour opérer leur jonction; mais son esprit, fécond en expédients, lui en fournit un qui lui sembla de nature à arrêter la marche d'Antigone. Sans perdre de temps, il envoie des officiers prendre position avec quelques troupes sur les hauteurs qui dominent le désert de son côté; il leur ordonne d'y tracer un grand camp, d'allumer autant de feux qu'il en faudrait pour une armée nombreuse, et de les entretenir toutes les nuits jusqu'à nouvel ordre. Les habitants, croyant voir de loin le bivouac d'une grande armée, ne tardent pas à en informer Antigone; celui-ci se hâte d'envoyer des éclaireurs, et, sur leur rapport, croit réellement qu'Eumène, ayant eu connaissance de sa marche, se tient prêt à tomber sur son armée au moment où elle sortira du désert, épuisée par la fatigue et par les privations: il change donc de direction, et, prenant au couchant, il conduit ses troupes dans une contrée fertile, où il pense qu'elles pourront se refaire avant de se présenter à l'ennemi. Ainsi, grâce à cet ingénieux stratagème, Eumène eut le temps de concentrer son armée; mais Antigone n'en persista pas moins dans son projet de lui livrer bataille, et bientôt il marcha à sa rencontre.

Toutes les troupes d'Eumène se trouvaient réunies; il n'attendait plus que ses éléphants, qui devaient arriver d'un moment à l'autre. Antigone, informé que ces animaux, au nombre de 114 et accompagnés seulement d'une faible escorte, devaient passer à une petite distance de son camp, forma le projet de les intercepter. Il plaça à cet effet, près de la route par laquelle ils devaient passer, un détachement de 2,200 chevaux avec beaucoup d'infanterie légère; mais il était difficile de mettre en défaut la prévoyance d'Eumène de son côté, ce général avait envoyé, dans la même direction, une reconnaissance de 1500 cavaliers et de 3,000 fantassins d'élite.

Les coureurs d'Antigone arrivèrent cependant les premiers, et ils ne tardèrent pas à voir paraître les éléphants avec beaucoup de bagages et une escorte de 400 cavaliers seulement. Aussitôt que le commandant du convoi s'aperçut qu'il allait être attaqué, il rangea ses éléphants en carré, mit les bagages au centre, plaça ses 400 cavaliers à l'arrière-garde, et essaya de continuer ainsi sa marche. Mais les agresseurs, qui étaient bien supérieurs en nombre, eurent bientôt dispersé la petite escorte, et ils se jetèrent sur le convoi : les conducteurs des éléphants essayèrent de faire bonne contenance, et ils parvinrent à se garantir de l'attaque de la cavalerie, en maintenant la formation en carré. Cependant, entourés par les troupes légères et criblés de traits, ils n'auraient pu prolonger longtemps leur résistance, si le détachement envoyé au-devant d'eux par Eumène ne fût arrivé fort à propos: il tomba au pas de course sur l'ennemi, et n'eut pas beaucoup de peine à le mettre en fuite. Les éléphants purent alors rejoindre le camp.

Les deux armées n'étaient plus qu'à une lieue de dis

tance, et de chaque côté on se préparait avec une égale ardeur à en venir aux mains. Eumène comptait sous ses drapeaux 36,700 hommes d'infanterie, 6,500 chevaux et 114 éléphants. La composition de ces troupes était à peu près la même qu'à la bataille de la Gabiène. Parmi les auxiliaires étrangers il y avait un corps de 10,000 hommes, infanterie et cavalerie, commandé par Peucestas, satrape persan, qui avait suivi le parti royal, mais dont la fidélité n'était qu'apparente. Eumène, en rangeant son armée en bataille, n'avait pas cru nécessaire de laisser une garde nombreuse dans son camp, où se trouvaient les femmes et les enfants des argyraspides, et beaucoup d'argent et d'effets précieux, recueillis pendant huit ou dix ans par ces vétérans dans le pillage de l'Asie. Nous verrons que cet oubli eut les conséquences les plus fâcheuses.

Antigone était parti de ses cantonnements avec 22,000 hommes d'infanterie, 9,000 de cavalerie, et 65 éléphants; il avait en outre pris de nombreux renforts en passant dans les garnisons et dans les dépôts de la Médie. Le champ de bataille était une vaste plaine sablonneuse et tellement aride, que les mouvements des hommes et des chevaux y soulevaient des nuages de poussière qui empêchaient de voir les objets, même à une petite distance. Comme à la bataille de la Gabiène, les ailes, dans les deux armées, étaient formées par la cavalerie, et les centres, par les phalanges. Antigone, qui avait résolu d'attaquer par sa droite, donna le commandement de cette aile à son fils Démétrius, qui s'était déjà distingué à la bataille précédente, et il se tint près de lui pour l'aider de ses conseils. L'aile gauche était commandée par le satrape Python; afin de mieux assurer cette partie de la ligne pendant que le combat serait engagé à la droite, Antigone y avait rangé le plus grand nombre de ses éléphants.

Eumène, qui se proposait d'attaquer par sa gauche, y rangea sa meilleure cavalerie et s'en réserva le commandement; le satrape Peucestas était placé sous ses ordres. Il choisit ensuite 60 de ses meilleurs éléphants, et les disposa en demi-cercle devant cette aile, comme à la bataille précédente1. Les autres éléphants, sauf un petit nombre qui fut placé devant l'aile droite, furent rangés devant le centre. Les argyraspides étaient entre l'aile gauche et le corps de bataille formé par la phalange. L'aile droite étant la plus faible, Eumène, pour la dérober aux attaques de l'ennemi, l'avait repliée légèrement en arrière; il en confia le commandement à un de ses lieutenants, nommé Philippe, en lui recommandant de se borner à escarmoucher et d'éviter tout engagement sérieux, car l'action devait être décidée à l'autre extrémité de la ligne2.

Ainsi les deux adversaires, comme s'ils se fussent donné le mot, avaient adopté le même plan et allaient porter leurs efforts sur le même point. Il n'y a rien dans

1 Cette manière de disposer les éléphants, et les expressious de Diodore, ont beaucoup tourmenté les commentateurs. Quelquesuns se sont contentés d'éluder la difficulté, et de dire qu'Eumène avait déployé 60 éléphants devant son aile; d'autres ont cru voir dans la manière dont ce général rangea ces animaux la disposition que nous nommons en potence, de sorte que la ligne des éléphants aurait formé un angle à l'extrémité de l'aile. Maizeroy, qui était en même temps bon tacticien et bon helléniste, a bien saisi le sens des mots ἔταξεν ἐν ἐπικαμπίῳ, et j'ai suivi son interpretation. Voyez le Cours de tactique de cet auteur, et les remarques que nous avons faites plus haut sur la disposition des éléphants à la bataille de la Gabiène.

2 Voyez, pour les faits qui se rapportent à la bataille de Gadamarta, les auteurs que nous avons cités à l'occasion de la bataille de la Gabiène, et surtout Diodor. Sicul., xix, 37, 44; et Poliæn., Stratagem., lib. iv, c. 6, n. 11, 13, et c. 8, n. 4.

UNIV. OF

cet accord dont on puisse s'étonner; car depuis qu'Épaminondas avait fait, à la bataille de Leuctres, une si heureuse application du principe d'attaquer par une des ailes et de refuser l'autre, ce principe était en grande faveur chez les Grecs.

Dans chaque armée les intervalles laissés entre les éléphants étaient remplis d'archers et de frondeurs; mais en outre, Antigone avait imaginé d'employer contre ces animaux une multitude d'hommes à cheval, armés d'arcs et de longues piques, et qu'il avait exercés à caracoler autour d'eux, à les tourmenter de leurs traits, à se retirer ensuite lestement, et à revenir sans cesse à la charge. Son front de bataille était couvert de ces cavaliers, et il en avait placé un grand nombre devant son aile droite, en face de laquelle se trouvaient réunis le plus grand nombre des éléphants d'Eumène. Celui-ci, de son côté, avait disséminé sur ce point la plus grande partie de ses troupes légères, pour les opposer aux archers d'Antigone.

Ce fut Eumène qui commença l'attaque, en portant en avant son aile gauche, précédée des 60 éléphants et des tirailleurs. Antigone se mit aussitôt en mouvement, et chargea vigoureusement la cavalerie d'Eumène; mais Peucestas, qui devait soutenir le premier choc, lâcha honteusement le pied, sans attendre l'arrivée de l'ennemi, et il entraîna dans sa fuite 1500 cavaliers, qui laissèrent un vide dangereux entre l'extrême gauche et l'infanterie. Ce traître était d'intelligence avec Antigone, qui fit aussitôt envahir le vide formé dans la ligne de l'ennemi. Cependant Eumène résistait vaillamment malgré ce désavantage, lorsqu'un autre accident vint compliquer sa position : son premier éléphant, celui qui était, pour ainsi dire, chargé de conduire la bande, tomba percé de coups, et par ses cris effraya les autres, qui devinrent intraitables et s'ouvrirent pas

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