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droit romain n'avait jamais force de loi et ne pouvait être invoqué que comme raison écrite dans les cas non prévus par la coutume.

14. Telle était notre ancienne France au point de vue législatif. Au nord, des coutumes d'une variété infinie; au midi, le droit romain plus ou moins mutilé. C'était un véritable chaos!

Il y avait cependant une partie de notre ancienne législation qui présentait plus d'uniformité : c'était celle contenue dans les ordonnances royales, qui, en principe, étendaient leur empire sur tout le territoire. Mais sur ce point encore il y a certaines réserves à faire. Il était de principe en effet, dans notre ancien droit, que les ordonnances des rois n'étaient exécutoires qu'après avoir été enregistrées par les parlements. Quand une ordonnance avait été enregistrée par tous les parlements du royaume, elle était exécutoire dans toute son étendue. Mais si une ordonnance n'avait été enregistrée que par certains parlements, elle n'était exécutoire que dans leur ressort. Or cela arrivait quelquefois, les parlements s'étant arrogé à tort ou à raison le droit de faire des remontrances au roi qui demandait l'enregistrement d'une ordonnance et même de refuser cet enregistrement. Il est vrai que le roi triomphait le plus souvent de la résistance des parlements, soit par des lettres de jussion, soit au moyen du lit de justice, soit enfin, à la dernière extrémité, en ayant recours à l'exil du parlement.

§ II. Droit intermédiaire.

15. L'ère du droit intermédiaire s'ouvre le 17 juin 1789, et se clôt le 15 mars 1803. Le droit intermédiaire comprend par conséquent les lois faites par l'assemblée nationale, qui prit le nom de constituante quand elle eut doté la France d'une constitution, par l'assemblée législative, par la convention nationale, par les deux conseils et le directoire, et enfin une partie de celles faites par le consulat. L'ensemble de ces lois présentant une physionomie tout à fait à part, on les considère comme formant un droit spécial sous le nom de droit intermédiaire ou révolutionnaire. Elles font l'application à un grand nombre de matières des principes nouveaux consacrés par la révolution : unité de l'Etat, séparation des pouvoirs spirituel et temporel, égalité de tous les Français devant la loi, abolition de la féodalité... L'esprit violent de réaction, dans lequel ces lois furent conçues, porta quelquefois le législateur à dépasser la juste mesure, notamment quand, assimilant les enfants illégitimes aux enfants légitimes, il leur accorda les mêmes droits. Le législateur du code civil, à son tour, a peut-être commis une exagération en sens inverse, en réagissant outre mesure contre le nouvel état de choses créé par le droit de la révolution.

16. Le législateur, pendant la période qui nous occupe, comprit que le plus grand bienfait, dont on pût doter la France, était celui d'une législation uniforme, et il fit d'honorables efforts pour parvenir à ce but. Un article de la constitution de 1791 portait : « Il sera fait un code de lois civiles communes à tout le royaume ». L'œuvre ne fut même pas tentée par l'assemblée qui avait posé le principe, la constituante, ni par celle qui lui succéda, l'assemblée législative. Ce n'est pas que la bonne volonté manquât; mais les événements étaient plus forts que les volontés.

Sous la convention et sous le directoire, plusieurs projets furent successivement présentés; ils échouèrent tous. Mais si le législateur d'alors ne put réaliser l'unité législative qu'il avait rêvée, il en prépara tout au moins l'avénement. C'est quelque chose d'abord d'avoir posé le principe. En outre toutes les lois faites pendant la période révolutionnaire, et elles sont nombreuses, étaient obligatoires pour toute la France. Sur tous les points faisant l'objet de ces lois, la législation de la France devenait donc uniforme. Le droit ancien subsistait, il est vrai, avec son infinie variété, sur tous les points non réglementés par les lois nouvelles, et à ce point de vue les lois révolutionnaires augmentèrent le chaos législatif, car ce n'était pas chose facile de savoir où commençait le domaine de la loi nouvelle et où finissait celui de l'ancienne; mais par cela même elles rendirent plus nécessaire la réalisation complète du principe de l'unité législative.

§ III. Droit nouveau.

17. Le code civil ouvre l'ère du droit nouveau, dont il forme le monument le plus important. C'est au consulat qu'en revient l'honneur. Commencé en 1800, il fut terminé en 1804.

18. Confection du code civil. Un arrêté des consuls du 24 thermidor de l'an VIII (12 août 1800) nomma une commission chargée de rédiger un projet de code civil. Cette commission était composée de quatre membres: Tronchet, président du tribunal de cassation, adepte fervent du droit coutumier; Portalis, commissaire du gouvernement près le conseil des prises, fortement imbu des principes du droit romain; Bigot-Préameneu, commissaire du gouvernement près le tribunal de cassation; enfin Malleville, juge au même tribunal.- Tronchet était président de la commission; Malleville devait remplir les fonctions de secrétaire-rédacteur. L'arrêté portait en outre que Tronchet, Portalis et Malleville assisteraient aux séances du conseil d'Etat, dans lesquelles auraient lieu les discussions relatives au code civil.

Les membres de la commission se partagèrent le travail, et ils y

mirent tant d'activité que le projet fut terminé en quatre mois. Les critiques n'ont pas été épargnées à ce projet : on lui a reproché surtout de manquer d'originalité, de n'être qu'une compilation empruntée à nos anciennes coutumes, au droit romain et au droit révolutionnaire. Comme le dit fort bien M. Laurent, le reproche était à certains égards un éloge. La législation d'un peuple ne peut pas sortir de toutes pièces du cerveau d'un jurisconsulte; elle se compose de matériaux accumulés par les siècles et entre lesquels il ne peut s'agir que de faire un triage. Les innovations législatives doivent être rares et faites à bon escient; en cette matière, innover c'est souvent reculer. tefois ce n'est pas sans raison qu'on a reproché au code civil d'être empreint d'un esprit de réaction exagéré contre le nouvel état de choses créé par la révolution.

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Le projet dont il vient d'être parlé fut imprimé dans le mois de pluviðse an IX. Pour s'éclairer des lumières du pays, le premier consul communiqua ce projet au tribunal de cassation et aux tribunaux d'appel, en les invitant à l'étudier et à proposer leurs observations. Grâce à l'activité et à la bonne volonté de ces grands corps judiciaires, leurs observations furent remises dans le courant de l'année et la discussion du code civil put commencer immédiatement. Elles ont souvent servi de guide au législateur; celles du tribunal de cassation sont remarquables entre toutes.

Il restait à transformer le projet en loi. C'est ce qui fut fait suivant les formes réglées par la constitution du 22 frimaire de l'an VIII, alors en vigueur. D'après cette constitution, quatre pouvoirs participaient à la confection de la loi, savoir:

1o Le gouvernement, auquel appartenait l'initiative de la loi.

2o Le conseil d'Etat, qui la préparait. Divisé en cinq sections (législation, intérieur, finances, guerre et marine), le conseil d'Etat comprenait quatre-vingts membres.

3o Le tribunat, qui émettait après discussion un vou favorable ou défavorable à la loi. Il comptait cent membres.

4° Enfin le corps législatif, composé de trois cents membres, qui décrétait la loi.

Il faut ajouter que la constitution de l'an VIII instituait un sénat conservateur, qui avait pour mission d'annuler la loi quand elle était contraire à la constitution.

19. Tels sont dans leur ensemble les pouvoirs qui, à l'époque où le code civil a été décrété, concouraient à la confection de la loi.

Voici maintenant l'exposition détaillée de leur mécanisme.

Le gouvernement, auquel appartenait l'initiative de la loi, la proposait par l'organe du premier consul. Celui-ci envoyait à cet effet le projet au conseil d'Etat, qui était chargé de le préparer, c'est-à-dire d'arrêter sa rédaction en articles.

La préparation de la loi par le conseil d'Etat comprenait deux phases. La première, que l'on pourrait appeler la préparation provisoire, était l'œuvre de l'une des sections du conseil d'Etat, celle dans les attributions de laquelle rentrait le projet de loi; c'était ordinairement, ç'a toujours été pour le code civil, la section de législation. La section examinait le projet, et, après lui avoir fait subir les modifications qu'elle jugeait nécessaires, le renvoyait au premier consul qui pouvait le retirer, le reproduire modifié ou l'accepter. S'il l'acceptait, il le renvoyait au conseil d'Etat, et alors commençait la deuxième phase de la préparation, que nous appellerons définitive. Elle rentrait dans les attributions du conseil d'Etat tout entier réuni en assemblée générale. L'assemblée, présidée par le premier consul ou par Cambacérès, discutait le projet, qui avait été préalablement imprimé et distribué à tous ses membres. Si des amendements étaient proposés et acceptés par l'assemblée, elle en ordonnait le renvoi à la section en vue d'une nouvelle rédaction; puis elle arrêtait la rédaction définitive du projet de loi. Le rôle du conseil d'Etat était alors terminé.

Le projet, rédigé définitivement par le conseil d'Etat, était renvoyé au premier consul, qui, s'il se décidait à le transformer en loi, en saisissait le corps législatif. Trois orateurs, choisis parmi les membres du conseil d'Etat et nommés par le gouvernement, soutenaient en son nom le projet devant le corps législatif; le premier nommé en exposait les motifs.

Avant de voter sur le projet de loi, le corps législatif le communiquait officiellement au tribunat. Celui-ci désignait un de ses membres pour lui faire un rapport, puis discutait le projet en assemblée générale. Ensuite le tribunat émettait un vœu favorable ou défavorable, sans avoir le droit de proposer aucun amendement. Le tribunat choisissait alors dans son sein trois orateurs chargés de communiquer son vœu au corps législatif. Puis un débat contradictoire s'engageait, au sein du corps législatif, entre les orateurs du gouvernement et ceux du tribunat; après quoi le corps législatif votait au scrutin secret et sans délibération préalable (ce qui lui a fait donner le nom de corps des muets) sur le sort de la loi proposée. Si le vote était favorable, la loi était décrétée; mais elle ne devenait exécutoire qu'après avoir été promulguée. La promulgation devait être faite par le premier consul dix jours après que la loi avait été décrétée: ce qui explique comment toutes les lois, composant le code civil, portent deux dates distantes l'une de l'autre de dix jours. Pendant ce délai de dix jours, le décret pouvait être déféré au sénat, qui avait la faculté de l'annuler pour cause d'inconstitutionnalité.

20. Ainsi se faisait la loi d'après la constitution de l'an VIII, qui était en vigueur lors de la confection du code civil. La complication même du mécanisme ou son imperfection faillit faire avorter, une fois de plus, le projet si souvent tenté d'un code de lois civiles uniformes pour toute la France. En effet le premier projet de loi présenté fut rejeté par le corps législatif, après avoir été l'objet d'un vou défavorable de la part du tribunat. Le deuxième allait subir le même sort, lorsque le premier consul, à la date du 13 nivôse an X, adressa au tribunat un message ainsi conçu: «< Législateurs, le gouvernement a arrêté de retirer les projets de loi du code civil. C'est avec peine qu'il se trouve obligé de remettre à une autre époque les lois attendues avec intérêt par la nation. Mais il s'est convaincu que le temps n'est pas encore venu où l'on portera dans ces grandes discussions le calme et l'unité d'intention qu'elles demandent ».

On put croire après cela que la discussion du code civil était indéfiniment ajournée; elle n'était que suspendue pour un temps assez court. Bonaparte voulait à tout prix réaliser son œuvre. Persuadé qu'elle n'échouait que par une opposition systématique du tribunat, il résolut de mutiler ce corps, afin de le réduire à l'impuissance.

A cet effet, il fit rendre, à la date du 16 thermidor an X, un sénatus-consulte réduisant le nombre des membres du tribunat à cinquante, ce qui lui permit d'éliminer les membres de l'opposition. En outre, il institua ce que l'on a appelé la communication officieuse au tribunat. On sait que, d'après la constitution de l'an VIII, le corps législatif, avant de voter sur un projet de loi, devait le communiquer au tribunat, afin que celui-ci fût mis à même d'exprimer un vœu sur ce projet. C'était la communication officielle. Le tribunat ne pouvait proposer aucun amendement, de sorte que l'existence dans le projet de quelques imperfections de détail pouvait conduire le tribunat à émettre un vœu défavorable et entraîner le rejet du projet tout entier par le corps législatif. La communication, dite officieuse, parait à cet inconvénient. Voici en quoi elle consistait. Avant la présentation au corps législatif, le projet était communiqué officieusement à la section de législation du tribunat, qui entrait en conférences avec la section de législation du conseil d'Etat et participait ainsi par ses observations à la préparation du projet de loi. L'accord s'établissait donc par avance entre le conseil d'Etat et le tribunat; et, lorsque plus tard, par respect pour la constitution, le projet était soumis officiellement au tribunat, celui-ci ne manquait pas d'émettre un vœu favorable.

Le code civil se compose de trente-six lois qui, successivement décrétées et promulguées, furent réunies en un seul corps, sous une même série d'articles, en exécution de la loi du 30 ventôse an XII (21 mars 1804). Ce qui n'a pas empêché chacune de ces lois de demeurer exécutoire à partir de sa promulgation.

21. Définition du code civil. - Le code civil a été défini: le code de la théorie du droit privé ordinaire.

De la théorie, par opposition au code de procédure civile, qui s'occupe aussi du droit privé, mais au point de vue de la pratique.

Du droit privé ORDINAIRE, par opposition au code de commerce qui contient une partie importante du droit privé, celle spéciale aux commerçants.

On a donné du code civil cette autre définition: le code des droits de famille et du droit de propriété. Elle a le mérite d'indiquer, en trois mots, à peu près tout le contenu de ce vaste code.

21 bis. Division du code civil. Le code civil est divisé en trois livres, précédés d'un titre préliminaire composé des art. 1 à 6.

Le livre I, qui comprend les art. 7 à 515, est divisé en onze titres; il est intitulé Des personnes.

Le livre II, composé des art. 516 à 710, a pour titre Des biens et des différentes modifications de la propriété, et contient quatre titres.

Enfin le livre III, comprenant les art. 711 à 2281, est intitulé Des différentes manières dont on acquiert la propriété, et se divise en vingt titres.

En tout trente-six titres (y compris le titre préliminaire), correspondant aux. trente-six lois dont l'ensemble forme le code civil. Les titres sont divisés en chapitres, et, s'il y a lieu, les chapitres en sections et les sections en paragraphes. On donne le nom de rubrique à l'intitulé de chacune de ces divisions. Ce nom vient de ce que, dans les anciens manuscrits, les intitulés étaient écrits en caractères rouges (rubrum,

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