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La privation des droits civils est prononcée comme peine principale, lorsqu'elle est le résultat d'une condamnation qui a pour objet direct et exclusif de priver le condamné de ses droits civils.

Au contraire, la privation des droits civils est encourue à titre de peine accessoire, lorsqu'elle est le résultat implicite d'une condamnation à une autre peine criminelle, celle-ci principale. Il y a en pareil cas une peine que le juge prononce, c'est la peine principale, et une autre qu'il sous-entend, c'est la peine accessoire; celle-ci est encourue par le condamné de plein droit, ipso jure, en vertu des seules dispositions de la loi qui la rattache à la peine principale comme appoint.

En résumé, la condamnation à une peine criminelle porte toujours une atteinte plus ou moins grave aux droits civils du condamné. Tantôt cette atteinte est le résultat direct et exclusif de la condamnation, qui a pour but et pour but unique de priver le condamné de ses droits; la privation des droits civils nous apparaît alors comme peine principale. Tantôt elle est le résultat implicite, accessoire de la condamnation à une autre peine à laquelle la loi la rattache de plein droit à titre de surcroît de pénalité; la privation des droits civils nous apparait alors comme peine accessoire.

Nous allons nous occuper successivement de la privation des droits civils prononcée comme peine principale et de la privation des droits civils encourue comme peine accessoire.

No 1. De la privation des droits civils prononcée comme peine

:

principale.

198. Il n'y a qu'une seule peine criminelle qui ait directement et exclusivement pour objet de priver en partie le condamné de ses droits : c'est la dégradation civique. L'art. 34 C. pén. indique dans quelle mesure « La dégradation civique consiste: 1o Dans la destitution et l'exclusion des condamnés de toutes fonctions, emplois ou offices publics;2o Dans la privation du droit de vote, d'election, d'eligibilité, et en général de tous les droits civiques et politiques, et du droit de porter aucune décoration; 3° Dans l'incapacité d'être juré, expert, d'être employé comme témoin dans des actes, et de déposer en justice autrement que pour y donner de simples renseignements; — 4o Dans l'incapacité de faire partie d'aucun conseil de famille et d'être tuteur, subroge tuteur ou conseil judiciaire, si ce n'est de ses propres enfants, et sur l'avis conforme de la famille; — 5o Dans la privation du droit de port d'armes, du droit de faire partie de la garde nationale, de servir dans les armées françaises, de tenir école ou d'enseigner et d'être employé dans aucun établissement d'instruction à titre de professeur, maitre ou surveillant ».

On voit que la dégradation civique prive celui qui en est frappé de

tous ses droits politiques et de quelques-uns de ses droits civils. Ce n'est pas seulement l'exercice de ces droits que perd le condamné, mais aussi la jouissance. D'ailleurs on ne comprendrait guère qu'il put en perdre l'exercice sans en perdre en même temps la jouissance; car il s'agit de droits qui ne peuvent pas être exercés par l'intermédiaire d'un représentant légal, de droits par conséquent qui sont complètement perdus pour le titulaire quand l'exercice lui en est retiré, puisqu'ils ne sont alors susceptibles d'ètre exercés ni par lui ni pour lui.

A la différence de l'interdiction civique, la dégradation civique n'est pas susceptible de plus ou de moins dans son application. Le juge qui prononce cette peine, ne peut pas la mitiger, en déclarant que le condamné sera privé de quelques-uns seulement des droits énumérés par l'art. 34 du code pénal. La dégradation civique constitue donc une peine indivisible.

On peut voir dans les art. 111, 114, 127 et 130 du code pénal des exemples de cas dans lesquels la dégradation civique est prononcée comme peine principale. Nous allons retrouver à l'instant la dégradation civique comme peine accessoire.

N° 2. De la privation des droits civils encourue comme peine accessoire.

199. Toutes les peines criminelles principales (sauf la dégradation civique) ont pour résultat de priver de plein droit, ipso jure, le condamné d'une partie plus ou moins considérable de ses droits civils. Pour mesurer l'étendue de cette privation, il faut distinguer s'il s'agit de peines criminelles temporaires ou de peines criminelles perpétuelles.

1. Peines criminelles temporaires.

200. Les peines criminelles temporaires sont : 1° les travaux forcés à temps; 2o la détention; 3° la réclusion; 4° le bannissement. Toutes ces peines entraînent de plein droit comme appoint, comme accessoire, la dégradation civique avec son cortège d'incapacités (C. pén., art. 28 al. 1). Toutes aussi, à l'exception du bannissement, entraînent de plein droit l'interdiction légale. La première de ces peines accessoires fait perdre au condamné la jouissance de certains droits. La deuxième lui fait perdre l'exercice des droits dont la première ne lui a pas enlevé la jouissance. Quelques mots sur chacune de ces peines accessoires.

A. Dégradation civique.

201. Aux termes de l'art. 28 al. 1 du code pénal: « La condamnation à la peine des travaux forcés à temps, de la détention, de la réclusion ou du bannissement, emportera la dégradation civique ». La dégrada

tion civique est donc l'accessoire obligé de toute condamnation à une peine criminelle temporaire; elle y est sous-entendue par la loi. A partir de quel moment la dégradation civique, accessoire d'une peine criminelle temporaire, est-elle encourue? L'art. 28, 2° partie, du code pénal répond: « La dégradation civique sera encourue du jour où la condamnation sera devenue irrévocable [si elle est contradictoire], et en cas de condamnation par coutumace, du jour de l'exécution par effigie». Notre article distingue donc, pour déterminer le point de départ de la dégradation civique, si la condamnation d'où elle résulte accessoirement est contradictoire ou par contumace.

On appelle condamnation contradictoire celle qui est prononcée contre un accusé présent, reo contradicente. La condamnation par contumace est celle qui intervient contre un accusé absent, contre un contumax. Le mot contumax vient de contumacia, qui signifie résistance à la loi. Le contumax résiste à la loi en ne se présentant pas pour répondre à l'accusation dirigée contre lui; il est défaillant.

Cela posé, notre article dit que si la condamnation est contradictoire, la dégradation civique sera encourue à dater du jour où cette condamnation est devenue irrévocable, c'est-à-dire à compter du jour où le pourvoi en cassation formé par le condamné a été rejeté, et, s'il ne s'est pas pourvu en cassation, à dater de l'expiration du délai de trois jours qui lui était accordé pour se pourvoir. Si au contraire la condamnation est par contumace, la dégradation civique sera encourue du jour de l'exécution par effigie. Autrefois l'exécution par effigie consistait dans l'exposition publique d'un tableau représentant la personne du contumax (effigies), et au bas duquel était transcrit le jugement de condamnation. Ce n'était, somme toute, qu'un moyen, assez grossier d'ailleurs, de rendre public le jugement de condamnation. La science moderne devait le perfectionner; aussi l'art. 472 C. I. cr. l'a-t-il remplacé par un mode de publicité plus sérieux et plus en harmonie avec nos mœurs actuelles (voyez cet article). Bien qu'on n'y voie plus figurer l'effigie du contumax, le mot exécution par effigie est resté dans nos lois.

Les effets de la dégradation civique, encourue comme peine accessoire, sont les mêmes que ceux de la dégradation civique prononcée comme peine principale (supra n. 198). Sa durée est indéfinie. Elle continue à frapper le coupable, même après qu'il a subi sa peine. Elle survit aussi à la grâce et à la prescription de la peine. La réhabilitation seule et l'amnistie peuvent y mettre fin.

B. Interdiction légale.

202. Toutes les peines criminelles temporaires, à l'exception du bannissement, entraînent de plein droit l'interdiction légale du con

damné pour toute la durée de sa peine. C'est ce qui résulte de l'art. 29, 1° partie, du code pénal : « Quiconque aura été condamné à la peine des travaux forcés à temps, de la detention ou de la réclusion, sera, de plus, pendant la durée de sa peine, en état d'interdiction légale ».

La dégradation civique fait perdre au condamné la jouissance de certains droits, de ceux qui sont énumérés par l'art. 31 du code pénal (supra n. 198); il conserve la jouissance de tous les autres, mais l'interdiction légale lui en enlève l'exercice. On peut donc dire que l'interdiction légale fait perdre au condamné à une peine criminelle temporaire (sauf le bannissement) (1) l'exercice des droits dont la dégradation civique ne lui enlève pas la jouissance. L'interdiction légale est encourue de plein droit, ipso jure, à dater du jour où la condamnation, de laquelle elle résulte virtuellement, est devenue irrévocable. Sa durée est la même que celle de la peine; elle prend donc fin de plein droit par tout événement qui met fin à la peine, non seulement par suite lorsque le condamné a subi sa peine, mais aussi lorsqu'il en est libéré par la prescription ou par la grâce ou à plus forte raison par l'amnistie.

203. Suivant l'opinion qui a prévalu, l'interdiction légale n'est pas attachée aux condamnations par contumace. C'est du moins ce que l'on peut induire de l'art. 29 du code pénal, d'après lequel le condamné est en état d'interdiction légale pendant la durée de sa peine. Ces expressions témoignent que la loi a en vue un condamné subissant sa peine; sa disposition ne doit donc pas être appliquée au contumax, qui ne la subit pas; car en matière pénale l'interprétation restrictive doit toujours être admise. Pœnalia non sunt extendenda. L'interdiction légale est attachée à la peine plutôt qu'à la condamnation; par suite, de même qu'elle cesse nécessairement avec la peine, elle ne peut commencer qu'avec elle.

Mais alors que deviendront les biens du contumax? Ils seront régis par l'administration des domaines comme biens d'absent (C. I. cr., art. 471).

204. Le but de l'interdiction légale est d'empêcher le condamné de se procurer des ressources pécuniaires à l'aide desquelles il pourrait, soit tenter de corrompre ses gardiens, soit adoucir les rigueurs de sa peine. A cet effet la loi retire au condamné l'administration de ses biens et la confie à un tuteur; « il lui sera nommé, dit l'art. 29, 2o partie, du code pénal, un tuteur et un subrogé tuteur pour gérer et administrer ses biens, dans les formes prescrites pour les nominations des tuteurs et des subroges tuteurs aux interdits ». Si l'interdit légalement ne peut pas accomplir relativement à ses biens les actes de simple administration, à plus forte raison ne peut-il pas accomplir les actes de disposition, tels que les aliénations (2); ils présenteraient plus de danger encore que les actes d'administration, parce qu'ils pourraient procurer au condamné des sommes plus importantes. C'est encore le

(1) Le bannissement, qui consiste en droit dans un simple exil, n'enlève pas en fait au condamné l'administration de sa fortune et par suite ne nécessite pas l'établissement d'une tutelle.

(2) Cass., 27 février 1883, Sir., 84. 1. 65.

tuteur qui accomplira ces actes pour lui, s'il y a lieu. Le texte précité nous le donne à entendre, en disant que le tuteur est chargé de GÉRER et administrer. D'une manière générale, on peut dire que les pouvoirs du tuteur d'un interdit légalement sont les mêmes que ceux du tuteur d'un interdit judiciairement.

L'interdiction légale, on le voit, n'enlève pas au condamné la jouissance de ses droits; elle lui en retire seulement l'exercice qui est confié à son tuteur.

205. Mais il y a des droits dont l'exercice paraît lié à la jouissance, en ce sens que ces droits ne peuvent être exercés que par le titulaire lui-même ; ils ne sont pas susceptibles d'être exercés en son lieu et place par un représentant légal. On admet généralement que l'interdiction légale n'enlève pas au condamné l'exercice de ces droits; car lui en retirer l'exercice ce serait par le fait lui en retirer la jouissance, puisque le droit ne pourrait être exercé ni par lui ni pour lui, ce qui équivaudrait à sa suppression. De ce nombre sont:

1o Le droit de reconnaître un enfant naturel;

2o Le droit de contracter mariage (avec l'agrément de l'administration bien entendu) et de consentir au mariage de ses enfants;

3o Le droit de disposer par testament. Il parait difficile de contester ce droit à l'interdit légalement depuis la loi du 31 mai 1854. En effet l'art. 2 de ladite loi déclare que les condamnés à des peines affliclives perpétuelles sont en état d'interdiction légale, et l'article suivant ajoute qu'ils ne peuvent pas disposer par testament. C'est donc alors que l'interdiction légale ne rend pas celui qu'elle frappe incapable de tester; autrement l'art. 3 contiendrait une disposition surérogatoire! En ce sens, Cass., 27 février 1883, Sir., 84. 1. 65.

Tous autres actes passés par la personne légalement interdite sont nuls de droit (arg. art. 502). Nuls de droit, c'est-à-dire qu'il suffira aux intéressés de démontrer qu'ils ont été accomplis sous le coup de l'interdiction légale, pour que la justice soit tenue d'en prononcer la nullité.

Suivant l'opinion générale cette nullité peut être proposée non seulement par l'interdit légalement ou ses représentants, mais aussi par les personnes capables qui ont contracté avec lui, contrairement à ce qui a lieu pour les actes passés par l'interdit judiciairement (art. 1125). La raison en est que la nullité est établie contre l'interdit légalement, pour l'empêcher de se procurer des ressources pécuniaires, et non en sa faveur. Le but de la loi ne serait pas atteint s'il pouvait seul demander la nullité. D'ailleurs cette nullité touche à l'ordre public, en ce sens qu'elle a pour objet d'assurer l'efficacité d'une loi répressive.

206. Les rigueurs de l'interdiction légale peuvent être adoucies par le gouvernement en faveur des condamnés aux travaux forcés à temps, qui subissent leur peine hors du territoire continental de la France. L'art. 12 de la loi du 30 mai 1854 permet en effet au gouvernement d'accorder aux condamnés, dans le lieu d exécution de la peine, l'exercice de tout ou partie des droits civils dont ils sont

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